Dessin 圖畫藝術

Texte : Gérard Herny

 
  Qiu Jie, « le reclus sur une terre lointaine »
邱節:〝他鄉山人〞
 
 

« Le Reclus sur une terre lointaine », tel est le nom de plume que s’est donné Qiu Jie, artiste chinois né à Shanghai en 1961 qui dès l’âge de 10 ans, se prend de passion pour le dessin. Il trace alors de son crayon les images de travailleurs, ouvriers et paysans des journaux de l’époque, avant de rentrer au département d’art de Shanghai Light Industry College. Il travaille ensuite 8 ans comme art designer et part en 1989 sur cette terre lointaine qu’est la Suisse pour rentrer aux beaux-arts de Genève. Il reste ensuite dans ce pays, « reclus » dans son atelier et penché sur ses dessins tracés minutieusement aux crayons à la mine de plomb qui demandent pour chacun parfois plus de six mois de travail.

Qiu Jie est un solitaire qui suit son propre chemin et qui se consacre entièrement à son art, ses dessins, dont chacun doit satisfaire une exigence esthétique très élevée avant de rentrer dans tout système conceptuel. Ils ressemblent pour certains aux dazibo, affiches chinoises plaquées sur les murs lors de la révolution culturelle, mais ont un contenu qui va bien au-delà, car Qiu Jie y insère une imagerie artistique chinoise traditionnelle, et des personnages fantastiques qu’il a créés, à coté de jeunes femmes dénudées tenant des poses sensuelles, phantasme sans doute de la Chine moderne.
Ses images ont une grande richesse documentaire, reflet à la fois du monde intérieur de Qiu Jie, de l’histoire de son époque, de ses expériences vécues, des différentes cultures qu’il a rencontrées et des formations esthétiques qu’il a reçues. Ses contemporains y retrouvent donc une partie de leur propre histoire. On y remarque un curieux personnage intitulé Monsieur Mao, dessiné dit-il, après un chat de gouttière qu’il a recueilli, des images du pop art politique chinois mêlées à celles d’une culture médiatique occidentale contemporaine (Les Inrockuptibles, le Matin, 96 Année érotique de Gainsbourg…), James Bond 007 côtoyant le musicien Cui Jian. C’est un témoignage de cette époque post-révolution culturelle, où le consumérisme envahit le politique, où les symboles autrefois très forts de la révolution deviennent de simples objets du pop art.

Ses images plus anciennes comportaient des textes écrits en français plus réfléchis sur la situation de la Chine, comme dans une œuvre de 1996 intitulée Never say never again, ce texte, sous forme de lettre : « A mon avis, la Chine ne peut faire de progrès car très probalement les jeunes ne veulent pas créer leur chemin eux-mêmes. Ils veulent toujours que de vieux sages le leur indiquent. Ils adorent suivre les sentiers qui nous restent de notre vieux P.C. Ils pensent qu’en regroupant plus de monde ils auront plus de sécurité. Au fait cela n’est pas sûr du tout. Comme un grand troupeau de moutons, nombreux, serrés, avec leur regard tendre et leur entière confiance, ils suivent l’animal de tête. Où vont-ils ? Ne vont-ils pas tous à l’abattoir ? »


Mountain Water, 2001, 300/240, graphite sur papier

Comme chez beaucoup d’artistes chinois, les travaux d’aujourd’hui sont plus dépolitisés, et n’ont plus ce regard très critique envers la société chinoise qu’ils avaient dans le passé, comme si le pop art avait vidé toutes ces images de leur contenu et les avait rendues totalement inoffensives.

Les dessins de Qiu Jie sont très denses, on peut voyager à l’intérieur car ils se développent en multiples directions, avec différents points de vue, sans perspective unique. Il utilise d’ailleurs la perspective traditionnnelle chinoise faite de couches successives qui se superposent. Ce sont parfois de vrais paysages où l’on voyage à la fois dans le temps et l’espace. Ils ne sont pas planifiés en avance, Qiu Jie commence un dessin sur une feuille et s’aventure ainsi avec son crayon sans savoir au préalable où sa main va le mener ni quand il arrivera. Pour Victoria Lu, directrice du Moon River Museum of Contemporary Art de Pékin, le réalisme de Qiu Jie fait référence au maître chinois Jin Hao qui dans son traité de peinture (bi fa ji) préconise dans la peinture de paysage, de parfaire ces quatre préceptes pour traduire la beauté idéale : « l’esprit, le génie, la technique, la composition.

 

〝他鄉山人〞,這是藝術家邱節為自己取的別號。他1961年生於上海。自十歲起,便癡迷於繪畫。他用鉛筆描繪當時報紙上出現的工農勞動者的形象 。後來,他入讀上海輕工業專科學校美術專業。畢業後,從事美術設計工作整整八年。1989年他來到“他鄉”瑞士,進入日內瓦美術學院攻讀。最後定居該國,“隱居”在畫室裡,埋首創作,用鉛筆一筆一劃、鉅細糜遺地畫着,一幅畫往往需時超過六個月。


Da Zi Bao 1 , 164 x 120 cm, graphite sur papier

邱節是一個孤獨者,走着自己的路,全心全意獻身藝術。他對每件作品的形式要求極苛,務求完美,然後才顧及各種觀念。他的一些畫,彷似文革時期的大字報,但內容匪夷所思。他在畫裡嵌入了中國傳統畫裡各類圖像,在一絲不掛擺着挑逗姿勢的裸女旁,是他創作的神奇人物。這也許是當今中國社會的幻景吧。

他的繪畫內容豐富、含義深遠,是畫家內心世界、他所處的時代、他的人生經歷、他浸淫其中的各種文化以及他所接受的美學教育的寫照。他的同時代人在他的畫裡可窺見自己走過的一些足跡。在他的畫裡,可見到一個叫貓先生的奇特人物,他說這是他根據他收留的一隻野貓創作的。他的畫是中國當年的政治宣傳畫和當今西方媒體文化出現的一些形象的混合,占士邦007旁邊竟是搖滾樂手崔健。這是後文化大革命時期的一種歷史見證。消費主義甚囂塵上,往昔的強烈革命象徵,今天淪落為簡單的流行藝術品。

他前期的一些畫常附有用法文寫的對中國的沉思文字。如1996年一幅題作《Never Say Never Again》(永不說永不再)的畫,其所附的文字以書信體表述:〝我認為中國不會有進步,因為中國青年不想闖出自己的一條路。他們總期望一些智慧老者來引領他們。他們非常樂於沿着老邁的共產黨留給他們的一些小徑走。他們以為人數越多越安全。事實並非如此。就像一群綿羊,數目眾多,擠擠挨挨,目光溫柔,滿懷信念,跟着帶頭羊走。牠們走向哪裡?會不會一起走向屠宰場?〞

中國許多當代藝術家的作品已去政治化,再沒有往昔那種對中國社會的批判。波普藝術彷彿掏空了內容,只剩下外表,因此完全無害。

邱節的畫作內容厚實深遠,可作內心之旅,它沒有固定角度,充滿各種觀點,向四週發展開來,他運用了中國山水畫的散點移動透視法。他創作的一些圖畫可在其中作時空之遊。這些畫沒有事先佈局,他手握鉛筆,在一頁紙上開始畫着,隨興之所至,不知道手會帶領他到哪裡,也不知道甚麼時候停住。北京月亮河當代藝術館館長陸蓉之認為邱節的紀實源於荊浩的〝圖真〞理念。荊浩在他的〝筆法記〞裡強調創作山水畫必須遵守〝神、妙、奇、巧〞四品,方能達至完美境界。