Art et Histoire 藝術與歷史

Texte : Frank Vigneron

 
  Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence :
Histoire d'un siècle de peinture et de sa pensée (5)

十七、十八世紀之間的中國︰興盛不衰 : 一個繪畫及其思想的百年史(五)
 
 

C’est dans une atmosphère d’attachement au passé distant de la Chine, un attachement donc renforcé par l’ambiance intellectuelle créée par le mouvement des « recherches textuelles » (kaozheng 考證, dont les participants s’engageaient dans des recherches allant de l’épigraphie à la redécouverte des mathématiques chinoises de l’antiquité), que le premier groupement d’artistes fut créé par l’histoire de l’art chinoise des 18e et 19e siècle. Les paragraphes qui suivent reposent sur la vision traditionnelle de l’art du 17e siècle, une vision qui s’appuie sur des groupements de noms plus que sur des rapports basés sur une étude stylistique ou la fondation d’un mouvement ou d’une école. Les « Quatre Wang » (Siwang 四王), qui vinrent à représenter l’orthodoxie pour les générations futures furent pourtant aussi capables d’innovations et, stylistiquement, n’ont que très peu en commun sinon leur nom propre. Les « Quatre Moines » , qui furent effectivement moines au moins pendant un certain temps, en vinrent à représenter un style moins enraciné dans le respect de la tradition mais furent pourtant aussi très respectueux de l’héritage du passé. Les « Huit excentriques de Yangzhou » (Yangzhou Baguai 揚州八怪) représentent effectivement une certaine attitude de désinvolture par rapport au passé mais leur excentricité n’a pas plus d’existence que la « sauvagerie » des Fauves à Paris. Tous ces classements et ces noms furent donc inventés vers la moitié du 18e siècle et au 19e siècle par les auteurs de dictionnaires biographiques ou d’histoires partielles de la peinture de cette époque. Le plus souvent ils ne faisaient que se laisser aller à cette ancienne tradition historiographique chinoise de classer en catégories nettes et faciles à retenir des personnages dont les œuvres et la culture n’étaient le plus souvent pas aussi faciles à définir d’une façon définitive. Quoiqu’il en soit, ces groupements eurent une telle importance dans la formation des artistes du 18e siècle qu’il est plus prudent de les laisser intacts quand il faut écrire une brève histoire de la peinture. C’est donc avec ces réservations que je vais les garder dans les descriptions qui suivent.


• Wang Shimin 王時敏 (1592-1680), Copie interprétative d’un paysage de Dong Yuan《仿北苑山水圖》, rouleau à suspendre, encre sur papier, 91.8 x 37.1 cm. Musée de Shanghai.

Les peintres dont les œuvres devinrent les exemples à partir desquels toute autre œuvre réclamant un respect des Anciens devait être comparée furent donc nommés les « Quatre Wang », (Wang Shimin 王時敏, 1592-1680 ; Wang Jian 王鑑, 1598-1677; Wang Hui 王翬, 1632-1720; Wang Yuanqi 王原祁, 1642-1715) groupe auquel on rattacha les artistes Wu Li 吳歷 (1632-1718) et Yun Shouping 惲壽平 (1633-1690), ce dernier étant aussi connu sous son nom personnel de Yun Ge 惲格. Provenant d’une illustre famille de lettrés du Jiangsu, Wang Shimin occupa une charge de fonctionnaire dans l’administration Ming jusqu’à l’invasion mandchoue, après laquelle il se retira pour mener une vie solitaire, se dédiant exclusivement à l’art. Sa formation picturale commença sous la direction de Dong Qichang, qui lui apprit à imiter la manière et le style des anciens maîtres. Parmi ceux-ci, Wang Shimin privilégia l’art de Huang Gongwang des Yuan, qui lui inspira une série de paysages grâce auxquels il fut considéré comme le plus grand peintre orthodoxe des Qing. Son style, qui harmonise avec beaucoup de bonheur des éléments hétérogènes, est caractérisé par l’usage de coups de pinceau denses et drus qui forment des lignes très hachées. Son petit-fils, Wang Yuanqi travailla toute sa vie comme fonctionnaire, en particulier dans l’Académie Hanlin 翰林 à la capitale (cette académie, dont le nom signifie littéralement « l’académie de la forêt de pinceaux », fut fondée sous la dynastie Tang au 8e siècle). Il écrivit donc un des traités de peinture que nous analyserons ici et travailla comme compilateur d’un vaste recueil de calligraphies et de peintures. Ses œuvres furent très admirées par l’empereur Kangxi. Sa formation artistique est associée à celle des Quatre Wang, mais ses peintures sont cependant assez différentes de celles des trois autres. Au premier abord, on y constate une uniformité qui rejoint souvent la monotonie, et le corpus de ses œuvres pourrait bien être appelé, plus que pour d’autres peintres orthodoxes, « thème et variation ». Mais il ne faut pas oublier que cette monotonie n’était pas un problème pour les peintres lettrés qui ne voyaient pas dans le renouvellement d’un style personnel une quelconque nécessité. Cependant, d’une façon assez peu caractéristique pour un peintre lettré, il fut aussi très intéressé par l’emploi de la couleur comme facteur dynamique dans la composition d’un tableau, alors que la plupart de ses confrères la considéraient encore comme un élément secondaire.

Quoique Wang Jian ait été un adepte accompli de ce style des Yuan qui allait devenir celui des lettrés des Ming puis des Qing, dans quelques unes de ses œuvres les plus réussies il suivit d’assez près le style minutieux et presque réaliste des grands peintres de paysage de la dynastie des Song du nord, Dong Yuan 董原 (actif c. 932-976) et Juran 巨然 (actif c. 960-980). L’empereur Kangxi, qui avait aussi accordé ses faveurs à Wang Yuanqi, commanda à Wang Hui la réalisation des peintures officielles relatant ses tournées d’inspection en Chine du sud. L’énormité de cette tâche exigea l’assistance de nombreux autres peintres qui tombèrent ainsi directement sous son influence. Tandis que le projet impérial propagea la gloire de Wang Hui dans toute la Chine, des centaines d’admirateurs s’assemblèrent pour bénéficier de son enseignement. Adoptant sa synthèse de nombreuses tendances différentes de l’histoire de l’art, ses partisans approchèrent leurs études des anciens maîtres avec une grande ouverture d’esprit. Si aucun d’eux ne put surpasser le talent prodigieux et les prouesses techniques de leur maître, ils améliorèrent cependant son éclectisme en adoptant aussi le style de Wang Yuanqi et d’autres artistes plus récents. Certaines de ses peintures plus personnelles, plus petites de format aussi, suivaient une forme qu’adopta souvent Dong Qichang : un album de dix ou douze pages dans lequel les paysages sont des interprétations personnelles de différents maîtres du passé. Ces albums, qui devinrent très populaires sous les Qing, sont du plus grand intérêt car ils nous montrent clairement comment un artiste pratique la « copie interprétative » (fang 仿), c’est-à-dire comment il peut exprimer ce qu’il considère comme étant l’esprit véritable et la signification interne d’un grand peintre du passé, traduisant les éléments les plus caractéristiques de cet artiste dans les termes de son propre style.

Quant à Wang Hui, son génie était d’une espèce particulière qui combinait un extraordinaire talent naturel et de grandes facultés de mise en œuvre à une certaine ambition personnelle. La peinture était une activité traditionnelle dans sa famille, et très tôt dans sa vie il rencontra le peintre Wang Jian qui fut très impressionné par son talent. C’est ce dernier qui le présenta aux deux autres Wang. Il eut l’opportunité non seulement d’être leur élève, mais aussi d’étudier leur importante collection de peintures, ainsi que celles de leurs amis collectionneurs. Il poursuivit dans ces conditions ses études pendant une vingtaine d’années après lesquelles il finit par maîtriser parfaitement de nombreux styles. Il paraîtrait même que certaines des copies de peintures des Yuan exécutées par ses soins furent vendues à la collection impériale comme des originaux. Wang Hui est le type même de l’artiste éclectique et il serait impossible, à moins d’une longue étude, d’évoquer les différentes manières qu’il pratiquait avec aisance et brio.

Les deux derniers parangons de l’orthodoxie groupés avec les « Quatre Wang » furent un artiste qui devint finalement prêtre catholique et un peintre de fleurs. Quoique très versatile dans son choix de genres, Wu Li 吳歷 (1632-1718) préféra la pratique du paysage dans lequel il représente un des rares exemples d’artistes ayant tenté de dépeindre ce qu’il voyait sans y introduire trop des éléments de la peinture du passé. Sa conversion au catholicisme l’emmena à Macao où il devint donc prêtre à l’âge de 57 ans. C’est aussi à cet âge qu’il cessa complètement son activité de peintre et, bien que nombre d’historiens aient tenté de le faire, ses peintures n’offrent aucun indice de ses croyances religieuses. Si le renouveau du portrait fut un des thèmes importants de la peinture sous la dynastie mandchoue, la peinture de fleurs connut aussi un regain d’intérêt grâce à l’art subtil de Yun Shouping 惲壽平 (1633-1690). Il redonna ainsi vie à une tradition qui avait été un peu ignorée des peintres lettrés depuis la fin de la dynastie des Song du sud, dynastie dont l’académie de peinture avait accordé beaucoup d’importance à ce genre généralement tourné vers un certain réalisme et un subtil emploi des couleurs.

 


•Wu Li 吳歷(1632-1718), Erables, rivière et oies《楓江羣雁圖》, page d’album, couleurs et encre sur papier, 46.5 x 26.1 cm. Musée de Nanjing.

對中國古代文化的緬懷和執着,因考證之風更形熾烈。在十八、十九世紀中國繪畫史裡出現了第一個畫家組群。本文以下所述僅對十七世紀藝術作傳統的觀察,即更着重畫家組群,而對風格的研究及其關係、畫風或畫派的形成或建立着墨較少。〝四王〞在後來的畫家眼中無疑是正統派的代表,但他們亦富於創意,只是除姓氏外,鮮有共同之處。〝高節四僧〞,之所以這樣稱呼,事緣他們確曾一度出家。他們的繪畫風格不固執傳統,但對前人的畫作卻十分敬重。〝楊州八怪〞畫風灑脫,有逆傳統,但他們的怪誕並未比巴黎野獸派的“狂野”壽命更長。所有這些歸類和名稱均為十八世紀下半葉及十九世紀的一些傳記作家及十七世紀不完整的繪畫史的作者的創造。很多時候,他們遵照中國史書文獻的古老傳統,將畫清楚分類,以便記憶畫家名字。這些畫家的作品及其文化素養往往難以定論。不管怎樣,這些畫家組群對十八世紀畫家的成長至關重要。因此,欲對這一時期的繪畫作個簡述,便應對這些畫家組群慎重處理,不可有誤。我就是抱着這種謹慎態度在下文中論及他們。

作品足以成為其他遵守傳統的畫家師法比較的莫過於〝四王〞,即王時敏(1592-1680),王鑑(1598-1677),王翬(1632-1720)及王原祁(1642-1715),此外,還應加上吳歷(1632-1718)及惲壽平(1633-1690),後者原名惲格,亦為人所知。出身著名書香之家,王時敏在明朝的官場身居要職。清兵入關後,遂隱逸避世,專注丹青。他為董其昌的入室弟子,董氏要他師法古人。在古代大師中,他最心儀元代的黃公望。他從黃氏的作品中獲得靈感,創作出一系列的山水畫,也因此被視為有清一代偉大的正統派畫家。他濃密的筆觸,形成斷斷續續的線條,斑駁雜沓的各種因素和諧地融合一起,自成一格。他的孫子王原祁終身為官,尢其在翰林院任書畫總裁。他亦有畫論問世,我們稍後亦將談及。他還廣蒐書畫,編纂了一部皇皇巨冊。他的作品極獲康熙皇帝青睞。他的藝術修養和趣味與其他三王一脈相承,但其畫風則與他們相當有別。乍一望去,他的畫內容佈局少有變化,給人單調乏味的感覺,因此和其他正統派畫家相比,他的作品更給人一種〝千畫一貌〞的印象。但切勿忘記對文人畫家而言這不是一個問題,因為他們無需創新個人風格。但有一點在文人畫家身上極為罕見,即他對色彩的濃厚興趣。色彩成了他的畫作的強有力的因素,而他的大多數同行均視色彩為次要。

雖然王鑑畫風直承元代繪畫,元人畫風亦為明清文人畫家所繼承,但在他一些成功的畫裡,卻繼承了北宋山水畫大師董原(活躍於932-976)與巨然(活躍於960-980)的細膩和寫實風格。康熙皇帝雖對王原祁情有獨鍾,卻命王翬繪製南巡圖。這個艱鉅的任務需一眾畫家共同完成,他們均深受王翬的影響。奉旨作畫的王翬名噪海內,於是成千的仰慕者蜂擁而來,聽其教誨。他的追隨者們在接受了他對中國古代繪畫史上各種風格流派的總結後,在研習名跡古畫時,襟懷眼界更加開闊了。如果他們之中沒有一人能超越老師的奇才絕技,卻開拓了他們的興趣,使他們亦接受了王原祁及其他新晉的畫家。他的一些富個人風格的畫尺寸較小,以董其昌常採用的十或十二頁的畫冊問世,其中有他對前輩大師山水畫極具個人風格的模仿。這些畫冊在清代十分流行,而且意義重大,因為從中可以一窺甚麼叫仿,即畫家是如何表達他心目中古代大師作品中的真髓和內涵,如何以自己的風格將前人的種種特徵盡顯出來。

王翬可謂一個奇崛的天才,他繪畫的異稟及作畫的能力,加上雄心壯志,令其在畫壇生輝。他生長於一個繪畫世家,很早便認識了王鑑。王鑑對他的繪畫才能深為歎服,並引荐他認識王時敏和王原祁。於是,他不僅有幸成了他們的入室弟子,更有機會飽覽研習了他們友輩們珍藏的古代名跡。就這樣,他追摹古畫二十幾年,最終掌握了各種風格。他的一些臨摹元人的山水畫被當成真跡為皇室珍藏。王翬是多才多藝畫家的典型,沒有長年的嘔心瀝血、苦心經營,是不可能如此機敏裕如地將各種風格淋漓盡緻地展現於筆端的。

與〝四王〞為伍的另兩位正統派畫家一為後來成了天主教神甫的吳歷(1632-1718),另一人則為專攻花鳥的惲壽平(1633-1690)。吳歷的畫作題材豐富,但他的山水畫只描繪眼前所見,而甚少注入前人的因素,這在當時的畫家中是少見的。他對天主教的皈依將他帶到澳門,並在五十七歲時當上了神甫,亦在這年封筆辭別畫壇。雖然許多藝術史家試圖在他的畫作中找出宗教的蛛絲馬跡,卻一無所獲。若言肖像畫的創新在清代畫壇中成了重要項目,花鳥畫亦因惲壽平雅緻秀潤的繪畫而備受關注,他為自南宋末年以來便被文人畫家淡忘了的這類畫注入了新生命,南宋畫院曾經非常重視這類色彩秀麗、工筆寫實的繪畫。