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L’œuvre théorique des premiers peintres individualistes de la dynastie comme Shen Hao 沈顥 (1586- ?) et Shitao 石濤 (1641- c. 1718), que nous verrons un peu plus tard, est suffisamment différente de celle du courant orthodoxe pour être représentée comme exceptionnelle, c’est-à-dire peu représentative de la tendance du début du 17e siècle qui était plutôt de suivre la pensée de ceux qui prenaient les Anciens comme modèle. Les plus célèbres peintres de l’époque n’étaient pas intéressés par l’excentricité affichée par ces Individualistes dans leur style pictural comme dans leur comportement. Pénétrés par les exigences d’une éducation profondément confucéenne, ils ne perdaient aucune occasion de montrer leur opposition à ces auteurs et peintres qui affichaient leur dédain de ce respect parfois aveugle du passé. Le respect pour les grands modèles des Tang, Song et Yuan ne fut jamais aussi profond que pendant la dynastie Qing, quoique ce respect ait été plus souvent visible dans la théorie picturale que dans la pratique. On verra pourtant que les critiques et les peintres de cette époque étaient moins doctrinaux que leurs prédécesseurs de la dynastie Ming, ils n’étaient pas si obssessivement contre les artistes ne partageant pas leurs idées que Dong Qichang et ses contemporains, leur point de vue étant plus large et plus éclectique.
• Wang Shimin 王時敏 (1592-1680), Répondant au chrysanthème 《答菊圖》, rouleau à suspendre, coleur et encre sur papier, 128.2 x 57.1cm. Musée de Nanjing. |
La question de la division entre école du Nord et école du Sud, qui fut si importante pour les peintres et théoriciens des Ming, demeura un thème de discussion mais perdit une grande partie de son intérêt parce qu’il devenait de plus en plus difficile de différencier des praticiens qu’on pouvait classifier clairement à la fois dans l’une ou l’autre école selon les styles différents qu’ils avaient appliqués dans des œuvres différentes. De même, les représentants de cette peinture lettrée appelée Ecole du Sud étaient déjà divisés en nombreux courants et écoles régionales qui s’affrontaient autant dans la pratique que dans la théorie picturale. Nombre de peintres ne voyaient aucune raison de ne s’attacher qu’à une partie seulement de ce que la peinture chinoise pouvait offrir et leurs choix stylistiques allaient souvent vers des combinaisons de styles et de genres qui n’auraient pas été acceptables pendant la dynastie Ming. Ils trouvaient qu’il était à leur avantage de combiner leurs connaissances historiques dans des œuvres montrant une inspiration plus individuelle.
De fait, la croissance exponentielle des thèmes et des styles trouve sa correspondance dans un accroissement de l’activité théorique sur les buts et les méthodes de la peinture. Ces problèmes devinrent intéressants pour un nombre croissant de personnes et on vit même la naissance d’un intérêt pour la théorie et la pratique picturale dans des milieux autres que les traditionnels milieux lettrés : une certaine connaissance de la peinture devint dès lors l’apanage de toute personne cultivée de cette période. Il est aussi à noter que la pratique de mettre des inscriptions sur les peintures ou de les accompagner de colophons devint de plus en plus fréquente, et nombreux sont ces textes qui présentent un intérêt historique et esthétique. Très souvent, ces inscriptions furent publiées en volumes séparés dès la fin du 18e siècle et tout au long du 19e. Mais la tendance la plus visible dans la théorie de la peinture est que ces ouvrages devinrent de mieux en mieux organisés et de plus en plus tournés vers les problèmes techniques. Les notes jetées par les artistes sur du papier et ensuite rassemblées en volumes publiés, pratique qui était majoritaire encore à la fin de la dynastie Ming et continua sporadiquement pendant la dynastie mandchoue, laissait de plus en plus place à des livres composés dans le but d’expliquer méthodiquement les problèmes de la création picturale. Parmi ces ouvrages, on compte d’ailleurs aussi beaucoup de livres très évidemment composés dans le but d’enseigner.
Les interprètes les plus importants d’un certain respect pour le passé au début de la dynastie mandchoue sont donc les « Quatre Wang » (Siwang 四王: Wang Shimin 王時敏, 1592-1680 ; Wang Jian 王鑑, 1598-1677; Wang Hui 王翬, 1632-1720; Wang Yuanqi 王原祁, 1642-1715) ainsi que Yun Shouping 惲壽平 (1633-1690) et Wu Li吳歷 (1632-1718). Leur influence provenait clairement de leur extraordinaire créativité et de leur position de maîtres pour de nombreux jeunes artistes, mais leurs idées furent aussi disséminées sous la forme d’écrits. Ces écrits furent ou bien réunies par d’autres peintres, qui rassemblaient en volumes les inscriptions ou les colophons de leurs maîtres, ou bien directement publiés par leurs soins. Seules les paroles de Wang Yuanqi furent publiées en un texte cohérent, les textes de Wang Shimin, Wang Hui and Wang Jian ne nous sont parvenus que sous la forme de compendiums. Le traité de Wang Yuanqi, Quelques notes prises à ma fenêtre sous la pluie (Yuchuang Manbi 雨窗漫筆), est un court texte traitant de questions théoriques et pratiques et principalement inspiré par les idées de son grand-père Wang Shimin, le plus vieux des Quatre Wang et celui dont l’attitude représente le plus clairement l’état d’esprit des peintres orthodoxes des débuts de la dynastie.
Les colophons de Wang Shimin, rassemblés dans deux volumes sont simplement intitulés Les Inscriptions sur peinture de Wang Fengchang (Wang Fengchang Shuhua Tiba 王奉常書畫題跋) et Les Inscriptions sur peinture de « Cabane de l’Ouest » (Xilu Huaba 西盧畫跋), Fengchang et « Cabane de l’Ouest » étant deux des noms de plume de Wang Shimin. Les Inscriptions sur Peinture de « Cabane de l’Ouest » furent principalement écrites dans le but de louer les réussites de Wang Hui, son plus jeune contemporain, qu’il présente comme un artiste de génie. Il écrivit ainsi :
« La voie de la peinture et de la calligraphie connaît des périodes de gloire et des périodes de déclin. C’est parce que les œuvres merveilleuses des calligraphes Zhong Yu 鍾繇 (151-230) et Wang Xizhi 王羲之 (309 c. 365) sont devenues extrêmement rares après une si longue période et que les peintures extravagantes de Dong Yuan et de Juran ont créé une descendance après avoir été étudiées. De fait, les montagnes et les fleuves génèrent la beauté, mais ils peuvent aussi être dépeints différemment selon le style des époques. Après les dynasties Tang et Song, les peintres se sont succédés sans interruption ; en dehors des Quatre Grands Maîtres de Yuan et de Zhao Mengfu, il y eut dans ma ville de Suzhou, Shen Zhou 沈周 (1427-1509), Wen Zhengming, Tang Yin 唐寅 (actif c. 1510-1551) et Qiu Ying qui furent suivis par Dong Qichang. Quoique tous ceux-ci aient utilisé le pinceau d’une façon différente, ils marquèrent leurs intentions en prenant l’Antique comme inspiration. Vraiment, ils respiraient de la même narine (que les Anciens). Plus récemment, la voie de la peinture a commencé à s’amoindrir et les méthodes de l’Antiquité se sont presque évanouies. Les gens ont commencé à produire d’eux-mêmes des idées nouvelles, propageant des notions absurdes et éphémères, si fragiles qu’elles ne peuvent pas être sauvées. Seul Wang Hui a su se lever pour se débarrasser de tout cela, et il n’y a aucun peintre des dynasties Tang, Song et Yuan qu’il n’ait copié et interprété, retrouvant occasionnellement les points et les rides de surface qui font qu’en déroulant une peinture ce sont toutes les couleurs de l’Antiquité qui se font jour… Maintenant, dans les nuages et brouillards qui s’évanouissent et les denses forêts de ce rouleau horizontal, tout a été arrangé selon le style de Qiu Wenbo 丘文播 (actif 10e siècle) et Juran, en même temps, on y trouve de multiples variations sur la peinture de Yan Wengui 燕文貴 (c. 967-1044). “Cette œuvre” mérite amplement d’être appelée le résultat d’une vie d’étude. »
L’admiration qu’il ressentait envers Wang Hui, et que Wang Jian et les critiques des générations suivantes partageaient d’ailleurs, provenait du fait qu’il possédait une connaissance presque exhaustive des maîtres des dynasties Song et Yuan et était ainsi capable d’adapter leurs méthodes dans la création de ses propres œuvres. |
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• Wang Shimin 王時敏 (1592-1680), Paysage《山水圖》,page d'album, encore sur papier, 23 x 31 cm. Musée de la Capital.
對中國古代文化的緬懷和執着,因考證之風更形熾烈。在十八、十九世紀中國繪畫史裡出現了第一個畫家組群。本文以下所述僅對十七世紀藝術作傳統的觀察,即更着重畫家組群,而對風格的研究及其關係、畫風或畫派的形成或建立着墨較少。〝四王〞在後來的畫家眼中無疑是正統派的代表,但他們亦富於創意,只是除姓氏外,鮮有共同之處。〝高節四僧〞,之所以這樣稱呼,事緣他們確曾一度出家。他們的繪畫風格不固執傳統,但對前人的畫作卻十分敬重。〝楊州八怪〞畫風灑脫,有逆傳統,但他們的怪誕並未比巴黎野獸派的“狂野”壽命更長。所有這些歸類和名稱均為十八世紀下半葉及十九世紀的一些傳記作家及十七世紀不完整的繪畫史的作者的創造。很多時候,他們遵照中國史書文獻的古老傳統,將畫清楚分類,以便記憶畫家名字。這些畫家的作品及其文化素養往往難以定論。不管怎樣,這些畫家組群對十八世紀畫家的成長至關重要。因此,欲對這一時期的繪畫作個簡述,便應對這些畫家組群慎重處理,不可有誤。我就是抱着這種謹慎態度在下文中論及他們。
作品足以成為其他遵守傳統的畫家師法比較的莫過於〝四王〞,即王時敏(1592-1680),王鑑(1598-1677),王翬(1632-1720)及王原祁(1642-1715),此外,還應加上吳歷(1632-1718)及惲壽平(1633-1690),後者原名惲格,亦為人所知。出身著名書香之家,王時敏在明朝的官場身居要職。清兵入關後,遂隱逸避世,專注丹青。他為董其昌的入室弟子,董氏要他師法古人。在古代大師中,他最心儀元代的黃公望。他從黃氏的作品中獲得靈感,創作出一系列的山水畫,也因此被視為有清一代偉大的正統派畫家。他濃密的筆觸,形成斷斷續續的線條,斑駁雜沓的各種因素和諧地融合一起,自成一格。他的孫子王原祁終身為官,尢其在翰林院任書畫總裁。他亦有畫論問世,我們稍後亦將談及。他還廣蒐書畫,編纂了一部皇皇巨冊。他的作品極獲康熙皇帝青睞。他的藝術修養和趣味與其他三王一脈相承,但其畫風則與他們相當有別。乍一望去,他的畫內容佈局少有變化,給人單調乏味的感覺,因此和其他正統派畫家相比,他的作品更給人一種〝千畫一貌〞的印象。但切勿忘記對文人畫家而言這不是一個問題,因為他們無需創新個人風格。但有一點在文人畫家身上極為罕見,即他對色彩的濃厚興趣。色彩成了他的畫作的強有力的因素,而他的大多數同行均視色彩為次要。
• Wang Shimin 王時敏 (1592-1680), Accumulation de verdure dans les montagnes du Sud《南山積翠圖》, rouleau à suspendre, coleur et encre sur papier, 147.1 x 66.4 cm. Musée Provincial du Liaoning. |
雖然王鑑畫風直承元代繪畫,元人畫風亦為明清文人畫家所繼承,但在他一些成功的畫裡,卻繼承了北宋山水畫大師董原(活躍於932-976)與巨然(活躍於960-980)的細膩和寫實風格。康熙皇帝雖對王原祁情有獨鍾,卻命王翬繪製南巡圖。這個艱鉅的任務需一眾畫家共同完成,他們均深受王翬的影響。奉旨作畫的王翬名噪海內,於是成千的仰慕者蜂擁而來,聽其教誨。他的追隨者們在接受了他對中國古代繪畫史上各種風格流派的總結後,在研習名跡古畫時,襟懷眼界更加開闊了。如果他們之中沒有一人能超越老師的奇才絕技,卻開拓了他們的興趣,使他們亦接受了王原祁及其他新晉的畫家。他的一些富個人風格的畫尺寸較小,以董其昌常採用的十或十二頁的畫冊問世,其中有他對前輩大師山水畫極具個人風格的模仿。這些畫冊在清代十分流行,而且意義重大,因為從中可以一窺甚麼叫仿,即畫家是如何表達他心目中古代大師作品中的真髓和內涵,如何以自己的風格將前人的種種特徵盡顯出來。
王翬可謂一個奇崛的天才,他繪畫的異稟及作畫的能力,加上雄心壯志,令其在畫壇生輝。他生長於一個繪畫世家,很早便認識了王鑑。王鑑對他的繪畫才能深為歎服,並引荐他認識王時敏和王原祁。於是,他不僅有幸成了他們的入室弟子,更有機會飽覽研習了他們友輩們珍藏的古代名跡。就這樣,他追摹古畫二十幾年,最終掌握了各種風格。他的一些臨摹元人的山水畫被當成真跡為皇室珍藏。王翬是多才多藝畫家的典型,沒有長年的嘔心瀝血、苦心經營,是不可能如此機敏裕如地將各種風格淋漓盡緻地展現於筆端的。
與〝四王〞為伍的另兩位正統派畫家一為後來成了天主教神甫的吳歷(1632-1718),另一人則為專攻花鳥的惲壽平(1633-1690)。吳歷的畫作題材豐富,但他的山水畫只描繪眼前所見,而甚少注入前人的因素,這在當時的畫家中是少見的。他對天主教的皈依將他帶到澳門,並在五十七歲時當上了神甫,亦在這年封筆辭別畫壇。雖然許多藝術史家試圖在他的畫作中找出宗教的蛛絲馬跡,卻一無所獲。若言肖像畫的創新在清代畫壇中成了重要項目,花鳥畫亦因惲壽平雅緻秀潤的繪畫而備受關注,他為自南宋末年以來便被文人畫家淡忘了的這類畫注入了新生命,南宋畫院曾經非常重視這類色彩秀麗、工筆寫實的繪畫。
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