Art et Histoire 藝術與歷史

Texte : Frank Vigneron

 
  Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence :
Histoire d'un siècle de peinture et de sa pensée (7)

十七、十八世紀之間的中國︰興盛不衰 : 一個繪畫及其思想的百年史(七)
 
 

Le rejet des écoles locales et des courants stylistiques exprimé par Wang Hui et d’autres critiques orthodoxes était visiblement causé par le fait que celles-ci avaient tendance à s’appauvrir stylistiquement et à produire des habitudes stéréotypées que des peintres moins talentueux pouvaient simplement reprendre à leur compte. Ceux-ci se proclamaient alors appartenir à ces écoles et à se réclamer des grands peintres qui avaient commencé ces nouvelles tendances.

« Hélas ! La voie de la peinture a vraiment décliné jusqu’à aujourd’hui ! Et ce déclin a commencé à cause de la corruption que la séparation en écoles a provoquée récemment. Gu Kaizhi 顧愷之(344-406), Lu Tanwei 陸探微 (317-420), Zhang Sengyu 張僧繇 (actif fin 5e – début 6e siècle) Wu Daozi et tous les peintres du passé éloigné sont décidément bien loin de nous. A partir de Li Sixun et Li Zhaodao, puis Jing Hao et Wang Wei, et ensuite Li Cheng, Fan Kuan, Dong Yuan, Juran et les Quatre Grands Maîtres des Yuan, toutes ces générations ont suivi la précédente, et toutes ont relevé les standards et gagné la gloire. Nous n’avons jamais entendu dire qu’ils aient jamais produit de superflu, mais bien qu’ils ont suivi leurs propres chemins. Comme la sombre simplicité de Zhao Mengfu, le calme solitaire de Ni Zan, l’inépuisable profondeur de Wu Zhen et la féconde élégance de Wang Meng, bien qu’ils se soient tous inspirés de Dong Yuan, ils ont aussi tous métamorphosé ces influences en styles différents, tout ceci montre qu’ils n’eurent pas le défaut que l’on trouve dans les centaines d’écoles (modernes).

Jusqu’à aujourd’hui, cette attitude [originale] s’est progressivement éteinte tandis que la routine et la vulgarité se sont étendues. Tout ceci est la cause de cette multiplication d’écoles. Depuis Dai Jin 戴進 (1388-1462) et Wu Wei 吳偉 (1459-1508), l’école de Zhe n’a pas su changer ; depuis Wen Zhengming et Shen Zhou, l’école de Wu a été de plus en plus intéressante. Même dans la génération qui suivit Dong Qichang un véritable déclin s’est fait jour, (ces peintres) ont pris l’essence des œuvres de Dong Yuan et Juran et l’ont changé en une mode facile qu’ils ont absurdement appelé "école de Yunjian". Chenya et Taiyuan (surnoms de deux peintres qui n’ont pu être identifiés, n.d.t.) se sont basés sur les originaux des dynasties Song et Yuan et ont réussi à égaler leur beauté et leur sagesse, (malheureusement) le temps s’est écoulé et ces œuvres ont été copiées et interprétées sans fin jusqu’à la création de cette "école de Loudong". On ne compte plus les gens qui se nomment eux-mêmes peintres et qui proviennent de ces vaines perpétuations parasitiques. S’il faut ainsi continuer les erreurs et s’appuyer sur des égarements, le distingué et l’admirable finiront par disparaître complètement. »

Leur idée de ces « écoles » (pai 派) impliquaient des techniques et des types de composition définis, des conventions formelles par lesquelles les étudiants étaient entravés plutôt qu’aidés dans le développement de nouvelles idées picturales. Complètement à l’opposé de cette façon de transmettre qui dégénère l’esprit novateur des peintres du passé, Wang Shimin et Wang Hui voyaient la tradition des « vieux maîtres » comme une succession de pensées et d’inspirations plutôt qu’une transmission de formules stylistiques inchangées. Ceux qui suivaient les anciens maîtres pouvaient être très différents les uns des autres d’un point de vue stylistique, mais ils reflétaient le même idéal de culture classique et d’inspiration spirituelle. De ce fait, leur art était créatif et non pas imitatif. Ainsi, l’idée qui voulait que les « orthodoxes » étaient des conservateurs, réputation qui naquit au moment où les peintres « individualistes » comme Bada Shanren et Shitao eurent une influence remarquable, en particulier vers la fin du 19e siècle et au début du 20e, est en réalité fautive. Une personne non influencée par l’histoire de l’art chinoise à qui l’on présenterait une œuvre de Wang Yuanqi, un « Orthodoxe », et une œuvre de Shitao, un « Individualiste », aurait du mal à voir chez « l’Orthodoxe » des traces des peintures du passé et y verrait certainement la marque d’un artiste extrêmement original. Il faut donc penser que la réputation de conservatisme des « Orthodoxes » est une construction créée à l’époque où l’idée « d’Individualiste » était aussi construite pour s’adapter à la demande d’originalité des peintres qui les avaient pris comme modèles. On verra d’ailleurs plus tard que l’individualisme de peintres comme Gong Xian ou Shitao s’accompagnait d’un véritable respect pour l’originalité des peintres du passé. La plupart des grands Orthodoxes du début des Qing écrivirent de telles pensées dans des colophons, s’exprimant sur la pensée des anciens maîtres contre les tendances des peintres de leur époque.

Yun Shouping 惲壽平(1633-1690), dans la collection de colophons publiés sous le titre Inscriptions sur peintures de « Champ du Sud » (Nantian Huaba 南田畫跋), s’interrogea aussi sur la question de la transmission de l’héritage des Anciens :
« (Les maîtres de) la dynastie Song utilisaient une manière précise tandis que (les maîtres de) la dynastie Yuan se basèrent sur les transformations. Mais les transformations avaient aussi leur origine dans la manière précise et le merveilleux se trouve dans le mélange libre de ces deux styles. Les étudiants qui les considèrent comme sans relation sont complètement perdus, ils agissent comme les généraux Cheng et Li quand ils guidaient leurs soldats, l’un étant trop sévère et l’autre trop indulgent. Et pourtant, le général Li n’avait aucune difficulté à appliquer des mesures sévères et le général Cheng ne refusait pas de donner un peu de liberté à ses troupes. Tout dépend donc de la bonne mesure de transformations pour obtenir une clarté spirituelle. »

Dans ce texte, Yun Shouping oppose la « manière précise » (kehua 刻畫), littéralement la « peinture gravée », aux « transformations » (bianhua 變化), c’est-à-dire l’impression de flottement que les lavis d’encre peuvent créer sur la surface de la toile. On a déjà vu que cette idée de « transformations » ou « métamorphoses » était fondamentale pour la peinture lettrée et qu’elle provenait d’une conception de la nature inspirée de la philosophie néo-confucéenne. Yun Shouping, comme peintre « orthodoxe », lui donne autant d’importance que les peintres « individualistes » mais préfère voir l’origine de ce choix esthétique dans un autre choix esthétique rarement associé à l’idéal de la peinture lettrée, celui de la peinture détaillée et précise. Yun Shouping fut lui-même un maître du mélange de ces styles car ses peintures de fleurs en particulier mélangent les lavis d’encre et de couleur, souvent réservés aux pétales, et les lignes précises qu’il utilisait pour les pistils et les tiges.

Yun Shouping, tout en acceptant l’idée partagée par tous les peintres chinois que la peinture se doit d’être pratiquée dans le détachement, insiste cependant sur l’importance des sentiments dans la création picturale :
« Le pinceau-encre n’a fondamentalement pas de sentiments, mais on ne peut pas manier le pinceau-encre sans avoir de sentiment. Peindre c’est représenter les sentiments et on ne peut pas ne pas faire naître de sentiments chez le spectateur. »

« Une montagne au printemps est comme un sourire ; une montagne en été est comme la colère ; une montagne en automne est comme une femme maquillée ; une montagne en hiver est comme endormie. Les notions inhérentes à ces quatre (sortes de) montagnes ne peuvent pas être dites par les montagnes, seuls les hommes peuvent les exprimer. L’automne rend les hommes mélancoliques, et il peut aussi les faire réfléchir. Ceux qui représentent l’automne doivent saisir la notion qu’il est possible à la fois d’être mélancolique et de penser pour pouvoir ensuite la restituer, sinon ils ne pourront pas entendre l’appel des cigales et des grillons. »

On ne trouvera pas de réfutation de cette idée dans la théorie picturale du début des Qing même si les autres peintres, plus intéressés par la pratique plus imposante du paysage, préféreront ne pas en parler si clairement. On ne sera pas trop surpris de voir Yun Shouping, peintre de fleurs et d’oiseaux, insister sur ce point et on notera aussi que, sans doute pour ne pas faire croire qu’il soit trop sentimental, il en parle à propos des montagnes.

 


• Wang Hui 王翬 (1632 - 1717), Copie interprétative de paysages des anciens 《仿古山水冊》, page d'album, encre et couleur sur papier, 22.4 x 34 cm. collection Weng Wange.

王翬及其他正統派畫家對地方畫派及流行畫風的摒棄,顯然基於此輩只傾向於因襲前人,以致畫技日趨貧乏衰敗這一事實。一些平庸之輩群起效之,自稱隸屬該派,並仰仗該派開風氣的大家以自恃。

〝嗟呼,畫道至今日而衰矣!其衰也自晚近支派之流弊起也。顧、陸、張、吳,遼者遠矣。大小李以降,洪穀、右丞逮于李、范、董、巨、元四大家,皆代有師承,各標高譽,未聞衍其餘緒,沿其波流。如子久之蒼渾,雲林之澹寂,仲圭之淵勁,叔明之深秀,雖同趨北苑,而變化懸殊,此所以為百世之宗無弊也。

洎乎近世,風趨益平,習俗愈卑,而支派之說起。文進、小仙以來,而浙派不可易矣;文、沈而後,吳門之派興焉。董丈敏起一代之衰,抉董、巨之精,後學風靡,妄以雲間為口實。郴琊、太原兩先生,源本宋元,媲美前哲,遠邇爭相仿效,而婁東之派又開。其他旁流緒沫,人自為家者,未易指數。要之承訛借舛,風流都盡。〞

王翬等人對這些〝畫派〞的看法,涉及繪畫技巧、畫種及作畫的成規,這些對於入門習畫者創新革故的精神非但無助,反成障礙。和這種拙劣的繼承方式截然相反,王時敏和王翬認為對〝古代大師〞的繼承不是一成不變的技法,而更是思想和創意精神的傳承發揚。師法古人者風格盡可不同,千差萬別,但他們都反映了古典和創意精神的理想。因此,他們的作品是一種創造,而非模仿。所謂〝正統派〞應是固守傳統的看法,產生於特立獨行的畫家如八大山人及石濤影響至盛時期,尢其十九世紀末至二十世紀初這段時間,當然這並不正確。如果你向一個未曾受中國繪畫史影響的人同時展示一幅正統派畫家如王原祁的畫和一幅超凡獨特的畫家石濤的畫,他很難在正統派的畫作裡察覺古人的蛛絲馬跡,而是發現一個極具個人風格的畫家的印記。應該注意到,為迎合一些以正統派大師為楷模的畫家銳意創新的要求,便產生了〝特立獨行〞這觀念,而所謂〝正統派〞守舊的說法也就在這個時期產生的。稍後我們看到如龔賢、石濤這類標新立異的畫家均對古代大師的獨特風格深懷敬意。清初大多數正統派畫家在其畫跋裡,對古代大師如何抵禦抗衡當時畫壇的卑俗時尚均有所描述。
惲壽平在他的《南田畫跋》裡亦論及繼承古人的問題。他說:〝宋法刻畫,而元變化,然變化本由于刻畫,妙在相參而無礙,習之者視為歧而二之,此世人迷境。如程李用兵,寬嚴易路,然李將軍何難于習斗,程不識不妨於于野戰,顧神明變化何如耳。〞


•Yun Shouping 惲壽平 (1633 - 1690), Paysage《山水圖》, page d'album, encre et couleur sur papier, 28,7 x 34.4 cm. Musée de la Capitale

在這段話裡,惲壽平將〝刻畫〞與〝變化〞放在一起相比較,亦即水墨在畫布上形成空靈飄渺的印象。我們已經知道這種〝變化〞或〝變形〞是文人畫的基礎,它源於新儒學的自然觀。身為正統派畫家的惲壽平和〝特立獨行〞的畫家一樣,賦予它重要含義,但他更傾向於將其源頭歸於與文人畫理想甚少聯繫的工筆畫。惲壽平本人即是融合各種畫風的大師,尢其是他的花鳥畫,融水墨與色彩於一爐,用以描繪花瓣,而花莖和花蕊則以細膩精確的線條描出。


•Yun Shouping 惲壽平 (1633 - 1690), Paysage《山水圖》, page d'album, encre et couleur sur papier, 28,7 x 34.4 cm. Musée de la Capitale

惲壽平和所有中國畫家一樣,認為繪畫是在一種超然物外的精神狀態下完成的。但他還強調藝術創造中感情因素的重要。他這樣寫道:〝筆墨本無情,不可使運筆者無情。作畫在攝情,不可使鑒畫者不生情。〞


• Wang Hui 王翬 (1632 - 1717), Copie interprétative de paysages des anciens 《仿古山水冊》 ,
page d'album, encre et couleur sur papier, 22.4 x 34 cm. collection Weng Wange.

〝春山如笑,夏山如怒,秋山如妝,冬山如睡。四山之意,山不能言,人能言之。秋令人悲,又能令人思。寫秋者必得可悲可思之意,而後能為之,不然不若聽寒蟬與蟋蟀鳴也。〞

清初的畫論對此說並無否定。即使那些偏愛山水畫的畫家,對此更喜含糊其詞。花鳥畫家惲壽平堅持這點,亦不足為奇。我們還應看到,他對如何畫山也有一番議論,也許他不想讓人認為他太多愁善感,只關注花鳥蟲魚吧。