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• Tony Ng, Four Seasons Hotel |
L’éternelle question de ce qui constitue les matériaux « traditionnels » dans l’art chinois sera souvent posée en ce qui concerne les peintures de Tony Ng Kwun Lun 吳觀麟 puisque une grande partie de son œuvre rappellera certains aspects de l’art des lettrés et plus particulièrement la plus noble de ses traditions, le paysage. Les ténèbres de ses « paysages » rappellent les peintures de Gong Xian 龔賢 (1618-1689), grand peintre de la dynastie Qing dont les images souvent très obscures furent apparemment inspirées par les gravures apportées par les Jésuites à Nankin. Si nous pouvions trouver une autre référence chez un peintre vivant, ce serait certainement dans nombre de peintures d’un des pères du mouvement « New Ink » dans les années 70 à Hong Kong, Wucius Wong (Wang Wuxie 王無邪 né 1936), dont les réflexions sur la nature du paysage lettré a inspiré beaucoup de peintres travaillant avec ces matériaux traditionnels. Mais il n’y a en fait pas assez de ressemblance entre ces trois artistes pour pousser la comparaison bien loin. Si l’on regarde tout simplement les méthodes employées pour obtenir ces images, on réalise bien vite que le fondement même de la peinture lettrée, le pinceau-encre (bimo 筆墨) est, sinon absent chez Tony Ng, tout au moins utilisé d’une manière profondément différente. Quand un artiste comme Wucius Wong est généralement au contrôle de cet instrument à toutes les étapes de la réalisation du tableau, Tony Ng laisse beaucoup de place au hasard dans la facture de ses sombres, et même parfois inquiétantes, mais somptueuses images. La technique qu’il a développée pour les obtenir nous montrera comment des méthodes très éloignées des techniques « traditionnelles » peuvent être employées pour honorer le passé tout en le renouvelant.
Pour commencer, Tony Ng utilise un papier japonais, appelé « papier insulaire » (daozhizhi 島之紙), dont la particularité est de garder son revers complètement sec quel que soit le degré d’humidité de son envers. Il le rend très mouillé en utilisant un simple brumisateur en plastique, puis, il ajoute une sorte de gomme liquide dans l’encre pour la rendre huileuse et c’est dans cette union contre nature de l’eau et de l’huile que les formes imprévisibles de ses paysages apparaissent, la tension de surface créée par l’eau permettant à l’encre huileuse de couler librement. L’étape suivante est celle où les choses se gâteraient si l’on regardait ce processus avec les yeux d’un peintre lettré: Tony Ng emploie une brosse à dent avec son brumisateur!!! Tenant en permanence légèrement levée la feuille de papier, il guide en partie ce mélange fluide pour obtenir des formes en fait bien peu contrôlées. Une multitude de dégoulinures courent ainsi sur la surface du papier, dégoulinures à qui il est donné autant de liberté que possible. Le très important concept de « vide » (kong 空 ou xu 虛) dans le paysage lettré est ici obtenu en ajoutant plus d’eau avec le brumisateur sur la surface de la feuille de papier. En opérant ainsi, l’encre huileuse coule plus bas en laissant tout simplement libre une plus large section de la feuille. Les accidents d’une telle méthode produisent des formes changeantes tandis que le peintre applique plus d’eau mais ce processus de dégoulinage se poursuit simplement après qu’il ait cessé d’intervenir puisque l’encre continue de couler aussi longtemps que le papier est humide.
• Wucius Wong王無邪 (né en 1936), Purification II《滌懷之二》1979, encre et couleur sur papier, 183,4 x 89,2 cm. Collection de l'artiste
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• Gong Xian 龔賢 (1618-1689), Pavillon dans la forêt de pins 《松林書屋圖》, rouleau à suspendre, encre sur papier, 271,2 x 128,3 cm, Musée de Lushun |
Avec son expérience, Tony Ng sait quelle quantité de gomme il peut ajouter à l’encre ainsi que la quantité d’eau qu’il peut projeter sur le papier pour obtenir ces effets. Cependant, comparé à un Wucius Wong, il laisse au hasard une place si extraordinaire que son processus créatif a bien plus en commun avec celui développé par Max Ernst. Ce dernier, dans la série des Histoires naturelles, relevait d’abord toutes sorte de formes en frottant de la pointe d’un crayon une feuille de papier posée sur une surface quelconque. Dans un deuxième temps, il soulignait ou gommait certaines parties pour « révéler » un animal fantastique ou un paysage de rêve. De même, ces formes accidentelles ne sont que le point de départ pour Tony Ng qui, lui aussi, amplifie et souligne certaines parties en les retravaillant cette fois-ci avec un pinceau d’artiste. Mais la ressemblance avec le paysage lettré est aussi remise en question par le fait qu’il préfère, à cette étape, employer des couleurs acryliques qui sont le plus souvent plus brillantes que celles obtenues avec les pigments de la peinture chinoise. En définitive, les « paysages lettrés » de Tony Ng n’en sont pas vraiment et une telle lecture de son œuvre peut après tout n’être enracinée que dans le fait qu’il soit chinois, son ethnicité poussant tout interprétateur à voir ses peintures à la lumière de ce que constitue le toujours élusif « art traditionnel ». |
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論及吳觀麟的畫,總要涉及中國繪畫傳統材料這個永恆的主題,這是因為他的大部份作品均展現了文人畫的諸多方面,尢其是這傳統的最高雅的一面:山水。他的〝山水畫〞中的陰霾氣氛令人想起清代大畫家龔賢(19618-1689)的作品,龔氏畫作中經常呈現的那種陰喑迷濛的景象,顯然是受到耶穌會士攜到南京的西洋版畫的影響。若欲從仍在世的畫家身上覓得一點關係,那無疑會將目光投向上世紀七十年代在香港掀起〝現代水墨畫〞運動的領軍人物王無邪(1936年生)的眾多作品上。王氏對文人山水畫的探討對以這種傳統材料創作的畫家影響至深。然而在這三位藝術家之間卻沒有太多的共同點,因此無從作進一步的類比。如果我們對吳觀麟如何在畫中營造出這種陰霾氣氛的方法作一簡單的審視,便可以發現文人畫的基本因素若非告闕,至少他是以一種截然不同的方式處理筆墨的。像王無邪這樣的藝術家在作畫的各個階段均對筆墨的運用悉心經營,深淺有度。而吳觀麟則是隨意地在繪畫的陰影處留下許多空白,甚至一些令人不安但卻豪氣逼人的形象。為獲得這些效果,他對傳統技法加以改造,向我們証明了儘管方法與〝傳統〞技法相去甚遠,但亦可在革故鼎新中為 傳統增輝。
• Tony Ng, Four Seasons Hotel
• Tony Ng, Sangrila Hotel
吳觀麟是這樣作畫的,他使用一種稱為〝島之紙〞的日本畫紙,這畫紙的特點是不管畫面有多潮濕,紙背卻保持得非常乾燥。他用一個塑料噴霧器將畫紙整得十分潮濕,接着在墨中加入一種液體的樹膠,令墨變得油膩,就是這種非水非油的混合液在因潮濕而緊繃的畫面上自由自在地滾動,形成出人意表的怪異形象。接下來的步驟,若以傳統文人畫家的觀點來看,是最不堪的:吳觀麟竟用一把牙刷和一個噴霧器!他將畫紙用手稍稍舉起,有意無意地操控這混合液在畫面上流動,形成一些可說非常隨意的形象。這油墨混合液在紙面上自由自在,任意流淌,形成萬千形象,而文人畫至關重要的〝虛〞,則是透過用噴霧器不斷地往畫面上噴水而形成。在這樣操作時,油墨往畫紙下端流動,在畫面上留下一個相當大的空間。就這樣,畫家不住地噴濕畫紙,油墨形成千變萬化的形象。由於只要畫紙還潮濕,油墨就不停地流動,因此只有在畫家停止操作後,才能作第二次這種油墨流動。
吳觀麟對此作畫方法已然經驗豐富,游刃有餘,他知道在墨中應攙入多少膠水,在畫紙上應噴灑多少水才能得到理想效果。和王無邪相比,他是非常隨意地在畫面上留下空白的,這種空白如此奇妙,其創意可與馬克斯.恩斯特的創作方法相媲美,兩者可謂有異曲同工之妙。馬克斯.恩斯特在創作《自然歷史》的系列作品時,首先將畫 紙鋪在隨意的材料面上,然後用鉛筆在紙面磨擦,從而獲得各種匪夷所思的形象。接着他在這些形象上或描畫或擦拭,〝勾勒〞出一隻神奇的動物或一幅夢幻的景象。同樣,吳觀麟這種由油墨在潮濕的紙面上隨意流淌形成的形象,也只是作畫的開始。和恩斯特一樣,他以畫家神來之筆在這些怪異的雛型上修飾刻劃,創作出優美的形象來。然而,由於他偏愛使用丙烯酸顏料作畫,這種顏料遠比國畫使用的丹青更艷麗,因此他的畫是否是真正意義上的文人山水畫亦受質疑。總之,吳觀麟的〝文人山水〞並非真正的文人畫,對他的作品作文人畫的解讀只是基於他是中國人,這個族群觀念促使畫評家們以總是躲閃的〝傳統藝術〞角度審視他的畫作。 |
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