Art et Histoire 藝術與歷史

Texte : Frank Vigneron

 
  Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence :
Histoire d'un siècle de peinture et de sa pensée (10)

十七、十八世紀之間的中國︰興盛不衰 : 一個繪畫及其思想的百年史(十)
 
 

Wang Yuanqi, le plus admiré et sans doute le plus original des peintres orthodoxes, commence donc, je serais tenté de dire « bien sûr », par quelques considérations sur les Six Canons et une brève référence à ce que son grand-père lui avait appris. Il fait suivre cette introduction de quelques considérations sur l’histoire de la peinture, en particulier à quel point l’école de Zhe était fautive, et nous rappelle un des adages préférés de la peinture lettrée : « l’idée précède le pinceau » (yi zai bi xian 意在筆先), concept qui sera profondément modifié au siècle suivant. Les considérations sur les qualités du pinceau et de l’encre sont ensuite suivies de la partie la plus originale de ce texte, c’est-à-dire sa théorie de la composition qu’il explique en termes à la fois très concrets et pleins de potentiel théorique. Tout naturellement, Wang Yuanqi aborde ensuite les exigences de la copie, précisant que copier n’est pas aussi important qu’observer, puis il applique sa théorie de la composition à l’étude des grands peintres de la tradition lettrée depuis les Song jusqu’aux Ming. Les conseils qu’il donne ensuite aux peintres sont accompagnés de cette remarquable section sur la couleur. En conclusion, Wang Yuanqi rappelle bien sûr que les règles sont importantes mais qu’elles ne doivent pas entraver le caractère de l’artiste qui doit chercher son propre chemin.


• Wong Yuanqi 王原祁 (1642-1715), Paysage (山水圖), rouleau à suspendre, encre sur papier, 84,3 x 46,7 cm. Musée de la Ville de Qingdao.

L’idée la plus sophistiquée de ce texte cependant, et une idée qui sera reprise et retraitée par plusieurs théoriciens du 18e siècle comme Tangdai, qui fut l’un des disciples directs de Wang Yuanqi, et un peu plus tard Shen Zongqian, fut une reconsidération en terme de cosmogonie des principes de la composition.

« Les “veines de dragon”, “ouverture-fermeture” et “montée-descente” font partie des anciennes méthodes de la peinture, et pourtant elles n’ont pas été appliquées d’une façon appropriée. Wang Shimin a expliqué ces principes, et les étudiants qui lui succédèrent les ont suivis, mais, selon moi, ils ne pourront pas saisir ces concepts sans combiner la théorie avec la pratique. Les “veines de dragon” sont la source de “l’élan du souffle” en peinture. Elles peuvent être penchées ou droites, réunies ou dispersées, brisées ou continues, cachées ou révélées. Cela est leur essence. “L’ouverture-fermeture” fonctionne du haut en bas, avec les éléments principaux et secondaires contrastés. Parfois ils se réunissent, d’autres fois ils se séparent. Par ces moyens, les pics repliés se déploient ainsi que les voies tortueuses, les nuages apparaissent et les ruisseaux s’embranchent. La “montée-descente” procède depuis le plus éloigné jusqu’au plus proche, avec le fond et l’avant en opposition. Quelquefois, le paysage se redresse, et d’autres fois il recule en pentes douces. Penchez-le par-ci et par-là, jouez et rejouez ces parties – tout cela doit être fait dans le but d’établir un équilibre entre les sommets, la taille et le pied des montagnes. Voici donc ce que j’appelle “l’opération”. “L’ouverture-fermeture” et la “montée-descente” constituent ce qu’on appelle la pratique. Si l’on comprend les “veines de dragon” mais que l’on ne fait pas de distinction entre “l’ouverture” et la “fermeture”, ainsi qu’entre la “montée” et la “descente”, la peinture devient encombrée et perd totalement l’élan. Si l’on comprend “l’ouverture-fermeture” et la “montée-descente”, mais qu’on ne les base pas sur les “veines de dragon”, nous pouvons dire que le peintre a considéré l’enfant mais pas la mère. Le forçage et la torsion des “veines de dragons” produisent des fautes; la contraction ou l’expansion superficielle des portions “ouvertes” et “fermées” produisent aussi des fautes. Si la “montée” et la “descente” sont lourdes et pénibles, ou affaiblies et défectueuses, cela aussi produit des fautes. Mais, si la peinture est traversée par “l’ouverture-fermeture”, chaque portion participera à ce mouvement; si toute la toile est animée par un mouvement de “montée-descente”, chaque portion le sera aussi et l’œuvre sera rendue encore plus merveilleuse par les connexions et les correspondances des parties dans le tout. Le manquant sera compensé et l’excessif sera retenu. Faites les “veines de dragon” penchées ou droites, complètes ou fragmentées, cachées ou visibles, brisées ou continues, mais toujours vibrantes, éclatantes de vie au cœur de l’œuvre. C’est ainsi que vous pourrez faire une véritable peinture. Si vous comprenez comment faire tout ceci, alors les portions secondaires se combineront pour faire une large section parfaite, et vous arriverez aux plus merveilleux résultats. »

Cette idée tient donc en trois expressions très imagées : « veines de dragon » (longmai 龍脈), « ouverture-fermeture » (kaihe 開合) et « montée-descente » (qifu 起伏). On les traitera une par une en les situant aussi par rapport à la théorie de Dong Qichang.
I. « Veines de dragon » : c’est une expression employée dans la géomancie chinoise. Les « veines de dragon » évoquent l’ensemble de la configuration secrète d’un terrain. Mae Anna Quan Pang dans sa thèse sur Wang Yuanqi (Wang Yuan qi (1642-1715) and formal construction in Chinese landscape painting) considère les « veines de dragon » comme un concept structurel tandis que « l’ouverture-fermeture » et la « montée-descente » seraient les aspects fonctionnels de la composition d’une toile. Ce concept, qui anime le mouvement continu des montagnes dans la structure entière, est visuellement très frappant dans les peintures de Wang Yuanqi où l’on peut véritablement voir l’organisation spatiale s’enrouler et se retourner. Cette idée provient elle-même des « veines », ou « artères » (xuemo 血脈), formulées par Dong Qichang.

II. « Ouverture-fermeture » : comme « montée-descente », ce concept n’existe qu’en relation avec les « veines de dragon ». Il est aussi utilisé en géomancie chinoise où il représente le flot du « souffle » (qi ) à l’intérieur de ces veines. Une idée similaire existe aussi dans l’œuvre de Dong Qichang, les Intentions de la peinture du studio « Chan de la peinture » (Huachanshi suibi 畫禪室隨筆), qui emploie quelquefois l’expression « proportionnement – unité » (fenhe 分合), elle exprime aussi la façon d’organiser d’une façon contrastive les sections d’une peinture :
« En peinture de paysage, il est nécessaire de comprendre le principe de “mise en proportion” et “d’unité”. Il y a une “mise en proportion” de la peinture entière et une “mise en proportion” de chaque section individuelle. Si l’on comprend cet aspect, on comprend déjà une large part de l’art de la peinture. »

III. « Montée-descente » : continuant sa démonstration de la façon dont un paysage doit être organisé, Wang Yuanqi donne cette troisième dimension à la composition. Les collines et les vallées doivent être clairement visibles et animées par ce concept.

Malgré sa brièveté et un certain manque d’organisation (mais tous les traités et tous les textes sur la peinture depuis la fin des Song jusqu’au début des Ming ont le même « défaut », « défaut » qui sera corrigé bien vite par la génération succédant immédiatement à celle de Wang Yuanqi), ce texte eut une importance considérable pour la théorie picturale des générations suivantes. Perpétuant la tradition de Dong Qichang en ligne directe, il assura une continuité qui avait énormément de prix aux yeux des peintres désirant se rattacher à la tradition « orthodoxe ». Après ce chapitre sur l’apport des « Orthodoxes » du début des Qing à la théorie de la peinture, on suivra l’histoire traditionnelle de la peinture chinoise en les faisant suivre d’une présentation de la théorie des peintres « individualistes » et en particulier Shitao qui était presque exactement le contemporain de Wang Yuanqi.

 


• Wong Yuanqi 王原祁 (1642-1715), Copie interprétative d'un paysage de Huang Gongwang (仿黃公望山水圖), rouleau à suspendre, encore sur papier, 77,5 x 41,6 cm. Musée de shanghai

王原祁是正統派畫家中最受讚賞也是最具個人風格的畫家,他的這篇畫論是以對〝六法〞的一些探討及引證祖父王時敏的一些教誨開始的,接着是自己對繪畫的一些識見,猶其指出〝浙派〞繪畫的何其謬誤,並再次提醒我們文人畫的至理名言:〝意在筆先〞。這觀念在下一世紀遭遇到深刻的變化。在對筆墨的優劣做了探討之後,接下來的便是這篇論文的最精彩獨特部份,即他以最具體又極富理論色彩的筆調敘述繪畫的構圖佈局。當然,王原祁也談到臨摹古畫的必要,但他明確指出,觀賞探究遠比臨習摹古重要。接着,他以其構圖佈局理論探研自宋以降至明代的文人畫大家。他對畫家們的忠告中有對色彩的真知灼見。畫論結尾處他指出繪畫規則固然重要但決不能成為畫家獨闢蹊徑、尋覓個人風格的羈絆。

畫論中最精彩別緻、常被十八世紀的畫家如其直屬弟子唐岱以及稍後的沈宗騫所重複和津津樂道的則是他以天體演化的氣派對繪畫構圖佈局的精闢論述。


• Wong Yuanqi 王原祁 (1642-1715), Paysage (山水圖), rouleau à suspendre, encre sur soie, 112 x 52,2 cm. Musée de la Ville de Qingdao.

〝畫中龍脈開合起伏,古法雖備,未經標出。石谷闡明,後學知所矜式,然愚意以為不參體用二字,學者終無入手處。龍脈為畫中氣勢,源頭有斜有正,有渾有碎,有斷有續,有隱有現,謂之體也。開合從高至下,賓主歷然,有時結聚,有時澹蕩,峰回路轉,雲合水分,俱從此出。起伏由近及遠,向背分明,有時高聳,有時平修欹側,照應山頭山腹山足,銖兩悉稱者,謂之用也。若知有龍脈而不辨開合起伏,必至拘牽失勢。知有開合起伏而不本龍脤,是謂顧子失母。故強扭龍脈則生病,開合偪塞淺露則生病,起伏呆重漏缺則生病。且通幅有開合,分股中亦有開合;通幅有起伏,分股中亦有起伏。尤妙在過接映帶間,制其有餘,補其不足。使龍之斜正渾碎,隱現斷績,活潑潑地於其中,方為真畫。如能從此參透,則小塊積成大塊,焉有不臻妙境者乎?〞

這思想由三個極形象化的詞語來表達,即〝龍脈〞、〝開合〞和〝起伏〞。我們逐個地並聯係董其昌的理論加以探討。

一)〝龍脈〞:這是中國風水學中常用的字眼。〝龍脈〞令人想起一塊地的隱秘的地形結構。Mae Anna Quan Pang 在其有關王原祁的論文《Wang Yuan Qui (1642-1715) and formal construction in Chineses landscadpe painting》中將〝龍脈〞視為一種結構觀念,而〝開合〞、〝起伏〞則是一幅畫構圖的功能部份。這個令整幅畫中的山水始終充滿生氣的觀念在王原祁的畫中給人以強烈的視覺感受,我們看到他畫中的山巒豀壑蜿蜒起伏、蒼茫雄渾,迴腸蕩氣。這思想源自董其昌提出的〝血脈〞。

二)〝開合〞:誠如〝起伏〞,這觀念只是和〝龍脈〞聯繫起來才存在。在中國的風水學裡則指脈中的〝氣。〞在董其昌的《畫禪室隨筆》裡亦有類似的思想,他有時稱它做〝分合〞,表達一種以對比的方式佈局構築繪畫各部份的一種方式:〝凡畫山水,須明分合,分筆乃大綱宗也。有一幅之分,有一段之分,於此了然,則畫道過半矣〞

三)〝起伏〞:在繼續探討山水畫的構圖佈局時,王原祁提出了這構圖的第三要素。山巒和峽谷應清晰地被描畫,並因這觀念而充滿生氣。

畫論雖短小,有些地方亦不夠嚴密(自宋末至明代的所有畫論都有此共同〝弊病〞,但很快便被王原祁之後的一代畫論家所糾正),但對後代的畫論有深遠的影響。王原祁直接繼承了董其昌的繪畫傳統,在自詡為〝正統派〞的畫家眼中,他完成了承傳,居功至偉。在論述了清初〝正統派〞畫家對繪畫理論的貢獻的篇章之後,我們將繼續探討中國繪畫的悠久歷史,並介紹一些〝獨立特行〞的畫家,尢其是石濤這位可說是王原祁的同時代人的有關繪畫的論述。