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« Parfois, il y a des gens comme vous et comme moi qui sont des inconnus et qui deviennent des témoins, pris par leurs textes (...). Ils n'écrivaient que pour quelques privilégiés. Ils n'écrivaient pas pour le prix Goncourt. » Christian Bussy, Les Surréalistes au quotidien, à propos de Camille Goemans.
« C'est une grande vertu de croire à l'improvisation. L'œuvre d'art est notre châtiment. » Goemans
Camile Goemans demeure le parfait inconnu, mais comme tous ceux qui ont rejoint cette formidable cohorte, il mérite quelques lignes qui très vite cependant, s'envoleront d'elles-mêmes... Goemans naquit tout simplement en Belgique, à Louvain, le 23 janvier 1900, fils d'un académicien flamand. Ses textes seront tardivement rassemblés, en 1965 par l'éditeur bruxellois André de Rache qui effectuait en ce temps-là des recherches en vue de l'édition d'un ouvrage important sur Magritte que Goemans avait toujours défendu avec « une rare pénétration ». De Rache craignait qu'en l'état de dispersion où ils se trouvaient les textes de Goemans ne disparaissent à jamais. Celui-ci d'ailleurs était déjà mort depuis le 4 juin 1960...
Goemans fera ses études dans un collège de Bruxelles où l'un de ses condisciples ne sera autre qu'Henri Michaux. Il s'inscrira ensuite en médecine, qu'il abandonnera pour se tourner vers le Droit, à Louvain, et dès 1922, on le verra collaborer au Disque vert, la revue fondée par Franz Hellens, dont il deviendra corédacteur. Goemans y fera entrer Henri Michaux et la revue publiera son essai Cas de folie circulaire.
• Les Surréalistes de Bruxelles à l'exception de Paul Nougé devant « La Fleur en papier doré ». De gauche à droite : Marcel Mariël, Camille Goemans, Irène Hamoir, Gérard Van Bruaene, Georgette Magritte, E.L.T. Mesens, Louis Scutenaire, René Magritte, Paul Colinet, (1953)
Photo Albert Van Loock |
Michaux suggèrera à Hellens de pousser Goemans vers la critique : « Il fera quelque chose de bon là-dedans » mais malheureusement les rapports entre les deux anciens camarades s'envenimeront pour d'obscures raisons... En 1923, Goemans rencontre Magritte et l'année suivante, les éditions du Disque vert font paraître Périples, recueil de poèmes. Avec Paul Nougé et Marcel Lecomte, il fonde cette même année 1924 la revue Correspondance. Cette dernière se présentera sous la forme de vingt-deux feuillets de couleurs différentes suivis de deux tracts et de l'annonce de l'ouverture d'un ciné-club, éphémère hélas !, baptisé « Cabinet Maldoror ». Ces tracts seront rédigés par nos trois complices dans une langue assez difficile proche de la préciosité et donnant l'impression de cacher un secret impossible à déchiffrer aux yeux d'un lecteur non-prévenu. Ils seront publiés, soulignons-le, une semaine avant la Révolution surréaliste et n'excédant pas les cent exemplaires, seront distribués gratuitement à des destinataires chaque fois autres. Correspondance atteindra le plus faible degré d'organisation qu'ait connu revue littéraire mais l'objectif des auteurs était de réserver leurs traits à quelques écrivains influents de l'institution littéraire annonçant en cela la formule que Walter Benjamin aura une dizaine d'années plus tard : « Un auteur qui n'apprend rien aux écrivains n'apprend rien à personne. »
Les prospectus qui resteront confinés dans les cercles d'avant-garde, voulaient inventer une méthode d'intervention dans le monde littéraire et refusaient de se laisser corrompre par les lois et les bénéfices symboliques de celui-ci. Albert Thibaudet aura en 1924 cette intuition que le surréalisme se trouvera devant le dilemme « d'incorporer à la littérature la fuite hors de la littérature ». Marcel Lecomte, en 1961 : « Oui, nous nous adressions à Paulhan, à Breton, à Eluard, à Philippe Soupault, à Pierre Drieu La Rochelle (...). Il est vrai de dire qu'il y avait un arrière plan éthique à notre préoccupation qui conférait à nos travaux comme un excès d'efficacité, laquelle tendait à réduire cette efficacité même. Mais nous écrivions aussi des poèmes, des proses dans lesquels nous voulions marquer la liberté de la démarche humaine devant le monde, devant l'amour. Nous tendions à vouloir être l'évaluateur lui-même, il est vrai, inévaluable à l'égard du réel et de ses prolongements surréels. » Le musicien et poète surréaliste André Souris déclarera de son côté que certains tracts auront l'allure de pastiches ayant pris pour modèle Valéry, Gide ou Paulhan mais qu'ils dépassaient de loin le simple exercice de style. A partir d'un texte, l'opération consistait à s'installer dans l'univers mental et verbal de son auteur et par de subtiles déformations à inventer de nouvelles perspectives. Cette technique deviendra la préoccupation centrale des membres du groupe qui professaient d'autre part « le reniement de toutes les manifestations artistiques de l'époque » si bien que Correspondance prendra congé de Correspondance le 10 septembre 1926. Goemans dirigera cependant à Bruxelles, avec le curieux Geert van Bruaene, la galerie « La Vierge poupine » où sera exposée pour la première fois « L'Histoire naturelle » de Max Ernst.
A Paris, il reprendra la « Galerie surréaliste » puis fondera sa « Galerie Camille Goemans » qui révélera Jean Arp, Magritte, Yves Tanguy et organisera la première exposition Salvador Dali le 20 novembre 1929. Il avait précédemment réussi à monter la première exposition consacrée au collage dont le catalogue contient une importante introduction de Louis Aragon : La peinture au défi. En 1928, depuis Paris, il dirigera la revue bruxelloise Distances : trois uniques livraisons, plus un fascicule, qui atteindront l'honorable poids de 48 grammes, selon Tom Gutt. Distances sera l'œuvre de Goemans, Magritte, Nougé et portera surtout la marque de ce dernier dont la stratégie (comme pour toute son œuvre personnelle d'ailleurs) était de passer inaperçue. Distances aura l'aspect d'un périodique d'actualité : les textes de Goemans prendront la forme d'un récit de voyage aux allures de feuilleton, ceux de Nougé l'apparence de faits divers et Lecomte donnera des échos de quartier. Nulle théorie donc, aucun article de fond, aucun au-delà, Tom Gutt écrira : « Il suffit d'une forêt comme on en voit à Groenendael, d'une mer comme on en voit à Ostende, d'une cour de maison de peu d'apparence comme on en voit dans la banlieue de Bruxelles, d'une rue déserte familière au pas de l'observateur. Newton n'a pas trouvé sa pomme et le reste dans le jardin des Hespérides, mais dans un verger de Woolsthorpe, Lincolnshire. »
La volonté de subversion se logeait donc au niveau du vocabulaire quotidien qui se devait d'effriter la structure sociale par la base dans l'espoir qu'un jour tout le reste s'effondre... Mais la réalité était qu'au début des années 30, la galerie parisienne de Goemans connaît la faillite, que celui-ci doit se réfugier chez Magritte et finalement se replier à Bruxelles. Cet épisode entraînera son éloignement progressif du surréalisme.
En 1931, il sera nommé au poste toujours tant envié de directeur de l'Office du tourisme belgo-luxembourgeois et obtiendra son titre de docteur en Droit deux ans plus tard. Il gardera cependant des contacts avec les surréalistes et s'enthousiasmera pour le cinéma et l'œuvre d'Henri Storck. Germera aussi en lui l'idée de faire un film sur le Congo dont le réalisateur aurait été John Ford avec Spencer Tracy dans le rôle de l'explorateur Stanley, mais la guerre coupera court son projet. Durant cette guerre, il sera quelques mois lieutenant dans l'armée belge, puis réussira à monter en 1942 dans de difficiles conditions une exposition surréaliste. L'année suivante, il prendra le risque de rassembler des Magritte « période Renoir » considérés comme dégénérés aux yeux de l'occupant nazi dans une exposition clandestine. En 1944-1945, on le verra à Londres à la section belge de la BBC où il retrouve son vieil ami surréaliste Mesens.
De retour à Bruxelles, il ouvrira une nouvelle galerie mais sa femme perdra son contrat d'agent de Magritte et la galerie fermera. La mort dans l'âme, il abandonnera ensuite la direction de l'Office du tourisme belgo-luxembourgeois pour se consacrer pleinement, à partir de 1949, à son beau rôle de directeur des relations publiques de Philips, son poste sans doute le plus surréaliste... Son engagement dans l'art se fera alors plus discret mais il n'hésitera jamais à prêter main forte à sa femme Lou Cosyn et à sa galerie du même nom. Il aidera Pierre Alechinsky à mettre sur pied sa première exposition et s'intéressera au travail de Pol Bury.
Cinquante ans après sa mort, que reste-t-il de Goemans ? Sans doute l'image d'un des grands découvreurs de l'art du XXe siècle et un poète surréaliste à présent discret dont l'œuvre poétique est toujours à lire.
Périples
Dans les rues de Naples
une pluie de novembre
et sous la cape des spadassins
étouffent les mandolines
et la saveur de l'exotisme
Que dans le pays même
où règne le soleil en article de foi,
il fasse morne et ridicule,
que les femmes de bronze soient misérables
et froides, elle aussi,
rigorise le pessimisme des moues dédaigneuses
et du refuge qu'en soi
Ainsi l'absolu,
bien droit sur les deux jambes
de l'équilibre enfin réalise
sans contrepoids,
injecte de marbre solide
les veines
où s'épatent brutalement
l'espoir dernier
et la faiblesse des poings tendus
contre le ciel irresponsable
Camille Goemans |
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• Georgette Magritte, amille Goemans et Yvonne Bernard, 1927 |
〝有時候,一些人像你和我一樣,默默無聞,卻因自己寫的一些東西而成了証人…… 他們只為幾個知音而寫,他們寫作不是為了獲得龔固爾文學獎。〞(克里斯蒂安.布西:《日常生活中的超現實主義者》中關於卡密耶.格曼部份)
〝相信即興之作可謂一種美德。藝術作品是對我們的懲罰。〞──格曼
卡密耶.格曼絕對是一個無名之輩,像所有這類奇特的人一樣,他值得我們寫上幾句,但這些文字很快便會煙消雲散。他於1900年1月23日誕生於比利時盧萬,是一名佛拉芒科學院士的兒子。他的文字很晚才為布魯塞爾的出版家安德烈.德拉斯 (André de Rache) 於1965 年所收集,事緣這位出版家正做着有關比利時超現實主義畫家馬格里特 (Magritte) 的研究,準備出版一部關於這位畫家的重要著作。而格曼生前總是以一種〝稀有的洞察力〞捍衛這位畫家。德拉斯生怕這些四散各處的格曼的文字有朝一日會湮沒得無影無蹤,再說作家已於1960年6月4日離開人世。
格曼就讀於布魯塞爾的一所中學,同窗中有一個正是亨利.米肖 (Henri Michaux)。後來他在盧萬報讀了醫學,但不久即棄醫轉讀法律。1922 年起,他便在弗朗斯.埃朗士 (Franz Hellens) 創辦的雜誌《綠色唱片》(Disque vert) 供職,後更擔當編輯一職。他並將亨利.米肖引荐進來,發表了他的小品《循環性癲狂病例》(Cas de folie circulaire)。
米肖向埃朗士建議要格曼寫批評文章,他說:〝他在這方面會做得很出色。〞但不幸這兩位老朋友的關係後來竟為了一些莫名的原因而惡化了。1923 年,格曼與馬格里特相遇,翌年,《綠色唱片》出版社出版了他的詩集《旅遊》(Périples)。也就在1924年這一年,他和保爾.努傑 (Paul Nougé) 及馬塞爾.勒孔特 (Marcel Leconte) 一起創辦了《通訊》(Correspondance) 雜誌。雜誌共二十二頁,顏色各不相同,並附有兩個小冊子及一份一家電影俱樂部開張的廣告,可惜這家取名〝瑪爾陀羅館〞的電影俱樂部曇花一現,轉瞬即逝。這些小冊子由三位共事者撰寫,語言艱深,跡近矯揉造作,對於不明底蘊的讀者彷彿其中隱藏了甚麼不解的秘密。應該強調一下,它是在〝超現實主義革命〞發軔前的一個星期出版問世的,不超過一百冊,每次免費派給不同的人。沒有一份文學雜誌的組織比《通訊》更薄弱了,但主辦者的宗旨在於保持文學界有影響的作家的特色,宣稱〝一個作者如果甚麼都沒有教給作家,也就甚麼也沒有教給人〞。二十年後,瓦爾特.邦雅曼 (Walter Benjamin) 亦有此見。雜誌定位於前衛範疇,意欲在文學界有所建樹,力避為該業界的一些戒律及象徵性的利益所腐蝕。阿爾貝.蒂博岱 (Albert Thibaudet) 在1924年就有這個預感,即超現實主義處於進退兩難的困境:〝是否在文學中加入文學以外的東西〞。馬塞爾.勒孔特 1961 年時這樣說道:〝是的,我們請教於波朗 (Paulhan)、布勒東、艾呂雅、菲利普.蘇波、皮埃爾.德里厄.拉羅謝勒 (Pierre Drieu La Rochelle)…… 不錯,我們事業背後有一個道德倫理的背景,它令我們的工作十分有效,我們試圖減緩這個效果。但是我們也寫詩歌、散文,在文字裡我們強調在世界面前,在愛面前,人類的行動是自由的。我們嘗試做一個估價人,但是現實世界以及它的超現實主義延伸的確是無法評估的。〞音樂家及詩人安德烈.蘇里 (André Souris) 宣稱有些小冊子是瓦萊里、紀德或波朗作品的模仿,但它們卻遠遠超過文筆的範疇,而是通過文字,進入作者的內心和語言世界,並以微妙的變革,創造嶄新的前景。這種取向成為小組成員的主要關注,另一方面他們主張〝否認這個時代的一切藝術表現〞,以致《通訊》雜誌最終於1926年9月10日自行倒閉。格曼去了布魯塞爾,和天性好奇的古爾特.梵.布呂安 (Geert Van Bruaene) 一起主持《娃娃聖母》(La Vierge poupine) 畫廊,並在這畫廊第一次展出了馬克斯.恩斯特(Max Ernst)的《自然歷史》(L'Histoire naturelle) 系列作品。
在巴黎,他重新辦起〝超現實主義畫廊〞,接着又創辦了〝卡密爾.格曼畫廊〞,展出了阿爾普、馬格里特、伊夫.坦圭 (Yves Tanguy) 等人的作品,並於1929年11月20 日舉辦了薩爾瓦多.達里的第一次個展。這之前,他成功地舉辦了第一屆黏貼畫展覽,展覽圖錄有路易.阿拉貢寫的一篇重要序言:《向繪畫挑戰》(La Peinture au défi)。1928年,他身居巴黎,遙控布魯塞爾的雜誌《距離》(Distance):別具一格的三冊外加一小分冊,據湯姆.居特 (Tom Gutt) 說,重達四十八克。《距離》是格曼、馬格里特、努傑的傑作,尤其具有努傑的特色,即低調而不張揚(正如他所有的作品一樣)。《距離》看來像一份時事雜誌,格曼的文章具連載遊記的風格,努傑的文章卻有社會新聞的色彩,而勒孔特則着重報導地區見聞。沒有理論,沒有深度文章,沒有走得太遠。湯姆.居特寫道:〝只需一座像在格陵蘭看到的森林,在奧斯坦德 (Ostende) 看到的大海,一個好像再布魯塞爾郊區看到的一間毫不起色的房子的院子,一條 探幽尋勝者的步伐熟悉的冷僻的街道。牛頓沒有在赫斯珀里得斯(Hespériodes) 的花園裡找到他的蘋果和其他東西,而是在林肯郡(Lincolnshire) 的烏爾索普 (Woolsthorpe ) 的果園裡找到了。〞
• Camille Goemans écrivant, Photo Mgritte |
顛覆的意志喑藏在日常的文字裡,企圖將社會結構連根拔起,徹底粉碎,冀盼有朝一日一切轟隆一聲倒塌…… 然而事實是三十年代初,格曼在巴黎的畫廊宣告破產,他不得不避難馬格里特家中,最後退居布魯塞爾。這件事令他日漸遠離超現實主義。
1931年,他被任命令人艷羨的比利時盧森堡旅遊局局長一職,兩年後,並獲得法學博士頭銜。他和超現實主義者仍保持聯係,對亨利.斯托克 (Henri Storck) 的電影和作品抱有濃厚興趣,還萌發了拍攝一部有關剛果的影片的念頭。他心目中的導演為約翰.福特 (John Ford),史賓沙.德利西 (Spencer Tracy) 則會扮演探險家斯坦利 (Stanly) 的角色。但戰爭中斷了這個計劃。在這場戰爭中,他擔任了幾個月的比利時軍隊的中尉,後於1942年在困難的條件下舉辦了一場超現實主義展覽。翌年,他冒險將馬格里特《雷諾阿時期》、被納粹佔領者視為墮落敗德的作品收集起來,舉辦了一場地下展覽。1944年至1945年期間,他在倫敦 BBC電台比利時部任職,並與老友梅桑(Mesens)重逢。
回到布魯塞爾後,他創辦了一個新畫廊,但由於妻子遺失了馬格里特經理人合同,畫廊於是關閉。他悲傷之極,放棄了比利時盧森堡旅遊局局長之職,由1949 年起,全心投入菲利普公關部門領導人的工作,這可能是他最超現實主義的一個崗位。他的藝術活動顯得更加謹慎,但卻從不猶豫地支持妻子盧.科桑 (Lou Cosyn) 及其同名畫廊。他協助皮埃爾.阿列辛斯基 (Pierre Alechinsky) 舉辦第一次個展並對波爾.比里 (Pol-Bury) 的工作十分關注。
在他謝世五十年後,格曼究竟給我們留下了甚麼?也許是一個二十世紀藝術的偉大發現者的形象及一個鮮為人知的超現實主義詩人的形象,他的詩作永遠值得一讀。
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