Art et Histoire 藝術與歷史

Texte : Frank Vigneron

 
  Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence :
Histoire d'un siècle de peinture et de sa pensée (11)

十七、十八世紀之間的中國︰興盛不衰 : 一個繪畫及其思想的百年史(十一)
 
 

• Bada Shanren 八大山人 (Zhu Da) (1626-1705), Lotus, pierre et oiseau aquatique (《荷石水禽圖》), rouleau à suspendre, encre sur papier, 114.4 x 38.5 cm, Musée de Lüshun.

Autre groupement que celui des « Quatre Wang » et qui ne fait guère de sens sur le plan stylistique, les « Quatre Moines » (Siseng 四僧) furent effectivement moines, mais certains d’entre eux pas toute leur vie. Leurs styles sont en effet tous très différents et très reconnaissables et on leur reconnaît encore de nos jours une véritable originalité dans le traitement des thèmes qu’ils choisirent (et la majorité d’entre eux choisirent en particulier le paysage). Cette originalité fut ainsi qualifiée d’individualiste par les historiens du 19e siècle, toujours prêts à rejeter dos à dos des tendances qu’ils croyaient incompatibles. C’est ainsi que les « Quatre Moines » furent comparés aux « Quatre Wang », les premiers représentant un esprit libre et les derniers un esprit respectueux du passé. On verra, en comparant le traité de l’un des « Quatre Wang », Wang Yuanqi, avec le traité d’un de ces moines, Shitao 石濤 (1641- 1718), que cela ne fut pas aussi simple et que les uns comme les autres respectaient le passé et jugeaient une certaine originalité comme essentielle.

Le premier de nos moines, Shitao, fut un des derniers princes de la dynastie Ming et dût pour cela même se cacher presque toute sa vie sous l’identité d’un moine pour échapper aux représailles des Mandchous quand ceux-ci saisirent le pouvoir. Les multiples voyages qu’il entreprit durant le restant de ses jours le mirent en contact autant avec d’autres lettrés qu’avec des membres de la cour, ce qui tend à prouver que son appartenance à la famille royale des Ming ne fut probablement pas un problème trop longtemps. C’est aussi pendant ces voyages qu’il put voir et pratiquer une grande variété de styles. Auteur donc d’un traité célébré depuis le 18e siècle, il pratiqua principalement le genre du paysage, de la peinture d’orchidées et de bambou dans un style où l’on peut identifier aisément tous les mouvements du pinceau. On verra que ce genre de peinture gestuelle fut de tous temps comparée à la pratique de la calligraphie et, bien sûr, ce fut un point sur lequel l’artiste s’expliqua dans son traité. Autre descendant de la famille impériale Ming, Bada Shanren 八大山人 (ou Zhu Da 朱耷) (1626-1705), décida lui aussi de se cacher sous la tonsure du moine au début de la dynastie Mandchoue. Quoiqu’une lettre existe qui puisse prouver que Shitao et Zhu Da se connaissaient, l’authenticité de ce document a souvent été mis en doute. Il rencontra lui aussi la quasi-totalité des hommes de lettres et artistes de son époque mais sa personnalité fut bien plus excentrique que celle de Shitao. Fameux pour ses frasques, son style fut d’une simplicité encore stupéfiante de nos jours et l’on croit toujours pouvoir lire, dans ses oiseaux et ses poissons, les attitudes et les coups d’œil que cet homme étrange devait réserver au reste du monde.

Kuncan 髠殘 (1612-1673) aussi, devenu moine en 1651, ne pratiqua pas que le paysage et ses peintures de fleurs et de personnages eurent autant d’influence sur le reste de l’histoire de la peinture chinoise que ceux du peintre orthodoxe Yun Shoupin 惲壽平. Autre preuve de l’arbitraire de nombreux groupements faits par les historiens de l’art du 19e siècle, le nom de Kuncan fut souvent associé à celui de Cheng Zhengkui 程正揆 (1604-1670) tout simplement parce que tous deux avaient choisi un nom d’artiste comportant le caractère pour « ruisseau » (Un des noms d’artiste de Kuncan était « ruiseau de pierres », Shixi 石溪, et un de ceux de Cheng Zhengkui était « le Taoïste du pur ruisseau », Qingxi Daoren 清溪道人). Et pourtant, Cheng Zhengkui se réclamait de la tradition orthodoxe lettrée de Dong Qichang. Le dernier des « Quatre Moines », Hongren 弘仁 (1610-1664), fut à l’origine d’une école appelée « nouvelle école du Anhui » (Xin’anpai 新安派). Ses paysages aux traits anguleux étaient bien à même de frapper les imaginations et il fut l’inspiration d’un autre ami de Shitao, le peintre Mei Qing 梅清 (1623-1697). Avec ses trois autres amis Zha Shibiao 查士標 (1615-1698), Sun Yi 孫逸 (actif 17e siècle) et Wang Zhirui 汪之瑞 (actif 17e siècle), ils furent appelés les « Quatre Maîtres de Haiyang » (Haiyang Sijia 海陽四家) car tous résidaient dans la préfecture de Haiyang dans le Shandong 山東, c’est-à-dire un peu plus au nord que l’aire traditionnelle de l’activité lettrée. Tous pratiquèrent des genres et des styles qu’il n’est pas vraiment possible de classer dans la catégorie de la peinture lettrée orthodoxe à cause de leur emploi de couleurs quelque fois assez fortes et leur choix de perpétuer la tradition des peintres lettrés les plus attachés à un rendu non-réaliste de la nature. D’autres peintres appartinrent aussi à cette école, comme Yao Song 姚宋 (1648- ?), Zheng Min 鄭旼 (1632-1683), Jiang Zhu 江注 (1610-1663) et Zhu Chang 祝昌 (?-1679), qui continuèrent cette tradition pluraliste d’une peinture inspirée par des tendances venant de toute la Chine mais toujours attachée aux angles abrupts et aux paysages souvent désolés du fondateur de l’école.

Dans la même région du Shandong, l’influence de cette école fondée par Hongren fut si forte qu’elle s’exerça aussi sur des peintres qui n’y appartinrent pas officiellement. Ce fut le cas de Cheng Sui 程邃 (1607-1692), Dai Benxiao 戴本孝 (1621-1693) et de Xiao Yuncong 蕭雲從 (1596-1673). Ce dernier représenta pendant toute sa vie le courant des « sujets abandonnés » (Yimin 遺民) en peinture, c’est-à-dire des intellectuels qui restèrent fidèles à l’ancienne dynastie et refusèrent de servir les Mandchous. Zhao Mengfu 趙孟頫 (1254-1322), leur grand prédécesseur, qui fit de même avec les envahisseurs Mongols au 13e siècle, fut aussi un des premiers représentants de la grande peinture lettrée et c’est tout naturellement que son style insolite influença cet artiste tout aussi insolite. Le groupe de peintres de Nanjing que nous allons voir maintenant faisait aussi partie de ce mouvement des « sujets abandonnés ».

Comme ils n’étaient pas lettrés-officiels, la vie des ces deux
« Individualistes », Shen Hao 沈顥 et Shitao, est encore assez mal connue et ils semblent n’avoir pas été particulièrement célèbres pendant leur vie. Ils pratiquèrent la peinture et la théorie pour leur propre plaisir et leurs courts traités, malgré la brillance de leurs styles respectifs, semble avoir été écrits sans autre ambition que d’être lus par des proches. Ils sont ainsi assez différents des traités écrits par les lettrés de la dynastie Ming qui étaient évidemment destinés à une beaucoup plus grande diffusion. C’est aussi peut-être la raison pour laquelle les idées qui y sont exprimées sont parfois assez différentes de celles des lettrés malgré les traits qu’ils ont en commun avec certains des maîtres de Yuan qui furent pourtant une des origines de la tradition lettrée des Ming. Cette ambigüité se révèle tout au long de la lecture de ces deux ouvrages dans les pages desquelles il y a un désir d’originalité plus développé que chez Dong Qichang par exemple, mais aussi un respect de l’art du passé qui est très proche de la position lettrée.

 

除〝四王〞外,另一組合稱作〝四僧〞,他們確實削髮為僧,但其中亦有非終身出家者。〝四僧〞在風格建樹上意義不大,但其風格各不相同,亦容易辨認。今天,我們仍可在他們如何處理所選題材的手法上看到他們的獨特之處(他們大都以山水為首選)。他們的獨立特行,被十九世紀的畫評家稱之為〝野逸派〞,這些畫評家隨時摒棄那些他們認為與自己的主張相悖的繪畫傾向。因此,將〝四僧〞和〝四王〞相比較,前者代表一種自由灑脫的精神,後者則表現為崇尚古風。我們可以看到,比較〝四王〞的王原祁和〝四僧〞的石濤的畫論,實非易事,兩者均主張師法古人,卻又視個人風格為基本。

〝四僧〞之一的石濤(1641-1718)為明皇室後裔,為此他幾乎終身隱姓埋名,遁入空門,以逃避滿人的迫害。他頻頻外出,和文人雅士、達官貴人均有交往,這證明他的明朝宗室的身份並未形成長久的障礙。就這樣他四出雲遊,遍賞名畫,同時創造了風格不同的畫作。他是十八世紀以來備受讚賞的畫論《苦瓜和尚畫語錄》的作者。他擅長山水和蘭竹,其風格易令人想起運筆揮毫的各種動作。這種由手的自發動作完成的畫長時以來都被視為得益於書法之功。這也是他在畫論中闡釋的一點。另一明皇室後裔為八大山人,或稱朱耷(1626-1705)。他亦矢志守節,落髮為僧,選擇了隱逸之路。雖然一封書簡證明石濤和朱耷相識,但其真實性常遭質疑。他亦廣交文人雅士,但其性格遠比石濤乖戾。他以放蕩不羈出名,其畫風簡潔荒率,至今仍讓人矚目。而在他怪誕冷漠的花鳥,翻着青白眼的蟲魚中,我們可以一窺這位奇人的憤世嫉俗,對現實的不滿。


• Zheng Min (1632-1683), Paysage (《山水圖》), rouleau à suspendre, encre et couleur sur papier, 134.4 x 27.8 cm. Musée de Shanghai.

髠殘(1612-1673)亦於1651年出家為僧,他不僅作山水畫,其花鳥人物對中國繪畫的影響可與正統派畫家惲壽平媲美。他常和程正揆(1604-1670)相提並論,只因兩者皆在藝名中用了個〝 溪〞字。髠殘號〝石谿〞,而程正揆則號〝清溪道人〞。十九世紀的藝術史家對畫家歸類的隨意性,由此亦可見一斑。然而,程正揆卻自詡繼承董其昌正統的文人畫傳統。〝四僧〞中最後一位為弘仁(1610-1664),他是〝新安派〞的開山鼻祖。他的山水畫峻峭嶙峋,引人無限遐思。他亦從石濤的友人梅清(1623-1697)的畫中汲取靈感。他與其他三位朋友查士標(1616-1698)、孫逸(活躍於十七世紀)及汪之瑞(活躍於十七世紀)一起,並稱〝海陽四家〞,因他們均居於山東海陽府,在傳統文人活動區域稍北的地方。由於他們喜用較鮮艷的色彩並選擇文人畫中竭立主張對自然作非現實描寫的傳統,因此很難將他們的作品歸類為正統文人畫。其他一些畫家如姚宋(1648-?)、鄭旼(1632-1683)、江注(1610-1663)及祝昌(?-1679)均屬此派,他們繼承中國文人畫的多元傳統,但對該派創始者崢嶸突兀、蕭瑟蒼涼的山水鍥而不捨。

弘仁創立的這一畫派在山東影響極大,甚至不屬該派的畫家亦深受其影響。如程邃(1617-1692)、戴本孝(1621-1693)及蕭雲從(1596-1673)等。蕭雲從終其一生,以繪畫表現明朝遺民,即那些矢志忠於前朝、拒絕歸順滿清的文人。他們偉大的先輩趙孟頫(1254-1322),於十三世紀亦同樣不屈從於元人,他是文人畫的祖師爺之一,他奇崛的風格亦影響了同樣奇崛的畫家蕭雲從。我們將探討的南京金陵畫派亦屬明朝〝遺民〞這一群體。

沈顥與石濤由於非官場文人,因此他們的生平便知之不多,他們在世時亦非聲名赫赫。他們描寫丹青、著書論畫只為消愁解悶。他們短小精悍的畫論文采斐然,但似乎只為一些知己而作,和明朝文人那些顯然面向大眾的畫論有很大不同。大概也由於這點,他們在文章中的立論與普通文人畫論觀點往往相差甚遠,雖然他們與明代文人畫傳統源頭之一的元代大師均有共同特點。在閱讀這兩種畫論時,始終感到一種含糊不清,但在字裡行間,卻流露出一種比董其昌更其強烈的對個人風格追求的願望,同時亦表現了對傳統的尊重,這點極接近文人的立場。