Livres 新書介紹

  Water and Art (L’Eau et l’Art) de David Clarke  
 

Le côté fascinant d’une œuvre d’art, c’est qu’elle se laisse constamment redécouvrir et apporte à ceux qui la regardent un nouveau sens. Sa qualité fait qu’elle reste actuelle en tout temps - mais nous parle selon l’époque de façon différente. Chaque regard porté sur l’oeuvre la réinvente et lui donne de nouveaux sens. La première tâche et la plus importante pour un critique d’art qui travaille à chaud ou pour un historien d’art qui a le bénéfice d’une longue période de temps est de nous apprendre à la regarder, et par ce faire à la redécouvrir.

David Clarke, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Hong Kong, spécialiste de l’art moderne et contemporain occidental et chinois a eu la curiosité de se pencher sur quelque chose d’apparemment si commun que l’on n’y a pas attaché d’importance : « la place de l’eau dans l’art ». L’eau et sa représentation, l’eau en tant que matière, mais aussi l’eau en tant que thème avec tous les sens métaphoriques qu’elle peut englober. Le résultat est un livre passionnant, livre à la fois utile à un public de spécialistes grâce à un corps de notes très élaboré, mais aussi pertinent pour un large public d’amateurs.

L’eau est très présente dans l’art contemporain (peintures, vidéos, installations, performances) en tant que matière, qu’élément naturel, ou dans un sens métaphorique. Mais David Clarke a aussi remonté le temps et regardé la place qu’elle tient dans l’art européen, de la renaissance à l’impressionnisme, de l’art moderne occidental et chinois à l’art contemporain, examinant à la fois ses représentations, et les sens qu’elle pouvait prendre. L’ouvrage est divisé en cinq grands chapitres qui s’attachent à ces périodes, mais toujours en centrant la recherche autour d’expériences concrètes de grands artistes dont on découvre alors un nouvel aspect. Pour citer quelques exemples : Les étonnants dessins à caractère scientifique de Leonardo qui dessine la forme de l’eau quand un courant d’eau est détourné par un obstacle : il observe en détail les tourbillons, les différentes grosseurs et directions des bulles créées ; autres images fortement associées à l’eau dans la peinture, celles d’Ophélie et d’autres noyées qui hantent notre imaginaire. Il montre aussi comment Turner se place et nous place dans ses peintures au coeur même de la tempête maritime, alors que Monet surnommé par Manet le « Raphaël de l’eau » peint la surface de l’eau avec une vue surplombante. Le chapitre suivant « Les chemins de dissolution, l’art abstrait » traite entre autres de Mondrian, Kandinsky, Pollock et notamment des plans visionnaires de Yves Klein : une architecture immatérielle faite de toits d’air, de murs de feu et d’eau discutée à la Sorbonne le 3 juin 1959.

La dernière partie touche à l’art chinois où David Clarke remarque dans une boutade que ce que nous appelons « peinture à l’encre » s’appelle en chinois shui mo, littéralement « eau/encre », l’eau venant en premier. Il s’attache aux thèmes de la pluie, de la submersion et de la natation avec une étude approfondie sur Fu Baoshi (1904-1905) . Fu Baoshi a régulièrement peint la pluie s’abattant sur un paysage, fait rare dans la peinture chinoise qui s’attache plus aux étendues d’eau ou aux ruisseaux et cascades.

L’ouvrage s’achève sur la place de l’eau dans l’art contemporain chinois, très présente sous de multiples façons notamment dans les installations d’artistes qui commentent le projet très controversé du Barrage des Trois Gorges sur le Yangtsé.
C’est en fait cette transversalité entre l’art occidental et chinois choisie par l’auteur qui est intéressante : elle montre que la critique et l’histoire de l’art se transforment lentement et que la place dominante de l’art occidental face aux autres cultures perd de son importance dans le monde contemporain


Water and Art, David Clarke, Reaktion Books, London, 295 pages, 103 illustrations, en langue anglaise, ISBN 978-1-86189-662-9

 
     
 

Tong King Sum


Il y a deux ans disparaissait le sculpteur hongkongais, un homme étonnant frappé dans son enfance d’une grave maladie qui le laissa très handicapé, obligé de se déplacer avec des béquilles et plus tard avec un ballon d’oxygène, mais qui avec détermination et courage devint un grand sculpteur sur bois qui marqua les débuts de l’histoire moderne de l’art hongkongais. Il avait de nombreux admirateurs autant pour son art que pour la philosophie de la vie qu'il professait. Ce live d’art raconte sa vie et son art.
« Le monde est comme un théâtre, et chaque acte, chaque scène, heureuse ou triste, furieuse ou comique, est bonne à regarder » disait-il.


Tung King Sum, édité par Chiu Wai Yee et Yue Dan, Four Seasons Publishing Company, Hong kong, ISBN 978-988-186-42-3-9

 
   
     
 

La Chine en dix mots de Yu Hua

 
 

Le romancier chinois contemporain Yu Hua, né en 1960 à Hangzhou, auteur notamment de Vivre, Un amour classique et de Brothers vient de publier en traduction française un essai remarquable sur la Chine contemporaine dans lequel il mêle ses souvenirs d’enfance, d’adolescence et de jeune écrivain associés à une critique politique et sociale qui n’élude pas les sujets sensibles tels que les événements de Tiananmen en 1989.
C’est un essai peu ordinaire puisqu’il a eu l’idée de classer la Chine en « dix mots » qui sont pour lui symboliques et de l’histoire sociale et politique chinoise et de sa propre histoire personnelle :

« Peuple » (renmin) « Leader » (Lingxiu), « Lecture » (yuedu), « Ecriture » (xiezuo), « Lu Xun » (l’écrivain Luxun), « Disparités » (chaju), « Révolution » (geming), « Gens de peu » (caogen), « Faux » (chanzai), « Embrouille (huyou). Dix mots qui ont résonné à ses oreilles et aux oreilles de tous les Chinois. Sous chacun d’entre eux, il y a sa vie, quelques souvenirs marquants parfois touchants, et une vive critique de la société chinoise et de tous ses travers, ainsi que de ses compatriotes, lui-même s’incluant dedans.

Ce n’est pas une pure analyse sociologique ou politique, plus une chronique très vivante, souvent pleine d’humour, parfois comique, parfois cinglante qui trace un portrait de la Chine, endroit et envers, sans tabous. Les derniers chapitres notamment, « Le faux et l’embrouille » très contemporains, définissent toutes les subtilités de ces détournements de langage qui ont pour but de créer un langage parallèle au langage officiel et ainsi de dénigrer ce dernier mais qui vont jusqu’à créer une société où il devient impossible pour ses propres habitants de démêler le vrai du faux.

Ce livre est aussi le parcours d’un petit dentiste salarié d’un village devenu écrivain et le récit par exemple de la publication de sa première nouvelle et de son voyage chez l’éditeur pékinois est déjà en lui-même un roman. Le ton de Yu Hua y est très libre. Cet essai, nous disent ses traducteurs, Angel Pino et Isabelle Rabut, n’a pas été publié en Chine.

La Chine en dix mots, Yu Hua, essai traduit du chinois par Angel Pino et Isabelle Rabut, Actes Sud, Septembre 2010. ISBN 978-2-7427-9223-8

 
     
  amblings de Leung Ping-Kwan  
 

Voici le dernier recueil de poésie publié par le poète hongkongais Leung Ping Kwan (autre nom de plume : Yesi). C’est l’écrivain hongkongais le plus prolixe car il à son actif plus de dix recueils de poésie et autant d’ouvrages de fiction en prose. C’est aussi un excellent critique culturel sachant relier dans une époque cinéma, société, littérature et culture populaire.

Pour les lecteurs en français signalons principalement un recueil de nouvelles Iles et Continents chez Gallimard, Paris, et un recueil de poèmes, De ci, de là des choses chez Youfeng, Paris.

Ce recueil Amblings que l’on pourrait traduire par « Vagabondages » ou « Flâneries » est publié à Macao. Ce sont de vrais vagabondages ou errances puisqu’on y parle de paysages, de dîners, d’art, de villes et même de maisons hantées et de fantômes. La poésie de Leung Ping Kwan a ce caractère post moderne qui s’inspire aussi du nouveau roman français en ce sens qu’elle s’attache aux objets et de ce point d’ancrage dérive vers une histoire, une rencontre, un souvenir. Le moindre détail remarqué emmène le lecteur très loin dans une autre histoire. Leung Ping Kwan, grand voyageur, renjambe les frontières et les cultures à sa guise. On se retrouve aussi bien à rêver dans la maison de Kafka, à manger une salade Mao au China Club de Paris qu’à regarder la première neige tomber à Berlin. La moindre bouchée avalée dans l’intimité avec ce poète est l’objet de commentaires infinis. C’est aussi un gourmet pour qui tout plat est miroir d’une culture et dont les mots donnent âme à la nourriture.

Amblings, selected poems by Leung Ping Kwan, en langue anglaise et chinoise, 239 pages, ASM Poetry, Associations of stories of Macao, décembre 2010, ISBN 978-99965-42-20-6

 
     
   
         

Dernière mise à jour : le 1er février 2011