|
Dans les peintures de Choi Yuk Kuen, et de nombre d’artistes de sa génération à Hong Kong, le très personnel devient le sujet et le matériel même de son œuvre. Sans craindre de demeurer obscur pour le spectateur, qui se trouve ainsi confronté à une espèce particulière de devinette (de la sorte qui ne se laisse pas « lire » sans clé), Choi Yuk Kuen nous donne une multitude d’insectes et d’objets, entourés d’autres indices, tous peints avec une subtilité de touche qui semble hésiter entre le dessin scientifique et la finesse du pinceau chinois. On peut se demander d’ailleurs à quel point son éducation artistique au département d’arts plastiques de l’université chinoise de Hong Kong ne l’a pas prédisposée à préférer des couleurs très liquides. Bien qu’elle utilise des couleurs acryliques, celles-ci sont si fluides qu’elles font bien plus penser à de l’encre, bien que cela ne s’applique qu’à ses images, les fonds de ses peintures étant si épais qu’ils font bien souvent penser au métal.
Dans les œuvres de cette exposition, elle décida de « changer sa chance ». Le thème de la « chance renversée » (c’est-à-dire rétablie), ces feuilles de papier rouge comportant le caractère pour « bonne fortune » à l’envers, l’a amenée à représenter ses insectes sur des peintures carrées suspendues sur le côté, de la même façon que ces « chances renversées » sont collées sur les portes par exemple. Le thème de la superstition personnelle et du désir d’obtenir ce qui semble avoir manqué dans sa vie est au centre de bien des peintures de Choi Yuk Kuen, mais il faut connaître sa mythologie personnelle pour mieux comprendre cette attitude. Avant de se tourner vers ces images d’ailleurs, on pourra regarder une des vidéos de l’exposition où l’artiste tente de tracer une nouvelle ligne dans sa paume afin de tourner son destin vers des buts plus désirables.
Tout à fait comme les animistes de cultures qui furent autrefois appelées « primitives », Choi Yuk Kuen croit qu’il existe des esprits dans toutes les choses qui nous entourent, esprits qui se manifestent en nous assistant mais aussi en nous contrariant. Les insectes toujours présents, souvent au centre même de la peinture, sont plus clairement reliés aux esprits des morts. Sa première réalisation de la façon dont les esprits habitent ces insectes, presque naturellement pour un Chinois dont la tradition a toujours relié ces insectes aux esprits des morts (en particulier pendant la période de deuil), s’est présentée au décès de son propre grand-père. Comme pour les anciens Grecs qui avaient une croyance similaire, son âme étaient revenue sous la forme d’un papillon. Mais, Choi Yuk Kuen, ne pouvant se résoudre à voir un quelconque réconfort dans la présence de cet insecte, résolut qu’il ne pouvait y avoir de « beurre » dans cette situation. Elle conclut donc qu’au lieu d’un papillon (butterfly), il ne pouvait y avoir qu’une mouche (fly)…, insecte qui en vint ainsi à représenter la présence d’un esprit bénéfique. De cette réalisation, elle conclut aussi que de nombreux autres insectes pouvaient être employés par les morts comme des sortes de véhicules, ce qui explique la présence de ces étiquettes comportant des numéros d’immatriculation de Hong Kong.
Pour Ils remplissent toujours fidèlement leur fonction, Choi Yuk Kuen me raconta qu’elle était un jour sortie pour fumer une cigarette et qu’elle entendit un crapaud chanter dans des canalisations, produisant un son amplifié par la forme de ces vastes tuyaux. Cette situation se traduisit immédiatement en une peinture représentant un véritable récital, avec tous les fauteuils numérotés d’une salle de concert, plusieurs grilles en aluminium (souvenirs des canalisations qui évoquèrent cette image) ainsi que des roues dentées qui évoquent ses habituelles machines et objets (de la bicyclette au ventilateur) et les cônes que l’on peut voir partout à Hong Kong où ils nous avertissent d’un sol glissant. Ah oui, j’ai oublié ces cubes dépliés qui, repliés, peuvent former des dès qui nous permettront de tenter notre chance pour obtenir un fauteuil de concert…
Que devons-nous faire lorsque nous sommes confrontés à ce genre de travaux ? Est-ce que des explications comme celles que je viens de vous proposer sont nécessaires ? Pas du tout selon l’artiste qui est tout à fait ouverte à d’autres interprétations, tout aussi personnelles, de la part du spectateur de son œuvre. Ici aussi nous sommes confrontés à une narration, le retour d’une « allégorie » selon Craig Owens (qui vit dans leur réapparition dans les pratiques plasticiennes des années 70 la fin de quelque chose qui fut autrefois appelé le modernisme), mais d’une nature bien particulière puisque cette allégorie est entièrement personnelle et en aucune façon reliée à des « universaux ». Dans ce cas, devrais-je m’essayer à des narrations autres, des allégories personnelles différentes, quelque chose qui viendrait de ma propre expérience et de mes connaissances ? Et bien, je suis une personne tout aussi privée que Choi Yuk Kuen avec ma propre narration mais je n’ai pas besoin de répondre aux questions d’un critique d’art. Je me contenterai donc de laisser les lecteurs/spectateurs produire leurs propres histoires à propos des mouches, des abeilles et des araignées. |
|
在蔡鈺娟及其同代的香港藝術家的繪畫裡,非常個人的東西已成了他們作品的主題和題材。不怕觀眾對謎一般的畫摸不着頭緒,蔡鈺娟在其畫作中以介乎科學繪圖和中國水墨畫雅緻之間的細膩筆觸展現了為數眾多的昆蟲和其他物體,並繞以其他標誌。我們不禁要問,她在香港中文大學造型藝術系所受的藝術教育,竟叫她如此傾向於淺淡稀釋的顏色?雖然她以丙烯顏料作畫,但顏色是如此流動,以致令人想起水墨。她僅以此法製作形象,圖畫底色的厚重常予人一種金屬感。
• Choi Yuk Kuen 蔡鈺娟, Ils remplissent toujours fidèlement leur fonction (他們總是忠實地履行自己的職責), acrylique, roues à dents et crayon sur bois, 2010
在是次展覽的作品中,她決心〝改變運氣〞。〝福倒〞,即那紅紙上載有顛倒的〝福字〞的繪畫主題,促使她創作了如同黏貼在門上的倒〝福〞一樣的四四方方、懸在空中的昆蟲畫。迷信以及意欲彌補生活中的缺憾這一主題成了蔡鈺娟許多畫作的主調。這個傾向只有在了解了她個人生活的秘密後方能更加理解。在觀賞她的這些畫作前,我們不妨先觀看一下她的一個錄像製作,片中藝術家試圖在自己的手掌上畫出一條新的手紋以期轉運。
和過去被人稱作原始文化裡的泛靈論者一樣,蔡鈺娟相信我們週遭的萬物皆有神靈附身,它們有時顯現,或幫助我們,或令我們受挫。那無時不在的、經常成了她繪畫中心的昆蟲顯然與亡靈有關。死者的靈魂附在昆蟲身上,對中國人而言自然不過,中國傳統中總將昆蟲和死人的靈魂聯繫一起(尤其在守孝期間)。蔡鈺娟基於這種思想的第一幅作品出現在她祖父逝世時。和古希臘人的信仰相仿,她祖父的靈魂化作蝴蝶回來了。但蔡鈺娟並未因這昆蟲的出現而感到安慰,她在蝴蝶 (Butterfly)身上並未看到butter,而只看到fly(蒼蠅)…… 這代表善良精靈的昆蟲。由這一作品開始,她認為所有其他昆蟲都可以成為死者的駕座,這也解釋了為甚麼她畫上出現了載有香港車牌號碼的標簽。
關於《他們總是忠實地履行自己的職責》這件作品,蔡鈺娟是這樣對我說的:一天她走出門外抽一支煙,聽到一只蟾蜍在污水管道裡鳴叫,聲音透過巨大的水管,顯得特別洪亮。這個情景很快便被移植成一幅表現一個真正音樂會的圖畫。畫中有音樂廳標有號碼的座位,一些鋁製柵欄(這是對啟發創作這幅畫的污水管的回憶),還有一些齒輪(令人想起從自行車到風扇這樣一些熟悉的東西)以及香港到處可見的提醒人路面濕滑以防跌跤的錐形圓筒。啊,對了,差點忘了那可展開、折疊起來變成一個骰子,可讓我們試試運氣贏得一場音樂會入場卷的立方體……
面對這樣的藝術作品我們該做些甚麼呢?我上面所作的一番解釋有必要嗎?回答是一點都不需要。因為藝術家的態度是開放的,她歡迎觀眾對作品作任何個人的解釋。這裡,我們面臨一種敘事,用Graig Owens的話說是〝寓意〞的回歸(他在上世紀七十年代造型藝術的實踐裡這種〝寓意〞的重新出現中,窺見了被稱作現代主義藝術的終結),但這種寓意是完全個人的、和共性毫無關係,因此性質極其特別。在這種情況下,我還應作一些其他敘述、其他一些不同的寓意,一些來自個人經驗和學識的嘮叨嗎?我和蔡鈺娟一樣是一個獨自的個體,做着屬於自己的敘述,無需回答藝術批評家提出的問題。我樂意看到讀者和觀眾對蒼蠅、蜜蜂和蜘蛛說出自己的故事。
|
|