Journée de la femme 婦女節


 
  Fado pour les Femmes
de Fatou Diome
 
  Cléopâtre, je pense à vous !
Me croiriez-vous, si je vous disais que les plus méritantes des femmes d’aujourd’hui voient encore, trop souvent, leurs compétences niées ou placées sous l’égide de quelque mâle dominant, qui aurait succombé à leur charme ?
Ainsi, à propos de Dilma Russeff, la nouvelle présidente brésilienne, un journal, qui n’a plus à démontrer son rang de leader d’opinion, a titré sans complexe :
« L’élue de Lula. » Il n’est donc point besoin d’être une féministe radicale pour se demander quand s’arrêtera l’infantilisation, pire, la chosification des femmes.
Aux oubliés de l’Histoire, il ne reste que l’espoir des lendemains qui chantent. Alors, après chaque révolte, je rêve.
Devant les femmes à la fleur coupée
Ces déesses à la jouissance mutilée
Qui ne goûtent qu’aux douleurs secrètes
Je rêve ! Devant les voiles pleins d’ombres
Que les falsificateurs isolent du monde
J’entonne un fado
Et je rêve !
Devant les visages tuméfiés
Ces beautés cabossées
Amoureuses épouvantées par l’être tant aimé
Je rêve !

Devant les trophées de guerre
Femmes martyres, violées
Comme un ultime outrage fait à l’ennemi
Je rêve !
  Ici, on viole !
Là, on voile !
Ailleurs on lapide !
Je rêve ! Avec toutes mes sœurs qui pleurent
À travers le monde
Et réclament justice
Devant les maîtres d’aujourd’hui
Tous ces enfants d’hier
Oublieux du sein maternel
Je rêve !

Obstinément
Je rêve d’un rendez-vous
Non des grands hommes
Mais des grands humains

Je rêve
Et j’entends Rosa Parks nous dire :
La dignité est à revendiquer à tout prix
Le mot Non ignore le sexe de son émetteur
Personne n’est né pour vivre à genoux
Alors, du Cap au Tibet
De Gaza à Katmandou
Redressez-vous !

Je rêve
Et je vois Simone Weil
La philosophe ouvrière
Pour nous tous, elle a éclairé le chemin
L’intelligence s’accorde bien au féminin
La liberté aussi !
  Je rêve et j'écris
Chaque page est la peau de mon djoundjoung
De son roulement grave
Le djoundjoung convoquait les princes guelwaars
Mais aussi les princesses
Alors, munie de mon djoundjoung, j'appelle. J'appelle Aminata Sarr !
Ma première héroïne, ma grand-mère
J'appelle Aline Sitoé Diatta !
La Diola sacrifiée pour la liberté de son peuple
J'appelle les femmes de N'der !
Qui s'immolèrent par le feu avec leurs enfants Pour échapper à l'esclavage
J'appelle Louise Michel !
La vierge rouge
Qui sait que seul le savoir libère
J'appelle l'armée de ses sœurs !
J'appelle Nadine Gordimer ! J’appelle Toni Morrison !
J’appelle Mariama Ba !
Et pour égayer le cortège
J’appelle Lou Andréas-Salomé !
La belle qui savait tous les usages du feu
Et illumina Nietzsche, jusqu’à la folie
J’appelle Aung San Suu Kyi !
Qui paie le prix de son rêve de justice
Dans les pas de Gandhi
J’appelle Wangari Maathai !
  Pour la planète entière
J'appelle Shirin Ebadi !
Qui plante des pousses de paix
J'appelle tant d'autres encore. Pour conjurer la surdité de l'Histoire
Je tape sur mon djoundjoung, matin et soir
Je tape et j'appelle les valeureuses aînées
Qui m'ont légué leurs plus beaux rêves Dans un monde où l'on invoque Dieu pour tuer
Sans relâche, j'appelle Les femmes et les hommes de bonne volonté
À toujours défendre les droits humains

Quand les longues nuits d'insomnie
Se peuplent de silhouettes craintives
Quand les soupirs des malheureuses
Menacent d'éteindre la bougie de l'espoir
Je hisse des drapeaux rouges
Pour circonscrire le gouffre du désespoir
Et dans l'opaque bleu nocturne
Effrayée par tous ces filets jetés sur l'esprit
Je saisis ma rame, ma plume
Avec cette plume lourde de toutes mes impuissances
Je trace le sillage de mon rêve
J'écris.
Et même si c'est dérisoire
J'écris
Toujours ce même rêve :
Si c'est trop d'aimer
De chérir et de protéger
Du moins qu'on respecte
Les femmes qui mettent le monde au monde.
Fatou Diome
 
 

Depuis 101 ans, le 8 mars est une journée dédiée aux femmes. C’est en 1975 que les Nations Unies ont officiellement proclamé ce jour comme journée internationale des femmes. Le thème de cette année : « Égalité d'accès à l'éducation, à la formation, à la science et à la technologie : la voie vers un travail décent pour les femmes ». Nombre de femmes administrent, dirigent, travaillent, enseignent, étudient, s’associent (bénévolement, par des dons ou par des partenariats), au sein des Alliances françaises.

A cette occasion, la Fondation Alliance française commence dès cette année un recueil de textes écrits par des femmes sur les femmes du monde. Tous les ans, un texte sera ainsi proposé au réseau pour être lu dans les classes des Alliances. Cette année, c'est l'écrivaine sénégalaise Fatou Diome qui a accepté, avec enthousiasme, d'écrire pour nous un premier texte. Née au Sénégal en 1968, Fatou Diome vit actuellement à Strasbourg en France où elle est doctorante en lettres modernes à l’université Marc Bloch. Elle a publié plusieurs romans, Celles qui attendent, éditions Flammarion, Paris (2010) ; Inassouvies, nos vies, Flammarion, Paris (2008) ; Kétala, éditions Flammarion, Paris, (2006) ; Le ventre de l’Atlantique, éditions Anne Carrière, Paris, (2003) et des nouvelles.

自一百零一年前起,3月8日已被用來慶祝婦女節。一直到了1975年,聯合國正式宣佈這一日成為國際婦女節。今年婦女節的主題為:〝平等機會接受教育、培訓、科學和技術:是婦女通往條件較優厚的工作之途徑。〞在法國文化協會網絡中有無數的女性擔任管理、領導、職員、培訓、科學及技術上的工作。

為慶祝婦女節,法國文化協會基金會由今年開始收集一些女作家撰寫有關婦女的文章。而每一年,將會介紹一篇文章給整個網絡以供在法協的課堂上閱讀。今年介紹的是塞內加爾女作家Fatou Doime。她非常高興能為我們提供第一篇文章。Fatou Doime 1968年出生於塞內加爾,現時在法國的斯特拉斯堡居住,並在Marc Bloch大學攻讀當代文學的博士學位課程。她曾出版了多本小說:《Celles qui attendent》(2010年)巴黎Flammarion出版社、《Inassouvies, nos vies》(2008年)巴黎Flammarion出版社、《Kétala》(2006年)巴黎Flammarion出版社、《Le ventre de l'Atlantique》(2003年)巴黎Anne Carrière出版社,以及一些短篇小說。