|
« Pleure qui peut, rit qui veut, proverbe chinois »
(en exergue de Lola de Jacques Demy)
• Bourvil |
Longtemps Tati fut davantage une silhouette qu’un visage. Il finit par le dévoiler dans Parade (1974), son dernier film, dans lequel il tire discrètement sa révérence, laissant à d’autres la place sur la piste. Les clowns sont aussi humains et mortels. Ils tombent dans l’oubli, tel l’authentique clown Béby de 24 heures de la vie d’un clown (1946) de Melville. Certains visages sont grimaçants (Louis de Funès) : « la mécanique plaquée sur du vivant » y éclipse un peu trop le vivant. Les comiques ont aussi une face cachée. Melville fait ainsi jouer à contre-emploi Bourvil dans Le Cercle rouge (1970). Il n’est pas en effet de pur comique. Les Vacances de Monsieur Hulot (1953) se termine en effet sur une note mélancolique.
Le comique ne se cantonne pas à la comédie comme genre. Une démarche transversale est donc bienvenue pour cerner en dehors du burlesque originel et de ses procédés (course poursuite par exemple), ses avatars et ses modulations. Discret ou caricatural, facteur de subversion sociale, le comique crée souvent un désordre, s’attaque à des tabous et invite à lâcher prise. Nombre de ressorts comiques peuvent tout autant servir le tragique : ainsi en est-il pour le quiproquo. Telle scène de L’Esquive (2004) de Abdellatif Kechiche semblant hériter du vaudeville bascule subitement dans le drame réaliste.
Les grands réalisateurs comiques continuent d’être un modèle d’inspiration au vu des récents hommages ; Iosseliani fait jouer Etaix dans Chantrapas ; Sylvain Chomet réalise L’Illusionniste dédié à Tati. Dans Une vie de chat de Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli, un gangster a pour surnom « Monsieur Hulot », ce contrebandier du rire qui exhibe l’étrangeté du quotidien et a fini par disparaître au profit de tout un chacun dans les films de son auteur. Mais Tati n’a pas toujours connu le succès mérité : l’ambitieux Playtime (1967) fut un échec commercial.
• Tati dans L'Illusionniste de Sylvain Chomet |
Nous nous proposons donc de montrer autour du thème du mal aimé des extraits drôles tirés des films suivants : Rupture (1961) de Pierre Etaix ; Baisers volés (1968) de Truffaut mis en parallèle avec une scène de L’Enfant sauvage (1970) ; César et Rosalie (1972) de Claude Sautet ; Les Valseuses (1974) de Blier ; Maine Océan (1986) de Jacques Rozier ; La Campagne de Cicéron (1989) de Jacques Davila ; On connaît la chanson (1997) d’Alain Resnais.
On peut rire des autres mais à condition de rire aussi de soi et de ses travers. Le cinéma sait faire preuve d’auto-dérision et se moquer de lui-même. Dans Pays de cocagne (1971), Etaix fait un portrait au vitriol de la France en vacances mais par une pirouette finale sa satire féroce se retourne ironiquement contre sa propre prétendue “légèreté”. Drôle ou cruel ? Truffaut confiait à Hitchcock à propos de Fenêtre sur cour (1954) qu’il avait initialement trouvé son film très méchant. Mais des années après, il y voyait même une certaine bonté dans le regard.
Profitons des leçons du comique sans bouder notre plaisir. Les auteurs se sont donné du mal pour ça. L’image du Guitry désinvolte et cabotin cache une humeur plus sombre (au programme : un extrait de son dernier film Les trois font la paire,1957). Dans La Règle du jeu (1939) de Renoir, le valet Marceau conseille à son maître pour plaire aux femmes de les « faire rigoler », et lui demande : « Pourquoi qu’vous essayeriez pas d’en faire autant ? » Visages du Comique
Discussion en français, films en français sous-titrés en anglais.
Animé par Violaine de Schuyter
Jeudi 23 juin à 19h00, entrée gratuite
Médiathèque de l’Alliance française
1/F, 52 Jordan Road, Jordan, Kowloon
Il rétorque : « Mon pauvre Marceau, parc’qu’il faut être doué ! » On pourrait gloser : ne fait pas rire qui veut…Mais puisque ces auteurs nous offrent le privilège de nous amuser, laissons-nous séduire le temps d’une soirée ou plus (on peut faire de ces experts en divertissement des compagnons de route durables). |
|