Arts visuels視覺藝術

Texte : Gérard Henry

 
  Ko Siu Lan : la subtile subversion des mots
高小蘭:巧妙的文字遊戲
 
 

Si on compare la scène artistique hongkongaise contemporaine actuelle à celle des années 80 et 90, on remarque qu’elle est très peu engagée dans la politique où les problèmes de la société. Les années 80 et 90 étaient dominées par des artistes qui avaient étudié à l’étranger et avaient été confrontés aux mouvements politiques internationaux. Rentrés à Hong Kong, ils durent faire face à la rétrocession, à des problèmes d’identité qui façonnèrent chez eux une conscience politique aigue qui se reflète dans leurs œuvres elles-mêmes ou dans leurs engagements dans la société. La génération suivante principalement élevée à Hong Kong dans une époque plus tranquille, avec une garantie de liberté d’expression, est plus préoccupée par des problèmes d’esthétique ou de préservation du patrimoine culturel, bien que tout récemment on note un changement avec un plus grand engagement dans la vie politique parmi la génération des « Post-Eighties ». Il existe toutefois une petite fraction d’artistes à Hong Kong qui a continué à questionner la société (hongkongaise et internationale) sur ces choix notamment par l’art de la performance ou de l’installation. Un exemple intéressant en est la jeune artiste Ko Xiu Lan, peu connue à Hong Kong mais qui depuis quelques années poursuit un travail consistant, axé sur la liberté d’expression, la censure et le langage au niveau international.


• Galerie Paris Beijing, Pékin 2010

Ko Siu Lan est née à Xiamen, sur la côte sud de la Chine, mais a grandi et a étudié à Hong Kong. Diplômée de l’Université de Hong Kong en sociologie, elle a travaillé dans le développement durable et l’humanitaire à Hong Kong et en Chine jusqu’en 2007. Très concernée par les problèmes de la société, elle s’est engagée avec détermination par de nombreuses performances, installations, œuvres de rues réalisées un peu partout dans le monde :
Thaïlande, Vietnam, Inde, Corée, Pologne, Danemark, Belgique, France, Amérique du Sud et bien sûr Pékin et Hong Kong, les deux villes où elle réside en ce moment. Ses performances faites en public sont très physiques, utilisant le corps humain, et sont souvent en interaction avec le public, car elles sont toujours en relation avec la société contemporaine. Elles ont un côté souvent poétique mais posent des questions essentielles : « Je ne crois pas à l’utopie, je trouve l’utopie ennuyeuse, je ne crois pas aux idéaux, je crois au mouvement, aux changements, aux possibilités multiples, aux fossés, aux limites, aux hasards. » (Catalogue Le week-end de sept jours, Beaux-arts de Paris, 2010)

En 2007, elle est invitée en résidence de deux ans à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris dans le programme « La Seine » destiné aux jeunes artistes internationaux. A la suite de ce programme, elle sera invitée à participer à l’Exposition « Le Week-end de sept jours » organisée en février 2010 par Les Beaux Arts de Paris et la commissaire Clare Carolin du Royal College of Art, Londres. S’inspirant de la célèbre phrase du président français Nicolas Sarkozy, « Travailler plus pour gagner plus » Ko Siu Lan avait tendu devant l’Ecole des Beaux-Arts de Paris de grandes bannières avec les mots Travailler / Gagner / Plus / Moins / qui par glissement pouvaient se lire selon la direction d’où on les regardait en « Gagner Plus, Travailler Moins » ou en « Travailler moins, Gagner moins » etc. Elle s’amusait ainsi non sans humour à déconstruire la pensée capitaliste et à suggérer que le souhait de la population était peut être autre, que ces gens qui avaient pour certains durement travaillé toute leur vie pouvaient souhaiter de meilleures conditions de vie, « travailler moins, gagner plus » par exemple. L’Ecole des Beaux Arts estimant que cela pouvait porter « atteinte à la neutralité du service public » prit peur et fit retirer les bannières. Cette censure provoqua aussitôt un scandale et fit la une de la presse internationale, au point que le ministre français de la culture Frédéric Mitterrand, dut intervenir, s’excuser auprès de l’artiste et ordonner à l’école de remettre les bannières. Cette médiatisation fit connaître Ko Siu Lan internationalement.

Après de nombreuses performances, le travail de Ko Siu Lan a évolué vers le langage, jouant, comme dans l’exemple ci-dessus, sur la polysémie et l’assemblage des mots. Le langage est indissociable de la pensée, c’est donc en le détournant, que l’on provoque un questionnement soudain de la pensée, comme si l’on détournait vers une voie d’aiguillage un train habitué aux mêmes rails. Le langage bouleversé ou inversé devient alors subversif. L’artiste joue également avec les pièges de traduction entre l’anglais et le chinois qui provoquent de nombreux malentendus. Elle s’amuse par exemple dans Harmonious Signs, à dynamiter le langage en le distordant de façon inattendue sur des objets familiers tels que les petites plaques métalliques fixées sur les portes des toilettes ou des bureaux comme
« Attention Sol glissant » « Gardez le silence s’il vous plaît » qui deviennent « Attention Démocratie » ou « Silence Corruption en cours ».

L’astuce est de garder le même symbole visuel auquel l’œil est habitué, mais de changer le texte dans une langue ou dans l’autre, ce qui fait que souvent on n’y prête pas attention au premier regard, mais qu’au second, la réalité se révèle et s’imprime dans notre œil. On peut lire aussi dans ces lieux « Interdit de penser », « Interdit de s’amuser » et même pour accentuer l’absurdité de cette société, « Interdit de déféquer ».

Un simple jeu peut également devenir significatif : son Rubic cube intitulé One Only Cube (L’Un seulement ) est un petit cube aux couleurs vives dont le titre et les six faces incarnent un concept philosophique, sociétal et politique que l’ artiste définit avec une feinte innocence, car de quelque façon qu’ on le manipule, on ne peut échapper à cette dictature de l’ Un : « Un Pays – Un Système », « Une Nation – Une Race », « Une Parti-Une Voix », « Un Mari-Une Femme », « Une Famille-Un Enfant », et pour ceux qui espéreraient encore pouvoir y échapper : « Un Monde-Un Rêve » !
En un cube et onze mots Ko Siu Lan nous livre les arcanes de la société contemporaine dans laquelle elle vit. C’est cette apparente insignifiance et légèreté dans un simple cube de jeu qui rend cette œuvre hautement subversive. Quand le langage est censuré naît un double langage qui s’insinue dans toutes les failles.


• Tout ce qui est rose se dissout dans l'air

Ko Siu Lan explore ainsi les possibilités que lui offre langage. Dans une exposition Please Ask Me Why? (Demandez-moi pourquoi ?) à la galerie Paris-Beijing à Pékin en 2010, l’entrée se faisait par une porte tournante à quatre panneaux de verre sablé ou se lisait en anglais et chinois les mots No (non) Dare (Oser) Remember (Se rappeler), Forget (Oublier). « Oser » en chinois se lisait avec « Non » en anglais, augmentant la confusion du visiteur. L’on rentrait ensuite au delà de la porte tournante dans la salle éclairée d’une lumière blanche zénithale. Si le visiteur levait la tête au plafond, il pouvait voir que les néons au plafond formaient en forme réfléchie les mots « Free Doom ». tandis que dans la pièce suivante dans une installation intitulée Don’t Ask Me Why ? on pouvait lire « No Thinking » Il faut bien sûr une connaissance de la Chine contemporaine où les doubles langages sont devenus un moyen de communication courant pour comprendre tous ces non-dit, mais ils parlent clairement à ceux qui ont cette connaissance. « Je m’intéresse à cette situation d’erreur par mégarde ou de malentendu, C’est comme tenter de saisir une bulle de savon, et qu’elle éclate au moment où vous l’attrapez. C’est cette sorte de dilemme que j’essaie de créer dans mon travail… faire sentir gens qu’ils se tiennent sur un terrain solide, mais soudainement, avant même qu’ils le sentent eux-mêmes, il se dérobe. Peut-être ce terrain n’avait-il jamais existé. » (Ko Siu Lan dans un entretien avec Clare Carolin). Les performances / installations de Ko Xiu Lan cachent souvent de nombreuses allusions mais charment également par leur sens poétique comme « Tout ce qui est Rose se dissout dans l’air » (All That is Rose melt into air), un homme, transportant sur son tricycle des pétales de rose en Inde…

Ko Siu Lan exposera ses deniers travaux No Thinking, Free Doom, Harmonious Sign, une nouvelle œuvre We Are/You Are/They Are, (faite de six Stickers fluorescents) pour la première fois à Hong Kong dans une exposition collective intitulée Red à la galerie Chancery Lane, à Chaiwan.

 


• Ecole des Beaux-Arts de Paris, 2010

若將香港當下的藝術和八、九十年代的藝術相比較,可以看到它甚少介入政治和社會問題。而那些負笈海外並見慣國際政治風雲的藝術家則對此駕輕就熟。他們回到香港,必須面對政權回歸、個人身份問題,這塑就了他們敏銳的政治意識,並在作品或對社會的參與中表現出來。香港的年輕一代在社會相對穩定、言論自由的環境下成長。雖然最近一個時期,一些〝八十後〞的年輕人積極介入政治,但他們更關心的是美學和文化遺產的保護問題。然而亦有一小部份香港藝術家繼續關注香港及國際社會問題,並以行為及裝置藝術表現出來。青年藝術家高小蘭即為其中一例。她在香港雖並不十分為人所識,但幾年來孜孜不倦於藝術創作,題材涉及言論自由、新聞審查及語言諸方面。

高小蘭出生於中國南方的廈門,但卻在香港成長並受教育。從香港大學社會學系畢業後,便在香港及中國大陸有關可持續發展及人道主義的非政府組職工作,直至2007年。她非常關心社會問題,並以其行為、裝置及街頭藝術積極介入。她的藝術創作活動遍及世界各地:泰國、越南、印度、韓國、波蘭、丹麥、比利時、南美法國屬地,當然還有北京和香港。目前她來往奔波於這兩個城市。她的行為藝術非常依賴身體語言並常和觀眾形成互動,始終與當代社會緊密相連。她的行為藝術有其詩意的一面,卻觸及一些根本問題。她說:〝我不相信烏托邦,我覺得這很無聊,我不相信理想,我相信運動,變革和無窮的可能性,相信鴻溝、極限和偶然。〞(摘自2010年巴黎美術學院《七天周末》展覽目錄)

2007年,她應邀參加巴黎法國國立高等美術學院為世界青年藝術家舉辦的〝塞納河研究生計劃〞,在巴黎研讀了兩年。接着她應邀參加該學院和倫敦英國皇家藝術學院策展人克萊爾.卡蘿琳(Clare Carolin)舉辦的名為《七天周末》的展覽。受到法國總統薩爾科齊著名口號〝工作越多,賺錢越多〞(Travailler plus pour gagner plus)的啟發,她在美術學院的外牆懸掛了兩張條幅,上面寫有〝工作〞、〝賺/贏〞、〝多〞、〝少〞的字樣,可隨意根據方向讀成〝賺錢越多,工作越少〞或〝工作越少,賺錢越少〞等等。她就這樣幽默地玩弄和解構資本主義思想,並暗示人們可能別有期望。那些為他人終生勤勞工作的人期盼更美好的生活,如〝工作越少,賺錢越多〞。美術學院考慮這可能〝有損公眾服務的中立性〞,有點擔心,因此便把它取了下來。這舉動即刻引起議論,並成了國際新聞的頭條,以致法國文化部長弗雷德里克.密特朗(Frédéric Mitterand)親自出來干涉,向藝術家致歉,並令學校當局重新掛起條幅。由於媒體的報導,令高小蘭霎時聲名遠播。

在創作了眾多的行為藝術後,高小蘭將注意轉向了語言,如上所述,在詞語的多義和組合基礎上,她玩起了文字遊戲。語言和思想是不可分開的,稍微改變一下,便突然產生對思想的質疑。好比一列開往既定方向的火車,由於扳道工將鐵軌扳開改變了方向。弄亂、倒置的語言變得具顛覆性。藝術家還巧用中英互譯的陷阱,玩弄出許多誤會來。如在〝和諧標牌系列〞的創作裡,她炸開語言,對廁所或辦公室門口常見的牌子做了出人意表的扭曲,〝小心地滑〞成了〝小心民主〞;〝請保持安靜〞成了〝腐敗在進行中〞。其訣竅在於保持牌子的視覺形象,偷換其內容。人們在第一眼望去時,沒發覺甚麼,但再望一眼,信息便展現出來,映入眼簾。我們還可看到〝禁止思考〞、〝嚴禁嬉戲〞,甚至為凸顯這社會荒謬的〝禁止排泄〞的牌子。

一個簡單的遊戲可以意義深遠:一個叫做〝One Only Cube〞的骰子是一個色彩鮮艷的小立方體,它的名稱和六面蘊含了哲學、社會和政治觀念。藝術家略施小計,無論你將骰子怎樣旋轉,都會得到一個〝一〞字:〝一國一制〞、〝一個國家、一個種族〞、〝一個政黨、一種聲音〞、〝一夫一妻〞、〝一家一孩〞。你以為這就完了,可不,還有〝一個世界、一個夢想〞!就這樣,借助一個立方體和十一個字,高小蘭向我們展現了生活其中的當代社會的奧妙。這個顯然微不足道的簡單的骰子遊戲卻令藝術品具顛覆性。當語言受到審查時,一種相關語便會從各個裂縫裡冒了出來。

高小蘭就這樣探索語言的可能性。在2010年北京的巴黎-北京畫廊的展覽裡,有一個題為《請問我為甚麼?》的裝置藝術,這是安裝在畫廊門廊裡一個由四面噴砂玻璃構成的四翼旋轉門,門上重疊的文字為中文:不、敢、忘、憶;英文為:No、Dare、Remember、Forget。英文Dare、No與對應的中文含義恰巧相反。當讀到中文的〝敢〞時,英文對應為〝No〞,令觀眾感到茫然。走出旋轉門進入由天花板高處熾熱的燈管照亮的展廳,觀眾若抬頭仰望天花,便可看到由光管組成的發人深省的〝Free Doom〞的兩個英文字。而在另一個展廳,一個題作《別問我為甚麼?》的裝置藝術上,則可讀到〝禁止思考〞(No Thinking)的字樣。時下的中國,雙關語已成了一種交流方式,瞭解了這點,你才可領會其中深藏的涵義。在和克萊爾.卡夢琳的一次對話中,高小蘭這樣說道:〝誤讀…… 我對誤讀與誤會這方面很感興趣。這就好像試着去抓一個氣泡,當你抓到時,它就破了。我喜歡這種吊詭。這是我試着在作品中達到的…… 讓觀眾感覺他們好像站在地面上但是突然地,在他們認識到之前,地面變動了。可能這個地面從來沒有存在過吧。〞高小蘭的行為藝術和裝置藝術經常充滿含沙射影,但亦有其詩意的一面,如〝祗是玫瑰煙消雲散〞的街頭作品。在印度,一個三輪車夫運送滿車斗的玫瑰花瓣……

高小蘭將於Chancery Lane畫廊一個稱作〝紅〞(Red)的畫展中展出她的近作《禁止思考》、《Free Doom》、《和諧標牌》以及她的新作《We Are / You Are / They Are》(由六張熒光貼紙構成),第一次在香港展出。

Red Exhibition
26/5 -28/8/2011
10 Chancery Lane Gallery
6/F, Industrial City Phase 1, 60 Wing Tai Road, Chaiwan