Poésie 詩詞

Texte : Bernard Pokojski

 
  Andrée Chedid, au double-pays
安德烈.謝迪 ─ 兩個國度
 
 

« J'aime le mystère de la condition humaine, l'énigme est le langage même de la vie et je me suis toujours vécue de passage dans ce mouvement. C'est comme ce fleuve, qui ne s'arrête pour personne et qui continue sa route. » Andrée Chedid

Andrée Chedid était née au Caire en 1920 au bord de ce grand fleuve qu'est le Nil, et le 7 février de notre année, près de la Seine, elle a fermé ses yeux à jamais ! « Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, le malheur, la cruauté du monde ; mais aussi sur la lumière, sur la beauté, sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l'avenir ». Alors, Andrée Chedid grande dame des deux rives, vivante !

Pour commencer, rappelons cependant que sa famille, d'origine libanaise, était venue s'installer au Caire dans les années 1860 et que son grand-père, est-il dit, fit fortune dans le commerce en vendant des bouchons de liège, dans les souks. La légende rapporte aussi que malgré sa prospérité, il resta toujours fidèle à son âne. La grand-mère, pour finir ce tableau familial, montrait quant à elle plus de qualités artistiques, puisque jouant de « l'oud comme une vraie virtuose », s'était révélée une chanteuse hors-pair.

A l'âge de 10 ans donc, Andrée Chedid est mise en pension et apprend l'anglais ainsi que le français et quatre ans plus tard, se verra envoyée en Angleterre pour revenir ensuite au Caire faire ses études à l'université américaine. A 22 ans, elle se marie avec un médecin, dont elle aura deux enfants : Michèle et Louis, et vit pour un temps au Liban au milieu des églises coptes et des limousines anglaises, tout en publiant au Caire en 1943 son tout premier recueil poétique en anglais. En 1946, son mari décide de partir en France : « On avait envie de France, expliquera-t-elle, ce pays nous faisait rêver et puis la situation politique en Egypte était compliquée. » Ils s'installeront près du Jardin du Luxembourg et Andrée Chedid commencera à écrire des poèmes en français.

« La poésie questionne l'univers » comme elle l'écrit, pour désigner « le mystère qui demeure entier », mais elle s'adressera aux lecteurs dans une langue poétique éprise de lisibilité et de transparence rejetant toute métaphysique ou philosophie qui auraient pu dessécher son dire. Elle se méfiera tout autant des tics verbaux, des images convenues et de l'effusion lyrique, rejoignant par là René Char pour qui « le poète vit d'insomnie perpétuelle ».

Sa profession de foi, pour ainsi dire, sera inscrite dans ces quelques lignes : « Rien, en poésie, ne s'achève. Tout est en route à jamais (...) Ne sommes-nous pas, en premier lieu, des créatures éminemment poétiques ? Venues on ne sait d'où, tendues vers quelle extrêmité ? Pétries par le mystère d'un insaisissable destin ? »

Elle sera à ses débuts encouragée par René Char et éditée chez le prestigieux Guy Lévis Mano. Andrée Chedid deviendra poète du fugace du « rien de nos petites existences », scribe de notre monde étrange qu'elle dira toujours « au-delà des mots ». Sa poésie résonnera aussi d'un sentiment de déracinement et l'un de ses recueils ne portera-t-il pas le titre du Double-pays. Cependant, on peut lire chez elle : « Je relève d'un pays où personne ne règne. Un pays sans fanion, sans amarres, » habitée encore par un autre pays tout aussi mystérieux « Jusqu'au bord de ta vie / Tu porteras ton enfance / Ses fables et ses larmes / Ses grelots et ses peurs / Tout au long de tes jours. »
A partir de 1952, elle nous donnera aussi des romans, Le sommeil délivré sera le premier titre. « Je commence toujours par quelque chose de très sombre : le choléra, un accident d'avion, un tremblement de terre. Ensuite il y a quelque chose dans l'homme qui dépasse l'homme. Rien à voir avec un sentiment religieux, je n'en ai pas. C'est le sentiment de l'Autre qui donne l'espoir ».

Pour le Sixième jour elle avoue avoir recommencé quatorze fois : « Au début, c'est n'importe quoi, mais j'ai besoin de ce magma pour construire. »

En 2000, elle publiera Le Message, roman dans lequel nous nous engageons par cette terrible phrase : « Tandis qu'elle avançait à grands pas, la jeune femme sentit soudain, dans le dos le point d'impact de la balle. » Tout se déroulera dans un lieu unique, l'entrée d'un pont, combien symbolique quand il décrit l'amour d'une musulmane et d'un Serbe. Il fut inspiré par un article découvert en 1993 dans la presse : Les amants de Sarajevo et le prolongement en quelque sorte d'une nouvelle La mort au ralenti publiée vingt ans auparavant.

« J'aime sous les désastres, rechercher la beauté de l'amour. ». « Au départ, j'avais une image, le visage d'une femme. Puis une image en amène une autre. Je laisse aller le flot, un flot qui peut être n'importe quoi. Les personnages apparaissent, le récit se construit. Ensuite je serre, je visse, je ratisse. Je traque le bon mot. Je le mets à sa place. Il faut qu'il sonne juste à mon oreille. » Andrée Chedid, dira encore que ce roman était le plus proche de sa poésie mais ne cachera pas préférer malgré tout la nouvelle qui dit beaucoup en peu de mots. Les romans, souffrant en général selon elle de raccords grossiers dans leur construction, de descriptions et d'explications qui n'en finissent pas, auront dans son œuvre avant tout comme fonction d'éclairer ce qu'elle essayait de dire dans sa poésie, manière de prendre la vie à bras-le-corps et d'en tirer tout le vif. Andrée Chedid confiera avoir eu la chance d'écrire toujours ce qu'elle voulait quand elle le voulait sans se plier à l'emprise des modes de pensée, dans une totale indépendance d'esprit.

En 2010, malgré le travail de l'âge sur sa personne, car « toute existence est un lent processus de démolition », pour reprendre les mots de Scott Fitzgerald, elle nous donnera encore Les Quatre morts de Jean de Dieu qui retrace avec sa verve, son humour et toute sa lucidité l'aventure de Jean et Isabelita depuis la guerre d'Espagne jusqu'à la disparition de l'URSS. Ça commence par la perte de la foi de l'enfance puis l'agonie de l'utopie communiste en un monde plus fraternel ; vient ensuite à sa manière sournoise Alzheimer et tout se brise dans une crise cardiaque. En somme une vie comme une mesure à quatre temps. Andrée Chedid ressentait elle-même les tristesses de la maladie et de la vieillesse puisqu'en 2005 elle écrivait « Ces souvenirs / Bientôt finis / Cette absurdité / Cette ouverture / Sur l'infini / Cette interruption / De toute mémoire / Le point final / Non souhaité (Vieillir VI) » « J'en ai assez de périr / Jour après jour / Et de perdre dans l'oubli / Tous mes lendemains (Vieillir IV) ».

Ces dernières années, Andrée Chedid avait abandonné le quartier Latin pour se réfugier dans une tour à l'architecture anonyme du XVe arrondissement mais avec vue imprenable sur la ville. Peu de souvenirs des pays où elle avait vécu. Le portrait de sa mère, « une femme d'envergure qui a pris sa vie en main et n'a pas hésité à divorcer à une époque où cela ne se faisait pas », Yehudi Menuhin, Einstein et Jean XXIII. Aux murs des collages qu'elle avait réalisés, des tableaux d'amis... Paul Eluard, Henri Michaux, René Char, Ben Jelloun, Le Clézio, Garcia Marquez étaient en bonne place dans sa bibliothèque. Ses manuscrits qu'elle remaniait et le plaisir fou d'écrire à la main.

« L'Art, c'est tout ce qui est en dehors de notre étroite peau. L'homme a toujours besoin d'échapper à son étroite peau ».
« Je ne me relis presque jamais. Cela me donnerait l'impression de piétiner. Non que je renie ces livres, mais parce qu'il me faut poursuivre. Jusqu'à quand ? Jusqu'à où ? Là est la question... Tant que le chemin reste visible... »

Epreuves du poète
En ce monde
Où la vie
Se disloque
Ou s'assemble

Sans répit
Le poète
Enlace le mystère

Invente le poème
Ses pouvoirs de partage
Sa lueur sous les replis

 

• Andrée Chedid © Photo Stephane Béchaud / Opale / Flammarion. 4/2010

我喜歡人類生存的秘密,謎是生命語言本身,我總是不時陷入其中。這彷彿這條河流,它不為任何人而停住,總是汨汨地向前流。〞(安德烈.謝迪)


安德烈.謝迪於1920年出生於尼羅河畔的開羅,今年2月7日,在塞納河邊與世長辭,永遠閉上了她的眼睛!〝我欲睜大一雙眼,審視人世間的痛苦、不幸和殘酷;亦喜觀賞那光明、美麗及助人超越自我、令生活變得更美好、為未來擘劃的一切。〞安德烈.謝迪,這位橫跨兩洲的偉大女性,永生不息!讓我們從頭說起。她的的家族原籍黎巴嫩,於1860年移居埃及開羅。據說祖父在經營軟木塞生意中發家致富。雖然榮華富貴,但對他的那頭小驢,仍然不離不棄。祖母則很早便顯露出非凡的歌唱天份,彈得一手好〝路得琴〞(l'oud),在在展現出其藝術才華。

十歲那年,安德烈.謝迪被送往學校寄讀,學習英文和法文,四年後負笈英倫,後返回開羅入讀一間美國大學。二十二歲時與一名醫生結褵並誕下一雙兒女:米雪和路易。一段時間,生活在科普特教堂和英國豪華轎車之間,並於1943年出版了她的第一本用英文寫的詩集。1946年,其夫決定移居法國。她說:〝我們嚮往法國,這是個令人夢想的國家,而當時埃及政局也極為複雜。〞他們舉家定居於巴黎盧森堡花園附近,而安德烈.謝迪亦開始用法文寫詩。

她在指出〝神秘的不可解〞時這樣寫道:〝詩歌探詢蒼茫天地〞。但她的詩歌語言卻透明清晰,摒棄一切可令詩歌枯澀難懂的形而上學和哲學。她不屑於陳腔濫調、慣見的形象及熱情奔放,更認同勒內.沙爾(René Char)所說的〝詩人活在永恆的不眠中〞。她的信仰可說體現在以下這句話中:〝詩歌永無完竣之時,一切永在進行中…… 我們豈非一些充滿詩意的創造物?不知來自何方,去向何處?被不可捉摸的神秘的命運所玩弄?〞

初時,她得到勒內.沙爾的鼓勵,並在頗負盛名的Guy Levis Mano出版社出版著作。她成了抒寫〝我們微不足道的生存〞、匆匆而逝的人生的詩人,成了我們這個奇特的、她常說〝言語無以表達的〞世界的紀錄者。她的詩歌洋溢着一種無根的情懷,她的其中一本詩集不是叫作《兩個國度》(Double-pays)嗎?然而,我們在她的詩文裡可讀到這樣的句子:〝我屬於一個無人統治的國度,一個沒有旗幟、沒有根基的國度。〞她心中還縈迴着另一個神秘國度,〝帶着你的童年,童年的故事和眼淚,童年的惶悚和恐懼,一天又一天,直到生命的盡頭。〞

自1952年起,她開始創作小說,第一部小說名為 《被擺脫的睡眠》(Le Sommeil délivré)。她說:〝我總是從最陰暗的事情寫起:霍亂、空難、地震等等。接着在人身上有某種超人的東西出現。和宗教感情毫無關係,我沒有宗教信仰。這是一種予人希望的‘另一個人’的感情。〞

而她的另一部小說《第六天》(Le Sixième jour),她說來回寫了十四次:〝一開始,便胡亂寫來,我需要這種大雜燴來進行創作。〞

2000年,她發表了小說《使命》(Le Message)。在這部小說裡,我們可讀到這樣可怕的句子:〝那個年輕的女子大踏步地向前走去,突然,感到背部中了一顆子彈。〞一切發生在一個獨特的地方,一座橋的入口處。在描寫一個伊斯蘭女教徒和一個塞爾維亞男人的戀情時,這多麼具有象徵意義。這小說是受1993年報紙上的一篇文章《薩拉熱窩的情侶》(Les amants de Sarajevo)的啟發寫成的。也是她二十年前發表的一部中篇小說《緩慢死去》(La mort au ralenti)的某種延續。

〝開始寫作時,我腦海裡有一個形象,一個女人的面孔。接着,一個形象帶出另一個形象。我信手寫來,筆端流出種種事物。人物躍然紙上,故事就此構成。我緊握、我攫住、我梳理着這一切。我尋詞覓句,將之置於最恰當處。字字句句必須準確無誤。〞安德烈.謝迪說這部小說極接近她的詩歌,亦不諱言她的偏愛,即言簡意賅的中篇小說。根據她的看法,小說一般受制於結構中的重大銜接,描寫和沒完沒了的敘述。而她的小說首先是用來闡釋她在詩歌裡所表達的思想,是緊緊擁抱生活並從中汲取活生生的一切的一種方式。她說她有幸總是在她想寫作時能寫出她想寫的東西,而不屈從於任何思想模式,在完全獨立的精神狀態中寫作。

2010年,雖然她已屆垂暮之年,正如斯科特.菲茨杰拉德(Scott Fitzgerald)所言:〝每一個生命都是一種緩慢的頹敗過程〞,她還饗我們一本題作《上帝的約翰的四次死亡》(Les quatre morts de Jean de Dieu)的小說。小說充滿激情、幽默,清晰地講述約翰和伊莎貝利達從西班牙戰爭到蘇聯解體這段漫長時間裡所經歷的故事。由童年信仰的喪失、共產主義烏托邦的沒落直到世界變得更加和睦。後來,她得了老人癡呆症,而心臟病的發作更摧毀了一切。總之,生命猶如四拍子的音樂,急轉直下。安德烈.謝迪對年老病痛的淒苦感受良多,2005年,她這樣寫道:〝這些回憶,即將煙消雲散。這個荒謬、這個面向無垠的道路,這個中斷的記憶,將違我所願地劃上句號。〞(《衰老》第六卷(Vieillir VI))。〝我受夠了,日復一日的死亡威脅,以及對明天的徹底絕望。〞(《衰老》第四卷(Vieillir IV))

在她生命的最後幾年,安德烈.謝迪離開了拉丁區,住進了十五區一座普通的建築中,但景觀毫無遮攔,可望全城。她對曾經生活過的國度和地方回憶甚少。她筆下母親的形象是〝一個頗有見識的女人,掌握自己的命運,毫無猶豫地離婚,這在當時是絕無僅有的。〞她景仰耶胡迪.梅紐因(Yehudi Menuhin)、愛因斯坦和若望二十三世。牆上掛着她製作的黏貼畫以及朋輩的繪畫…… 保爾.艾呂雅、亨利.米修、勒內.沙爾、本.杰倫(Ben Jelloun)、勒克萊齊奧、加西爾.馬爾凱斯(Garcia Marquez)的著作排滿書架。還有她精心修飾的手稿,她對用手寫作十分享受,樂在其中。

〝藝術,是我們臭皮囊以外的一切。人總是需要逃出自身這個皮囊。〞

〝我從來不重讀我寫過的東西,這會給我停滯不前的感覺。我並非否定這些書,只因為我要繼續向前走。直到何時?直到何處?這確是個問題…… 但只要道路清晰可見……〞。