Ciné-débat 電影座談會

Texte : Caminade-de Schuytter

 
  Olivier Tallec, un illustrateur de talent
奧立維.塔列克,才情橫溢的插圖畫家
 
 

Ce titre est un clin d’œil à Autant en emporte le vent, où Scarlett, par qui le scandale arrive, doit aller toute de rouge vêtue, la tête haute, affronter la société bien-pensante d’Atlanta.

C’est forte de son amour transgressif du cinéma que la jeune communiste de Rouge baiser (1985) de Véra Belmont osait, elle, s’opposer aux autres militants, enclins à exclure les éléments contestataires. Qui se souvient du refrain nostalgique qui y était fredonné : « rouge comme un baiser, je voulais t’embrasser… » ? Pour cause : d’une part, l’extrait projeté de la fameuse chanson de Rita Hayworth « Put the blame on me » du film en noir et blanc Gilda (1946) lui volait la vedette et, d’autre part, le rouge n’est pas une couleur mélancolique (ce n’est pas le récent Melancholia de Lars von Trier qui dira le contraire). Mais on préfèrera ne pas s’étendre trop sur l’importance politique acquise pour le meilleur et pour le pire par cette couleur militante au XXe siècle (tout au plus La Chinoise de Godard de 1967, tristement prémonitoire).


Potiche, d'Ozon (2010)

Le langage de cette couleur est-il universel ? Si ses significations peuvent varier selon les civilisations (couleur du mariage en Chine), certaines constantes existent. Le rouge peut établir un lien possible entre les êtres au-delà de la violence qui déchire les existences intimes et sociales. C’est du moins le postulat fait par Kieslowski qui conclut son oeuvre magistrale sur une apothéose de rouge dans son dernier film de 1994 (avec Jean-Louis Trintignant). Le rouge cherche à transcender le deuil dans Ponette (1996) de Doillon. Le réalisateur offre, comme le Dreyer d’Ordet (1955), à sa petite héroïne le miracle de la réapparition de sa mère morte. Le pullover rouge qu’elle lui donne est à l’écran, dans une scène aux teintes automnales, la preuve sensible de la force de l’invisible. Le cinéma permet de conjurer l’horreur de la perte grâce à cette résurrection à l’écran d’un visage disparu (Marie Trintignant morte trop tôt dans la réalité). C’est à une belle réunion entre un père et sa fille, par art interposé, que permet cette comparaison de deux films magnifiant le rouge.

Le rouge ne coule-t-il pas depuis « l’origine du monde », pour reprendre le titre du tableau de Courbet cité dans le film L’Humanité (1999) de Drumont, où s’éprouve non seulement l’horreur mais surtout la compassion ? Puisqu’il coule parfois sur les écrans de façon plus ou moins obscène, il faut cependant à l’instar de Chabrol dans Le Boucher (1970) rappeler que le sang au cinéma est une illusion. Il se répand aussi chez un Truffaut, d’un film à l’autre. Dans Les Deux anglaises et le continent (1971) et dans La Femme d’à côté (1981) revient la tache rouge critiquée, car le cinéaste est sourcilleux quand ses droits de créateur sont contestés, identité oblige. Le détour par un de ses cinéastes fétiches, Hitchcock, peut cependant permettre de plaider la cause de l’auteur. La seule touche rouge d’un film en noir et blanc (La Maison du docteur Edwardes, 1945) n’est pas une faute de goût mais le signe de la haine de soi que son cinéma cherche à dissiper par le partage de l’image (scintillement rouge d’une bague dans Les Amants du Capricorne, 1949).


Tout est pardonné, Mia Hansen-Love (2007)

Les actrices du cinéma français savent parader en rouge : robe de soirée, mais encore tenue de jogging, pyjama et j’en passe : la tragédie et le polar peuvent aller se rhabiller car le rouge sait aussi s’accorder (ouf !) à la comédie. Mouret,dans L’Art d’aimer, 2011, exploite l’interdit que le rouge représente et met au pilori des atermoiements féminins le désir d’un héros penaud.

Si un Almodovar a su provoquer tant et plus par sa palette de couleurs, le cinéma français n’a pas à rougir du « mauvais » usage qu’en fait un Demy (auteur - non mièvre, qu’on se le dise - de conte de fée) : il y a des chevaux malicieusement rouges dans Peau d’âne (1970). Venez donc voir la vie en rouge au cinéma. Mais un spectateur averti peut-il affirmer encore innocemment comme la petite fille à la fin de Tout est pardonné (Mia Hansen-Love, 2006) que le rouge est sa « couleur préférée » ?

“Gone with the red?” (Autant en emporte le rouge ?)
Thursday 23 February 2012 7 :00 pm
Talk in English on French cinema by Violaine de Shuytter

Veiled reference to the famous American movie “Gone With the Wind”, in which Scarlett, proud and dressed in all red, must confront the right-thinking society of Atlanta…What does red colour mean? Colour of love? of transgression ? of blood ? Through a selection of legendary French movies, Violaine de Shuytter will tell us the filmmakers’ conceptions of the most powerful and controversial colour.

Mediatheque, Alliance française de Hong Kong
52, Jordan Road, Kowloon
Free entrance