Histoire de l’art 藝術史

Par le lecteur assidu

 
  « Chinese Art and its encounter with the world » de David Clarke
 
 

John Hamilton Mortimer, A portrait of Chit Qua. Ph. Courtesy © The Hunterian Museum

Chitqua, Portrait of Dr. Anthony Askew. Ph.© Royal college of Physicians.

David Clarke, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Hong Kong, publie un ouvrage sur la rencontre de l’art chinois avec le monde à l’extérieur de ses frontières. Il ne s’agit pas d’une somme académique complète sur le sujet mais plutôt de nouveaux axes de recherche vers des domaines jusque là peu documentés. Recherches qui s’appuient sur un ensemble d’exemples et expériences individuelles d’artistes, et par ce biais tentent de montrer les relations interculturelles, les influences mutuelles mais aussi les incompréhensions qui ont pu se créer entre différentes cultures. Un riche ouvrage illustré avec notes et index dont nous donnons ici un aperçu succinct.

La première partie Trajectories : Chinese artists and the West reconstitue deux trajectoires d’artiste en Occident au 18e et 20e siècle : Chitqua, un artiste chinois dans le Londres du 18e siècle et le dialogue interculturel et l’innovation artistique qui naquit de la collaboration entre Teng Baiye (1900-1980) et Mark Tobey (1890-1976) aux Etats Unis. Pour n’en citer qu’une, l’histoire du sculpteur et céramiste chinois Chitqua (1728-1796) est particulièrement intéressante, car très peu connue. Cet artiste qui n’est jamais mentionné dans les histoires de l'art occidentale ou chinoise sera le premier artiste chinois à visiter l’Occident, à y exercer son métier, mais aussi à être reconnu comme leur égal par les artistes britanniques de l’époque. David Clarke a lors d’un long travail de recherche (69 pages) pu retracer au travers des récits anglais, des œuvres vendues, des collections particulières le cheminement de Canton à Londres de cet étonnant artiste chinois dont on retrouve également le portrait peint par des atistes britanniques de l’époque. Sculpteur qui réalisa en figurine de céramique les portraits très ressemblant de personnages célèbres de l’époque, il exécutait ses œuvres aussi bien selon un esprit oriental qu’occidental.

La seconde partie Iconicity and indexality : the body in Chinese art, traite de la place du corps dans l’art chinois traditionnel (peinture er calligraphie) à travers les signes iconiques et la place de l’artiste par rapport à l’œuvre, avant d’aborder un changement drastique : la façon dont s’est faite l’introduction du nu féminin au début du 20e siècle par des peintres chinois directement influencés par l’art occidental. Un autre chapitre Abstraction and Chinese Art porte sur l’abstraction dans l’art moderne chinois qui s’est développée après la deuxième guerre mondiale, hors des frontières de la Chine, le communisme de l’époque prônant le réalisme et interdisant toute forme de modernisme. L’abstraction, notamment lyrique, dont le geste peut s’apparenter au geste de la peinture chinoise à l'encre s’est développée chez les artistes partis à l’étranger comme Zao Woo-ki en France, mais aussi, ce que l’on mentionne rarement, dans les autres territoires chinois comme Hong Kong ou Taiwan qui ont vu naître une abstraction très différente qui fait plus référence à l’art traditionnel chinois, paysage et calligraphie parfois très stylisés. Clarke analyse les œuvres des hongkongais Lui Shou-kwan, Hon Chi-fun et Wucius Wong et du taïwanais Liu Guosong. Il montre aussi des expériences hybrides qui laissent coexister les deux traditions comme chez Chao Hung-Hsiang ou Luis Chan.

La dernière partie Returning Home nous ramène aux cités prises en sandwich ente la Chine et le monde, c’est à dire Macao et Hong Kong. Les textes abondamment illustrés de photos de Clarke qui est aussi un talentueux photographe nous plonge dans le Macao postcolonial à l’époque de la rétrocession à la Chine. Il termine ce livre par un curieux chapitre sur Hong Kong non dénué d’une certaine mélancolie : The haunted city : Hong Kong and its urban others in the Postcolonial era (La cité hantée : Hong Kong et ses autres urbanités dans la période post coloniale). Citant en introduction le Balbec de la Recherche du temps perdu de Proust, ll nous emmène à la fois dans l’espace physique et mental de la cité, et dans un Hong Kong souvent fantasmé et hanté par le spectre d’autres cités qui s’y mirent, Sydney, Shanghai, New York, Hollywood et se laissant aller à rêver de liberté et de démocratie.
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Chinese Art and Its Encounter with the world (in English)
By David Clarke, 259 pages, 126 illustrations
Hong Kong University Press, 2011
ISBN 978-988-8083-06-0