Arts visuels 視覺藝術

Texte : Gérard Henry

 
  Laurent Grasso : Future Archéologie
洛朗.格拉索:未來考古學
 
 

En 2004, l’Alliance Française et la galerie Agnès b. avaient co-présenté dans le French May une exposition du jeune artiste Laurent Grasso intitulée « Radio Ghost ». L’artiste était venu l’année précédente, en 2003, réaliser ce projet pour le moins original : prêter l’oreille aux histoires étranges de fantômes qui courent dans la ville, particulièrement dans les milieux du cinéma et de la radio. Laurent Grasso avait entendu parler de ces fantômes qui s’installent sur les lieux de tournage des films hongkongais comme si l’élément virtuel du cinéma les séduisait particulièrement : « j’aime beaucoup l’idée, disait-il, qu’à l’endroit où l’on produit la fiction viennent se loger des apparitions magiques. » L’installation constituait en un film tourné par hélicoptère survolant lentement la ville au raz de ses gratte-ciel, l’image d’une ville invisible au passant qui la parcoure, les pieds rivés au sol. L’artiste s’arrêtait sur de splendides plans de couleurs, toiles abstraites indéchiffrables qui subrepticement, nous faisaient glisser vers un autre espace.

Et derrière l’écran, dans une cabine insonorisée et plongée dans le noir total on entendait des voix inquiètes ou apeurées de témoins raconter en cantonais, anglais ou français leurs rencontres avec des êtres appartenant aux mondes de l’au-delà ou à un entre-monde seulement visible de quelques-uns. Il déclarait alors : « J’ai eu envie de créer des espaces qui proposent une autre temporalité, un retrait du monde extérieur en mettant en place des dispositifs sensoriels et mentaux. C’était un besoin personnel de se retrouver dans des espaces modifiés pour produire une distance au monde. La vidéo et le son m’aident à modifier ces espaces. Cette immatérialité m’intéresse car les données que j’ai envie de manipuler aujourd’hui sont invisibles : le temps, les ondes magnétiques, l’allusion à d’autres cadres spatio-temporels. »

Aujourd’hui Laurent Grasso revient à Hong Kong dans le French May 2012 avec une exposition solo intitulée « Future Archeology » présentée par la galerie française Edouard Malingue. Durant ce laps de 9 ans, Laurent Grasso est devenu un des artistes les plus en vue de sa génération. Il a obtenu notamment le prix Marcel Duchamp en 2008, a exposé dans de nombreuses biennales asiatiques, au Centre Pompidou (2008), au Bass Museum of Art à Miami (2011), et aura en juin 2012 au Musée du Jeu de Paume de Paris une grande exposition individuelle qui voyagera ensuite au Musée contemporain d’art de Montréal au Canada.

Mais depuis sa visite à Hong Kong, une chose n’a pas changé, c’est la fascination de Laurent Grasso pour les temps passés et futurs, les phénomènes inexpliqués, miraculeux ou paranormaux qui nous entourent, l’impression fugitive que des mondes parallèles existent en dehors du monde que nous pouvons voir. Laurent Grasso voyage constamment dans le temps. Il projette des objets du futur dans le passé, des découvertes du passé dans notre présent, il s’intéresse aux objets de la technologie, construits par l’homme pour tenter de comprendre ou de saisir l’invisible et construit lui-même ses propres objets pour appréhender ces espaces inconnus.

Son exposition à Hong Kong « Future Archeology » présente quelques exemples de ces recherches dans lequel un temps volontairement condensé déroute le spectateur qui découvre par exemple un élement du futur dans une peinture de la renaissance ou une ancienne gravure scientifique. Laurent Grasso traite autant de faits scientifiques que de faits rapportés par la rumeur. Réalité et fantasmes, mémoires réelles et artificielles, peurs et craintes populaires sont autant pour lui de matériaux précieux pour ces installations sonores, lumineuses ou architecturales.


Rétroprojection

Rétroprojection est par exemple un ensemble de 6 sérigraphies issues de l’Astronomie populaire de Camille Flammarion montrant des phénomènes naturels - éclipse, aurore boréale, comète... Ces vues anciennes, Laurent Grasso les a retravaillées comme des
« projections du passé vers le futur » : « Ce qui m’intéressait était de transposer ces sujets avec leur esthétique et texture du 19e siècle dans un contexte contemporain. C’est pourquoi j’ai utilisé une encre d’imprimerie argentée qui leur donne un aspect réfléchissant. Si vous les regardez d’un certain angle, vous ne voyez même plus les images. Les images peuvent disparaître car elles sont seulement réflexions de réflexions du passé ».

D’une façon un peu similaire, mais dans un mouvement de temps inverse, La série Studies into the past, un ensemble de peintures de la renaissance italienne ou nordique, empruntées aux œuvres entre autres de Perugino ou Brueghel, recèle des éléments des vidéos, installations lumineuses de l’artiste, ou des éclipses et aurores boréales venant des Rétroprojections. Les objets de certaines de ces vidéos les plus célèbres et les plus inquiétantes, comme celle, très angoissante, d’un nuage qui envahit la ville, ou d’une énorme pierre qui entre en lévitation se retrouvent transformées et totalement assimilées dans des peintures du plus pur style renaissance. Ces dernières sont d’un réalisme étonnant, leurs couleurs ont la patine de l’âge, car Grasso qui les a conçues, les a fait exécuter par un copiste et restaurateur professionnel très expérimenté.

Dans ces va et vient entre passé, futur, réalité et pure fantaisie, Grasso arrive à faire exploser toute notion de temps et à plonger le spectateur dans un scepticisme total.
Il est également fasciné par toutes les technologies cherchant à explorer les signes venant de l’espace ou du temps et conçoit lui-même des objets à cet effet.

Peut-être que le visiteur pour retrouver ses esprits ou au contraire les perdre totalement doit-il aller s’asseoir à méditer dans une autre de ses installations originales, son Pavillon anéchoïque dans lequel les ondes sonores et magnétiques venues de l’extérieur sont étouffées.
Pour Laurent Grasso, Le Pavillon anéchoïque se rattache au concept de la camera obscura, il transmet un sens de déconnexion du monde et l’idée d’un autre espace de temps. Il permet au visiteur de se retirer de son environnement familier et d’écouter une bande sonore tout en observant le paysage sous un angle particulier qui rappelle celui de la camera obscura. Il faut savoir se laisser guider ou surprendre pour découvrir de nouveaux espaces. Tout ici est expérimentation où le corps autant que l’intellect est convié.

Ce pavillon devait être réalisé pour le vernissage sur le toit du Ferry Pier no 5 de Hong Kong, au cœur de cette ville et de sa baie avec de chaque côté les façades monumentales des Gratte ciel de Hong kong et de Kowloon, mais le jour arrivé, les autorités gouvernementales n’avaient point encore donné leur autorisation, ce qui n’étonnera aucunement les Hongkongais habitués à la peur panique et la paralysie soudaine qui saisit leurs autorités devant toute audace ou fantaisie de l’imagination.

L’exposition est toutefois visible et un catalogue très bien documenté sur le travail de Laurent Grasso est en vente à la galerie.

Future Archeology
26 April-16 June 2012, Tue-Sat : 11am-7pm
Edouard Malingue Gallery
1/F, 8, Queens Road, Central, Hong Kong
French May 2012

 

Studies into the Past

2004年,法國文化協會與Agnès b藝廊於法國五月藝術節期間合作為青年藝術家:洛朗.格拉索 (Laurent Grasso) 舉辦了一個名為「鬼魅電台」的裝置藝術展覽。該藝術家曾於之前一年,即2003年來港為這展覽搜集資料:他四出打聽坊間流傳的一些離奇古怪的鬼故事,特別是一些在片場和廣播電台內發生的超自然現象。他聽聞鬼魂會在片場之類的地方徘徊不去,似乎是因為電影的虛擬因素特別吸引它們:「我對靈異物體喜歡在人們製造虛構故事的地方逗留特別感興趣。」這裝置展覽包括放映一部影片,這影片是在一架直昇機上拍攝的。直昇機以低飛角度在市內的高樓大廈上盤旋,從這些角度看到的城市是地上行人看不到的。這位藝術家在一片片美麗的顏色上停留,它們是一幅幅無法解讀,引領我們進入另一個空間的抽象畫。

而在屏幕背後,在一間裝有隔音設備,伸手不見五指的小房間中可聽到一些帶着哀傷或哭訴的聲音,以粵語,英語或法語述說他們所遭遇到的靈異怪事。「我突然想到要製造一個可以提供不同時空的空間,借助一些影響感官和心理的裝置來避開外面世界。這是一種個人的需要,我需要身處一些經過修改的空間來與世界保持距離。而錄像和聲音正好能幫我改造這些空間。我對這種非物質性很有興趣,理由是如今我想操控的資料是肉眼看不見的:如時間、電磁波等,我是藉此來比喻其他的時空環境。」


Pavillon anechoïque, 2012

洛朗.格拉索今日重臨香港,在2012年法國五月期間舉行一個題為「未來考古學」的個展,這展覽由法國Edouard Malingue藝廊主辦。在別後的九年間,洛朗.格拉索已成為同輩中最受注意的其中一位藝術家。2008年,他獲頒發 (Marcel Duchamp) 獎,並曾在多個亞洲雙年展,龐比度中心 (2008年),邁亞密巴斯藝術館 (2011年) 展出作品,2012年6月他將會在巴黎網球場美術館 (Musée Jeu de Paume) 舉辦一個大型的個人展覽,之後展覽會移師加拿大蒙特利爾現代藝術館展出。

但有一點是自他上次來港至今都沒有改變的,就是他對過去和未來的時空,我們週圍一些無法解釋、奇蹟或超自然的現象,以及肉眼看到的世界以外,一個我們偶爾感覺存在的平行的世界等事物十分着迷。

洛朗.格拉索經常遊走於時空中。他將未來的物件投射回到過去,一些舊時的發明送到現在,他對人類製造用來嘗試了解或捕捉肉眼看不到的事物的科技產品很有興趣,並自己親自製造一些物件來逮住這些不知名的空間。

他在香港的「未來考古學」展覽展示了幾個他在這方面所作的研究的例子,其中一個例子是故意將一個時空濃縮來改變觀眾的路線,而觀眾因此會在一幅文藝復興時期的畫作中發現一些未來的元素。洛朗.格拉索對有科學理據證實的事實或道聽途說的傳聞均一視同仁。現實與虛幻,真正的記憶或人工植入的記憶,大眾的恐懼與擔憂都是他用來製作聲音、照明和建築裝置的珍貴素材。

舉例,《Rétroprojection》是由六幅圖象來自《自然》雜誌和的Camille Flammarion 著作《Astronomie populaire》的絲網印畫組成,圖像都是一些自然現象:日食、北極晨光、彗星……。洛朗.格拉索把這些舊影像作為「以過去預測未來」般重新處理:「我有興趣做的是對這些現象進行移植重塑,在這些十九世紀特有的材質構造和美感基礎上,注入現代元素。因此我選用了銀色印刷材料以製造出表面光澤。視乎你面對絲網印畫的角度,有的位置會完全看不見圖像。圖像之所以消失,是因為圖像其實只是光的反射,一道從過去走過來的折射線。」

《Studies into the past》系列的製作手法有點兒類似,但時間線是反向的,這系列是從意大利文藝復興或北歐風格轉移過來,並借用了Perugino或Brueghel等畫家的作品,當中包含了藝術家自己的錄像和照明裝置的元素,或是來自《Rétroprojection》系列中的日食、北極晨光的情景。而他某些最著名和最使人感到不安的錄像作品中的一些東西,例如那使人十分害怕,正入侵城市的雲團,或那塊懸浮半空的巨石完全被轉化並融入那些純文藝復興風格的畫作中。這些畫作極度寫實主意,色彩呈年代久遠的色澤,因為格拉索與一位非常有經驗的藝術品修復師合作,運用當時的技術來構思和製作這些作品。


Psychokinesis, 2008

格拉索藉着來回於過去,未來,現實和純幻想之間來摧毀所有時間觀念,讓觀眾如墮五里霧中完全摸不着頭腦。

他同時亦對所有科技着迷,並嘗試探索來自外太空和時空的跡象,還為此自己製作一些物件。若參觀者想頭腦清醒或者是完全的迷失,可到他的另一個裝置作品中靜坐沉思,在《消聲館》(Pavillon anéchoïque) 中,從外進入的聲波和磁場會使人感到窒息。

對洛朗.格拉索而言,《消聲館》與暗箱 (camera obscura) 的概念密不可分,它傳遞一種脫離現實世界和進入另一種時空的感覺。它讓參觀者得以擺脫熟悉的環境,在聆聽音樂之同時又可以一個特別的角度欣賞風景。參觀者必須願意接受引領並在無意之中才能發現新的空間。這一切都是邀請身體和智力進行實驗。

本來消聲館應該在位於香港市中心內的第五號碼頭的天台之上興建作為這展覽的開幕禮之用,可惜到了開幕日仍然未能獲得香港政府的批准。香港人對港府面對一切大膽或想像力豐富的事物時的恐慌和僵化態度已是見怪不怪了。