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Zhang Feng 張風 (? -1662), Acceptant d’accompagner l’Immortel “Pin Rouge” dans une promenade 《顧從赤松子遊圖》, rouleau à suspendre, encre sur papier, 85 x 54 cm. Musée de la ville de Taizhou. |
Dans le passage suivant, Gong Xian exprime ce qui était de plus en plus clairement critiquable dans ce désir d’appeler
« peinture lettré » tout ce qui était fait à l’encre sans couleur. Il était parfaitement conscient que l’expression « peinture lettré » telle qu’elle était en usage à son époque n’avait plus de relation avec la classe sociale qu’elle était censée représenter. De même, l’idée que les peintres individualistes, qu’il appelle « extravagants » dans la vieille tradition commencée par Zhu Jingxuan, ont besoin des peintres « orthodoxes » et vice-versa est une notion nouvelle quand Gong Xian la formule ainsi, quoiqu’elle ait été visiblement partagée par ses amis de Nanjing puisque ce texte était destiné à un ami. La classification en groupe apparemment homogène n’était déjà plus admise comme une règle d’or et l’histoire de l’art établie par Dong Qichang allait bientôt être repensée dans des termes moins catégoriques.
Aujourd’hui, les collectionneurs prisent au plus haut point les peintures faites au pinceau-encre, disant qu’elles possèdent l’allure de l’art des lettrés, quant aux gens vulgaires, ils ont toutes sortes de mots pour louer ce genre d’œuvres, mais ils se moquent d’elles en vérité en disant : « oui, c’est bien une œuvre de lettré ! », bien qu’il soit évident qu’ils n’en croient rien et ne pensent pas que les lettrés soient des artistes. Ils ne savent donc pas que Yan Liben (閻立本 (mort en 673), célèbre peintre de portraits de la dynastie Tang, qui n’est généralement pas considéré comme faisant partie de la tradition lettrée, N.D.T.) de la dynastie Tang était un ministre et que Wang Wei (王維 (701-761), un des plus grands poètes de la dynastie Tang, considéré comme étant le premier représentant de la tradition lettrée en peinture, N.D.T.) était un officiel de haut rang, comment ne pourrions-nous pas les appeler des lettrés ? [Et pourtant,] si nous ne prenons comme plus haut standard de la peinture au pinceau-encre que la peinture des lettrés, alors est-il possible de prendre comme exemple d’officiels de haut rang, Ni Zan (倪瓚 (1301-1374), un des « Quatre Grands Maîtres des Yuan » représentant de l’idéal lettré, N.D.T.), Huang Gongwang (Huang Gongwang, lui aussi un des
« Quatre Grands Maîtres des Yuan », bien que très doué pour les études, il préféra ne pas servir les empereur Mongols, N.D.T.), Dong Yuan (董原 (actif c. 932-976), un des grands paysagistes de Song du Nord, fut un artiste de cour. Il fut pourtant considéré comme faisant partie de la peinture lettrée car celui-ci se refusa apparemment à utiliser la couleur, N.D.T.) et Juran (巨然 (actif c. 960-980), étant lui aussi un des grands paysagistes de Song du Nord, était moine, N.D.T.) [puisqu’aucun d’eux ne choisit la carrière officielle]? Je pense personnellement que les peintres faisant des œuvres accomplies ne peuvent pas se passer des peintres faisant des œuvres extravagantes, de la même façon, les autres écoles ne peuvent pas se passer de l’école orthodoxe. Si le monde n’avait plus que ces autres écoles, ce serait comme s’il n’y avait plus que des moines bouddhistes et taoïstes dans notre pays, c’est-à-dire qu’il n’y aurait plus ni culture ni civilisation.’
Tout ce discours sur les peintres du passé doit ainsi remettre en doute la réputation de Gong Xian d’avoir en quelque sorte ignoré l’héritage du passé. En fait, si Gong Xian a vraiment insisté sur l’exigence d’indépendance, il l’a fait presque dans les mêmes termes que Dong Qichang. On se souvient que Dong Qichang préconisait la pratique de la « copie interprétative » comme un renouvellement des inspirations du passé, renouvellement qui devait produire des œuvres originales. En réalité, Gong Xian suivait aussi une idée assez similaire, même si sa formulation pouvait donner l’impression qu’il refusait l’étude des Anciens :
« Nous ne pouvons pas étudier les Anciens, et nous ne pouvons pas ne pas épouser les Anciens. Etudier les Anciens c’est trahir les Anciens. Je voulais autrefois trahir les Anciens, mais ceux-ci sont morts et ne peuvent plus être trahis. De longues années ont passé, et après avoir observé la voie des Anciens, je me suis rendu compte que je n’ai pas pu ne pas épouser les Anciens. C’est la seule façon adéquate d’étudier les Anciens. »
Dans cette étonnante citation, Gong Xian constate qu’après avoir passé des années à refuser de suivre les Anciens, il a quand même fini par les rejoindre dans l’inspiration. Si Dong Qichang préférait connaître les Anciens pour pouvoir se séparer d’eux et finalement les rejoindre, Gong Xian a préféré se séparer d’eux et trouver une originalité qu’il finit par reconnaître dans l’œuvre des Anciens. Pour « l’Orthodoxe » Dong Qichang comme pour « l’Individualiste » Gong Xian, la seule quête valable est celle de l’originalité, de l’œuvre personnelle. Pour les deux, la seule façon d’y parvenir est de comparer son œuvre à celle des Anciens en utilisant les concepts du passé. Nombre de ces idées se retrouveront dans la théorie et la pratique de certains des plus fameux peintres de cette dynastie, les Excentriques de Yangzhou.
Depuis la construction du Grand Canal entre Beijing et Hangzhou pendant la dynastie des Sui (581-618), Yangzhou, située à l’intersection entre le Grand Canal et le Yangzi, a été un centre de commerce majeur ainsi qu’une région stratégique importante. Le canal qui traversait Yangzhou représentait un moyen de transport pour les empereurs en tournée d’inspection dans les régions du sud, mais aussi pour les marchands et leurs biens se déplaçant de ville en ville. Au début de la dynastie Mandchoue, Yangzhou devint par décret impérial le siège officiel de la distribution et de la taxation du sel, qui était un monopole gouvernemental. Le commerce du sel, ainsi que les fortunes amassées par les marchands de sel dans cette ville, stimula l’économie locale faisant de Yangzhou une des zones urbaines les plus prospères de la Chine du 18e siècle. C’est dans ce contexte d’opulence que les marchands de Yangzhou s’intéressèrent très vite à la promotion des arts et de la recherche. Non seulement cette ville comprit certains des plus grands et des plus célèbres artistes de l’époque, mais l’intérêt de ces marchands pour tout ce qui touchait à la culture lettrée fit aussi d’eux des mécènes du mouvement des « recherches textuelles ». La croissance rapide des activités artistiques, littéraires et scientifiques à Yangzhou ne fut pas seulement provoquée par la croissance économique fulgurante qu’elle connut alors, mais aussi par l’arrivée en masse d’étrangers à la ville venus pour remplacer la population d’origine qui avait été massacrée en 1645. En effet, l’armée Ming y avait résisté particulièrement longtemps à l’invasion Mandchoue, sans grands résultats car les troupes chinoises ne purent résister bien longtemps aux énormes forces de l’envahisseur. Lorsque Yangzhou tomba enfin aux mains de ses attaquants, le commandeur Mandchou extermina la population entière de la ville, ne laissant qu’une cinquantaine de survivants.
Dans les années qui suivirent, les résidents des régions voisines, particulièrement du Jiangsu et de l’Anhui, émigrèrent en masse à Yangzhou. Puisque le Anhui avait été depuis longtemps une région de production de papier, de soie et d’autres fournitures d’artistes, ainsi que la région où résidaient de nombreux artistes et lettrés, ce sont ces traditions qui furent importées à Yangzhou par ces nouveaux-venus. Les autres nouveaux habitants de la ville venaient d’autres parties de la Chine et y apportèrent aussi leurs sources artistiques et littéraires de prédilection. L’art de Yangzhou à la fin du 17e et au 18e siècle n’est donc pas caractérisé par un style unifié et même ceux qui choisirent d’entretenir des liens étroits avec d’autres artistes de la ville continuèrent à maintenir un style personnel très reconnaissable. Un des rares facteurs unifiant de l’art de Yangzhou cependant fut la peinture de Shitao, qui y habita de temps en temps vers la fin du 17e et le début du 18e siècle.
Beaucoup d’artistes de cette ville cherchèrent aussi l’inspiration dans l’œuvre de Bada Shanren (Zhu Da) dont les peintures furent collectionnées avec un certain enthousiasme par les mécènes et les lettrés de Yangzhou. Un des dénominateurs communs de cet art fut la popularité du genre des fleurs et oiseaux dans le mode xieyi 寫意, c’est-à-dire le mode « libre » à l’opposé du mode précis appelé gongbi 工筆. Mais même dans ce choix stylistique, qui les rapprochait plus des peintres « individualistes » que des artistes « orthodoxes », les peintres de Yangzhou appliquèrent les nouvelles découvertes de leur temps, et c’est dans les inscriptions bei provenant de l’antiquité qu’ils cherchèrent aussi l’inspiration. De même, ils ne pratiquèrent que très rarement la « copie interprétative » et le paysage ne fut pas non plus leur genre de prédilection. En fait, cette attitude devait poser sa marque sur l’imaginaire de la ville entière et il donc très révélateur que cette comptine pour enfants ait commencé à se propager à Yangzhou dans la deuxième moitié du 18e siècle :
« Peint des portraits pour l’or, des fleurs pour l’argent; peint des paysages et devient mendiant. »
* Frank Vigneron (Professor - Fine Arts Department - The Chinese University of Hong Kong)
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Lu Wei 陸 (actif fin 17e – début 18e siècle), Voyageant dans les montagnes Guan 《關山行旅圖》, rouleau à suspendre, encre et couleur sur soie, 241.5 x |
在以下一段引文裡,龔賢表達了那愈來愈為人詬病的觀點,他執意將單色山水畫一概稱作「文人畫」。其實他完全明白他所處的那個時代所謂的「文人畫」和它所代表的社會階層已然割裂。他承襲朱景玄的說法,稱那些特立獨行的畫家為「行為乖僻」。認為他們需要「正統派」畫家,反之,「正統派」畫家亦需要特立獨行的畫家。他在致友人的一篇文章裡表達了這個思想,並為南京的朋輩所認同,這觀點頗富新意。以風格的相近來分類畫家群已不再是金科玉律,董其昌建立的美學思想將得到更靈活的再思考。
今鑒賞家見高超筆墨,則曰有士氣,而凡夫俗子于頌揚之詞,寓譏諷之意,亦曰:「此士大夫畫耳 !」明乎畫非士大夫事、而士大夫非畫家者。不知閻立本乃李唐宰相, 王維亦尚書右丞,何嘗非士大夫耶?若定以高超筆墨為士大夫畫,而倪、黄、董、巨亦何嘗在縉紳列耶!自吾論之能品不能非逸品,猶之乎別派不可少正派也。使世皆別派,是國中惟高僧羽流而無衣冠文物也。」
所有這些關於古人的論述多少有無視傳統之虞,因此龔賢的聲譽亦遭質疑。若說龔賢極強調畫家的個人風格,其言辭與董其昌如出一轍。我們知道董其昌主張摹寫古畫,即作「釋解性摹仿」,以便重新領悟古人的靈機妙緒,並由此生發出具獨特風格的畫作來。其實龔賢的主張與董其昌並無二致,只是他的表達方式常予人以不屑師法古人的印象:「不可學古人,不可不合古人。學古人則為古人所欺。吾常欲欺古人,然古人卒不可欺。久之,然後見古人之道,勢不能不合乎古人也。此善于學古人者也。」
在這段精彩的引文裡,龔賢確認了他在長年累月拒絕遵循古人之後,最終卻和古人心靈相通。若言董其昌認識古人目的在於離開古人最終追隨古人,而龔賢則是先離開古人爾後在古人的遺墨裡發現其神妙。無論是「正統派」的董其昌抑或「特立獨行」的龔賢,他們所竭力追求的皆為個人的獨特風格。為達至此目的,兩者均認為唯一的方法是以傳統觀念將自己的作品和古畫作比較。這些見解,在清代名噪一時的揚州八怪的畫論和繪畫實踐中在在可尋。
Gong Xian 龔賢 (1618-1689), Ruisseau et montagnes sans limites 《溪山無盡圖》, rouleau horizontal, encre sur papier, 27.4 x 725 cm. Musée du Palais, Beijing. |
自隋代 (581-618) 開通了從北京到杭州的大運河以來,位於運河和長江交匯處的揚州便成了商業中心和戰略要地。穿越揚州城的運河成了皇帝南巡、商賈往返、貨物運輸的要道。清朝初年,皇帝詔令,揚州成了官府壟斷的淮鹽總匯地,派發官鹽及徵收鹽稅。鹽業及鹽商經營鹽業積累的財富促進了地方經濟,令揚州成為十八世紀中國最繁華的城市之一。在這昌明隆盛之邦,揚州的商人很快便注力促進藝文事業。這城市不僅聚集了當時著名的畫家,而商賈對文人文化的熱心亦令他門成了「文本考証」活動的慷慨資助者。揚州文化藝術以及科學的迅猛發展不僅仰賴它的蓬勃經濟,亦歸功於源源不絕的大量的外省移民,他們的到來填補了1645年「揚州十日」屠城造成的人口空缺。不錯,明朝軍隊曾長時間的奮勇抵抗,但終究不敵勢力龐大的清軍。當揚州最終淪陷,滿州侵略者便血洗全城,最後只剩下五十幾名倖存者。
Gong Xian 龔賢 (1618-1689), Ruisseau et montagnes sans limites 《 溪山無盡圖》, rouleau horizontal, encre sur papier, 27.4 x 725 cm. Musée du Palais, Beijing. |
在往後的歲月裡,鄰近的省份,尤其是江蘇和安徽,大量移民湧入揚州。安徽長久以來便以宣紙、徽墨、歙硯等文房四寶而揚名海內,並且是文人畫家輩出的鍾靈毓秀之地,新移民把這方土地的優良傳統都帶到了揚州。來自中國其他省份的新移民,亦把他們各自對文化藝術的好尚帶到揚州。十七世紀末、十八世紀的揚州畫派並不以風格統一為特徵,那些和當地畫家關係密切的畫家仍保持極易被辨認的個人風格。揚州畫派一個稀有的統一因素源自對石濤畫風的繼承,他於十七世紀末、十八世紀初不時出入居停揚州。
揚州畫派許多畫家還在八大山人朱耷的畫作中汲取靈感,朱耷的畫甚為揚州的文人和藝術資助者所收藏。揚州畫派畫家其中一個共同點是愛作與「工筆」對立的「寫意」花鳥畫,但就在這和「正統派」畫家疏遠而更接近「特立獨行」畫家風格的選擇上,他們亦極富時代創意,從古碑刻中發掘靈感。他們亦甚少摹寫古畫,即作「解釋性摹仿」,山水畫亦非他們所好。這種取態無疑給揚州畫壇打上了印記,一首十八世紀下半葉流行於揚州的童謠極耐人尋味:「金臉銀花鳥;要討飯,畫山水。」
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