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La France fête cette année le trois centième anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), l’un des plus éminents écrivains du dix-huitième siècle. L’occasion de revenir sur l’histoire de ce personnage hors du commun et de son œuvre universellement reconnue comme fondamentale dans les domaines de la littérature, de la philosophie, de l’éducation et de la science politique.
« Ce sombre énergumène », « cet ennemi de la nature humaine », telle était, en 1767, l’opinion du grand Voltaire sur son contemporain Jean-Jacques Rousseau, tous deux références philosophiques majeures du siècle des Lumières, tous deux morts la même année, en 1778. Voltaire fut le philosophe du progrès et du bonheur, Rousseau celui des malheureux, des pauvres, celui qui, en fréquentant les milieux sociaux les plus divers, a toute sa vie cherché à s’identifier à un lieu référentiel, vivant dans la nostalgie d’une origine floutée par la mort de sa mère en couche.
Hypersensible, instable et entretenant des relations interpersonnelles la plupart du temps difficiles, Rousseau passera sa vie à errer, d’une ville à l’autre, d’un métier à l’autre, d’une religion à l’autre, indépendant et solitaire, pour finalement s’éteindre à l’écart de tous, étranger au monde, à l’âge de 66 ans.
Rousseau naît en 1712 dans l’austère et pieuse Genève calviniste. Très tôt, il se passionne pour la littérature et pour les sentiments qu’elle fait naître en lui. Cette expérience primitive entérine définitivement chez lui la supériorité des passions sur les concepts, la primauté des élans du cœur sur la raison pure. Exilé dès l’âge de seize ans, Rousseau découvre l’amour dans les bras de la généreuse Madame de Warens. Puis il enchaîne différents métiers : laquais, échanson, interprète, secrétaire d’ambassade, professeur de musique, précepteur… En 1749, Diderot lui confie la rédaction des articles de l’Encyclopédie sur la musique.
En 1750, c’est rendant visite à ce même Diderot, alors emprisonné à Vincennes, que la sublime inspiration de Rousseau voit le jour. Alors qu’il chemine vers son ami, il découvre dans un journal le sujet d’un concours organisé par l’Académie de Dijon : « Le progrès des sciences et des lettres a-t-il contribué à corrompre ou à épurer les mœurs ? ».
Il s’arrête en route et commence la rédaction de ce qui deviendra son premier chef d’œuvre, le Discours sur les sciences et les arts. En affirmant que le progrès technique est susceptible d’aller à l’encontre du progrès moral, Rousseau se distingue des penseurs de son temps, progressistes et matérialistes. Mais cette œuvre qui crée le scandale lui permet, de par son succès, de vivre de manière indépendante. En 1754, il publie son « second discours », le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, dans lequel il soutient que l’homme est naturellement bon et que c’est la société, injuste, qui le pervertit. Comme le premier discours, cet ouvrage suscite une vive polémique mais achève de le rendre célèbre.
Critiqué, malade et cynique, Rousseau reprend la route et achève, en 1760, son monumental roman Julie ou la Nouvelle Héloïse. Roman épistolaire reprenant l’ensemble de la théorie rousseauiste, cette œuvre majeure connaît un succès immédiat dans toute l’Europe car elle touche un très large public. Dans l’histoire de la littérature, ce roman, qui dépeint la vie amoureuse de trois personnages, est considéré comme le point de départ du mouvement romantique qui s’épanouira en Europe au 19e siècle.
Poursuivant sa réflexion sur l’état de nature, et sachant qu’il est impossible pour l’homme de revenir à son état de bonté originelle, il apparaît au philosophe que la seule issue à cette impasse se trouve dans l’invention d’un contrat liant les hommes entre eux et leur permettant de vivre ensemble tout en conservant leur liberté. En renonçant à certaines de ses libertés, l’homme se met au service de la volonté générale, du « moi commun, en respectant les lois qu’il s’est lui-même données. Le Contrat social, publié en 1762, révolutionne la philosophie politique en plaçant le peuple dans son ensemble, et non la somme des intérêts particuliers chère aux penseurs anglo-saxons de l’époque, comme source de la souveraineté.
Après la publication du Contrat social et de l’Emile, ouvrage pédagogique préconisant le développement des qualités naturelles de l’enfant au détriment des savoirs livresques, Rousseau doit fuir Paris, Genève puis Berne, et ses livres sont mis à l’index. Face à ces malheurs, et pour tenter de se justifier, le philosophe décide de débuter une œuvre autobiographique. Entre 1765 et 1770, il rédige Les Confessions puis, entre 1776 et 1778, Les rêveries du promeneur solitaire, ouvrages dans lesquels l’auteur se lance dans une quête intérieure, une observation de ses sentiments intimes, en se détachant peu à peu de tout souci de popularité. Cet éloignement volontaire du public, par la relation de son individualité profonde et l’emploi d’un « je » unique, ouvre la voie à l’écriture littéraire moderne telle que nous la concevons aujourd’hui.
L’héritage qu’a laissé Rousseau est immense. Philosophe « décalé » des Lumières, adepte de la nature et de la vérité, du verbe vivant et de l’être profond, il a surtout marqué l’histoire de la pensée de deux empreintes indélébiles : d’une part l’invention de la littérature moderne, et d’autre part une réflexion politique et sociale qui a jeté les bases de la démocratie.
Conférence : Jean-Jacques Rousseau
Par Alexandra Cook,
Professeur de Philosophie, Hong Kong University
Spécialiste de la botanique chez Rousseau
8 novembre 2012
Médiathèque de l’Alliance française
51, Jordan Road, Kowloon, Hong Kong |
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Jean-Jacques Rousseau, portrait de Maurice-Quentin de La Tour |
今年,法國紀念十八世紀傑出的作家讓.雅克.盧梭三百週年誕辰。借此機會回顧一下這位出類拔萃人物的生平及其為世人公認的文學、哲學、教育和政治各領域的奠基之著。
「這是一個陰鬱的狂人」、「人性的敵人」,這便是偉大的伏爾泰於1767年對他的同時代人讓.雅克.盧梭所做的評論。他們倆同為啟蒙運動時期的哲學巨擘,無獨有偶,又同時於1778年謝世。伏爾泰是人類進步和幸福的哲學家,而盧梭則是不幸和貧窮者的哲學家。他頻繁接觸社會各階層,終其一生都在竭力融入適合自己的環境。母親生下他後,便離開人世,他對自己的誕生始終懷着感傷之情。
他十分敏感、變化無常,大部份時間,人際關係都多有阻滯。他過着顛沛流離的生活,從一個城市到另一個城市,從一種職業到另一種職業,從一種宗教到另一種宗教。他獨來獨往,寂寞無依,最後,以六十六歲之齡,遠離眾生,靜靜地死去。
盧梭於1712年出生在戒律森嚴、虔誠、信奉加爾文新教的日內瓦。他很早便熱衷於文學,心中激蕩着由此而生的澎湃之情。這最初的經驗從此在他身上形成了激情超越思想,內心衝動超越純理智的個性。他從十六歲開始便過着流亡生活,他在華倫夫人的懷抱裡找到了愛情。之後,他做過各種不同的職業:隨從、司酒官、翻譯、使館秘書、音樂教師、家庭教師等等。1749年,狄德羅約他為《百科全書》撰寫有關音樂的部份。
1750年,在前往萬塞訥探訪身處囹圄的狄德羅時,他的創作靈感倏然而至。途中,他在一份報紙上讀到第戎學院公開徵文的啟事,題目是:「科學與文學促進了風俗的敗壞抑或風俗的淳厚?」他在半路停了下來,着手寫作後來成為他的第一部代表作的《論科學與藝術》。他聲稱科學技術的進步可以和道德進步相悖,這使他有別於同時代的進步主義和唯物主義的哲學家。這篇論文雖引起爭論,但也因其成就,令他可傲然獨立的生活。1754年,他發表了第二篇論文《論人類不平等的起源和基礎》。他認為人性本善,只是在社會環境裡才變壞。同第一篇論文一樣,這篇論文也引起了激烈爭論,並令他一舉成名。
他遭抨擊、疾病纏身、玩世不恭,在創作路上繼續前行,於1760年完成了小說巨著《茱莉或新愛洛依絲》。這是一部書信體小說,集中反映了盧梭的整個思想,獲得廣大讀者的喜愛,一夜間紅遍全歐洲。這部描寫三人間的愛情小說,在文學史上,被視為是盛行於十九世紀歐洲的浪漫主義的嚆矢。
他繼續對人性作思考,認識到人類不可能返回到原始狀態時的善良本性,於是他覺得唯一解決的辦法是在人類之間訂立一個契約,令他們可以生活在一起又擁有個人自由。人類犧牲自己的一些自由,服從總體意志,一個共同的「我」,遵守自己加在身上的法律。《社會契約論》發表於1762年,它重視全體人民的利益,而非當時盎格魯.撒克遜思想家們極為珍惜、視為王權由來的特殊階級的利益。
在發表了《社會契約論》及《愛彌兒》這部主張發展兒童天性,忽視書本知識、討論教育的哲理小說之後,盧梭離開巴黎、日內瓦,接着是伯爾尼,他的書被禁止出版。面對這些不幸,他試圖為自己辯護,決定寫一部自傳。1765年及1770年間,他寫了《懺悔錄》。1776年及1778年間,寫了《一個孤獨散步者的遐想》。在這兩部著作裡,作者做了內心的審視,洞察自己最隱秘的感情,漸漸離開了對眾生的關注。這個自覺地遠離世人、對自我的深度剖析及第一人稱「我」的敘述手法,為現代文學的創作開辟了新徑。
盧梭留給後人的遺產是豐富的。他是啟蒙運動時代的「異類」哲學家,自然和真理的信徒,語言生動,思想深刻。尤其是他為人類思想史作了兩個不何磨滅的貢獻:其一為現代文學開了先河,其次是他以自己對政治和社會的思考為現代民主奠定了基礎。 |
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