Art contemporain 當代藝術

Texte: Caroline Ha Thuc
 

Cédric MARIDET : Distinct Factures, A Return from Langsdorff
希治閣 x 杜魯福

 

Comment décrire un espace ? Qu’est-ce que connaître et comment transmettre une connaissance au-delà du langage verbal?
« Ce que nous entendons, ce sont des mots et des sons. Pour leur malheur, les gens s’imaginent (…) que ces mots, que ces sons, leur font saisir la réalité des choses – ce qui est une erreur. » 1

Il s’agit précisément ici d’oublier le langage pour appréhender une réalité sensible, ou tout au moins, d’élargir notre notion de langage vers des modes de communication différents engageant l’individu tout entier. Pour Hong Kong Art Fair 2012, Cédric Maridet, déjà, proposait une alternative au chemin balisé d’exploration d’une foire d’art contemporain grâce à un parcours original : muni de casques, les visiteurs déambulaient dans les lieux d’exposition en écoutant les sons enregistrés dans des galeries et musées du monde entier. Il y avait donc un décalage entre ce que le public entendait et l’espace dans lequel il se déplaçait avec un jeu déroutant de correspondances puisque les étendues sonores provenaient d’univers similaires sans toutefois être connectés.

L’exposition que l’artiste, plasticien sonore et compositeur, présente à la galerie 2P invite à un autre voyage, mental et physique, au cœur de la forêt tropicale. Cédric Maridet - qui vit et travaille à Hong Kong depuis 1999 - réfléchit cette fois aux différentes façons de décrire un environnement particulier, dans une optique écologique. Partant d’un cycle d’enregistrements réalisés dans le Parc National de Penang en Malaisie, il cherche à rendre compte de l’écosystème que ces sons décrivent.

Cartes sonores, photographies, vidéo, listes de mots, cabinet de curiosité… tout est là pour transporter le public dans un autre monde, à la fois réel (la forêt tropicale) et imaginaire. L’artiste joue entre les correspondances sensuelles, traduction de sons en lignes, de formes en son pour créer une véritable expérience concrète et greffer à la sphère intelligible celle du sensible. Partant d’une observation précise du territoire malais, il nous donne les moyens, à notre tour, de rassembler et d’ordonner une foule de sensations et d’observations, nouveaux outils d’une connaissance fondée non plus sur le langage commun mais sur l’expérience personnelle.
Ce qu’il souhaite ? Elargir notre perception du monde et nous rendre capable, comme sous le charme d’Orphée, de voir avec les oreilles et d’entendre avec les yeux, et que cette vision soit une source de renouveau.

Le titre, « Distinct factures », fait référence à la musique concrète élaborée par Pierre Schaeffer (1910-1995) à la fin des années 40 : « Lorsqu’en 1948, j‘ai proposé le terme de musique concrète, j’entendais, par cet adjectif, marquer une inversion dans le sens du travail musical. Au lieu de noter des idées musicales par les symboles du solfège, et de confier la réalisation concrète à des instrumentistes connus, il s‘agissait de recueillir le concret sonore, d‘où qu’il vienne, et d’en abstraire les valeurs musicales qu‘il contenait en puissance2. »
La facture sonore est un critère qualitatif basé sur la perception du son qui concerne son entretien, c'est à dire la façon dont l'énergie est communiquée et se manifeste dans la durée. C'est donc la forme du son (prolongée, répétitive, brève etc.) Ce qui importe surtout n’est donc pas de savoir ce qui produit le son (quelle est sa cause) mais comment il est saisi : on se place ici dans une perspective phénoménologique. Certes le visiteur peut essayer de reconnaître, d’après les matériaux fournis par l’artiste, à quelle réalité il renvoie (en l’occurrence la forêt tropicale), mais il peut aussi se concentrer sur la texture, la formes du matériau, indépendamment de son sens, et voyager alors dans un monde fictif. L’objet de l’étude finit par se confondre avec le sujet immergé et ce sont des territoires personnels que l’on explore.

C’est là qu’intervient le nom du Baron Von Langsdorff dont Cédric Maridet a utilisé le nom en imaginant une ultime aventure de ce médecin et naturaliste allemand du 19e siècle. Membre de la grande expédition russe autour du monde de 1803 à 1805, Langsdorff a lui-même monté une expédition d’exploration scientifique dans la forêt amazonienne et en a rapporté de riches informations sur les peuples indigènes du Brésil. Il était accompagné d’Hercule Florence qui aurait inventé la photographie avant l’heure et qui est resté connu pour sa zoophonie, notation musicale capable de traduire les vocalises des oiseaux et les cris des animaux, utilisée plus tard notamment par le compositeur Olivier Messian.

Un autre volet important de cette exposition extrêmement riche et dense concerne la description de la biocénose de la forêt malaisienne, c’est à dire de l’ensemble des êtres vivants, espèces animales et végétales, qui y coexistent. L’artiste a dressé les listes des noms communs de ces espèces dont la lecture à voix haute, en anglais et en français, a été enregistrée. Ces noms, devenus sons, jettent les bases d’un langage fictif et offrent de nouvelles possibilités de narration et de communication. La biocénose définit avant tout une communauté d’êtres vivants partageant un espace commun et formant un système : elle peut ainsi s’apparenter au langage ou des familles de mots se regroupent pour faire sens et développer un territoire commun.

Ce travail peut évidemment s'associer aux différents travaux de poésie sonore de Kurt Schwitters ou d’Hugo Ball. Mais contrairement à Schwitters qui travaille sur le rythme syllabique, cette pièce joue sur une oscillation entre référence et abstraction. De plus, l’enregistrement est diffusé à l’intérieur comme à l’extérieur de la galerie, projection vers le dehors, mais jeux d’échos entre soi et l’autre.
Ce va-et-vient entre espace intérieur et extérieur est une constante dans l’œuvre de Cédric Maridet et témoigne de sa volonté de casser la frontière même de la perception délimitant ces territoires subjectifs trop souvent cloisonnés.

Son cabinet de curiosité, The Soft Science Cabinet, Apis Cerana, brouille précisément ces limites et nous invite à élargir notre conception du langage. Ancêtre des musées, ces cabinets sont apparus à la Renaissance en Europe et rendait compte des découvertes et des avancées des connaissances de la société. Ici il se présente sous la forme de deux disques en cire d’abeille, moules exacts des disques contenant les enregistrements de ruches d’abeilles. Cédric Maridet s’appuie une fois encore sur les méthodes scientifiques pour construire son travail, cette fois la méthodologie développée dans les années 30 en éthologie consistant à combiner des recherches en laboratoires et de terrain. Karl Von Frish, l’un des pères de cette science étudiant le comportement des diverses espèces animales, est connu pour ses recherches sur les perceptions sensorielles des abeilles et sur leurs modalités de communication. En particulier, il a mis à jour l’existence de danses permettant aux abeilles d’échanger des informations topographiques très précises sur les zones de butinage. Il s’agit d’un langage exceptionnel dans le monde animal et Cédric Maridet, à l’aide d’enregistrements effectués à l’intérieur et à l’extérieur de la ruche tente une remise en question de nos propres moyens de communication.

Comme pour les enregistrements de la forêt de Penang, passés au crible d’un sonogramme et retransmis sous la forme de lignes selon les fréquences et l’intensité du son, la composition est ici décomposée en signaux élémentaires, et recomposée différemment, permettant une écoute nouvelle des sons. Aucune fréquence qui n'est pas présente originalement n’est ajoutée.

L’hétéroclisme de ce cabinet de curiosité n’est donc qu’apparent. En creux l’infinie possibilité de rendre compte d’un espace et celle, non moins infinie, de le percevoir.

1 Tchouang-Tseu, chapitre 13, La Voie du ciel
2 Pierre Schaeffer, Traité des objets musicaux, Paris, Seuil, 1966.

 

 

何描寫一個空間?認識何物及如何以語言之外的手法傳遞一個知識?
莊子說:「聽而可聞者,名與聲也。悲夫,世人以形色名聲為足以得彼之情!」

問題非常明顯,在於忘掉語言去理解一個感性世界,或至少,將我們對語言的概念推廣至個體固有的其他各種不同的溝通方式。2012年香港藝術節期間,Cédric Maridet通過一個奇妙的歷程,在探索當代藝術的路途上,為我們提供一個選擇的機會:觀眾戴着耳機,一邊聆聽在世界各地的畫廊和博物館現場錄得的聲音,一邊在展覽廳漫步參觀。觀眾聽到的和他們在其中踱步的空間之間有一個差距,他們感到不協調,有些狼狽,原因是這背景聲音雖然錄自同類場所,但與現場互不相干。

這位聲學藝術家兼作曲家在畫廊2P舉行的展覽還邀我們深入熱帶森林,作一次精神和身體的旅行。Cédric Maridet自1999年起便在香港生活和工作。這次,他欲從生態的角度,思考如何以不同的方式來描述一個特定的環境。透過於馬來西亞國家檳城公園製作的一組錄音,他嘗試去說明這聲音由來的生態系統。

有聲圖片、攝影、錄像、詞彙表、收藏室等等,這一切都將觀眾帶到一個既現實 (熱帶森林) 又虛幻的世界。藝術家做着感覺間的遊戲,將聲音變成線條,將形象變成聲音,讓你切切實實感受一場經驗,將感性世界嵌入知性世界。從對馬來西亞土地細緻入微的觀察出發,他為我們提供了收集、梳理涐們眾多感覺和觀察的方法,這是一些嶄新的工具,不以普通語言為基礎,而以個人經驗為依據。

他希望些甚麼呢?他希望的是擴大我們對世界的眼界,如同在俄爾甫斯琴聲的蠱惑下,用耳朵去看,用眼睛去聽,令這種觀察成為革新的源泉。

Distinct factures 這個標題,來自Pierre Schaeffer (1910-1995) 於上世紀四十年代末構思的具體音樂。他說「1948年,我提出具體音樂這一詞。所謂具體這個形容詞,我將它理解為在音樂創作中來一個顛倒。一反用樂譜記錄樂思,然後將完成的樂章賦予樂器演奏,而是採集具體的聲音,不管它來自何方,從中提煉出它緊抱不放的優美樂音。」尤其重要的不是探明聲音發自何處 (其原因何在),而是它怎樣被捕捉:這裡,我們是以現象學的角度看問題。當然,觀眾可依據藝術家提供的材料,嘗試認出這聲音與甚麼有關 (這裡是熱帶森林)。但他也可以將精神集中於材料的結構、形式,而不理會其意義,徜徉在虛構的世界中。被探視的物體最終和潛伏的主題混淆起來,人們探索的是一些個人的天地。

Baron Langsdorff 這名字也介入這場展覽。Cédric Maridet 利用這名字,想像這位十九世紀德國醫生和博物學家的最後一次冒險。

angsdorff 是1803年至1805年間一支俄國世界探險隊的成員,他本人亦曾在亞馬遜森林作一次探險,帶回有關巴西土著豐富珍貴的資料。那位也許一早就發明了攝影術的Hercule Florence 和他作伴同行。這拍檔還以他首創的動物語言學而知名,這是一種記譜法,可以傳譯出禽鳥動物的叫聲。後來,法國的作曲家Olivier Messian還利用它來進行音樂創作。

這個豐富多采的展覽另一個重要面是對馬來西亞熱帶森林生物群落的描述,亦即在其中共處的一切生物,動物和植物。藝術家製作了這些動植物的名稱表,事前以英法兩種語言高聲朗讀並錄了音。這些名稱一經變成聲音,便為一個虛構語言打下基礎,提供了敘述和交流的新的可能。生物群落首先確定了那分享同一空間並形成一個體系的生物群體:這樣它便和語言相近,又或者同族詞重新組合顯示出意義,開拓出一個共同天地。

在內外空間之間來回擺動是 Cédric Maridet 作品的永恆主題。這証明他欲打破那劃定主觀世界的感知的界線,這世界經常是被隔離開的。
他的收藏室《The Soft Science Cabinet, Apis Cerana》混淆了這些界線,邀我們擴展語言這個觀念。這些收藏室是博物館的前身,出現在歐洲文藝復興時期,向人們報告社會的新知和發現。而在這裡,則是以兩張蜂臘製成的唱片形式出現,是錄製了蜂巢聲音的唱片的準確模型。Cédric Maridet 再次利用科學方法從事自己的創作。這次是運用上世紀三十年代動物行為學的新方法,即室內研究和野外研究相結合。Karl Von Frish 是研究各種動物行為的先行者之一,他以研究蜜蜂的感覺器官和溝通方式而聞名。尤其是他發現了蜜蜂的一種舞蹈動作,它們借此互相交換採蜜環境非常精確的信息。這是動物世界裡的一種特殊語言,而 Cédric Maridet 借助蜂巢內外的錄音,試圖重新審視人類的溝通方式。

如同檳城森林的錄音,透過聲譜儀的檢驗,根據聲音的頻率和強度以線條的形式重新傳遞出來,蜂巢內外的錄音亦被分解成一些基本信號,再以不同的方式重新組合,產生出一個全新的聲音來。沒有加上現場以外的任何音頻。

收藏室的雜亂只是表面現象。它間接提供了解釋空間的無限可能性,以及認識空間的同樣無限的可能性。