Poésie 詩詞

Texte: Gérard Henry
 

Leung Ping Kwan, écrivain hongkongais de l’année
梁秉鈞,香港年度作家

 

C’est dans les cafés, les restaurants, autour d’un verre ou d’un plat que l’on refait le monde, que les idéologues s’affrontent, que les révolutions prennent leur envol. Ou plus simplement, c’est dans ces antres souvent bruyants et enfumés que les cœurs s’ouvrent, que les chemins de vie se croisent, que les langues se délient. Le poète Leung Ping Kwan l’a bien compris, lui qui nous livre à travers ses œuvres, le journal de ses pérégrinations culinaires et géographiques allant de Hong Kong à Toronto en passant par Londres, Berlin, Paris, Bruxelles ou Tokyo, explorant dans chaque cité une spécialité culinaire qui révèle le pays qui se cache derrière, mais aussi des pans d’histoires hongkongaises.

La nourriture n’est jamais innocente. A chaque bouchée, à chaque gorgée, les paroles rompent le silence, les souvenirs remontent, permettant à la vie quotidienne de s’installer à la table des dîneurs. Surgissent alors des images de la ville : Hong Kong dans son passé, son présent, son futur. La clé de ce voyage à la fois réel et intérieur en est à chaque fois un plat : l’oignon dans ses nombreuses couches révèle la complexité de l’identité hongkongaise, le Ying-yang, le fameux « Café-Thé-Lait », l’unique boisson proprement hongkongaise, montre le déchirement entre Orient et Occident de la cité. Pour Leung Ping-kwan, la cuisine et l’art sont intimement entrelacés. Les parfums, les goûts, les saveurs ouvrent les puits de la mémoire et le poète nous convie à un voyage ou l’histoire intime se mêle à la grande histoire. Dans l’un de ses poèmes Voyager avec une citrouille amère, notre poète emmène en effet comme compagnon de voyage, une courge chinoise. Ce curieux légume a un goût que l’on ne saurait oublier. Il ressemble à un poivron vert bosselé et poilu. Sa saveur est trompeuse. Elle séduit par une légère suavité qui devient douce amertume et s’amplifie soudainement jusqu’à vous mordre la langue. Inutile de dire que cette riche palette de saveurs qui va de la douceur à l’amertume vaut largement pour ce poète chinois la madeleine de Proust.

L’un des poètes les plus connus de Hong Kong, il appartient à la première génération de ces écrivains nés ou éduqués à Hong Kong après la deuxième guerre mondiale dont l’œuvre se nourrit directement d’une expérience hongkongaise. Cette génération d’intellectuels hongkongais aujourd’hui entre la cinquantaine et la soixantaine étonne par son éclectisme. Leung Ping kwan, tout en ayant une culture chinoise solide, est tout aussi familier avec le nouveau roman français, la poésie underground américaine de la Beat génération qu’avec les grands romanciers sud-américains. C’est aussi un grand connaisseur du cinéma français, en particulier de la Nouvelle Vague qu’il découvrit à l’Alliance française. Il enseigne d’ailleurs la littérature et le cinéma à l’université de Lingnan où il est professeur. Leung s’intéresse à la complexité des relations entre colonialisme, post colonialisme, histoire et traditions chinoises face à la modernité :
« A Hong Kong, nous n’avons pas été élevés dans deux cultures, mais plutôt parmi des cultures hybrides et fragmentées » dit-il.
A côté d’essais sur la culture hongkongaise et le cinéma, Le poète a publié de nombreux recueils de poésies et de nouvelles, certains traduits en français, comme chez Gallimard, Îles et continents, qui rassemblent des nouvelles écrites avant la Rétrocession de Hong Kong à la Chine. Hong Kong n’est-elle point une île face à de nombreux continents, proches ou lointains, réels ou imaginaires, qui ont, chacun à leur façon une influence profonde sur la vie de cette cité. La Chine tout d’abord, dont l’ombre, omniprésente, est parfois écrasante. Et puis les autres, Amérique, Australie, Europe, tour à tour selon les aléas de l’histoire, terres d’exil, de refuge, de voyages ou plus prosaïquement terrains d’affaires : « Partir à la recherche des souvenirs est peine perdue ; je pensais autrefois que l’on pouvait tout expliquer, tout régler dans le temps et l’espace, mais j’ai découvert que c’est une illusion. L’histoire fait bloc. Nous nous adressons à l’actualité à travers des fentes. »

Cette dernière phrase résume parfaitement l’œuvre de Leung Ping Kwan, qui explore le thème de l’individualisme de l’homme moderne, plongé dans une société en mouvement constant, qui ne semble avoir aucune assise certaine et un futur quelque peu prévisible.
Leung Ping Kwan (nom de plume Yesi ) a publié plus d’une trentaine d’ouvrages et est traduit en anglais, allemand, français, japonais, norvégien.

Œuvres en français
Îles et continents (Gallimard 2001, traduit par Annie Curien),
City Poetry ( Hong Kong 2001, 4 poèmes, Trad. Sonia Au Ka-lai et G. Henry)
De ci, de là des choses (Editions You-Feng, Paris, 2006, Trad. Annie Curien, Sonia Au Ka-lai et G. Henry,)
En ces jours instables, 2012, Editions mccmcreations, Hong Kong, trad. Camille Loisier )

 

變世界的決策很多時候都是由那些理想家在咖啡座、餐館邊吃邊喝之時作出的,他們手執一杯啤酒或餐酒,面對一桌子的佳餚,在一輪針鋒相對後,終於作出決定,無數革命就是如此這般的爆發了。或是較簡單的,在這些龍蛇混雜、噪吵及煙霧瀰漫的氣氛中,人們較容易說出心中話、不受語言障礙地作生命的交流。梁秉鈞深明此道,並透過他的作品,一本食事地域誌帶我們經由香港到倫敦、柏林、巴黎、布魯塞爾或東京,沿途探索各地的特色美食,除了藉當地的飲食文化來認識隱藏背後的國家和城市外,更述說一段段香港的歷史故事。


食物從來都不是簡單的一回事。每吃一口都能喚起記憶,閒話家常打破沉默,散落滿餐桌的是用餐者的日常生活。這城市的影像一幅幅浮現出來:香港的過去,現在和將來。這些旅程既是現實又是心靈的,而其中的關鍵是每一次都配以一道菜式:洋蔥,剝開一層又一層,喻意港人複雜的身份,著名的「鴛鴦」是一種典型的香港飲品,它代表了香港中西混雜的文化。就梁秉鈞而言,美食與藝術是息息相關的。色、香、味能喚起深藏的記憶,梁秉鈞邀請我們作一次交織着個人經歷與歷史的旅程。在他的其中一首詩作《帶一枚苦瓜去旅行》中,我們這位詩人的確帶著一個苦瓜,把它當作旅伴一起出遊。這個奇特的瓜有一種讓人難以忘懷的滋味,它外表像一個綠色的甜椒,凹凸不平,毛茸茸的。它的味道欺人,開始,它以一種微微的甘甜誘惑你,接著便成一種甜中帶苦的滋味,突然間又變得苦不可擋,直刺你的舌頭。對這位華裔詩人來說,這種由甜到苦而變化多端的滋味,毫無疑問可媲美普魯斯特的瑪德萊娜蛋糕。

梁秉鈞是香港最著名的詩人之一,是第一代於二次世界大戰後出生或是接受教育的香港作家,其作品的題材都是來自直接的生活體驗,他們這一代已是五十多六十歲的文化界人士,對文化藝術的興趣範圍十分廣泛。除了本身有着深厚的中國文化根基外,對法國新派小說、美國新一代的地下詩或是美國南部的著名小說家同樣熟識;他亦是一位電影發燒友,而自從他在香港法國文化協會欣賞過法國新浪潮電影後更愛上了這類電影風格。他現任香港嶺南大學中文系比較文學講座教授,專門教授文學與電影。梁氏特別關心殖民主義、後殖民主義、中國歷史和傳統文化面對現代化改革所衍生的複雜關係:「與其說我們是在兩種文化中長大,不如說是在一些混雜和破碎的文化中成長更為恰當」他這樣表示。

除了一些有關香港文化和電影的小品文之外,梁氏也出版了多本詩集和短篇故事,部份更被翻譯成法文,例如伽利瑪出版社的《島和大陸》,當中收錄了一些他在香港回歸中國前所作的短篇故事。香港正好就是一座面對多個大陸的小島,無論是遠的或近的,真實的或想像的,這些大陸均各自以不同的方式對這座城市的生活作出深遠的影響。首先是中國,它無處不在的影響力籠罩着整個香港,有時頗有太山壓頂之勢。而其他如美洲、澳洲、歐洲等大陸則視乎歷史事件的影響,相繼成為香港人移民,避難,旅遊或世俗一點,從商的地方。「追記的故事總沒法追上眼前的現實,眼前的事又不斷修改我的記憶。追逐過去是徒勞的,以前我老想甚麼事都可以交代,都可以時空順序,後來發覺這只是一個幻象,歷史黏在一起,我們在隙縫間向現在發言。」

最後的這句話正好完美地概括了梁秉鈞的作品。其作品的主題主要是探討現代個人主義在一個動盪不安,沒有肯定基礎並且前景不明的社會中如何自處。

梁秉鈞 (筆名也斯) 出版了超過三十本著作,並被翻譯成英文、德文、法文、日文和挪威文。