Art et Histoire 藝術與歷史

Texte: Frank Vigneron
 

Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence
héorie de la peinture individualiste – Les « Huit Excentriques de Yangzhou » (1)
十七、十八世紀之間的中國:興盛不衰——揚州八怪(一)

 

Parmi ceux qui développèrent le plus l’idée d’une expression personnelle, on trouve un groupe d’artistes qui allaient donc être nommés les « Huit Excentriques de Yangzhou ». Cette expression apparut en fait pour la première fois en 1871 dans un ouvrage composé de biographies critiques écrit par Li Yufen 李玉棻 (Ouboluoshi shuhua guomukao《甌缽羅室書畫過目考》). Il existe, dans d’autres histoires de la peinture de la même période, de nombreuses listes différentes de ces « excentriques », la plus souvent retenue étant la suivante :
Zheng Xie 鄭燮 (1693-1765), Jin Nong 金農 (1687-1763), Luo Pin 羅聘 (1733-1799), Li Fangying 李方膺 (1695-1755), Wang Shishen 汪士慎 (1686-1759), Gao Xiang 高翔 (1688-1753), Huang Shen 黃慎 (1687-1766) et Li Shan 李鱓 (1692-1762). Encore une fois, ce groupement n’a pas tant de rapport avec leurs styles qu’avec le fait qu’ils ont tous été actifs dans la ville de Yangzhou. Cette liste comporte treize noms dans d’autres listes établies au 19e siècle et nous verrons un exemple de chacun de ces treize artistes dans cette section.

Profitant de l’atmosphère de liberté intellectuelle qui régnait dans cette ville, ils choisirent de s’exprimer par des techniques et des compositions complètement insolites. De telles pratiques les mettaient clairement en opposition aux principes des écoles orthodoxes, comme l’école de Loudong ou de Yushan qui étaient fermement enracinées à la capitale et dans d’autres centres artistiques de cette période. Tandis qu’ils changeaient la prépondérance accordée au paysage en faveur de la représentation des « Quatre Gentilshommes » (Si Junzi 四君子, c’est-à-dire la fleur de prunier, l’orchidée, le chrysanthème et le bambou), et dans certains cas la peinture de personnages, ce ne fut pas tant dans leurs choix de sujets que dans leur traitement novateur de thèmes traditionnels que les Excentriques s’illustrèrent. Lettrés-officiels ou artistes professionnels, la plupart d’entre eux avaient été formés aux méthodes des lettrés mais étaient aussi en position de recevoir des commandes de leurs mécènes. La culture hétérogène de Yangzhou encourageait ainsi la diversité des goûts et créa un climat très ouvert dans lequel des peintres aux expériences et aux cultures très différentes pouvaient montrer leur indépendance et leur esprit d’aventure.

Encore de nos jours le plus célèbre des Excentriques, Zheng Xie 鄭燮 (1693-1765) fut un poète, un essayiste, un calligraphe et un peintre de tout premier ordre. Connu aussi pour son sens du devoir, il remplit ses fonctions d’officiel avec un zèle dont ses lettres sont encore les témoins aujourd’hui (on pourra lire les lettres que Zheng Xie envoya à sa famille et où il fait montre d’une efficacité et d’une bonté qu’on ne pouvait pas voir très souvent de la part de ces fonctionnaires. Voir Zheng Banqiao : Lettres familiales (traduction et notes de Jean-Pierre Diény), Paris : Encre Marine, 1996). La pauvreté dans laquelle il vécut fit de lui un dénonciateur des inégalités de la société chinoise de son époque et c’est dans cette attitude que sa réputation d’étrangeté trouva sa première source. En fait, il faut bien constater que le terme d’Excentrique accordé à ces peintres venait aussi souvent d’un jugement sur leur comportement que d’un jugement sur leur style de peinture. Autre signe étrange de sa part dans cette société où les lettrés faisaient encore profession de mépriser l’argent (bien que la réalité ait été fort différente), après s’être retiré de ses fonctions, et fatigué d’avoir à peindre quelque chose pour quiconque le lui demandait, il afficha une liste de tarifs sur sa porte, cet acte faisant de lui le premier des peintres lettrés à demander ouvertement paiement pour une œuvre. Ses peintures, généralement de bambous ou d’autres « gentilshommes », sont faites de coups de pinceau rapides et élégants. Très célèbre en son temps, on trouvait déjà de nombreux faux de ses peintures de bambou de son vivant. Comme Zheng Xie, Jin Nong 金農 (1687-1763) fut un lettré accompli. Fin connaisseur d’inscriptions bei et tie, il ne commença à peindre qu’à la cinquantaine, n’ayant jusque-là pratiqué que la calligraphie. Il ne connut d’abord aucun succès et en fut réduit parfois à vendre des lanternes pour survivre. Sans même passer l’examen, il lui fut accordé le prestigieux titre de « Lettré au vaste savoir », position qui aurait pu lui assurer confort et stabilité s’il ne l’avait pas refusée, de peur d’avoir à compromettre ses idées sur les « recherches textuelles ». Comme Zheng Xie, les « Quatre Gentilshommes » furent ses sujets de prédilection, quoiqu’il se soit essayé parfois à la peinture de personnages dans son style étrange qui fait parfois penser, comme j’essaierai de l’indiquer plus tard, à la peinture naïve d’Europe.

Malgré la gloire de ces deux artistes, c’est pourtant Li Shan 李鱓 (1692-1762), qui n’eut pas vraiment de succès de son vivant, qui eut le plus d’influence sur les peintres du 20e siècle. Mêlant certains aspects de la tradition académique des Song, en particulier dans le choix de ses sujets, à un emploi du pinceau-encre plus « abstrait », il développa une façon très neuve de représenter les animaux et les fleurs. Huang Shen 黃慎 (1687-1766), quant à lui, provenant d’une famille pauvre et décidant de demeurer peintre professionnel, se spécialisa dans la peinture de personnages, dans une veine à la fois très individuelle et populiste. Peintre professionnel lui aussi et pauvre toute sa vie, Wang Shishen 汪士慎 (1686-1759) se spécialisa dans la pratique de la calligraphie et d’une peinture dans laquelle il essaya de réanimer les choix stylistiques de la grande peinture lettrée des Yuan. Li Fangying 李方膺 (1695-1755), sans doute celui qui continua la tradition de Bada Shanren de la façon la plus fidèle, fut aussi fasciné par l’étude des inscriptions bei et tie. Cet intérêt se retrouve aussi dans les calligraphies de Gao Xiang 高翔 (1688-1753) qui, en tant que peintre, aima mêler une interprétation libre de la peinture d’architecture à la peinture de personnages. Pour finir, Luo Pin羅聘 (1733-1799), le plus jeune des Excentriques qui étudia sous la direction de Jin Nong (pour qui il exécuta de nombreuses peintures que son maître devait signer), préféra consacrer une grande partie de sa production aux portraits et aux images de fantômes qui le fascinaient.

Hua Yan 華喦(1682-1756) n’est généralement pas inclus dans la liste des Excentriques, mais sa présence à Yangzhou et la richesse de son style, bien que celui-ci ne soit pas aussi ouvertement original que celui des autres puisqu’il aimait recréer certains des choix des peintres de l’académie des Song du Sud à travers le style du peintre orthodoxe Yun Shouping, lui ont toujours donné l’occasion d’être mentionné avec les autres artistes de cette liste. De même Gao Fenghan 高鳳翰(1683-1748), quoiqu’ami des huit Excentriques que nous venons d’énumérer, n’a été inclus que dans la liste de treize Excentriques et n’est parfois même pas considéré comme un des leurs par les historiens de l’art du 19e siècle car son séjour à Yangzhou a été relativement court. Son style, dérivé de celui de Shitao, a pourtant eu une influence considérable sur les autres Excentriques et en particulier Li Shan. Cette liste allongée comporte aussi des peintres de personnages, inspirés par le style de Huang Shen, comme Min Zhen 閔貞 (1730- ?), des peintres de fleurs et d’objets comme Bian Shoumin 邊壽民 (1684-1752), Chen Zhuan 陳撰(1675-1758) ou Shangguan Zhou 上官周 (1665- ?). Mais, bien évidemment, aucun de ces peintres ne se spécialisa exclusivement dans un de ces genres et ils continuèrent à pratiquer d’autres genres, bien que minoritairement, tels que le paysage.

Au même moment et dans la même ville, d’autres peintres continuèrent des styles entièrement différents et parfois beaucoup plus proches des œuvres de l’ancienne école de Zhe, avec son professionnalisme qui avait été méprisé des lettrés de la dynastie Ming et du début de la dynastie Mandchoue, ou même de la peinture de cour. Cai Jia 蔡嘉(actif 18e siècle) fut un peintre de paysages et de personnages, ami de Wang Shishen et Gao Xiang. Les deux frères Yuan Jiang 袁江 (actif 18e siècle) et Yuan Yao 袁耀(actif 18e siècle) se spécialisèrent dans une peinture paysagiste incluant de nombreux détails et des structures architecturales, très proche de la grande tradition descriptive des Song du Nord. Un peu plus tardivement, on compte à Yangzhou des peintres comme Ni Can 倪璨(1764-1841) et Zhang Cining 張賜寧 (1743- c. 1817) dont la renommée dans les annales de l’histoire de l’art fut assez injustement éclipsée par l’importance des Excentriques. De même, leur respect affiché de la tradition orthodoxe les rendit moins intéressants aux historiens du 20e siècle qui voyaient dans leurs travaux un regrettable retour en arrière. Avec ces peintres moins connus, on peut achever un portrait artistique un peu plus complet de cette extraordinaire ville de Yangzhou où la recherche littéraire était encouragée ainsi que tous les genres de peinture possibles. Le fait que des styles plus personnels y aient été plus visibles (surtout aux yeux d’une histoire de l’art encore hantée par l’exigence d’originalité datant du modernisme) ne doit pas nous faire ignorer d’autres artistes tout aussi actifs et qui préférèrent se tourner vers la longue tradition de la peinture. Cette versatilité dans le choix de thèmes et de styles est cependant une chose qu’il est possible de trouver aussi relativement souvent dans des centres plus anciens de production artistique.

 

個人風格的理念發展至盡的非後來人們稱之為「揚州八怪」的一群畫家莫屬。這稱謂始於1871年,在李玉棻的畫家評傳《甌缽羅室書畫過目考》一書裡初次出現。在同一時期的其他一些畫史裡,這些被人稱「怪」的畫家名錄亦多有不同。一般是指鄭燮(1693-1765)、金農(1687-1763)、羅聘(1733-1799)、李方膺(1695-1755)、汪士慎(1686-1759)、高翔(1688-1753)、黃慎(1687-1766)及李鱓(1692-1762)等八人。我再說一遍,這個畫家群體與其風格抑或他們同時活躍於楊州這一事實並無太大關係。十九世紀時,一些名單更擴大至十三人,在此,我們將逐一予以介紹。

利用瀰漫於揚州城的思想自由的空氣,他們在畫技及在構圖佈局上極盡標新立異之能事。這些藝術實踐把他們置於正統派的對立面,諸如深深植根於京城及其他地方的婁東派或虞山派。他們熱衷於繪製「花中四君子」,即梅、蘭、竹、菊,有時也作些人物畫,改變了傳統文人畫以山水為尚的風氣。他們之所以揚名於世,不在於對繪畫題材的選擇或對傳統題材處理手法的創新。文人士大夫或專業畫家,他們大多數人均在文人精神的薰陶和哺育下成長,但亦樂於接受藝術資助者的索畫。揚州城文化的多樣性刺激並催生了各種脾胃好尚,創造了一種開放氣氛,以致人生經驗、文化素養各異的畫家均能在其中一展各自的獨創精神。

鄭燮在今人眼中依然是八怪中最負盛名者。他集詩人、散文家、書法家和一流畫家於一身。他為官清正廉潔、忠於職守,這在其家書中可見一斑(可讀《鄭板橋家書》,他在家書中透露出的才幹和善心,在官場中實為罕見。該書有Jean-Pierre Diény 翻譯並註釋的法文譯本《Zheng Banqiao : Lettres familiales 》巴黎Encre Marine出版社,1996年)。他生活貧困,令他對當時中國社會的不平等作鞭韃揭露,這是他博得「怪」稱譽的初因。事實上,把這些畫家稱作「怪」還來自他們的乖戾行為及繪畫風格。鄭板橋之所以被稱為「怪」還在於這一事實,即在一個文人仍自詡鄙視金錢為高尚的社會裡(雖然事實並非完全如此),他在辭官退隱後,由於疲於為求畫者作畫,竟在自家門上張貼出畫的價目,這令他成為公開鬻畫的文人畫家第一人。他的繪畫題材多為蘭、竹、菊,尤其擅長墨竹,他以迅疾優雅的方式完成。他名揚天下,在世時,冒充他墨竹的贗品已然充斥市場。和鄭燮一樣,金農是一位傑出的文人,他精於碑帖,專事書法,遲至五十歲才開始作畫。他生活困頓,有時被迫賣燈籠維生。他雖科考落第,但仍被舉為「博學鴻詞」,若他不擔心因而破壞了他「鑒古」的雅興,欣然接受,這榮銜本可令他過一個舒適安定的生活。和鄭燮一樣,他亦偏愛「四君子」,但偶爾亦嘗試作些人物畫。他古拙簡括的風格令人想起歐洲的童趣畫,這我稍後將另作介紹。和上述兩位相比,李鱓在生時成就不大,但他對二十世紀的畫家卻影響至深。他將宋代宮廷院畫的一些方面,尤其是題材的選擇上,與「抽象」的筆墨運用相融合,創造了全新的花鳥畫表現手法。黃慎則出身寒微,矢志做一名專業畫家,專攻人物畫。他的畫極富個人特色亦十分通俗。汪士慎亦為一名專業畫家,一生清貧,書畫兼長。他在畫中竭力再現元代偉大文人畫的風貌。李方膺可謂八大山人風格的最忠實傳人,他亦醉心於碑帖研究。高翔的書法亦有碑帖的韻味,作為畫家,他愛將描寫亭台樓閣的繪畫隨意散漫地融入人物畫中。最後是羅聘,八怪中最年輕的一位。他師學金農,常越俎代庖,代師傅製作許多畫,並由師傅落款署名。他的作品大都為人物肖像及令他痴迷的魑魅魍魎。

華喦(1682-1756)一般而言不包括在「八怪」名單內,由於他喜以正統派畫家惲壽平的風格再現一些南宋宮廷畫家的作品,個人風格不如其他畫家突出,但因他長住揚州以及繪畫風格多樣化這點,令他有幸常與「揚州八怪」畫家一起被人提及。高鳳翰(1683-1748)雖為「揚州八怪」的朋友,但他的名字只出現在另一份十三人的名單上。由於他居停揚州的時間相對較短,十九世紀的畫史家並不把他歸入「八怪」的行列。他的畫風師承石濤,對「揚州八怪」尤其是李鱓的影響頗大。這個加長了的名單裡還包括深受董慎畫風影響的人物畫家閔貞(1730-?)、花鳥畫家邊壽民(1684-1752)、陳撰(1675-1758)及上官周(1665-?)。但顯然,他們之中沒有一人局限於一格,均嘗試其他題材,如山水畫的創作。

在同一時期同一個城市裡,其他畫家繼續創作風格迥異的繪畫,有時極近浙派風格,帶着早已為明代和清初文人所鄙視的匠氣,甚至創作一些宮廷畫。蔡嘉(活躍於十八世紀)是山水人物畫家。袁江、袁耀兄弟(活躍於十八世紀)長於界畫樓台亭閣,工致細膩,有宋法遺風。稍晚些,活動於揚州的畫家尚有倪璨(1764-1841)和張賜寧(1743-c.1817),他們的聲譽在藝術史裡,為「揚州八怪」的光芒所掩蓋,甚為不公。此外,由於他們對正統派傳統的恪守,致使二十世紀的藝術史家對他們失去興趣,並在他們的畫作中看到了令人扼腕的倒退。我們連帶介紹了上述幾位不太知名的畫家,這樣,對揚州這座奇特城市的畫壇便有了一個較完整的描述。在揚州城文學藝術流派紛呈、爭妍鬥麗、各放異彩。個人風格突出的繪畫固然備受關注(這在仍信奉現代主義視創意為圭臬的藝術史家的眼裡更是如此),但不應忽略那些一樣活躍但更注重傳統的畫家。這種繪畫題材與風格的千變萬化景觀在世界其他更古老的藝術創作中心亦時有所見。