Art contemporain 當代藝術

Texte: Frank Vigneron
 

Phoebe Man : Réécrire une histoire
文晶瑩 ─ 重寫故事

 
Phoebe Man (née en 1969), Réécrire l’histoire (Installation). Exposition de groupe : The Room of Her own, du 28 avril au 17 juin 2012,
Pier-@ Art Center, Kaohsiung, Taiwan.

Avez-vous lu Le Tour d’écrou (The Turn of the Screw) de Henry James ? Peut-être même mieux, avez-vous vu et écouté l’adaptation pour l'opéra de cette œuvre composée par Benjamin Britten dans les années 50 ? Aucun autre livre n’a aussi bien pu créer une profonde sensation d’horreur et pas du tout par la présence de ces fantômes qui rend cette œuvre si intrigante sous la plume d’un auteur si réaliste. Dans l’opéra aussi, ce qui dérange est bien plutôt ce thème récurrent de l’œuvre de Britten, la perte de l’innocence : ces enfants furent bien la victime de déviances sexuelles même si ces dernières sont simplement laissées à l’imagination du spectateur. Et c’est cette confrontation des jeux innocents de l’enfance et de terribles sous-entendus sexuels qui rend si inoubliable et si dérangeant Le Tour d’écrou. Ce sont ces mêmes confrontations qui vous attendent dans cette installation de papiers découpés de Phoebe Man 文晶瑩 intitulée Réécrire l’histoire (Rewriting History) et portant sur le problème des agressions sexuelles à Hong Kong.

La première réaction du visiteur de cette exposition était celle d’une appréciation esthétique pour son élégance et sa grâce, appréciation presque décevante pour ceux qui connaissaient les œuvres précédentes de la plasticienne et en particulier celles concernant les problèmes évoqués par le féminisme. Toutes ces œuvres étaient en noir et blanc et divisées en plusieurs groupes. La pièce centrale était un arrangement en une sorte de table d’une série de cadres profonds comportant des papiers découpés. L’œil était alors attiré par un vaste arrangement mural de découpages similaires, puis par plusieurs cadres contenant des articles de journaux et une télévision montrant une animation que la plasticienne décrivait comme dérivant du processus de fabrication de ce délicat travail du papier. Près de la porte, on pouvait voir une installation interactive où la silhouette du visiteur était projetée sur un mur et suivie par une gigantesque main représentant le pouvoir que les agresseurs sexuels exercent sur leurs victimes.

Phoebe Man avait employé plusieurs approches et il était possible de voir, dans l’arrangement de ces œuvres à l’intérieur de ce studio à Fotan, des objets provoquant des sensations s’étendant du plus objectif (les articles de journaux montrant les photos de prédateurs sexuels qu’elle utilisa dans ce travail) au plus dérangeant (plus particulièrement les voix d’enfants et les jeux qu’elle choisit de montrer dans son travail d’animation). La sensation dominante et délibérément cultivée par la plasticienne était de produire une certaine sorte d’ambiguïté par l’emploi de ce médium particulier qu’est le papier découpé ; non pas une ambiguïté à propos du caractère inhumain et inacceptable de ces actes mais bien à propos de l’emploi presque contradictoire qu’elle fit de cette technique.

Elle choisit cette forme d’artisanat très répandu en Chine, artisanat le plus souvent pratiqué par des femmes et dans un contexte traditionnel, pour transmettre les émotions et idées provoquées par sa propre expérience et par son désir de mieux comprendre les problèmes sociaux qui accompagnent ces actes. En faisant ainsi, elle donna à ses œuvres une qualité de légèreté et de grâce qui aurait bien pu paraître n’avoir aucune commune mesure avec le sujet abordé. Au contraire, c’était précisément son choix qui rendait cette œuvre d’autant plus efficace et dérangeante : en choisissant les papiers découpés et en les montrant d’une façon aussi élégante, elle ne faisait que renforcer l’horreur attachée aux problèmes d’agression sexuelle en forçant le spectateur à entrer dans un état de quasi-innocence, renforçant ainsi le sentiment de gêne du spectateur.

Pour bien saisir le contexte de cette œuvre, il faut donc d’abord savoir que Phoebe Man a été personnellement victime d’une agression sexuelle. Même si le visiteur pouvait comprendre très vite de quoi il s’agissait, les détails qui clarifiaient que ces références aux agressions sexuelles étaient personnelles n’étaient en réalité pas si évidents et il était possible de sortir de cet espace sans vraiment comprendre que, par exemple, certaines des silhouettes visibles dans ces découpages étaient celles de l’artiste. Le visiteur attentif, et celui assez chanceux pour lire la thèse de doctorat d’arts plastiques de la plasticienne, devait cependant très vite sentir à quel point cette installation se situait sur le terrain ambigu et dérangeant que je ne peux m’empêcher de comparer à celui du Tour d’écrou.

Si déstabilisant en fait que je me rendais compte que je n’arrivais pas à m’adresser à elle de la même façon qu’avant d’avoir vu ce travail. Voilà pourquoi je lui ai demandé, avant d’écrire cet article, si je pouvais mentionner ce fait. Celle-ci a répondu très simplement qu’elle n’avait pas exécuté ce travail pour simplement résoudre ses problèmes personnels mais bien pour réfléchir à un problème de société, qu’elle avait ainsi déjà beaucoup parlé à d’autres victimes sans jamais en ressentir de honte et qu’il était bien naturel d’en parler. Me voici donc remis à ma place, il n’y a ni honte, ni gêne, ni sens d’injustice dans son travail et mon propre malaise n’était qu’un des nombreux signes qu’on n’échappe que difficilement aux clichés attachés aux déviances sexuelles (et, il me semble, tout particulièrement dans une société aussi conservatrice que celle de Hong Kong).

 

讀過亨利.詹姆斯 (Henry James) 的《旋轉鏍絲》(Le Tour d’écrou) 嗎?或者看過、聽過本杰明.布里頓 (Benjamin Britten) 上世紀五十年代根據這本小說改編的歌劇嗎?在這位現實主義作家筆下,小說鬼影幢幢、詭異曲折所營造的恐怖氣氛,至今無人望其項背。同樣,在布里頓的歌劇裡,失貞是反覆出現、困擾人的主題:兒童成了變態性行為的犧牲品,儘管這些性變態行為只停留在觀眾的想像中。而正是這童年的純真遊戲和潛藏的性意識之間的對決令《旋轉鏍絲》這部小說如此讓人難以忘懷、如此困惑着讀者。文晶瑩題為《重寫故事》(Réécrire l’histoire)、探討香港性侵犯問題的剪紙裝置藝術亦展現了同樣的對決。

觀眾的第一反應是對作品優美、雅緻的藝術感受。但對那些曾參觀過藝術家過去的作品,尤其是有關女權主義的作品的觀眾,則不免有點失望。所有這些作品均為黑白兩色並分成幾組。展品主體為由一系列頗深的、載有剪紙的鏡框構成的桌子狀的裝置。觀眾的眼球首先被牆上那些剪紙所吸引,接着又轉向載有報刊文章的幾個鏡框和一架正播放着展示剪紙藝術微妙創作過程的動畫。近門的地方,設有一個互動裝置,參觀者的剪影被投射在一面牆上,一隻象徵性侵犯者淫威的巨手緊追其後。

文晶瑩運用不同的方式進行創作,在她位於火炭的工作室裡的這些裝置藝術作品中,可看到一些極其煽情的素材,從最客觀的如報刊上附有性侵犯者照片的報導文章到令人十分不安的事物,尤其如小孩的聲音以及她在動畫中展示的一些遊戲。藝術家有意營造的主要感受是利用剪紙這樣一種奇特媒介製造一種模糊,但並非涉及性侵犯的非人性和不可接受性,而是她對剪紙藝術的幾乎自相矛盾的運用。

剪紙藝術在中國廣為流傳,尤獲婦女們青睞。在一些喜慶的傳統節日裡,她們用剪紙表達自己的感情和憧憬。文晶瑩選擇剪紙這種藝術形式,賦予其作品輕鬆活潑、優美動人的特色,這與作品涉及的主題極不相稱。而正因為這種創意,令其作品更具感染力、更震撼人心。她篩選了一些作品並以一種優美的方式展示以人,加強了性侵犯問題的恐怖,迫使觀眾進入一種幾乎純潔無邪的狀態,加重了他們的杌惶不安。

為更好地解讀作品的背景,首先應知道文晶瑩本人亦是性侵犯的受害者。儘管觀眾可以很快便瞭解作品的涵義,但那些闡明性侵犯行為的細節非常隱秘,因此並不十分明顯,以致參觀者在看了作品之後,可能並不知道剪紙裡的一些人影正是作者本人。細心的觀眾,又或者有幸拜讀過藝術家博士論文的觀眾,很快便覺察到這個裝置藝術作品是處於怎樣的含糊和困惑的境地,以致我不禁將它和《旋轉鏍絲》來相比。

我明白不能以未參觀過她的作品之前的方式採訪她,因此在寫這篇短文之前,我問她是否可提及她亦曾遭性侵犯。她簡單地回答道,她創作這個作品並非為了解決個人問題,而是對這個社會問題作思考。她說她曾和許多受害人傾談過,並不感到有甚麼羞恥,她覺得這很自然。我個人則認為在她的作品裡既無羞恥,亦無尷尬,更無不公正,而我自己的一點不安,只是對有關性變態的陳詞濫調的其中一個回應,這相當困難 (我覺得,尤其在香港這樣一個依然相當保守的社會裡)。