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Jin Nong 金農 (1687-1764), Portait
du Bouddha 《佛像圖》 , rouleau à
suspendre, encre et couleur sur papier, 117 x 47.2 cm. Musée de la ville de Yantai. |
On a déjà esquissé en quelques détails la contribution et l’importance des « Excentriques »dans l’histoire de la peinture chinoise ainsi que l’environnement exceptionnel dans lequel ils travaillèrent. Aucun des Excentriques ne laissa de traité à proprement parler, mais ils écrivirent de nombreuses inscriptions, sur leurs peintures et sur les peintures de leurs amis, ainsi que des calligraphies qui ont quelquefois un rapport direct avec la peinture. La totalité de leurs inscriptions et colophons ont été publiés et forment ainsi des documents passionnants à la fois sur leur vie à Yangzhou et sur la pensée qui sous-tend leur propre peinture. Ce sont surtout les inscriptions des deux peintres les plus « lettrés » de ce groupe, Jin Nong 金農 (1687-1763) et Zheng Xie 鄭燮 (1693-1765), qui nous occuperont ici.
L’idée d’individualisme a trop souvent été associée à l’idée qu’il ne faut pas répéter le passé, une idée qui s’appuie sur l’attitude anti-académiste des avant-gardes du 20e siècle en Europe. Mais l’individualisme peut aussi être exprimé dans une attitude de rejet de toute mode, de résistance à ce qui est populaire pendant une certaine période. C’est précisément ce que Jin Nong exprime dans cette célèbre citation extraite de ses inscriptions traitant de la peinture de bambous :
« Les gens d’antan avaient l’habitude de dire que ne faire que ce que les autres font ne valait pas s’éduquer soi-même (et faire des choses originales) ; ils disaient aussi qu’être gâché par la foule ne valait pas l’appréciation faite de soi-même. Il est tout à fait possible de trouver des autodidactes, mais il est beaucoup plus difficile de (trouver) des gens qui puissent apprécier les choses d’eux-mêmes (sans influence extérieure). Je suis ainsi en ce qui concerne la peinture de bambou. Je ne me laisse pas aller aux modes du jour et je ne cherche pas la gloire. »
Jin Nong joue donc aussi sur cette ambiguïté qui fait que les « Individualistes » et les « Orthodoxes » veulent les mêmes choses, c’est-à-dire l’originalité et une expression personnelle, mais par des moyens sensiblement différents. Jin Nong lui aussi se réfère aux « gens d’antan » pour réclamer cette indépendance, même l’expression qu’il utilise est un peu différente. En effet, au lieu de « gens d’antan », xianmin 先民, où le terme min 民 signifie littéralement le peuple, la plupart des autres peintres préfèrent « les Anciens », guren 古人, où le terme gu 古 signifie l’Antiquité et revêt donc une noblesse que « peuple » ne possède pas. Jin Nong utilise cependant l’expression « Anciens » dans de nombreuses autres inscriptions.
Par exemple, pour expliquer l’extraordinaire impétuosité de ses peintures de bambous, impétuosité que l’on ne voit guère que chez lui pendant cette période, il se réfère à un peintre de bambous de la dynastie Yuan, le moine Jueyin 覺隱 («Sensation Cachée », actif au 14e siècle) , qui disait peindre ses œuvres « avec colère » (nu qi xie zhu 怒氣寫竹) :
« Un Ancien avait dit qu’il “peignait ses bambous en colère”, mais quelle colère pourrais-je avoir pour peindre cette armée de cent mille gentilshommes (c’est-à-dire un grand nombre de bambous) ? Dans ma poitrine (se produisent) un par un des brins d’herbe, sous mon pinceau (naissent des pics) élevés et imposants, j’ai bien essayé de demander à ma langue de produire du tonnerre et de la foudre et à mon nez de lancer des flammes, mais je n’ai pu faire que ces quelques traits n’importe comment. »
On voit à quel point l’humour était important pour Jin Nong, un trait que l’on retrouve dans l’œuvre de plusieurs des Excentriques qui gagnèrent ce nom en partie à cause de leur choix de sujets peu conventionnels. Malgré ces choix souvent déconcertants pour leurs contemporains, c’est bien dans la connaissance de la peinture du passé, connaissance souvent acquise dans l’observation des collections de peintures que les magnats de Yangzhou avaient amassées, que les Excentriques trouvaient leur désir d’aller de l’avant et de trouver des thèmes nouveaux et de nouvelles façons de les peindre. Mais, et ce désir est plus caractéristique déjà du 18e siècle que du siècle précédent, les Excentriques ne se sont pas référés aux mêmes Anciens que les peintres orthodoxes de la fin des Ming. Si Dong Qichang disait apprécier la peinture des Tang, c’était surtout pour ne pas laisser croire qu’il rejetait une quelconque trace du passé dans son appréciation historique. Toujours celui-ci, et les Quatre Wang après lui, revenaient aux grands peintres des Yuan et à la tradition lettrée. A l’époque des Excentriques de Yangzhou, la redécouverte d’un passé plus lointain faite par le mouvement des « recherches textuelles » ne pouvait que sensibiliser un peu plus les peintres aux beautés parfois ignorées des peintres des dynasties les plus reculées. Quand il se réfère à un artiste plus récent, c’est plutôt vers les peintres les plus « étranges » de la tradition récente, tel Chen Hongshou de la fin des Ming, eux-mêmes influencés par des peintres de l’Antiquité comme Gu Kaizhi 顧愷之 (344-406), qu’un artiste comme Jin Nong devait se tourner.
« Dans les portraits du passé qui nous sont parvenus, il y a celui que Gu Kaizhi a fait de Pei Kai pendant la dynastie Jin ; celui que Xie He fit de Han Su pendant la dynastie des Qi du Sud (479-502) ; pendant la dynastie Tang, Wang Wei fit un portrait de Meng Haoran pour son pavillon Cishi, Zhu Baoyi fit celui de monsieur Zhang Guo, Li Fang celui de l’Hôte de la Montagne Fragrante ; pendant la dynastie Song, Lin Shawen peignit le portait de monsieur Xi Yi sur un chemin du mont Shanhua Li Shiyun fit celui du Vieillard du milieu de la montagne sur un âne. He Chong fit un portrait de Su Dongpo, Zhang Datong un portrait du Vieillard de la vallée, et toutes furent de remarquables œuvres d’art. Mais il n’y eut pas d’autoportait excepté les Sept Bambous dans la montagne ennuagée que Wu Mouyin fit de lui-même en lettré dans la force de l’âge. Voilà pourquoi j’ai fait cet autoportrait dans le style détaillé à l’encre, que j’ai intitulé Portrait du vieillard des trois dynasties à soixante-treize ans, et que je l’ai envoyé dans mon pays à mes vieux et distingués amis Ding Dun et Ding Yin. »
Dans ce passage écrit sur un autoportait, genre fort rare en Chine comme il vient de l’expliquer, Jin Nong utilise des expressions différentes pour parler du portrait. Le premier est tumao 圖貌, « peinture d’apparence », le second est chuanshen 傳神, « transmettre l’esprit », puis huaxiang 畫像, « forme peinte», mais il préfère lui-même l’expression xiezhen 寫真, « écrire le vrai », expression dans laquelle le terme « écrire » est une forme archaïque qui veut aussi dire peindre puisque ce verbe était utilisé pour les deux activités dans un passé lointain.
Encore une fois, les références à des peintres comme Gu Kaizhi sont fréquentes avant cette période, mais on aurait bien du mal à trouver une véritable influence de ce peintre antique dans la peinture des théoriciens qui le mentionnèrent, surtout quand il s’agit des « Orthodoxes ». Un peintre comme Jin Nong mettait vraiment en œuvre la « gaucherie » (zhuo 拙) qu’il croyait reconnaître dans la peinture antique pour créer une œuvre à la fois plus naïve (dans le sens donné par Apollinaire à la peinture du douanier Rousseau) et complètement originale.
On revient donc à la peinture de bambous avec Zheng Xie qui fut presque tout de suite reconnu comme un des maîtres incontestés de ce genre malgré les peintres extraordinairement célèbres du passé qui s’illustrèrent dans ce genre. Avec un passé aussi riche, la peinture de bambous fut un des genres favoris de l’art des lettrés et peut-être un des plus exigeants s’il est pratiqué à un degré de perfection dépassant ce que tout calligraphe pouvait improviser : il est toujours possible de faire une montagne, elle n’a guère besoin d’être « ressemblante », mais le bambou exige une restitution qui soit fidèle autant à l’apparence de la plante qu’à sa légendaire flexibilité.
* Frank Vigneron (Professor - Fine Arts Department - The Chinese University of Hong Kong)
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我們已經對「揚州八怪」在中國繪畫史的貢獻和重要性以及他們活動的特殊環境作了較詳細的闡述。他們當中沒有一位留下真正意義上的畫論,但卻在自己的畫作或友人的畫作上寫了為數眾多的題詞,也留下了一些書法作品,有些和繪畫有直接關係。他們的題詞和書法經已悉數出版問世,成為研究他們在揚州的生活和他們的繪畫理論的珍貴有趣的資料。這裡我們尤其關注的是他們其中最具「文人」氣質的兩位:金農 (1687-1763) 和鄭夑 (1693-1765)。
特立獨行常與不因循守舊、不拘泥於古人的思想相聯繫,和歐洲二十世紀的前衛派畫家反經院的態度相通。然而在某一時期,特立獨行亦可表現為摒棄一切時尚、抵禦世俗化的態度。金農在他論述畫竹的題詞中一段名言正表達了這點:
「先民有言曰:同能不如獨詣。又曰:眾毀不如獨賞。獨詣可求于已,獨賞罕逢其人。予于畫竹亦然。不趨時流,不干名譽。」
Zheng Xie 鄭夑 (1693-1765), Orchidées, bambou et pierre 《蘭竹石圖》, rouleau à suspendre, encre sur papier, 178 x 102 cm. Musée de la ville deYangzhou. |
金農的態度模稜兩可,他認為「特立獨行」的畫家和「正統派」的畫家均有共同的追求,即獨創性和個人風格,但方法迥異。金農亦主張師法「先民」以達至獨立,儘管其表達方式有點不同。然而,大部份畫家都不用「先民」一詞,而更喜用「古人」,「古」即指古代,並具平民所缺的高貴氣息,金農在他其他眾多的題詞裡亦使用「古人」一詞。
他畫的竹傲然挺拔,這在當時僅見於其畫,在談到這點時,他說是師法元代畫竹高手僧人覺隱 (活躍於十四世紀),這位和尚有「怒氣寫竹」之說:
「古人雲怒氣寫竹,予有何怒而畫此軍中萬夫也?胸次芒角,筆底崢嶸,試問舌飛霹靂鼻生火者,可能亂畫一筆兩筆也。」
我們看到對金農而言,詼諧是何等重要,這也是因繪畫題材怪異脫俗而獲得「揚州八怪」稱號的一些畫家的特點。雖然對同時代的其他畫家而言,他們的繪畫選擇有點令人不知所措,但他們亦是在師學古人、觀摩古畫中獲得靈感啟示,進而革故鼎新、尋找新的繪畫題材和創作方式的。這革新的慾望十八世紀遠盛於十七世紀。揚州八怪崇尚師法的古代畫家與明末正統派畫家有所不同。董其昌推崇唐代繪畫,這主要是不欲讓人以為他在尊崇傳統時有摒棄古人的蛛絲馬跡。他以及其後的「四王」均回歸元代偉大畫家和文人畫傳統。在揚州八怪時代,因「鑒古」之風而對遠古繪畫的發現令畫家們對這些古畫不為人所知的美有所感受。而當涉及較近的畫家時,他們則推崇傳統中風格最為「奇特」的畫家,如晚明的陳洪綬 (1597-1652)。而這些畫家亦深受古代畫家如顧愷之 (344-406) 的影響。顧愷之亦是金農心儀的古代大師。
Li Shan 李鱓 (1686-1757), Fleurs et plantes 《花卉圖》, feuille d’album, encre et couleur sur papier, 26.2 x 35.5 cm. Musée de la ville de Congqing. |
「古來寫真,在晉則有顧愷之為裴楷圖貌,南齊謝赫為漢肅傳神,唐王維為孟浩然畫像于刺史亭,朱抱一寫張果先生真,李放寫香山居士真,宋林沙蘊畫希夷先生山華道中像,李士雲畫半山老人騎驢像,何充寫東坡居士真,張大同寫山谷老人真,皆是傳寫家絕藝也。未有自寫真者,惟《雲岌七簽》所載大中間年道士吳某引鏡儒毫自寫其貌。予因用水墨白描法自為寫《三朝老民七十三歲像》,遠寄鄉之老友丁鈍丁隱君。」
在這段有關正如他所言在中國極為罕見的自畫像的論述裡,金農以不同的術語論述之。首先是「圖貌」,接着是「傳神」,最後是「畫像」,而他卻偏愛「寫真」這個術語。在這個詞裡,「寫」字在古文裡亦兼有「畫」之義。
我再說一遍,在這一時期之前,像顧愷之這類畫家常被人提起,但在畫論中,尤其在談到「正統派」畫家時,很難看到他對繪畫的真正影響。唯有像金農這樣的畫家在古人的畫裡發現了「拙」並將之發揚,運用在自己的畫作裡:令畫富「童趣」及非常具獨創性(阿波利奈爾以「童趣」一詞形容海關職員盧梭的畫,這裡借用其義)。
現在讓我們來談談畫竹,鄭燮無疑是這方面的高手,雖然古代以畫竹而聞名的畫家不乏其人。畫竹的傳統極為豐富,源遠流長。竹是文人畫偏愛的題材,表現技巧極為嚴苛,不是文人的即席揮毫所能達成。我們可以隨意畫一座山,它幾乎無需「形似」,而畫竹則除需「形似」外,更需「神似」,即表現出竹子的高風亮節、堅韌不屈。
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