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A chaque déplacement, je prends le temps de choisir le livre qui va m’accompagner. Debout devant la bibliothèque, j’attends une lueur qui ne m’apparaît pas.
Mais en novembre, tout devient limpide. J’aperçois un trou noir au sein des étagères. Je m’en vais pour Paris et Londres, le London Bridge de Ferdinand sous le bras.
Le premier jour de mon arrivée, j’entre au Monoprix. Dans la queue, se dresse en face de moi un étalage de livres pour enfants, livres dont la prépondérance d’images et les couleurs criardes procurent facilement la migraine. J’y vois à nouveau ce trou noir.
J’aperçois au centre de ces livres Le Paris de Céline. Il est probablement égaré, un coin est écorché. Il s’agit du livre édité par Albin Michel où le journaliste Patrick Buisson part sur les pas de Ferdinand à Paris.
Sur la couverture, d’un brin comique, figure l’acteur français Lorant Deutsch, vêtu de manière décontractée, penchant sa tête par une fenêtre, et à ses côtés, un graffiti au pochoir représentant Ferdinand pointant Lorant du doigt.
Les maisons d’éditions hongkongaises, chinoises ou taïwanaises ont édité un grand nombre de livres de voyage et de littérature. La majorité parle de balades. Mais très peu sont au sujet de Ferdinand, peut-être un paragraphe ou une page au maximum. A ce moment là, j’entrevois un livre de plus de deux cents pages sur Ferdinand. J’ai enfin le sentiment d’être à Paris. Même si je ne parle pas le français.
Le troisième jour de mon séjour, une nouvelle affiche est postée dans les couloirs du métro. Elle mentionne la représentation d’une nouvelle pièce au Théâtre de l’œuvre : Voyage au bout de la nuit. Aucune date de figure sur l’affiche, seulement quelques noms et un visage, une esquisse d’un homme ridé. Est-ce Céline ? Oui mais j’en reste sceptique.
Je continue ma promenade jusqu’au Passage Choiseul où se trouvait la maison d’enfance de Ferdinand, situé au n°64-67. Ses parents avaient ouvert une boutique d’antiquités. « C’est triste les raclures du temps…c’est infect, moche. On en vendait de gré ou de force. » (Mort à crédit)
Maison de Meudon |
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Il était encore tôt ce jour là, les boutiques étaient fermées, la rue dormait. Dans les vitrines étaient entreposées des caisses obscures et des articles commerciaux sans grands intérêts : chaussures démarquées, jus de fruit soi-disant organiques, portraits à l’huile au maquillage surchargé. Je regarde toujours la face cachée de la lune, tout comme le faisait Ferdinand. Nous aussi nous le regardons ainsi. Nous percevons sa face cachée ; son image « controversée » et sa « mauvaise réputation ».
Pendant près d’un demi-siècle, c’est comme s’il n’avait pas existé. Son nom ne figure sur aucun nom de rue, aucune pancarte. La lumière s’illumine. Le n° 67 est devenu un théâtre élégant. Le n° 64 est devenu une boutique de mode, spécialisée dans la vente de vêtements en laine. On était en hiver. Recouverte d’épaisseurs, je franchis la porte du magasin. « On ruisselait pas dans les lumières au magasin… Et l’hiver c’est tout à fait traître à cause des volants… des velours, fourrures, baldaquins, qui font trois fois le tour des nichons… Et des épaules il part encore toutes sortes de boas lointains, de flots de mousseline onduleuse. » (Mort à crédit)
On y trouvait des pulls colorés, extravagants, couverts de fleurs cousues dessus. Je décide d’acheter un pull tout blanc que je porte toujours aujourd’hui. Puis je suis allée à Meudon. Il dit que c’est la dernière halte avant le grand trou où le voyageur va enfin poser ses bagages.
Les dernières années de sa vie, la maison de Ferdinand était située à proximité de la gare. En contournant la maison, j’ai gravi la mauvaise pente. Il pleuvait ce jour là. Mon pied marcha dans la terre boueuse, tel un marécage. Un trou noir vivant. Henri Godard, spécialiste de Ferdinand a dit qu’il détestait la terre, matière lourde et visqueuse. La terre était l’image de la mort. Avec la pluie, ce sentiment était d’autant plus accentué. D’où son engouement pour le ballet où les sauts aériens des danseurs créent un sentiment de flottement exclu de toute gravité.
Je regarde à travers le grillage la maison où il y a eu jadis un incendie, demeure où Ferdinand et sa femme ont terminé leurs jours. Sa femme était ballerine.
Ce jour là, je me suis promenée dans Meudon. Il n’y avait aucun animal en vue. Juste quelques hommes au coin des rues. Ferdinand aimait les animaux. Il avait un chat nommé Bébért, un perroquet Toto et un chien Bessy. Maintenant ils dorment tous sous la boue.
Lorsque j’atteignais le cimetière en fin de journée, le bureau de l’intendant était vide. Il n’y avait aucune indication. Je me tourne vers les tombes, relativement nombreuses. Au sein de ce labyrinthe sans indication quelconque, je l’ai trouvé sur la gauche. Sur la tombe figuraient des petits cailloux ; et y étaient gravés une croix et une planche à voile. Peut-être ressemblaient-ils aux dessins de son père, originaire du Havre où il grandit en peignant des bateaux et des ports, que sa femme, la mère de Ferdinand, allait vendre aux boutiques de quartier. « Elle a tout fait pour que je vive, c’est naître qu’il aurait pas fallu.» (Mort à crédit)
Lorsqu’il était enfant, son souhait était d’attendre 1961 pour que son vœu se réalise. Sur la stèle, le nom de sa femme étaitinscrit sous le sien : Lucie Destouches née Almansor 1929-19_ . Sa femme est toujours en vie. La maison d’édition Pierre Guillaume de Roux a publié « Madame Céline ». Elle est aujourd’hui centenaire. Lorsque l’inscription 1929-19_ a été gravée, pensait-elle vivre jusqu’au nouveau millénaire ?
Sa femme l’appelait Louis. Je l’appelle Ferdinand. Le reste du monde l’appelle Céline, mais quelle différence ?
Ferdinand aimait tant la danse et les oiseaux qu’il appréciaitprobablement les avions. Dans l’avion du retour pour Hong Kong, le talon de ma chaussure était toujours encrassé. Il faisait nuit à l’extérieur du hublot. Les turbulences de l’air berçaient l’avion, tel le mouvement d’un berceau qui se balance. Sur l’écran d’information s’affichait : nous survolons la Chine. « Plus loin que la route, c’est les arbres, les champs, le remblai, des mottes et puis la campagne…plus loin encore c’est les pays inconnus… la Chine… Et puis rien du tout ». (Mort à crédit)
* Ho Sin Tung est une artiste hongkongaise renommée, elle a récemment exposé à la galerie Saatchi à Londre et au Palais de Tokyo à Paris. |
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Passage Choiseul n°64 |
Gare de Meudon 2 |
每次離開,或長或短都好,都勞神費心地挑選隨行的書本。我總是站在書架前,等待一線看不見的光,替我勾勒出某個輪廓。我很被動。我只是站在那裡,等著。
但十一月的時候,鏡像一般,截然不同。我看見書架上有個黑洞。我朝那裡走去。我帶上費迪南的《London Bridge》和我一起去巴黎和倫敦。那麼淺白。
抵步第一天,我去 Monoprix 超市。排隊時面向繽紛得令人頭痛的童書部,就在那個又看見黑洞。《Le Paris de Céline》就在架子中央。大概是錯放,連書角都崩損了。是 Albin Michel 出版社的新書,由記者 Patrick Buisson 寫成。有關費迪南在巴黎的踪跡。封面有點滑稽,一身便裝的法國演員 Lorànt deutsch 在窗戶裡探出頭來,費迪南頭像的塗鴉在旁指指點點。
中港台出版過不少把法國文學與旅遊掛鈎的讀物,無論是散步漫步還是昂首闊步,花在費迪南身上的篇幅總是很有限,大概由一段到一頁不等。看到洋洋二百頁有關費迪南的圖文書,我才真的有了身處巴黎的實感。不懂法語。把書買下更像牽走那個在飯局裡格格不入的那誰。
第三天,途經的地鐵站貼了新海報。作品劇院會上演《茫茫黑夜漫遊》。海報上沒有日期。只有幾個名字和一張臉。把筆觸比作皺紋,宣傳畫中的費迪南,將信將疑。
然後就走到了施華瑟拱廊街。費迪南小時候的家就在六十四和六十七號。父母開的骨董店,他在《催命》裡如此記憶:「時間塵埃缺乏光彩,散發惡臭,醜陋不堪。不管人家願意不願意,反正向人推銷,弄得人家稀里糊塗。」
當日時間尚早,整條走廊的店都在睡。一整列的幽暗箱子,招展著許多不怎麼樣的商品:有成雙打折的皮鞋、自詡有機的果汁、上了濃妝的量產油畫。我總注視月的另一面。他也是。我們對他亦如是。大抵談及他, 總不離「具爭議式」或「惡名昭彰」等字樣。半個世紀以來似乎甚麼都未曾過去。他仍然自路牌、節日、典禮、名單中除名。是的,我們總無法安心注視那個排泄的缺口。即使一個人最譫妄的罪衍,其實未必是對他人趕盡殺絕,而是對自我毫不容情的倒戈。
燈亮了,與他小說的結尾不盡相同。六十七號成了所雅致的小劇院。六十四號的店成了一間時裝店,專賣女裝毛衣。時值冬天我渾身臃腫,擠門而入。許多年前,事情也曾這樣發生:「商店光綫不足,顯得黯然失色。冬天更糟糕。女顧客穿戴華貴,絲絨、皮衣、披風、邊飾;裡外三層裹著乳房,長圍巾蟒蛇似的盤著脖子,波浪起伏的平紋細布裙圍著臂部…神氣活現,貪婪推逐一堆堆不值錢的東西。」那些毛衣都很俗艷,別上許多太過可愛的織花。我於是要了一件白開水一樣的毛衣,一直穿著。
後來就去了墨東。他說那是旅客在大洞前放下行囊的最後一站。
他晚年住的房子和車站很靠近。我繞著房子上了錯的斜坡。那天一直在下雨。我的腳踝陷進泥漿裡,像沼澤一樣。有生命的黑洞。研究費迪南的權威享利.戈達爾說過,土地為費迪南所憎惡,是笨重黏滯的物質,是死亡的形象,到下雨時更是情何以堪。所以他如此沉醉於跳躍的芭蕾。向上、輕逸、以至無重。我隔著鐵絲網看過去,那遭過大火的房子,就是他和他妻子老去的地方。 他的妻子也正是一位芭蕾舞者。
那天在墨東走來走去,我始終沒有見過人以外的任何獸類。費迪南深愛動物。故居從前有貓兒 Bébert 、鸚鵡 Toto、狗兒 Bessy,還有許多他照顧的老弱動物。現在牠們都在泥土下睡好。
來到墨東的墓園已近黃昏,辦公室早已荒廢。沒有路牌,我一個一個墓碑接著看。那裡也不小。迷宮若有右轉法則,在墓園這座迷宮就不管用。我是在左邊找到他的。墓碑上堆著小石,還刻著十架和帆船 — 不知道他父親的畫會否有幾分相似。他那出身勒阿弗爾的父親畫過許多的船和海港,都由他母親向零售商兜售:「為使我活下去,我母親甚麼活兒都幹,我真不應該出生啊。」
他童年時許下的願望,遠在一九六一年才得以實現。他名字下還刻有妻子的名字:Lucide Destouches née Almansor 1912-19_ 。是的,他的妻子還在,法國出版社 Pierre Guillaume de Roux 去年才出版了一本叫 Madame Céline 的專書。她現在已過百歲。墓碑刻上 19 字樣時,不知她有否想過自己其實會活過千禧。
他的妻喚他路易,我喚他費迪南,大家喚他塞利納。其實都一樣。
費迪南如此鍾情舞蹈和雀鳥,大概也不會討厭飛機罷。在回港的航機上,我的鞋跟仍是一片狼藉。窗外是黑。氣流搖曳,像推搖籃的手。顯示屏幕宣佈,我們正劃過中國上空。然後呢?「街道的盡頭是樹木,耕地,路堤,土堆,遠處是曠野,再遠處是陌生的國度,如中國,在中國之後,就甚麼都沒有了。」
* 何倩彤是一位香港著名藝術家,她最近曾在倫敦 Saatchi 畫廊及巴黎東京美術館展出作品。 |
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