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Par Gérard Henry

 
  « Sur les traces de Monsieur Loo »
「盧先生的舊日足跡」
 
 

Qui est ce mystérieux Monsieur Loo ? « Le plus grand marchand d’art asiatique de tous les temps », nous dit sa biographe, l’historienne d’art Géraldine Lenain. Ching Tsai Loo (1880-1957) est un homme énigmatique inconnu du grand public mais bien connu des experts et des collectionneurs d’art asiatique de la première moitié du 20e siècle. Homme de goût et de grand talent, il fera découvrir aux occidentaux le véritable art chinois : la grande statuaire, les fresques bouddhiques et les bronzes archaïques. Homme controversé, il sera célébré et distingué en Occident pour ses contributions à la connaissance de l’art chinois et sa philanthropie, mais accusé en Chine d’avoir trahi son pays. Sa biographe nous montre un homme aux multiples facettes, à la fois cupide et manipulateur, généreux, séducteur et secret. Un homme qui ne laisse pas indifférent et dont la vie est un véritable roman.

C.T.Loo, de son vrai nom Lu Huan Wen, est en fait né en 1880 dans une famille modeste qui vit du commerce de la soie à Lujiadou, un hameau dans le nord de la province du Zhejiang. A 10 ans, il se retrouve orphelin à la suite du suicide de sa mère et de la mort de son père, opiomane et joueur. Il est alors élevé par son oncle et promis en mariage à sa fille adoptive. Cette vie sans grande perspective va toutefois changer lorsqu’il décide d’aller chercher du travail à Nanxun, la ville voisine et de se faire embaucher comme aide-cuisinier chez les Zhang, l’une des familles les plus riches et influentes de la Chine dont l’un des fils, Zhang Jinjiang, jouera un rôle dans la politique chinoise au début du 20e siècle, soutenant financièrement les mouvements révolutionnaires, Sun Yat Sen, puis, Chiang Kai Shek et le Guomindang. Quand Zhang Jinjiang sera nommé à 25 ans, troisième conseiller de l’ambassade de Chine à Paris, Huan Wen verra là la chance de sa vie et s’embarquera en 1902 avec lui pour la France où son maître, également fin entrepreneur, créera un magasin de produits chinois, Ton-Ying, place de la Madeleine à Paris. Il invite Huan Wen à le rejoindre au magasin. Ce dernier a une grande facilité d’adaptation et apprend à reconnaître la valeur des objets d’art chinois.

Intelligent, ambitieux et motivé, il se crée vite un vaste réseau de connaissances parmi les relations de son patron qui lui donne la direction de sa boutique Ton-Ying. La transformation de Huan Wen est fulgurante, c’est en France la « Belle Epoque ». Il abandonne sa robe et sa longue natte chinoise pour devenir un vrai dandy parisien, très soucieux de sa tenue, amateur de courses de chevaux, des belles femmes et des lieux de villégiature à la mode.

En 1908, quand Zhang Jinjiang repart pour la Chine, Huan Wen qui ne s’intéresse pas à la politique, décide de rester à Paris et de voler de ses propres ailes. Il ouvre sa galerie d’antiquités, Lai Yuan, au 34 rue Taitbout dans le 9e arrondissement. La grande aventure commence. Il se fait désormais appeler C.T. Loo. D’abord, il prend le transsibérien pour aller lever des fonds en Chine et trouver des associés à Pékin et à Shanghai qui le fourniront en œuvres d’art. Lui-même fera le voyage chaque été pour choisir des pièces rares. Il achète très bas et revend très haut. Il laisse de côté les « chinoiseries » mises à la mode au 19e siècle par les frères Goncourt et propose des bronzes et jades archaïques de grande valeur. Ses bureaux à Pékin et à Shanghai lui permettent de contrôler le marché chinois : « Tout ce qui arrivait en ville nous était montré en premier, écrit C.T. Loo, nous avions donc le marché des antiquités de la Chine. » A 34 ans, sa galerie est prospère et dispose également d’une succursale à Londres.

En 1914, il pose le pied à New York, c’est pour lui une révélation : « Le grand marché de l’art, c’est New York, et ce sera New York, ce n’est pas Paris. » Il ouvre une galerie sur la cinquième avenue dans l’un des endroits les plus visibles et les plus luxueux. C.T. Loo soigne sa réputation, il se fait découvreur et éducateur de l’art chinois pour les occidentaux, il organise des expositions, publie des catalogues de très haute qualité, devient le conseiller de directeurs de musées européens et asiatiques, il se dit « ambassadeur au service de l’art chinois ». Il réussira même par son sérieux et la qualité des œuvres artistiques qu’il choisit à gagner la confiance et à pénétrer le cercle très restreint des grands et riches collectionneurs américains d’art chinois.

Célébre aux Etats-Unis et en Europe, C.T. Loo réalise alors son rêve : se construire une pagode en plein cœur de Paris afin d’abriter sa collection d’art asiatique, comme un roi élève son palais. Construite de 1926 à 1928, cette pagode est extravagante et démesurée, elle sert à rehausser son image. Véritable curiosité exotique, elle reconstitue des atmosphères : au sous-sol, les grottes bouddhiques de Yungang, dans les étages, les temples indiens et le temple d’Angkor au Cambodge. On y traverse toutes les grandes époques de l’art chinois. Il y donne chaque année des fêtes luxueuses pour ses amis, entouré de son épouse française et de ses quatre filles élevées à l’occidentale.

Si C.T. Loo est au sommet de sa gloire en Occident, il n’en est pas de même en Chine où le personnage est controversé, car l’origine de sa fortune est pour le moins douteuse. Il sera accusé de piller les trésors nationaux. Pour trouver ses objets d’art, aidé par ses réseaux nationalistes, il se sert sans scrupule : dans les temples, les musées impériaux et les collections privées, les tombeaux et les fouilles archéologiques, il s’attaque même aux tombeaux impériaux, un véritable sacrilège qui lui vaudra d’être haï et traité de traître après la révolution de 1949. Ses associés en Chine disparaîtront et lui-même ne pourra jamais rentrer en Chine de peur des représailles.

Sans masquer son côté obscur, Géraldine Lenain reconnaît le rôle prépondérant que C.T. Loo a joué en Occident pour faire connaître et apprécier l’art chinois. Son influence peut encore se mesurer aujourd’hui dans les plus grands musées et collections privées d’art asiatique en Occident auxquels il a vendu et parfois aussi offert des œuvres d’art chinoises majeures. Elle a effectué un travail exceptionnel d’enquête et de documentation, retraçant avec détails l’univers de C.T. Loo, la complexité de sa vie privée de dandy parisien, la situation politique de la Chine, le monde de l’art au début du 20e siècle avec particulièrement une description du cercle des grands collectionneurs américains qu’elle identifie et décrit avec précision.

 

Géraldine Lenain, l’auteur, également directrice du département céramique et objets d’art chez Christie’s à Shanghai.

這位神秘的盧先生究竟可許人?「一位古往今來最偉大的亞洲藝術品商人」,他的傳記作者、藝術史家 Géraldine Lenain 這樣告訴我們。盧芹齋 (1880-1957) 是普羅大眾陌生而二十世紀上半葉的亞洲藝術品專家和收藏家所熟悉的一位謎一樣的人物。他品味高尚、才智卓絕,他讓西方人認識了真正的中國藝術:巨大的雕塑、佛教壁畫及古青銅器。他是一個有爭議性的人物,在西方,由於他在介紹中國藝術方面的貢獻及其善舉而備受頌揚讚美,而在中國,他卻被指責背叛了祖國。他的傳記作者向我們呈現了一位多面體的人物,既貪婪,善耍手段,又慷慨、充滿魅力和神秘感。這是一位不可被忽略的、一生充滿傳奇的人物。

盧芹齋的真名為盧換文,1880 年出生於浙江北部一個叫盧家渡的小村莊的一個做絲綢生意的普通家庭裡。由於母親自殺,染有鴉片癮並嗜賭的父親過世,在十歲上,他便成了孤兒,由叔父撫養並與其養女訂了親。這個毫無前程可言的生活因他決意到鄰近的小城南潯謀生而有了轉機。他在張家謀到了助理廚師一職。張家是當時中國最富有並最具影響力的家族之一。其中一個叫張靜江的兒子在二十世紀的中國政治舞台上甚有作為,在經濟上支援了孫中山、蔣介石及國民黨的革命活動。張靜江在二十五歲時被任命為中國駐巴黎大使館的三等顧問,盧換文從中看到了一線生機,1902 年隨同他登上郵輪來到了法國。這主子亦是一名精明的事業家,在巴黎的瑪德琳廣場開了一家叫 Ton-Ying 的中國貨品商店。並請換文過來幫手。他很快便入了門並開始學習鑑定中國古董的學問。

他才思敏捷,雄心勃勃,在主人的社交圈裡廣織人脈,後來主人索性將店鋪的管理權托付給他。他可謂做了一個華麗轉身,這時的法國正處在所謂的「美好年代」(Belle Epoque)。他脫掉長袍馬褂,剪掉辮子,搖身一變成了巴黎一名地道的花花公子,衣着光鮮入時,熱中於跑馬,追逐漂亮的女人,享受時髦的冶遊。

1908年,張靜江啟程返國,對政治冷漠的換文決心留在巴黎一展拳腳。他在巴黎第九區的Taibout街34號開了一家古董店。一場人生的冒險從此開始。他改名為盧芹齋。他乘坐橫貫西伯利亞的火車到中國籌集資金,在北京、上海等地尋找為他提供藝術品的合夥人。每個夏季,他親自四出走動蒐集稀世珍品。他低買高賣。他對十九世紀時為龔古爾兄弟所青睞的「中國古玩」不屑一顧,而極力推銷價值昂貴的古青銅器和古玉器。他在北京和上海的事務所令他得以掌握中國的古董市場。他這樣寫道:「所有進城的珍品都先由我們過目,我們掌握了中國的古董市場。」34歲時,他的古玩生意如日中天,並在倫敦設有分行。


Un portrait de CT Loo dans les années
30, “Pagoda Paris @ Thierry Jacob”

1914年,他踏足紐約,這給他一個很大的啟示:「藝術品大市場在紐約,將來也在紐約,不會在巴黎。」他在紐約第五街一個最顯眼、最奢華的地方開了一家古玩店。他很注意自己的名聲,把自己營造成引導西方人認識中國藝術的良師益友。他舉辦展覽,出版質量極高的畫冊圖錄,成了歐亞美術館的顧問和主管。他稱自己是「中國藝術的大使」。由於他的嚴肅認真以及他精挑細選的藝術品的高質素而博得了信任並進入美國極富有的中國藝術品收藏家的狹小圈子裡。

由於在歐美備受賞識,於是他着手實現自己的夢想:在巴黎市中心築起一座寶塔,用以收藏中國藝術品。工程由1926年進行到1928年。這座寶塔奇偉壯觀,提高了主人的形象;充滿異國情調,神秘氣氛:地下有雲岡石窟,樓上有印度神廟和柬埔寨的吳哥寺。漫遊其中,中國各朝藝術歷歷在目。每年,在其法籍妻子及四名在歐洲成長的女兒的陪同下,他大開盛會,宴請朋友。

在西方,盧芹齋達到榮譽之巔,而在中國卻迥然不同,他的財富來歷不明,是一個極具爭議性的人物。他被指責盜竊國寶。他借助廣佈全國的人緣脈絡,肆無忌憚地搜獵文物瑰寶,藝術珍品,魔爪伸到廟宇、皇宮、私人收藏、考古發掘,甚至公然盜竊皇陵,褻瀆先人,大逆不道,為千夫所指。49年後,被視為叛徒國賊。他的合夥人也隨之銷聲匿跡,而他個人則深怕被鎮壓而永遠無法回歸故土。

傳記作者並無掩飾其陰暗的一面,並指出他在使西方人認識並欣賞中國藝術品方面所作的貢獻。今天,在西方的大博物館及亞洲藝術品個人收藏裡,仍可感到他的影響,事緣他出售了或捐贈了無數的中華國寶。傳記作者做了詳盡的調查研究、資料豐富,翔實地描述了盧芹齋的生活天地,他作為巴黎紈絝子弟的多姿多采的生活、當時中國的政局、二十世紀初歐洲的藝術界,尤其對當時美國的藝術品大收藏家有精確到位的描述。