Art et Histoire 藝術與歷史

Par Frank Vigneron (Professor - Fine Arts Department - The Chinese University of Hong Kong)

 
  Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence : Les manuels de peinture (1)
十七、十八世紀之間的中國:興盛不衰 —— 芥子園畫傳(一)
 
 

Le Manuel de peinture du jardin du grain de moutarde est un des plus influents livres de pratique picturale jamais publiés en Chine. Il eut très tôt un certain nombre d’émules dont nous ne verrons ici que deux exemples mais parmi les plus représentatifs. L’idée que la peinture était quelque chose de trop visuel pour être laissée au traitement unique des mots est clairement exprimée dans cet ouvrage si exceptionnel qu’il n’a jamais cessé d’être réédité, le Manuel de peinture du Jardin du grain de moutarde (Jieziyuan Huazhuan芥子園畫傳》ou Jieziyuan Huapu 芥子園畫譜》). Ce livre est un manuel de peinture en ce sens qu’il est accompagné de gravures montrant les aspects techniques de la composition et de la réalisation de tous les genres de la peinture chinoise.

L’histoire de la publication de ce manuel est relativement complexe et commence en 1679 avec l’impression de la première partie, consacrée au paysage, qui avait été originellement publiée en volume séparé. Cet ouvrage était une commande de Shen Xinyou 沈心友, beau-fils du célèbre Li Yu 李漁(1610-1680) qui avait appelé sa villa de Nanjing le « Jardin du Grain de Moutarde ». Shen Xinyou était en possession des notes de Li Liufang 李流芳 (1575-1629), peintre de la fin des Ming, et il décida de les publier dans le but de produire un manuel de peinture pour les débutants. Il donna cette tâche aux trois frères Wang Gai 王概 (1645-c. 1710), Wang Shi 王蓍 (actif fin 17e siècle) et Wang Nie 王臬 (actif fin 17e siècle). Quoique Li Yu ait été parfois considéré comme l’auteur de ce manuel, la préface ne laisse aucun doute sur le fait qu’il n’en est rien [on notera que la gloire de Li Yu repose de nos jours principalement sur l’existence du roman érotique délirant La Chair comme tapis de prière, (Rouputuan肉蒲團》), dont on n’est toujours pas sûr qu’il en ait été l’auteur, et sur plusieurs nouvelles relatant des amours homosexuels, La Maison des raffinements rassemblés, (Cuiya Lou萃雅樓》), et L’Opéra silencieux, (Wusheng Xi 無聲戲》)]. L’ouvrage complet est fait de treize volumes arrangés en trois parties. La première partie sur le paysage contient cinq livres : le premier sur les principes généraux et les standards, avec des notes historiques et une section en couleur, puis le « livre des arbres » (Shupu 樹譜》), le « livres des rochers » (Shanshipu 山石譜》), le « livre des personnages, des choses et des habitations » (Renwu Wuyupu人物屋宇譜》), à ceci fut ajouté un volume d’illustrations avec des exemples de paysages. En 1701, l’éditeur republia cette première partie avec deux autres qui constituent l’édition complète du Manuel de peinture du jardin du grain de moutarde. La deuxième partie comporte quatre livres : le « livre des orchidées » (Lanpu 《蘭譜》), le « livre des bambous » (Zhupu 竹譜》), le « livre des pruniers » (Meipu梅譜》) et le « livre des chrysanthèmes » (Jupu 菊譜》). La troisième partie comporte quatre livres : le « livre des herbes, insectes et plantes à fleurs » (Caochong Huahuipu草蟲花卉譜》), le « livre des fourrures, des plumes et plantes à fleurs » (Lingmao Huahuipu翎毛花卉譜》) et deux livres supplémentaires d’exemples. En 1818, un livre de plus sur la peinture de portrait et de personnages, que l’auteur anonyme présenta comme la dernière section du manuel d’origine, fit son apparition. Le peintre Chao Xun 巢勛 (1852-1917), très mécontent de l’existence de ce faux, produisit sa propre version de cette partie sur le portrait et fit une nouvelle édition restaurée des trois premiers volumes. C’est aujourd’hui cette dernière édition qui est fréquemment republiée en Chine comme à Taiwan et parfois dans de magnifiques éditions en fac-simile.

Les peintres chargés de la publication des planches gravées étaient visiblement fort bien équipés pour ce travail, mais il faut se souvenir que ce ne furent pas des artistes très connus et qu’ils n’étaient certainement pas des lettrés, leur connaissance des techniques nécessaires à ce genre d’ouvrage était bien trop profonde pour être le fait d’un lettré dont le savoir technique était le plus souvent réduit au strict minimum. A part le premier livre, composé entièrement de textes reprenant cependant les idées acceptées de la peinture lettrée, les autres volumes sont donc faits d’images et de commentaires destinés à expliquer comment reproduire en peinture les traits présentés dans l’image. L’exemple donné ici, extrait du « livres des rochers », est tout à fait représentatif des hauts standards du Manuel de peinture du jardin du grain de moutarde:
« Huang Gongwang. Les montagnes de Huang Gongwang ressemblent à celles de Dong Yuan. Il fut capable de modifier le style de ce dernier, et il devint finalement un grand maître lui-même. Il peignait le sommet des montagnes très penché et vertigineux, dans son propre style. En peignant des montagnes, il faut indiquer les creux comme les bosses. Le contour d’une montagne devrait être fort et ferme ainsi que peint d’une façon imaginative pour lui donner un sens de hauteur et de rugosité. Tandis que le pinceau se meut, les lignes doivent se plier et tourner, elles doivent aussi s’arrêter brusquement. Au milieu d’une ligne, cependant, le pinceau doit se mouvoir de façon souple et sûre. Ceci est la manière de Huang Gongwang et de son école. Ici on trouve deux exemples de pics arrondis copiés d’après ses œuvres. L’un est une pente rocheuse, faite moitié de terre et moitié de roc, tandis que l’autre est un pic rocheux. Choisissez attentivement ce qu’il faut utiliser et dans quelles circonstances. »

Quoique la gravure puisse nous paraître un peu simpliste comparée aux riches gradations d’encre d’un original de Huang Gongwang, elle reste assez ressemblante pour permettre la comparaison avec l’œuvre du grand peintre des Yuan, mais elle permet surtout une pratique soutenue par les explications accompagnant l’image. D’autres exemples montrent comment le manuel représente des habitations (« Exemple de la vue intérieure d’un portail. De tous les côtés, des arbres doivent être ajoutés. »), des fleurs (« Deux fleurs dos à dos. Deux fleurs face à face. Deux fleurs, l’une penchée vers l’autre, celle-ci relevée. ») et des insectes (« Sauterelle atterrissant. Sauterelle sur l’herbe. Criquet. Criquet femelle. »). C’est bien à une introduction à la pratique du pinceau et à la peinture lettrée que nous sommes confrontés ici. Et pourtant, il est évident qu’une pratique qui s’appuierait uniquement sur la copie des images de ce manuel ménerait presque automatiquement à un épuisement de l’énergie du peintre, et c’est très vite la critique qui a été addressée à cet ouvrage. En même temps, il est clair que la publication d’un tel livre allait changer complètement le paysage de l’enseignement de la peinture. Alors que l’enseignement passait nécessairement par la fréquentation d’un maître, qu’il soit fonctionnaire lettré ou peintre professionnel, l’apparition du Manuel de peinture du jardin du grain de moutarde, et des nombreux ersatz qui allaient être publiés tout au long des 18e et 19e siècle, allait changer cette nécessité. Il est bien sûr presque impossible de savoir qui avait été initié à la peinture par de tels volumes, et il est bien évident que dans cette atmosphère aucun peintre n’allait se vanter d’un tel commencement. Il est plus que probable qu’un grand nombre de ces lettrés qui n’avaient pas reçu d’enseignement formel ont commencé la pratique de certaines peintures en s’appuyant sur ces manuels. Les peintres et théoriciens du 18e siècle en particulier sont très virulents quand il s’agit d’attaquer les peintres qui n’ont pas dépassé le stade d’images ressemblant aux gravures de ces manuels illustrés. Mais les reproductions gravées n’étaient cependant pas rejetées complètement, et Shen Zongqian lui-même en conseilla l’acquisition :
« Ceux qui étudient la peinture de personnages ont besoin de plusieurs années de labeur pour pouvoir réussir leurs propres croquis. Ils doivent regarder les œuvres des Anciens, et s’ils ne peuvent pas posséder d’originaux, ils pourront essayer d’obtenir des reproductions gravées à partir de planches en pierre ou en bois, qui ont gardé une certaine part de l’idée essentielle, et les considérer comme références. Ils devront les prendre et se plonger dans leur contemplation pour acquérir les formules qui ont guidé les peintres de toutes les générations dans leur réalisation. »

Il faut se souvenir pourtant que Shen Zongqian parle ici de ces reproductions de haute qualité qui étaient, et sont encore, disponibles chez des artisans qualifiés. Il ne parle en fait pas de ces manuels de peinture et on peut d’ailleurs croire, à la lecture de son traité, qu’il était en fait opposé à leur utilisation. Aucun peintre ne pouvait se permettre de laisser leurs œuvres ressembler à ce genre de gravures. La popularité du Manuel de peinture du jardin du grain de moutarde est amplement prouvée par le nombre de ses éditions mais dans les milieux lettrés il fut ignoré pendant très longtemps car il n’était vu que comme une aide pour les débutants qui ne pouvaient pas bénéficier de l’aide d’un maître. Ce n’est qu’au 20e siècle qu’il commença à recevoir l’attention que ces milieux lettrés lui ont toujours refusé. Quelle qu’ait pu être la qualité des premières éditions, et elles étaient certainement meilleures parceque les planches originales n’étaient pas encore abîmées, il est évident qu’elles ne pouvaient pas vraiment reproduire les subtilités du travail du pinceau. Même les couleurs des premières éditions ne pouvaient pas rendre l’extraordinaire diversité des couleurs utilisées en peinture. Ce fut donc la première critique adressée à ce manuel et à son emploi, qu’il n’était pas possible de l’utiliser pour atteindre à tout le raffinement possible de la peinture chinoise, quel que soit le genre choisi. Quoi qu’il en soit, son usage fut certainement plus répandu que ce que les textes sur la peinture laissent entendre. Comme aucun lettré n’aurait admis l’avoir employé pour des raisons d’honneur esthétique, il est évident qu’on ne saura jamais dans quelle mesure il fut répandu dans cette communauté.

 

Idem. Planche 19 du « livre des orchidées » (Lanpu 《蘭譜》).

《芥子園畫傳》是影響中國繪畫至深的其中一部著作,很早便出現了多種版本。這裡只舉其中兩種極具代表性的談之。繪畫是一種極具視覺感的藝術,單靠文字難以探討,這種思想在這部書裡表露無遺。《芥子園畫傳》或稱《芥子園畫譜》是如此不同凡響,以致它不停地被再版。它既是一種繪畫入門書,因此裡面便有許多木版畫插圖,展示中國畫各類畫種的構圖佈局和創作技巧。

這本畫譜的出版史頗為複雜,初集山水譜以單行本形式於1679年即康熙十八年出版問世。它是名宿李漁的女婿沈心友托人編纂的。李漁將其在南京的別墅稱之為「芥子園」。沈心友擁有明末畫家李流芳 (1575-1629) 的課徒畫稿,並決意將其編成一冊可供初習畫者使用的繪畫入門書。他將此重任委托王氏三兄弟,即王概 (1645-1710)、王蓍及王臬。雖然李漁常被視為該書的作者,但書的序言卻明確無誤的道出他與該書毫無關係。李漁的聲名主要基於《肉蒲團》這本大膽的色情小說,人們懷疑他是該書的作者,並與其他一些描寫同性戀的中篇小說如《翠雅樓》、《無聲戲》等有關。《芥子園畫傳》全書十三卷匯編成三集。第一集為山水譜共五卷。第一卷闡述繪畫總體原則及其圭臬,並附有前人的評述和彩圖。接着是《樹譜》、《石山譜》、《人物屋宇譜》,後者還外加一冊山水圖畫譜

1701年,出版者將第一集連同二、三集合併成書出版,這便是《芥子園畫傳》的完整版。第二集共四卷,即《蘭譜》、《竹譜》、《梅譜》及《菊譜》。第三集亦為四卷,計有《草蟲花卉譜》、《翎毛花卉譜》及兩卷增補的參考畫譜。1818年,出現了另一冊有關肖像和人物畫的書,其匿名作者稱此為《芥子園畫傳》原著的最後一集。畫家巢勛 (1852-1917) 對此偽作甚為不滿,因此再版了這冊有關肖像畫的新版本,並修訂出版了前三集。今天,無論在中國大陸或台灣,這個版本被不斷再版,有時還以精美的影印版問世。受托編印這本畫譜的畫家顯然準備充份,游刃有餘。雖然他們不是赫赫有名的畫家亦非文人,但對刊印這類書的技術暸解頗深,非一般文人畫家的一知半解可比。除了第一卷收錄了文人畫有關繪畫的為人接受的傳統論述外,其餘各卷是一些評論和畫譜,解釋如何將書中所見的技法運用到繪畫實踐中。這裡摘錄的一段文字取自《山石譜》,足可體現《芥子園畫傳》主張的繪畫原則:
「黄公望。子久山似董源。能變其法,自成大家。頂多巖石,却有一種風度。凡作畫俱要有凹凸,山之外輪極力奇峭。筆於直中有屈,一筆數頓;中則直皴矗聳有勢。此子久家法也。今舉其巒頭,二則一為戴右插坡土石各半一為純石山當審其地而用之。」


Idem. Planche 39 du « livre des herbes, insectes et plantes à fleurs » (Caochong Huahuipu 《草蟲花卉譜》).

雖然和黃公望原作用墨的豐富層次相比,這個木版畫顯得過份簡潔,但卻相當真實,可助研究這位元代大畫家的畫,尤其可借助附有說明的畫譜來進行藝術實踐。另外一些畫譜則教你如何畫建築物(如大門的內景,四面都應襯以樹木)、花卉 (兩朵背對背的花、兩朵面對面的花、兩朵花,一朵傾向另一朵,而另一朵則昂首挺立) 及昆蟲 (着地的蚱蜢、草地上的蚱蜢、雌雄蝗蟲)。呈現在我們面前的儼然是筆墨運用和文人畫的基本知識。然而,這個依樣畫葫蘆的實踐,顯然將令習畫者的能力枯竭,因此很快便引來了對該畫傳的批評。同時,這樣一本書的出版將完全改變繪畫教學。過去無論文人畫家抑或專業畫家,習畫均須師從名師,而自從《芥子園畫傳》以及其他一些效顰之作自十八世紀至十九世紀陸續問世以來,這個傳統被打破了。誠然,無法知道哪一位畫家是以這些畫譜起家的,更無一個畫家會自詡以這些畫譜為啟蒙。但這點卻是極可能的,即許多無緣接受正規繪畫訓練的文人,確實是在研習了這些畫譜之後,創作了自己早期的畫的。十八世紀的畫家和畫論家,對那些未能超越畫譜木版畫技法的畫家的作品所作的批評是十分嚴厲的。但這些木版畫並非完全被人棄之不顧,沈宗騫就曾勸人研習它:
「學作人物者,用數載工力已能創立稿本矣,必博求古人所作,如不得原蹟,即木刻石刻,規模亦在,取以參看而得其先後之所以同揆,遇有合轍者雖素未著名,亦當取以佽助。」

然而應該指出的是,沈宗騫在這裡指的是那些高素質的複製品,這在過去或現在都可在合格的工匠處見到。實際上他並未談及此類書,在讀了他的畫論後,我們看到他實質反對使用這些書籍。任何畫家都不應讓他的畫作類似這類版畫。《芥子園畫傳》的反復再版,令其聲名大噪,但在文人圈子裡卻長期被忽略,被視為只是那些無法獲得名師指導的習畫者的啟蒙讀物。只是到了二十世紀它才獲得了應有的重視。儘管最初的一些版本,由於原版木刻尚未損壞,因此質量頗佳,但亦未能盡現筆墨之微妙,色彩亦未能重現原畫的豐富多采。對這個畫傳及其使用的最初批評,指出它不能讓畫家達至中國畫 (無論哪個畫種) 的高雅境界。不管怎樣,《芥子園畫傳》的流傳遠超任何論畫文字。出於藝術家的榮譽感,沒有一個畫家敢於承認自己曾使用過它,因此也就永遠無從知道它在中國畫界的傳佈究竟達至何種程度。