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« Mais le passé peut-il renaître ? - Qui sait, dit Meaulnes, pensif. »
« Vous irez loin, Fournier. Vous vous rappellerez que c’est moi qui vous l’ai dit. » — Charles Péguy
Quelques lignes où je voudrais juste essayer d’approcher l’histoire d’un livre ainsi que la vie brève de son auteur, tant elles se confondent à présent, mais sans doute se sont-elles toujours confondues... Henri Alban Fournier est né le 3 octobre 1886 dans le Cher, à une trentaine de kilomètres de Bourges et il passera l’essentiel de son enfance à Epineul-le-Fleuriel. Son père, instituteur, l’aura pour élève durant sept ans et sa sœur Isabelle participera à ses jeux et ses lectures. Plus tard, il se souviendra avec tendresse de ce monde « où entraient (...) tout le soleil doux et tiède de cinq heures, toute la bonne odeur de terre bêchée », et son futur roman aura pour cadre principal « Sainte-Agathe », portrait à peine voilé du petit village de son enfance insouciante.
A douze ans, Henri sera envoyé à Paris au lycée Voltaire mais il rêvait d'être marin « pour faire des voyages » et en septembre 1901, il réussit à convaincre ses parents de rejoindre Brest afin de préparer le concours d’entrée à l’Ecole navale. L’expérience s’avérera trop brutale et au bout de quinze mois il se retrouvera au lycée de Bourges à préparer le bac, obtenu en juillet 1903. Puis en octobre de cette même année, il ira poursuivre des études supérieures de Lettres au lycée Lakanal où il se liera d’amitié avec Jacques Rivière, ensuite à Louis-le-Grand.
Jacques Rivière avec qui il tiendra une riche correspondance publiée en 1928, épousera Isabelle, la sœur, et ils seront en quelque sorte les gardiens de l’œuvre...
Le 1er juin 1905, surviendra l’événement qui marquera à jamais toute la vie et l’œuvre à venir de celui que l’on peut à présent nommé Alain-Fournier. Ce jour-là, ayant visité une exposition au Grand Palais, il entend des pas derrière lui dans l’escalier donnant côté Seine, se retourne et découvre une grande jeune fille blonde au bras d’une dame plus âgée. Il se met à les suivre et prend avec elles la navette fluviale qui les transporte du côté du boulevard Saint-Germain. Sur le bateau, il notera, atteint d’une fébrilité irrépressible, ces moments dans un carnet, premières lignes transposées plus tard textuellement dans le récit de la rencontre avec celle qui deviendra Yvonne de Galais... Il continue à la suivre et la voit disparaître sous le porche d’un immeuble. L’éblouissement aura à peine duré une heure... Le lendemain, il fit le guet sous sa fenêtre et lorsque la jeune fille sort pour aller à la messe de la Pentecôte, il lui murmure « Vous êtes belle ». Il la suit jusqu’à l’église de Saint-Germain des Prés, l’aperçoit dans une chapelle « le grand chapeau de roses incliné sur deux mains jointes » et l’aborde à la sortie... Elle lui révèle son nom : Yvonne de Quiévrecourt. Ils conversent et descendent lentement vers la Seine qu’ils longeront jusqu’au pont des Invalides...
« Nous sommes deux enfants, nous avons fait une folie » dira-t-elle avant qu’ils ne se séparent. Mais c’était tout et elle disparaît aussi vite. Elle était déjà promise à un médecin de marine et Alain-Fournier n’en finira jamais de la mythifier dans la Yvonne de Galais du Grand-Meaulnes... Le 2 juillet, il part en Angleterre, la durée des vacances, tenir le noble emploi de traducteur commercial dans une manufacture de papiers peints et durant son temps libre, compose des vers, écrit de longues lettres à Jacques Rivière et à ses parents. Il se promène, visite les musées... En juillet 1907, admissible à l’écrit de l’Ecole normale supérieure, il est refusé à l’oral une semaine plus tard. Funeste 24 juillet, puisque ce jour même il apprend le mariage d’Yvonne de Quiévrecourt. « C’était comme une âme éternellement avec moi (...) Nous étions seuls au milieu du monde. Il me semblait hier que, sans elle, rien que traverser la cour aride de la maison me faisait mal. Elle n’était plus là. Je suis seul », écrira-t-il à Jacques Rivière. Le 25 décembre sortira dans la Grande Revue son premier texte signé Alain-Fournier, le Corps de la femme, pages ô combien délicates, dédiées en secret à Yvonne. Mais depuis octobre, il était dans un régiment de Dragons à Vincennes et cette vie allait lui peser horriblement. Sa sœur Isabelle nous donnera ces quelques mots après une visite : « il nous regarde avec une espèce de stupéfaction, comme s’il n’arrivait pas à se rappeler qui nous sommes ». Heureusement, on le fera passer dans un régiment d’Infanterie où il sera promu sous-lieutenant, libéré, enfin en septembre 1909. Rentré dans la vie civile, il commence en 1910 une collaboration avec Paris-Journal où il sera chargé d’un courrier littéraire quotidien. Ses billets qu’il dira alimentaires, seront cependant remarqués par leur ton caustique et l’ironie qu’il saura leur donner... Il publiera dans la NRF en septembre 1911 sa nouvelle Portrait et se liera d’une amitié profonde avec Charles Péguy qui l’aidera « à saisir son rêve par les ailes pour l’obliger à cette terre et le faire circuler parmi nous ».
Alain-Fournier était encore habité par Yvonne de Quiévrecourt et des circonstances feront qu’ils se rencontreront une dernière fois en 1913, à Rochefort, sans doute du 1er au 4 août. Ils discutent amicalement, Alain-Fournier faisant même sauter sur ses genoux les deux enfants d’Yvonne. Il lui enverra ensuite quelques lettres et un exemplaire dédicacé du Grand Meaulnes. Achevé au début de 1913, le roman paraît d’abord de juillet à novembre 1913 à la NRF puis sera édité chez Emile-Paul après certaines manœuvres de Madame Simone, l’égérie d’Alain-Fournier, qui espérait faire en sorte que le roman obtienne le Goncourt... ce qui évidemment ne se fera pas, conduisant la presse à stigmatiser le choix du jury... Mais nous reste à présent cette œuvre où se tient à jamais la fête du rêve et de la réalité qui enveloppent les faits et gestes de nos héros guidés par une lumière mystérieuse. Les adolescents, refusant les contraintes de la vie adulte, se lancent dans des aventures qui parent le quotidien de poésie et de fantastique.
L’épisode central est sans doute celui où Augustin Meaulnes découvre le château mystérieux où se déroule la fête merveilleuse donnée à l’occasion des noces de Frantz avec Valentine qui s’enfuit, n’osant croire à tant de bonheur. Augustin, lui, rencontre une jeune fille qu’il aime aussitôt, comme il arriva à Alain-Fournier... Mais il serait vain de résumer ici le roman qui offre de multiples surprises et peut se lire aussi comme le livre du regret qui divinise une douloureuse et inaccessible beauté. Ne marque-t-il pas dans le même temps la fin d’un monde où s’écroule l’ordre familial et où apparaissent des bohémiens ? Et puis une certaine fascination pour la mort : Yvonne de Galais rencontrée sur l’eau ne vous rappelle-t-elle pas Ophélie ? ...
Alain-Fournier sera mobilisé le 1er août 1914 et écrira à sa sœur ces mots terribles :
« je pars content ». Le 22 septembre, il sera tué au combat à Saint-Rémy-la-Calonne, son corps et ceux de ses vingt compagnons d’arme retrouvés et identifiés le 2 mai 1991. Son nom figure évidemment sur les murs du Panthéon de Paris et il peut aussi se targuer à titre posthume de la Légion d’Honneur... Alain-Fournier nous laisse un second roman inachevé (Colombe Blanchet), une tentative de pièce de théâtre (La Maison dans la forêt), des contes, des articles mais restera à jamais l’auteur d’un unique roman qui est entré dans la légende.
« Le héros de mon livre est un homme dont l’enfance fut trop belle. Pendant toute son adolescence, il la traîne après lui. Par instants, il semble que tout ce paradis imaginaire qui fut le monde de son enfance va surgir. Mais il sait que ce paradis ne peut plus être. Il a renoncé au bonheur. » |
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「過去的還能復活嗎?— 有誰知道呢?」摩爾納沉思地回答道
「你可以走得很遠,傅尼耶。記得這是我告訴你的。」—夏爾.佩吉 (Charles Péguy)
我想用一篇短文試著着介紹一下一本書的故事以及其作者短暫的一生。如今這兩者是如此交織在一起,也許它們本來就是混為一體的。
亨利.阿蘭.傅尼耶1886年10月3日誕生於謝爾省(le Cher),離開省會布爾日(Bourges) 約三十公里的地方,他的童年基本上是在 Epineul-le-Fleuriel 渡過的。身為小學教師的父親親自教導了他七年,而他的妹妹伊莎貝爾(Isabelle)則陪伴左右,和他一起遊戲,一起閱讀。後來,他深情地回憶了這個「沉浸在早上五點鐘的煦和陽光和充滿新翻開的泥土氣息的童年。」他未來的小說即以 Sainte-Agathe 為背景,這便是他渡過無憂無慮童年的小村的化身
十二歲時,他被送往伏爾泰中學讀書,但他夢想當一名海員,「週遊世界」。1901年9月,他終於說服父母到布雷斯特(Brest) 準備投考海軍軍官學校。但過程異常艱苦,十五個月後,他又回到了布爾日的中學,並準備中學畢業會考,於1903年7月獲得通過。同年的十月,他進入Lakanal 中學攻讀高等文科,並在那兒結識了雅克.里維埃 (Jacques Rivière) 及路易-勒-格朗 (Louis-le-Grand)。
他和雅克.里維埃書信往來頻密,並於1928年結集出版。這位至友後來還娶了他妹妹伊莎貝爾為妻,夫妻兩可謂成了他作品的守護者。1905年6月1日,發生了一件事影響了我們現在可叫他阿蘭.傅尼耶的一生及其後來的作品。這天,在參觀了大皇宮舉行的展覽之後,他沿着朝向塞納河的樓梯拾級而下,聽到身後有腳步聲,他回轉頭,赫然看見一個身材高挑的金髮年輕女子,手挽着一個上了年紀的婦人的胳膊。他尾隨着她們,並和她們一起乘搭了一艘駛向聖日爾曼大道方向的穿梭渡輪。在船上,他壓抑不住心中的激情,在記事簿上記下這一刻,這最初的文字,後來被逐字逐句地移植到他的一篇描寫和一位已幻變成加萊的伊馮娜 (Yvonne de Galais) 的女子的邂逅的故事裡……他繼續跟蹤她,直到她的倩影消失在一座建築的門廊下。他意亂神迷了幾乎一句鐘…… 第二天,他守候在她的窗台下,當這位年輕女子步出大門到教堂去做諸聖降臨彌撒時,他趨前向她輕輕地說道:「你真美麗」。他一直跟着她到聖日爾曼教堂,瞥見她在一個小祈禱室裡,「飾滿玫瑰花的帽子低垂在合十的纖纖小手上」。在她步出教堂時他走上前去……她向他說出了自己的名子:基埃弗雷古的伊馮娜 (Yvonne de Quiévrecourt)。他們傾談着,慢慢地走向塞納河,沿着河畔一直走到殘老軍人橋 (le pont des Invalides)……
「我們是兩個孩子。我們做了傻事。」臨分手前她這樣說道。這便是一切,很快她便消失得無影無蹤。她已和一位海軍醫生訂了婚。阿蘭.傅尼耶在他的小說《美麗的約定》(Grand Meaulnes) 裡不停地把她幻變成加萊的伊馮娜……7月2日他前赴英國,整個暑假,在一家牆紙製造商裡擔任商務翻譯,空閒時寫些詩,給至友雅克.里維埃及父母寫長長的信。他散步,參觀博物館……1907年7月,他報考巴黎高等師範學校,筆試合格,一個星期後,口試卻落敗。7月24日是個不祥的日子,這天他獲知基埃弗雷古的伊馮娜結婚的消息。「這是一個永遠和我在一起的靈魂……在這個世界上,只有我們倆。昨天,由於失去了她,我彷彿穿過屋子空曠的院子都感到舉步維艱。她走了,我孑然一身。」他給雅克.里維埃這樣寫道。12月25日,他在《La Grande revue》雜誌上發表了第一次署上阿蘭.傅尼耶的題作《女體》(le Corps de la femme) 的散文,啊,多麼優美雅緻的篇章,這是他暗中獻給伊馮娜的。10月之後,他在萬塞納的龍騎兵團服役,這軍旅生涯令他痛苦不堪。妹妹伊莎貝爾在探訪過他之後這樣寫道:「他驚愕地望着我,好像記不起我們是誰。」所幸後來轉至步兵團,並預許他可升任少尉。1909年9月終於復員。回歸平民生活後,1910年,他參加了《巴黎日報》(Paris Journal) 的工作,負責每日文學書信專欄。雖然他說這僅為了糊口,但書信中語氣尖酸、充滿譏刺……1911年9月,他在《新法蘭西評論》(NRF) 雜誌發表了中篇小說《肖像》(Portrait) 並與夏爾.佩吉結下了深厚的友誼。夏爾幫助他「控制住夢想的羽翼,要他接近大地,在我們中間往來。」阿蘭.傅尼耶仍為基埃弗雷古的伊馮娜所困擾,但因緣際會,他們又有了最後一次見面的機會,這是在羅什福爾 (Rochefort),1913年8月1日至4日。他們親切地交談,阿蘭.傅尼耶甚至將伊馮娜的兩個孩子抱在膝上,上下抖動着取樂。後來,他給伊馮娜寫了幾封信,並將一本《美麗的約定》題獻給她。這部小說完成於1913年初,最初由《新法蘭西評論》於1913年7月至11月連載發表。後經由阿蘭.傅尼耶的文學紅顏知己西蒙娜夫人做了某些安排,由 Emile-Paul 出版社出版,她冀盼小說能獲得龔古爾獎,結果未能如願,這引發了媒體對評審委員會的抨擊。今天,呈現在我們面前的是這樣一部小說,箇中夢境與現實交織一起,籠罩着由一道神秘的光線引導的男女主人公的行藏故事。青春少艾拒絕成年人的生活羈絆,投向那將日常生活蒙上詩意和神秘色彩的冒險中。
故事的中心無疑是奧古斯丁.摩爾納發現一座神秘的古堡,當時正舉行着弗朗斯(Frantz)和瓦倫汀(Valentine) 的一場神奇的婚禮。新娘不相信自己竟如此幸福,逃跑了。奧古斯丁卻邂逅了一位姑娘,他一見鍾情,正如阿蘭.傅尼耶。但對這本充滿驚喜的小說在此作簡述實屬徒然。這也是一本遺恨綿綿的書,它神化了一種痛苦的、無法接近的美。同時,它不也標誌着一個家庭秩序崩壞、流浪漢湧現的世界的終結?此外,還有某種對死亡的迷戀:躺在水中的加萊的伊馮娜不是讓人聯想起奧菲莉亞嗎?……1914年8月1日,阿蘭.傅尼耶應徵入伍,他給妹妹寫了這幾個可怕的字:「我高高興興地出發了。」9月22日,在 Saint-Rémy-la-Calonne 的一場戰鬥中他被殺了。他的屍體以及二十個戰友的屍體於1991年5月2日被發現並驗明正身。他的名字當然可以出現在巴黎先賢祠的牆上,他也可以自誇自己死後是榮譽勳位團的一員。阿蘭.傅尼耶還為我們留下了一部未完成的小說《Colombe Blanchet》、一部劇作《森林中的房子》 (La maison dans la forêt)、一些故事和文章。但他永遠是一位已成為傳奇人物的以一本書傳世的作者。
「我書中的主人公是一個有美好童年的人。在他整個少年時代,他都與童年攜手同行。有時候,他彷彿覺得這想象的天堂 — 他童年的世界就會出現。但他深知天堂不再。於是他放棄了幸福。」
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