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Texte : Thierry Grillet

 
  Victor Hugo, l’homme océan
維克多.雨果 — 博大精深如汪洋大海
 
 

De nombreux écrivains, au XIX et XXe siècle, ont vécu une double vie, entre la plume et le pinceau. Victor Hugo – par le volume de sa production graphique et par son inventivité – occupe, dans ce palmarès, une place à part. Pourtant s’il qualifiait ses dessins « d’espèces d’essais faits par moi, à des heures de rêverie presque inconsciente, avec ce qui restait d’encre dans ma plume », ils n’en constituaient pas moins une continuité entre l’écrit et l’image. La plume glisse vers le pinceau. Mais voilà, ce glissement de l’un à l’autre se fait « avec les restes ». L’avantage va donc à l’écrit qui demeure l’activité première.

Victor Hugo, à l’évidence, n’a pas considéré le dessin comme une activité secondaire. Il ne cesse de tracer, de tacher, de tirer des traits sur le papier. C’est un même instrument et un même support qui sert au « peintre » et à l’écrivain. Le papier, la plume. Cette unité de lieu et de matière dissimule des pratiques très variées. Dessins d’intérieur ou d’imagination, mais aussi dessins de voyages, documentaires, croquis ; dessins élaborés, ou simples dessins tracés d’une ligne, caricatures, esquisses.

Mais s’il faut insister sur cet aller-retour qui se produit, sur le papier, entre le dessin et l’écriture, il faut distinguer d’abord celui qui accompagne le manuscrit. Beaucoup de ces dessins à la plume naissent dans les marges des textes. Ils sont l’occasion d’une rêverie orientée, conditionnée par le contenu. La série de lettres qui constitue l’œuvre intitulée Le Rhin, est richement ornée par ces sortes d’enluminures sauvages, non réglées, qui naissent au cœur même de l’écrit. Les impressions de voyage dont les textes se font l’écho, s’accompagnent alors de petites scènes, de paysages qui ajoutent au pittoresque des descriptions littéraires.

Le roi des Auxcriniers, ce curieux personnage sorti de l’encrier à la fin d’un des premiers chapitres des Travailleurs de la mer, surgit des flots, tel un Poséidon romantique... Parfois une tache inspire une forme, et cette forme entraîne l’apparition d’un fantôme. Celui d’un personnage, qui habite l’esprit du poète. Ou bien celui d’un objet, comme ce navire avalé par les eaux, apparu par le hasard d’une tache d’encre. Tous ces dessins, au-delà de leur nature thématique, illustrent cette solidarité entre les deux pratiques, chez ce poète-peintre.

Hugo est, pour beaucoup, l’image même du poète de la fantasmagorie. Le maître de l’imaginaire romantique, familier des extrêmes, expert dans les contraires... Mais ce compagnonnage avec l’irréel et le rêve, ne va pas, chez Hugo, sans un goût prononcé pour le dessin « documentaire ». A une époque, le XIXe siècle, où les seuls souvenirs du voyageur tiennent à sa capacité à se les fabriquer, Hugo laisse derrière lui, dans l’immense fonds de manuscrits qu’il a légués à la Bibliothèque nationale, des carnets de voyage, remplis de merveilleux dessins qui témoignent, à leur manière, du tempo du voyageur qui prend le temps de s’arrêter et de saisir sur le vif une architecture, une atmosphère, un arbre. Ainsi de cette vue de Gand, en Belgique, où le visiteur, sans doute impressionné par un gros canon de bronze, en fait le motif hypertrophié d’une ville dont on aperçoit, à l’arrière-plan, la silhouette flamande, avec ses façades à degrés caractéristiques des villes du Nord de l’Europe. Ces croquis, souvent très aboutis, documentent le voyage dans un souci de réalisme, mais ils ne renoncent pas tout à fait à cette fantaisie romantique, cette part d’ombre d’où peut naître l’inattendu.

Le dessin, chez Hugo, est peut-être une manière d’entrer plus profondément dans la psyché. Le trait dans le dessin, à la différence du trait dans les lettres, n’est pas fixé d’avance, pas encadré par le caractère conventionnel des signes linguistiques. Les figures peuvent sortir du néant – blanc ou noir, papier ou encre – et se développer au gré d’une fantaisie que rien ne limite – ni la contrainte d’un modèle, ni l’obligation de réalisme. Les monstres – population nombreuse chez Hugo, du Quasimodo de Notre Dame de Paris au Gwynplain, de L’homme qui rit - manifestent des contradictions, des tensions qui habitent les profondeurs de la psyché humaine. Ils sont la matérialisation de peurs primordiales – comme ce « poulpe », auquel le héros des Travailleurs de la mer, Gilliatt va devoir se mesurer ; un poulpe qui, dans sa plasticité, est offert à toutes les projections. Que nous veut cet animal qui n’est, semble-t-il, qu’un « crâne » mou, au front démesuré, siège probable de toutes les méchancetés ? Cette pieuvre, hors de proportion, constitue par sa nature d’invertébré, une figure de « l’informe », c’est à dire, de ce qui ne peut recevoir aucune définition, de ce qui est, pour reprendre un vocabulaire hugolien, l’innommable...

Est-ce que le dessin complète l’écriture ? Est-ce qu’il ajoute à l’univers de Hugo ? En est-il seulement le contretype ? Car il y a, en effet, dans l’écriture de Hugo quelque chose de ce goût pour le contraste fort, pour la juxtaposition de l’ombre et de la lumière que l’on retrouve dans le dessin à l’encre de Chine. Le schéma dialectique habite les phrases du poète, qui trouve dans cette opposition matière à répercuter l’opposition fondamentale, dans son système, entre le bien et le mal. Mais le dessin n’est pas que ce prolongement figuratif de ce qui est littéraire. Il soutient un autre projet, plus intime. D’abord parce que ces dessins n’ont pas été réalisés en vue de publication, contrairement aux romans ou poèmes. Ils font partie de l’expression, pour ainsi dire, libre et secrète du poète. Ensuite parce qu’ils portent en eux, une part non domestiquée de l’esprit de Hugo, une part d’indéchiffrable. Est-ce le sens de ces étranges dessins dans lesquels le monogramme de Hugo – VH – se fond dans le décor ou dans les corps, comme pour se montrer tout en se dissimulant ? Comme dans cette fresque, colorée, qui illustre les Orientales ? et où « VH », cet imprononçable monogramme, paraît habiter et soutenir le monde...

 

十九、二十世紀的作家,許多都具兩重生活,游走於鵝毛筆和畫筆之間。維克多.雨果以其畫作規模的龐大及豐富的創造力,在榜上佔據一個無與倫比的地位。然而他卻說:「這些畫只是我在幾乎陷於無意識的隨想狀態時、用寫作之餘筆端剩下的一點墨而隨意作的畫。」但就是這些畫令作家永不停息地往來於寫作與繪畫之間。鵝毛筆滑向畫筆,畫筆滑向鵝毛筆,兩者往來穿梭,最終鵝毛筆佔了上風,寫作成了作家的主要活動。

維克多.雨果顯然沒有把繪畫當作第二職業。但他卻不停地在紙上畫着、塗着、描着。紙和筆,是「畫家」和作家的共同工具和媒介。他畫作的背景和題材的統一掩飾了變化多端的創作實踐。室內畫或想像畫、旅行寫生、記事畫、素描、精心構思的畫或一筆完成的簡筆畫、漫畫、速寫等等。

這個在紙上進行的繪畫和寫作的蹀躞穿梭固然應受重視,而在手稿上出現的這一現象,更應首先予以關注。這些畫常出現在他手稿的頁邊空白上,有時甚至就在書頁的正中。羈旅思懷、途中印象在書頁中迥響,配以情景小畫、風景畫,令文學描寫平添異彩,更加風光旖旎。

Auxcriniers 王這個在《海上勞工》(Travailleurs de la mer) 的最初篇章的尾聲冒出的奇特人物,彷彿浪漫的海神波塞冬突然出現在洶湧的波濤上。有時候,一點墨跡生發出一個形象,這形象又引導出一個幽靈。這是纏繞着詩人腦海的一個人物的形象。又或者是一個物體的形象,一點墨跡不經意地幻化成一艘被大海吞噬的船。這些畫除了其表現的主題外,充份展現了在這位詩人兼畫家的作品裡,兩種藝術實踐是何等的彼此融洽、相得益彰。

對大多數人而言,維克多˙雨果是一位地道的魔幻詩人,浪漫主義大師,描寫極端的裡手行家,製作對比的斫輪老手。這個超現實和夢幻的色彩在他的「記事」性的繪畫裡亦表現得非常突出。在十九世紀這個時代,旅人的回憶唯靠自己的寫作能力保存下來。雨果在他捐獻給國家圖書館的豐富的手稿中,留下了許多旅遊日記,裡面佈滿了精采的繪畫,記錄了旅人的行蹤,他不錯過機會,駐足畫下一個建築,一個場景,一棵樹。於是,在比利時的根特 (Grand),他可能為一門碩大無朋的銅砲所感動,將其化作一個臃腫的城市。在畫的遠景上,可依稀看到那帶有北歐城市特有的有梯級的建築門面、充滿佛拉芒風味的城市的倩影。這些速寫常畫得很成功,忠實地記錄了旅人的行蹤,亦不放棄浪漫的奇想,這正是催生出預想不到的神奇妙趣的原由。

對雨果而言,繪畫可能是深入靈魂的一種方式。繪畫的線條有別於書寫的線條,它非事前確定,亦不受語言符號,約定俗成框架的束縛。圖畫可從虛空 — 黑或白,紙或墨裡產生,並隨無拘無束、天馬行空的幻想而擴展開來。沒有原型的羈絆,亦無具體的規則。雨果的作品裡有為數眾多的魔幻形象,從《巴黎聖母院》(Notre Dame de Paris) 裡的加希魔多到《笑面人》(L’homme qui rit) 裡的格溫普蘭,他們表達了隱藏在人類靈魂深處的矛盾和焦慮,他們也是原始恐懼的具象化。譬如這隻「八爪魚」,《海上勞工》的主人公吉里亞特與其搏鬥。這隻章魚身段柔韌,坦然面對各種打擊。這隻「顱骨」柔軟,寬闊的腦門深藏歹毒的動物究竟欲將我們如何?這隻不成比例的無脊椎動物沒有固定的形體,借用雨果的語彙,即無法稱謂。繪畫是否是對寫作的補充?是否擴大了雨果的世界?又或者它只是黑白底片?因為在雨果的作品裡,常有強烈的對比,光明和黑暗並列,彷彿黑白分明的中國水墨畫。詩人的語言富辨證法,透過這種對比,在善惡之間,強烈地揭示出根本的對立矛盾。然而繪畫並非只是文學形象化的延伸,它另有更加隱秘的一面。首先,這些畫作不像小說和詩歌旨在出版,它只是詩人私下自由表達的一種方式。此外,畫中還蘊含着雨果桀驁不馴的精神,一種不可解讀的東西。是否這就是這些奇特繪畫的涵義?在這些畫裡,雨果姓名的首寫字母的交織圖案融化在畫的背景或形體裡,似彰顯又似在隱藏。如在裝飾《東方詩集》(Orientales) 的壁畫式的彩圖裡,HV這個無法發音的交織字母彷彿縈繞並支撐着這個世界。

Exposition
Victor Hugo, l’homme océan
Reproductions de manuscrits et de dessins originaux
En partenariat avec la Bibliothèque nationale de France
4-14/3/2014
HK University, Library (Pokfulam Road, HK)
1-30/4/2014
Alliance Francaise de Hong Kong - Jordan Centre
(52 Jordan Road, Kowloon)