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« On lit surtout des poèmes dans les temps très troublés. Ce sont les Iraniens et les Afghans qui, aujourd’hui, lisent le plus la poésie. Mais je vois de plus en plus de jeunes venir à cette franc-maçonnerie des amis de la poésie. Mes poèmes sont comme un carnet de bord. Ce qui m’intéresse dans l’écriture, c’est le rythme. La rime aussi quand elle vient naturellement, sinon je m’en passe. La poésie dit des choses que le roman ne peut pas dire ». (J. C. Pirotte, La Libre Belgique du 13-12. 2011)
« C’est que j’avais encore envie de vivre, et de voir passer les nuages et d’écrire ceci, ou autre chose... Il arrive que la douleur soit en voie d’excéder mes forces mai je m’obstine, je tiens la fenêtre ouverte, au moins je respire et un chien aboie ». (Brouillard)
A présent, la fenêtre s’est refermée tout doucement et règne autour de nous un immense brouillard depuis que la dame à la faux est venue cueillir ce 24 mai celui qui avait encore réussi à écrire « je vis parmi les ombres / plus présentes que les vivants / et si cette chambre est ma tombe / je vis ma mort depuis longtemps. »
Pirotte avait aussi avoué qu’il n’aimait guère parler de lui alors qu'il donnait l’impression de ne faire que ça mais c’était pour explorer toutes les profondeurs de la vie et en extraire ce qui fait le plus mal. Il voulait dans le même mouvement ramener au jour ce que chaque instant ménage d’incomparable à qui sait l’accueillir...
Pirotte est né à Namur en 1939, un 20 octobre, comme Rimbaud, Alphonse Allais et Hérault de Séchelles, lui aussi un temps magistrat. Ses parents étaient dans l’enseignement et il ne les aimera pas ; sa mère était belle et froide « D’où tu sors ? Tu n’auras jamais ni frère ni sœur » et il avait décidé que son père n’était pas son vrai père...
A l’âge de huit ans, il fera sa première fugue, on était à la fin de la Seconde guerre mondiale : il fuira dans les bois retrouver la solitude, l’effroi et la désolation qui furent le lot de l’époque que l’enfant avait traversée. Sa mère arrêtée par la Gestapo avait pu s’évader grâce à la Résistance ; son père, de retour avec l’arrivée des soldats américains, disparut dès le lendemain et n’était déjà plus qu’un inconnu... A 11 ans, ce sera sa deuxième fugue, chez sa grand-mère et l’occasion d’écrire sur une feuille « Nulla dies sine linea » (pas de jours sans écrire), formule à laquelle il se tiendra toute sa vie. Son errance ne faisait en fait que commencer : à 14 ans, on le retrouve aux Pays-Bas avec son vélo dans une famille d’adoption, les Prins. Il s’apprêtait à voler une bouteille de limonade, mais M. Prins le ramène chez lui et Madame lui demande s’il aime les girolles, plat principal du repas. On était en Gueldre et Pirotte découvrira la bibliothèque de M. Prins : Rimbaud, Dhôtel, Stendhal, Follain, Larbaud, Cendrars, Apollinaire, Thiry, London, Mac Orlan, poètes et écrivains qui deviendront les compagnons de Pirotte... Alors, à seize ans, il écrit trois carnets Bleu, Noir, Rouge qui racontent la découverte de la littérature, de la guerre et de l’amour... Mais est-on écrivain à seize ans ? Il reviendra à Namur faire des études de Droit, participera aux grandes grèves de 1960 et publiera ses premiers poèmes. Pourtant il préfère désormais plaider et défendre « ceux à qui l’on refuse le droit de parler », fréquentant les déserteurs, les bandits et menant grand train au volant de jolis bolides. En 1975, se produira l’événement capital :
il est accusé d’avoir aidé un détenu à s’évader et sera condamné à 18 mois de prison sans sursis. Toujours, il niera les faits « Etre accusé, sur le seul constat d’un barreau de cellule un peu scié, d’avoir favorisé la tentative d’évasion d’un détenu qui ne s’est même pas évadé, c’est invraisemblable, aussi invraisemblable que d’être Belge ! » Mais Pirotte déclarera ensuite ceci « Cette histoire fut une chance insigne. Elle m’a permis de quitter le Barreau où je m’enfonçais tranquillement dans l’ivrognerie et la bêtise. Grâce à elle, j’ai pu me dire « Je m’en vais» en toute bonne conscience et me mettre à exercer ma paresse — ce bonheur. » Il prendra la fuite dans une MG rouge, endossant la tunique d’un fuyard céleste qui se promènera dans le Jura, en Charente, en Bourgogne, en Catalogne, au Portugal... Une vie de vagabond avec des « étés dans les combes », clandestine, et des errances dans la France dite profonde. Il dira même « qu’il a vécu quelquefois, est mort souvent » mais récusera sa légende de poivrot errant, ou plutôt ne voudra plus s’en souvenir tout en la vivant cependant au quotidien. « Si j’ai vécu, ce ne peut être que dans les livres, et plus encore dans ceux des autres que dans les miens. A chaque voyage, il faut se reconstruire, tout est à refaire. Une vie, ce n’est pas la somme de vies improbables. » En 1981, sa peine sera prescrite et à cette date-là, il écrira « Depuis lors je traîne / sans le sou sans métier / ma belle oisiveté » celle-là même qui lui apportera cette liberté qu’il défendra jusqu’au bout. S’ouvrira ainsi pour notre bonheur le temps de l'écriture avec Journal moche puis en 1982 La pluie à Rethel, livre du « désarroi incandescent d’une vie perdue ».
Pirotte nous confiera que pour l’écrire il lui avait fallu « la nuit et l’aube blême d’un bout de ciel qui hésite entre brouillard et crachin. » Il nous dessinera « un univers abandonné au fond d’une province captive des rêves des vieux étés. » Une quarantaine d’ouvrages suivront mais, avouons-le, son audience restera confidentielle.
Olivier Frébourg qui fut son éditeur à la Table Ronde fait de Pirotte l’un de nos plus grands stylistes et voit en lui un héritier de Verlaine. « Un homme de la mélancolie et de la demi-teinte, poète de la brume belge très marqué par la saudade portugaise. Il a d’ailleurs de nombreux points communs avec Pessoa qui multipliant les identités comme Pirotte affectionnait les doubles littéraires (...) » Il nous donnera d’autres livres tels que Cavale, Boléro, Absent de Bagdad, éblouissants de liberté dans lesquels la vie sera décrite comme un « chemin vicinal oublié » que l’on parcourt sans trop vraiment savoir où il nous mène. La mélancolie, celle d’un poète qui a pris la tangente sera toujours présente.
Mais ce poète discret sera reconnu et célébré par ses fidèles, entrant dans la famille des Henri Calet, André Dhôtel. Il continuera à boire du vin, « refuge de la délicatesse et, disons le mot, de la civilisation » et à s’abreuver aux abbayes belges. Il aura en 2012 le Prix Goncourt de la poésie / Robert Sabatier et malgré cette reconnaissance, sera toujours sans argent et avouera n’être « libre qu’avec les éditeurs qui ne paient pas ».
Il fera siens les mots de Joseph Joubert, ami de Châteaubriand que « notre vie est du vent tissé ». Dans ses romans, il ne mettra jamais en scène de nombreux personnages et avancera d’une image à l’autre, faisant court et s’arrêtant quand l’inspiration venait à lui manquer. Le narrateur sera souvent un hétéronyme de lui-même. « Quand je suis déçu de la poésie, je me tourne vers la peinture et vice-versa. Et comme pour mes romans, j’ai de la peine à concevoir des peintures de grands formats. »
Mais le cancer le rongeait et ces derniers temps, plus de cavale, il ne pouvait que rester à sa fenêtre ouverte. « Je suis un poète belge de langue française. Je rencontrais parfois Mitterrand qui venait à la même librairie que moi près de l’Odéon à Paris. Il me disait : Tu es un poète français. Je lui répondais : je reste belge, avec toute l’hybridation et la bâtardise que cela comporte et qui sont des qualités. »
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Photo N. Hellyn - A.M.L. Bruxelles |
「動亂年代,詩歌尤受人青睞。因此今天,在伊朗和阿富汗,讀詩的人該是最多的了。我看到,越來越多的年輕人願親近詩人騷客。我的詩歌宛如航海日誌。寫詩時,我着重節奏,自然還有韻腳,但要來得自然,否則,我便免了它。詩言志,詩歌可道出小說所不能道的東西。」
(讓 – 克洛德.皮羅特:《自由比利時》,2011年12月13日)
「我還渴望活着,看雲彩飛過,把這些寫下來,還有其他一些東西…… 痛苦令我精疲力竭,但我堅持着,我讓窗戶敞開,至少我還在呼吸,一隻狗在吠着。」 (《霧》)
而今,窗子已慢慢關上,一片無邊無際的煙霧籠罩着我們,死神於今年的5月24日將他擄去了。在生時,他這樣寫到:「我在比活人更真切的陰影裡生活,如果房間是我的墳墓,那我死去已經多時了。」
皮羅特說他不喜歡談論自己,但他給人的印象總是在談自己。其實他是在探索生命的深處,並發掘出最危害人的一面。他欲藉此將每時每刻出現的無與倫比的東西呈現出來,奉獻給懂得接受它的人。
皮羅特1939年10月20日誕生於那慕爾 (Namur),和蘭波、阿爾封斯.阿萊 (Alphonse Allais) 及埃羅.德.塞謝爾 (Hérault de Séchelles) 一樣,曾做過一時行政官員。父母從事教學,他並不愛他們。母親相貌姣好,但卻冷漠無情。她對他說:「你是從哪裡鑽出來的?你不會有弟弟,也不會有妹妹的。」他堅信父親不是親生父親。
他第一次離家出走是在八歲那年,時值第二次世界大戰剛結束。他逃入森林中,備嚐了孤獨、恐懼、憂傷的滋味,這是他孩提時代的宿命。母親遭蓋世太保逮捕,多虧抵抗運動組織,她才得以脫險。父親隨着美軍歸來後,第二天便消失得無影無蹤,從此成了陌路人。十一歲那年,他第二次由祖母家中出走,在一張紙上他這樣寫道:「Nulla dies sine linea」幾個拉丁字,意即「沒有一天不寫作」,這句話他堅守了一生。他的流浪生涯剛剛開始:十四歲那年,人們發現他帶着單車出現在荷蘭一家姓普蘭斯 (Prins) 的人家,後來這家人收養了他。之前,他準備偷一樽檸檬汽水,普蘭斯先生將他帶到自己家中,普蘭斯太太問他愛不愛吃雞油菌,他們餐桌上的主菜。這是在荷蘭的蓋爾德 (Gueldre),皮羅特在普蘭斯夫婦家中的圖書室裡發現了蘭波、多泰爾 (Dhôtel)、斯湯達、福蘭 (Follain)、拉爾博 (Larbaud)、桑德拉爾 (Cendrars)、阿波利奈爾、蒂里 (Thiry)、傑克.倫敦、馬克.奧蘭 (Mac Orlan) 等人的作品,這些詩人和作家成了他的良師益友。十六歲時,他寫了三本稱作《藍》、《黑》、《紅》的小冊子,在這些筆記裡他談論了文學、戰爭和愛情。難道十六歲就成了作家?他又回到那慕爾攻讀法律,參加了1960年的大罷工,並發表了最初的詩作。然而他更熱衷於為那些「被剝奪了發言權的人」進行訴訟和辯護。他和逃兵、盜匪交往,駕着漂亮的跑車招搖過市,過着奢華的生活。1975年發生了一起重大事件:他被控協助一個犯人逃獄,被判十八個月徒刑,立即執行。他自始至終否認這項控罪,他說「僅憑囚室裡窗上的一根木條有點鋸痕就被控協助犯人越獄,而這個犯人最終並沒有成功逃走,真是荒唐可笑,就像身為比利時人一樣荒唐可笑!」但皮羅特稍後卻聲稱:「這件事對我意義重大。它令我可以離開律師這一行,其實我只是酗酒和做些蠢事。多虧了這件事,我可以問心無愧地對自己說「我走了」,並坦然地過我悠哉遊哉的幸福生活。」他駕着一輛紅色的 MG 跑車,身上穿着一件漂亮的緊身上衣逃跑了。他暢遊穿越過汝拉、夏朗德、勃艮第、加泰羅尼亞和葡萄牙。悄悄地享受着流浪者的生活,夏天穿過幽深的峽谷,直至法國最遍遠的地方。他甚至說:「有時候我活着,更多的時候我已經死去。」但卻矢口否認這種醉生夢死的生活,或者不願意去想它,但每天卻這樣過着。他說:「如果我活着,只是活在書中,更是活在他人的書中。每次外出,都須再次籌謀安排,重新做起。生命,不是一次次冒險的總和。」1981年,他的病被確診了,這時,他這樣寫道:「從今以後,我將遊手好閒,得過且過;我無所事事,身無分文。」疾病給他帶來了閒適自由,他珍惜這個自由,直至死去。他利用這段時光,為我們寫下了《醜陋的報紙》(Journal moche),1982年寫下了《勒泰勒的雨》(La pluie à Rethel),這是「一個失落的生命陷入熾烈的惶恐不安」時寫下的書。他一共寫了四十多本作品,說實在,只在一些熟人朋友間流傳。
圓桌出版社 (La Table ronde) 的出版商奧利維耶.弗勒堡 (Olivier Frébourg) 把皮羅特造就成一位文筆優美的作家,並視他為魏爾倫的繼承人。「一個憂郁的、中規中矩的人,一個帶有濃烈的葡萄牙式憂郁的比利時人。他和有多重身份的葡國詩人佩索阿 (Pessoa) 有許多共同之處,這位葡國詩人也像他一樣,從事寫作與繪畫……」他還為我們寫了其他一些作品,如《逃逸》(Cavale)、《波羅萊》(Boléro)、《逃離巴格達》(Absent de Bagdad) 等。這些書均充滿自由自在、無拘無束的氣氛,生命被描寫成彷彿一條「被遺忘的村間小路」,人們沿着它走,卻前路茫茫。憂鬱,這個不斷逃逸的詩人的憂郁,始終貫穿在他的書裡。
然而這位可歸為亨利.卡萊 (Henri Calet) 和安德烈.多泰爾 (André Dhôtel) 一派的謹慎的詩人卻為其知音所認可讚賞。他繼續喝酒,甚至喝到修道院,正如俗話說的,這是「高雅和文明的避難所」。2012年,他榮膺龔固爾詩歌創作獎,雖獲此殊榮,卻始終一貧如洗,他說「只有在出版商付不起錢時他才最自由」。
他將夏多布里昂的朋友約瑟夫.儒貝爾 (Joseph Joubert) 的話據為己有:「我們的生命是編織成的風。」在他的小說裡,從不出現一大群人物,而是一個個地出場,他文筆簡練,寥寥數語,當靈感告闕時,他會戛然停筆。敘述者和作者,往往是異語同義詞。「當我寫不出好詩時,便會轉向繪畫,反之亦然。和我的小說一樣,我構思不出大幅畫作。」
癌症吞噬着他,現在,他不能再逃逸了,只能倚在敞開的窗口。「我是一名用法語寫作的比利時詩人。我有時會在我常去的巴黎奧德翁劇院附近的一家書店遇見米特朗。他對我說:你是一位法國詩人。我回答道:我始終是一個比利時人,煥發着這身份所蘊含的文化交融的光芒。
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