Art et Histoire 藝術與歷史

Texte : Frank Vigneron*

 
 

Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence :
Peinture et théorie à la Cité interdite (2)
十七、十八世紀之間的中國:興盛不衰 : 紫禁城的繪畫及其理論(二)


 
 


Yao Wenhan 姚文瀚 (actif 18e siècle), Quatre activités de saison《四序圖》, détail, rouleau horizontal, encre et couleurs sur soie, 31,5 x 318 cm. Musée du Palais, Beijing.

La peinture de chevaux, l’un des genres favoris des peintres mandchous
Il fallut la mort du souverain en 1799 pour mettre fin aux crimes de Heshen, et celui-ci fut finalement emprisonné et exécuté. Quand la valeur totale de ses biens fut évaluée, ceux-ci se révélèrent être égaux à dix fois les revenus annuels de l’Etat. Le trou ainsi fait dans le trésor ajouté aux frais des campagnes militaires dues aux rébellions internes furent quelques-uns des nombreux problèmes auxquels durent faire face les empereurs suivants avec peu de succès. Le reste de l’histoire de la dynastie fut tissé de problèmes administratifs et de corruption accompagnés d’un déclin de la force militaire et de la croissance économique, provoquant de graves troubles sociaux et des attaques répétées de l’étranger. Tout ceci ne fit qu’aggraver le cataclysme provoqué par la longue et violente guerre contre la rébellion des Taiping (Taiping 太平 signifie « grande paix ») qui dura un peu plus de 15 ans. On estime qu’entre 1850 et 1865, entre les désastres naturels et la guerre de répression des Taiping, plus de 200 millions de Chinois perdirent la vie. Exsangue et ruinée, la Chine de la fin du 19e siècle ne put recevoir les avances de l’Europe qu’en tant que victime et cette période d’expansion colonialiste fut un des moments les plus sombres de l’histoire moderne.

Après avoir décrit les événements qui ont présidé à la fin de l’empire, il est grand temps de retourner à une sorte d’énumération des peintres de cour à la fin du 18e siècle. Yu Sheng 余省 (1692-1767), par exemple, l’élève d’un peintre de portraits et de fleurs, travailla aussi avec des peintres mandchous de la cour tel que Tangdai et fut un des favoris de l’empereur Qianlong. Qian Feng 錢灃 (1740-1795), excellent calligraphe, pratiqua principalement ce genre favori des empereurs mandchous, la peinture de chevaux. Son style, associant une observation attentive du cheval et une maîtrise du pinceau très proche du style des lettrés, est une des nombreuses manifestations du fait que les peintres de cour n’étaient pas fatalement les victimes des demandes décoratives de leurs mécènes impériaux.

On ne sait presque rien de Ding Guanpeng 丁觀鵬 (actif 18e siècle), sinon qu’il se spécialisait dans les thèmes taoïstes et bouddhistes ; quant à Jiao Bingzhen 焦秉貞 (actif début 18e siècle), il se consacra plutôt aux portraits imaginaires de dames de la cour, genre qui devait avoir un succès considérable au 19e siècle dans un environnement bien différent : celui des marchands de grandes villes comme Beijing, mais surtout Shanghai. Cui Wei 崔鏏 (actif 18e siècle) aussi préféra les portraits de femmes (tels son portrait imaginaire de la grande poétesse des Song, Li Qingzhao 李清照 ), quant à Leng Mei 冷枚 (actif 18e siècle), il fut spécialiste de la peinture d’architecture, appelée « peinture de délimitation » (Jiehua 界畫 ). Tout comme Jiao Bingzhen, Chen Mei 陳枚 (actif 18e siècle) peignit les dames de la cour en les intégrant dans des décors faits en « peinture de délimitation ». Yao Wenhan 姚文瀚 (actif 18e siècle), dans ce rouleau horizontal associant tous ces genres, dépeint une des quatre activités de saisons pour une dame de la cour élégante : faire une promenade au printemps (Chunyou 春遊) (Les autres activités étant apprécier la fraîcheur en été, Naliang 納涼 ; faire une excursion sur un lac à l’automne, Youhu 遊湖 ; et admirer la neige en hiver, Shangxue 賞雪). Et pourtant, nombreux furent les peintres de cour aussi doués que ceux que nous venons d’énumérer et dont nous ne connaissons pas le nom, et la mention « anonyme » (Yiming 佚明, « nom omis » ou « nom perdu » en chinois) apparaît extraordinairement souvent dans les ouvrages consacrés à la peinture de cour. Ces deux exemples, deux portraits de l’empereur Yongzheng, l’un où il joue du cithare et l’autre où il admire un de ses jardins , prouveront à quel point beaucoup de ces artistes inconnus furent talentueux.

Les peintres jésuites comme Castiglione arrivés à la cour impériale au 18e siècle furent très appréciés de l’empereur Qianlong
Le dernier groupe d’artistes actifs à la cour fut tout aussi productif que les autres. Leurs tâches quotidiennes, les nombreuses commandes dont ils furent chargés doivent forcer notre admiration car ils devaient aussi s’acquitter d’obligations que les autres peintres de cour n’avaient pas à remplir. Les peintres jésuites devaient en effet s’acquitter aussi de leurs tâches de missionnaires et souffraient souvent du temps qu’ils devaient consacrer à la peinture. Le plus célèbre, le plus influent de ces peintres fut Giuseppe Castiglione (1688-1766), qui prit le nom chinois de Lang Shining 郎世寧. Arrivé en Chine en 1715, il fut tout de suite apprécié de l’empereur Qianlong. Comme pour tous ses confrères, Castiglione frappa les imaginations de la cour par sa maîtrise des modelés, technique de représentation réaliste qui, sans être complètement inconnue dans la peinture chinoise, allait à l’encontre de tous les préjugés que la peinture lettrée avait créée autour de la chose picturale. Ces demandes de modelé furent aussi satisfaites par les autres peintres jésuites de la cour, tels que Jean-Denis Attiret (1702-1768), dont le nom chinois était Wang Zhicheng 王致誠, et qui fut aussi le collaborateur de Castiglione sur des projets importants comme nous le verrons plus tard. De même, la maîtrise des techniques de la perspective, toute naturelle à des peintres européens, ne pouvait que stupéfier les mécènes mandchous qui demandèrent à d’autres peintres, comme le père Louis-Antoine Poirot (He Qingtai 賀清泰, actif 18e siècle) spécialiste de la peinture d’animaux, d’introduire le plus souvent possible une perspective dans leurs représentations (même si la perspective n’était pas vraiment la spécialité du peintre en question). D’autres noms, dont certains sont moins connus, comme ceux de Matteo Ripa (Ma Guoxian 馬國賢, 1682-1765) , du père Teodorico Pedrini (De Lige 德理格, 1671-1746) de Ignatius Sichelbart (Ai Qimeng 艾啟蒙, 1708-1780), de Joseph Panzi (Pan Tingzhang 潘廷章, actif 18e siècle) ou de l’évêque de la capitale, Jean-Damascène Salusti (An Deyi 安德義 ? - 1781), montrent l’importance de la présence jésuite à la cour dans le domaine pictural. Castiglione, Attiret, Sichelbart et Salusti en particulier furent des favoris de l’empereur Qianlong, et ils furent invités à produire une série de gravures commémorant la victoire des Mandchous sur les Dzungars et les Kashgarites, on sait déjà à quel point ces gravures sont importantes pour comprendre la situation d’échanges qui eut lieu à l’époque.

* Frank Vigneron (Professeur, Fine Arts Department, The Chinese University of Hong Kong)

 

馬:清代畫家偏愛的題材
必須等到1799年乾隆皇帝駕崩,和珅的罪惡才告結束,他鋃鐺入獄並被處死。點算其侵吞的財產,數目之鉅十倍於皇家十年的收入。國庫空虛加之鎮壓內亂所耗費的軍餉成了後來幾任皇帝窮以應付的難題。清朝晚期行政紊亂,貪腐成風,軍力衰落,經濟萎靡,引發了社會動亂和外來的頻頻侵略。所有這些加深因長年和劇烈的鎮壓太平軍所帶來的災難。太平天國持續了近十五年,後來據統計,自1850年至1865年的十五年間,由於自然災害和鎮壓太平軍,死了兩千多萬中國人。十九世紀末的中國滿目瘡痍,遍體鱗傷,只能屈辱接受列強的不平等條約,這段西方殖民擴張的歷史是近代史最黑暗的時期。

在簡述了困擾清朝晚期的動亂之後,讓我們回頭來看看十八世紀晚期清代的那些宮廷畫家。首先是余省 (1692-1767),他師事一位肖像及花鳥畫家,和其他宮廷畫家一起從事創作,其中有受乾隆皇寵愛的畫家唐岱。錢之灃 (1740-1795) 是一位傑出的書法家,他對馬觀察入微,畫技純熟,風格極近文人畫。可見宮廷畫家並非一味迎合權貴所好,只作些具裝飾風格的畫。


Anonyme, L’Empereur Yongzheng dans le pavillon du « chant clair » 《胤禛朗
唫閣圖》, rouleau à suspendre, encre et couleurs sur soie, 175,1 x 95,8 cm.
Musée du Palais, Beijing.

我們對丁鵬觀 (活躍於十八世紀) 可謂毫無所知。只知道他擅作佛道題材的畫。而焦秉貞 (活躍於十八世紀初) 則以作宮廷命婦的想像畫像見稱,這個畫種在十九世紀清代的不同階層,如北京,尤其上海這些大城市的富商大賈間頗受歡迎。崔鏏 (活躍於十八世紀) 亦喜作仕女肖像畫,如他的宋代女詞人李清照的想像畫像。至於冷枚 (活躍於十八世紀) 則是界畫高手,和陳枚(活躍於十八世紀)一樣,常將宮廷命婦置於界畫的建築背景中。姚文瀚(活躍於十八世紀)在他的題作《四季圖》的長卷裡,融匯了各種繪畫風格,他描繪了一位高雅命婦的《春遊》,其他三景為《納涼》、《遊湖》、《賞雪》。除上述的宮廷畫家之外,尚有許多同樣才華橫溢的不知名畫家,許多宮廷畫只署上佚名兩字。如這裡介紹的雍正皇帝的兩幅畫像:《胤禛朗唫閣圖》和《胤禛行樂圖》,充份展現了這些佚名畫家是多麼富有才氣。

十八世紀入宮的郎世寧等耶穌會畫家備受乾隆青睞
這一群活躍於宮廷的畫家和其他宮廷畫家一樣畫作頗豐。他們的日常職責以及應朝廷之命須製作數目龐大的繪畫令我們嘆服。作為耶穌會教士,他們首先須完成其他宮廷畫家無須顧及的傳教工作,因此常苦於作畫時間的有限。他們之中最負盛名的應推 Giuseppe Castiglione (1688-1766),中文名叫郎世寧。他於1715年來華,很快便得到乾隆皇帝的賞識。和他的同僚一樣,他的畫以玲瓏的立體感而轟動宮廷。這個寫實的繪畫技巧在中國畫裡也不是全無,但卻和文人畫的固執觀念相悖。宮廷裡其他耶穌會畫家都能畫出這類具立體感的畫,Jean-Denis Attiret (1702-1768) 便是其中之一。他的中文名字是王致誠,他和郎世寧合作,創作了規模頗大的宮廷畫,我們稍後再談論它。此外,透視這個歐洲畫家習以為常的繪畫技法亦令清朝的藝術資助者驚嘆不已,以致他們要求其他畫家如擅作動物畫的 Louis-Antoine Poirot 神甫 (中文名為賀清泰,活躍於十八世紀) 在他的動物畫裡亦採用透視法 (儘管透視並非這位畫家的專長)。另外,尚有一些不大為人所知的耶穌會畫家,如 Matteo Ripa (馬國賢,1682-1765)、Teodorico Pedrini 神甫 (De Lige 德裡格,1671-1746)、Ignatius Sichelbart (艾啟蒙,1708-1780)、Joseph Panzi (潘廷章,活躍於十八世紀) 以及北京主教Jean-Damascène Salusti (安德義,?-1781),這說明了耶穌會在清代的宮廷繪畫所佔的重要地位。郎世寧、王致誠、艾啟蒙及安德義尤受乾隆皇帝青睞。他們受皇帝之命創作了歌頌乾隆皇戰功的系列版畫《黑水解圍圖》,我們知道這些畫對了解當時的中西文化交流是何等的重要。