Littérature 文學

Texte : Patrick Modiano, extrait du discours de remise de prix Nobel de littérature 2014, copyright Nobelprize / Photos : Edition Gallimard

 
  Patrick Modiano : « des destinées humaines fuyantes et presque insaisissables »
帕特里克.莫迪亞諾:「流逝的、幾乎不可捉摸的人類
 
 

L’écrivain français Patrick Modiano, prix Nobel de littérature 2014 a parlé dans son discours de remise du prix à Stockholm des thèmes qui lui sont chers : l’écriture, la mémoire, l’histoire intime, la ville, l’enfance qui a nourri son œuvre, le lieu où elle s’enracine, Paris sous l’occupation allemande... Homme discret, peu enclin à la parole, il nous rappelle que l’écriture s’inscrit dans le silence et le retrait, que l’œuvre nait dans l’intimité loin des média et du brouhaha de la vie quotidienne. Nous reproduisons ici quelques extraits choisis de ce discours.

« Curieuse activité solitaire que celle d’écrire »
Un écrivain – ou tout au moins un romancier – a souvent des rapports difficiles avec la parole. Et si l’on se rappelle cette distinction scolaire entre l’écrit et l’oral, un romancier est plus doué pour l’écrit que pour l’oral. Il a l’habitude de se taire et s’il veut se pénétrer d’une atmosphère, il doit se fondre dans la foule. Il écoute les conversations sans en avoir l’air, et s’il intervient dans celles-ci, c’est toujours pour poser quelques questions discrètes afin de mieux comprendre les femmes et les hommes qui l’entourent. Il a une parole hésitante, à cause de son habitude de raturer ses écrits. Bien sûr, après de multiples ratures, son style peut paraître limpide. Mais quand il prend la parole, il n’a plus la ressource de corriger ses hésitations. (...)

Curieuse activité solitaire que celle d’écrire. Vous passez par des moments de découragement quand vous rédigez les premières pages d’un roman. Vous avez, chaque jour, l’impression de faire fausse route. Et alors, la tentation est grande de revenir en arrière et de vous engager dans un autre chemin. Il ne faut pas succomber à cette tentation mais suivre la même route. C’est un peu comme d’être au volant d’une voiture, la nuit, en hiver et rouler sur le verglas, sans aucune visibilité. Vous n’avez pas le choix, vous ne pouvez pas faire marche arrière, vous devez continuer d’avancer en vous disant que la route finira bien par être plus stable et que le brouillard se dissipera.

Sur le point d’achever un livre, il vous semble que celui-ci commence à se détacher de vous et qu’il respire déjà l’air de la liberté, comme les enfants, dans la classe, la veille des grandes vacances. Ils sont distraits et bruyants et n’écoutent plus leur professeur. Je dirais même qu’au moment où vous écrivez les derniers paragraphes, le livre vous témoigne une certaine hostilité dans sa hâte de se libérer de vous. Et il vous quitte à peine avez-vous tracé le dernier mot. C’est fini, il n’a plus besoin de vous, il vous a déjà oublié. Ce sont les lecteurs désormais qui le révéleront à lui-même. Vous éprouvez à ce moment-là un grand vide et le sentiment d’avoir été abandonné. (...)

Cette relation intime et complémentaire entre le romancier et son lecteur, je crois que l’on en retrouve l’équivalent dans le domaine musical. J’ai toujours pensé que l’écriture était proche de la musique mais beaucoup moins pure que celle-ci et j’ai toujours envié les musiciens qui me semblaient pratiquer un art supérieur au roman – et les poètes, qui sont plus proches des musiciens que les romanciers. J’ai commencé à écrire des poèmes dans mon enfance et c’est sans doute grâce à cela que j’ai mieux compris la réflexion que j’ai lue quelque part : « C’est avec de mauvais poètes que l’on fait des prosateurs ». (...)

Le manque de lucidité et de recul critique d’un romancier vis-à-vis de l’ensemble de ses propres livres tient aussi à un phénomène que j’ai remarqué dans mon cas et dans celui de beaucoup d’autres : chaque nouveau livre, au moment de l’écrire, efface le précédent au point que j’ai l’impression de l’avoir oublié. Je croyais les avoir écrits les uns après les autres de manière discontinue, à coups d’oublis successifs, mais souvent les mêmes visages, les mêmes noms, les mêmes lieux, les mêmes phrases reviennent de l’un à l’autre, comme les motifs d’une tapisserie que l’on aurait tissée dans un demi-sommeil. Un demi-sommeil ou bien un rêve éveillé. Un romancier est souvent un somnambule, tant il est pénétré par ce qu’il doit écrire, et l’on peut craindre qu’il se fasse écraser quand il traverse une rue. Mais l’on oublie cette extrême précision des somnambules qui marchent sur les toits sans jamais tomber.

« Paris sous l’Occupation, une ville qui « semblait absente d’elle-même »
Ville étrange que ce Paris de l’Occupation. En apparence, la vie continuait, « comme avant » : les théâtres, les cinémas, les salles de music-hall, les restaurants étaient ouverts. On entendait des chansons à la radio. Il y avait même dans les théâtres et les cinémas beaucoup plus de monde qu’avant-guerre, comme si ces lieux étaient des abris où les gens se rassemblaient et se serraient les uns contre les autres pour se rassurer. Mais des détails insolites indiquaient que Paris n’était plus le même qu’autrefois. À cause de l’absence des voitures, c’était une ville silencieuse – un silence où l’on entendait le bruissement des arbres, le claquement de sabots des chevaux, le bruit des pas de la foule sur les boulevards et le brouhaha des voix. Dans le silence des rues et du black-out qui tombait en hiver vers cinq heures du soir et pendant lequel la moindre lumière aux fenêtres était interdite, cette ville semblait absente à elle-même – la ville « sans regard », comme disaient les occupants nazis. Les adultes et les enfants pouvaient disparaître d’un instant à l’autre, sans laisser aucune trace, et même entre amis, on se parlait à demi-mot et les conversations n’étaient jamais franches, parce qu’on sentait une menace planer dans l’air.

Dans ce Paris de mauvais rêve, où l’on risquait d’être victime d’une dénonciation et d’une rafle à la sortie d’une station de métro, des rencontres hasardeuses se faisaient entre des personnes qui ne se seraient jamais croisées en temps de paix, des amours précaires naissaient à l’ombre du couvre-feu sans que l’on soit sûr de se retrouver les jours suivants. Et c’est à la suite de ces rencontres souvent sans lendemain, et parfois de ces mauvaises rencontres, que des enfants sont nés plus tard. Voilà pourquoi le Paris de l’Occupation a toujours été pour moi comme une nuit originelle. Sans lui je ne serais jamais né. Ce Paris-là n’a cessé de me hanter et sa lumière voilée baigne parfois mes livres.

Voilà aussi la preuve qu’un écrivain est marqué d’une manière indélébile par sa date de naissance et par son temps, même s’il n’a pas participé d’une manière directe à l’action politique, même s’il donne l’impression d’être un solitaire, replié dans ce qu’on appelle « sa tour d’ivoire ». Et s’il écrit des poèmes, ils sont à l’image du temps où il vit et n’auraient pas pu être écrits à une autre époque. […]

« Tolstoï se confondait avec le ciel et le paysage qu’il décrivait »
En définitive, à quelle distance exacte se tient un romancier ? En marge de la vie pour la décrire, car si vous êtes plongé en elle – dans l’action – vous en avez une image confuse. Mais cette légère distance n’empêche pas le pouvoir d’identification qui est le sien vis-à-vis de ses personnages et celles et ceux qui les ont inspirés dans la vie réelle. Flaubert a dit : « Madame Bovary, c’est moi ». Et Tolstoï s’est identifié tout de suite à celle qu’il avait vue se jeter sous un train une nuit, dans une gare de Russie. Et ce don d’identification allait si loin que Tolstoï se confondait avec le ciel et le paysage qu’il décrivait et qu’il absorbait tout, jusqu’au plus léger battement de cil d’Anna Karénine. Cet état second est le contraire du narcissisme car il suppose à la fois un oubli de soi-même et une très forte concentration, afin d’être réceptif au moindre détail. Cela suppose aussi une certaine solitude. Elle n’est pas un repli sur soi-même, mais elle permet d’atteindre à un degré d’attention et d’hyper-lucidité vis-à-vis du monde extérieur pour le transposer dans un roman.
J’ai toujours cru que le poète et le romancier donnaient du mystère aux êtres qui semblent submergés par la vie quotidienne, aux choses en apparence banales, – et cela à force de les observer avec une attention soutenue et de façon presque hypnotique. Sous leur regard, la vie courante finit par s’envelopper de mystère et par prendre une sorte de phosphorescence qu’elle n’avait pas à première vue mais qui était cachée en profondeur. C’est le rôle du poète et du romancier, et du peintre aussi, de dévoiler ce mystère et cette phosphorescence qui se trouvent au fond de chaque personne (...)

« Grâce à la topographie d’une ville, c’est toute votre vie qui vous revient à la mémoire »
Paris, ma ville natale, est liée à mes premières impressions d’enfance et ces impressions étaient si fortes que, depuis, je n’ai jamais cessé d’explorer les « mystères de Paris ». Il m’arrivait, vers neuf ou dix ans, de me promener seul, et malgré la crainte de me perdre, d’aller de plus en plus loin, dans des quartiers que je ne connaissais pas, sur la rive droite de la Seine. C’était en plein jour et cela me rassurait. Au début de l’adolescence, je m’efforçais de vaincre ma peur et de m’aventurer la nuit, vers des quartiers encore plus lointains, par le métro. C’est ainsi que l’on fait l’apprentissage de la ville et, en cela, j’ai suivi l’exemple de la plupart des romanciers que j’admirais et pour lesquels, depuis le XIXe siècle, la grande ville – qu’elle se nomme Paris, Londres, Saint-Pétersbourg, Stockholm – a été le décor et l’un des thèmes principaux de leurs livres. (...)

Pour ceux qui y sont nés et y ont vécu, à mesure que les années passent, chaque quartier, chaque rue d’une ville, évoque un souvenir, une rencontre, un chagrin, un moment de bonheur. Et souvent la même rue est liée pour vous à des souvenirs successifs, si bien que grâce à la topographie d’une ville, c’est toute votre vie qui vous revient à la mémoire par couches successives, comme si vous pouviez déchiffrer les écritures superposées d’un palimpseste. Et aussi la vie des autres, de ces milliers et milliers d’inconnus, croisés dans les rues ou dans les couloirs du métro aux heures de pointe.

C’est ainsi que dans ma jeunesse, pour m’aider à écrire, j’essayais de retrouver de vieux annuaires de Paris, surtout ceux où les noms sont répertoriés par rues avec les numéros des immeubles. J’avais l’impression, page après page, d’avoir sous les yeux une radiographie de la ville, mais d’une ville engloutie, comme l’Atlantide, et de respirer l’odeur du temps. À cause des années qui s’étaient écoulées, les seules traces qu’avaient laissées ces milliers et ces milliers d’inconnus, c’était leurs noms, leurs adresses et leurs numéros de téléphone. (...)

Les thèmes de la disparition, de l’identité, du temps qui passe sont étroitement liés à la topographie des grandes villes. Voilà pourquoi, depuis le XIXe siècle, elles ont été souvent le domaine des romanciers et quelques-uns des plus grands d’entre eux sont associés à une ville : Balzac et Paris, Dickens et Londres, Dostoïevski et Saint-Pétersbourg, Tokyo et Nagaï Kafû, Stockholm et Hjalmar Söderberg.

J’appartiens à une génération qui a subi l’influence de ces romanciers et qui a voulu, à son tour, explorer ce que Baudelaire appelait « les plis sinueux des grandes capitales ». Bien sûr, depuis cinquante ans, c’est-à-dire l’époque où les adolescents de mon âge éprouvaient des sensations très fortes en découvrant leur ville, celles-ci ont changé. Quelques-unes, en Amérique et dans ce qu’on appelait le tiers-monde, sont devenues des « mégapoles » aux dimensions inquiétantes. Leurs habitants y sont cloisonnés dans des quartiers souvent à l’abandon, et dans un climat de guerre sociale. Les bidonvilles sont de plus en plus nombreux et de plus en plus tentaculaires. Jusqu’au XXe siècle, les romanciers gardaient une vision en quelque sorte « romantique » de la ville, pas si différente de celle de Dickens ou de Baudelaire. Et c’est pourquoi j’aimerais savoir comment les romanciers de l’avenir évoqueront ces gigantesques concentrations urbaines dans des œuvres de fiction. (...)

« Être né en 1945 « m’a rendu plus sensible aux thèmes de la mémoire et de l’oubli »
D’être né en 1945, après que des villes furent détruites et que des populations entières eurent disparu, m’a sans doute, comme ceux de mon âge, rendu plus sensible aux thèmes de la mémoire et de l’oubli.
Il me semble, malheureusement, que la recherche du temps perdu ne peut plus se faire avec la force et la franchise de Marcel Proust. La société qu’il décrivait était encore stable, une société du XIXe siècle. La mémoire de Proust fait ressurgir le passé dans ses moindres détails, comme un tableau vivant. J’ai l’impression qu’aujourd’hui la mémoire est beaucoup moins sûre d’elle-même et qu’elle doit lutter sans cesse contre l’amnésie et contre l’oubli. À cause de cette couche, de cette masse d’oubli qui recouvre tout, on ne parvient à capter que des fragments du passé, des traces interrompues, des destinées humaines fuyantes et presque insaisissables.

Mais c’est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l’oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l’océan.

 

 

 Modiano Patrick, photo © C.Hélie Gallimard

榮膺2014年諾貝爾文學獎的法國作家帕特里克.莫迪亞諾在斯德哥爾摩頒典獎禮上的致辭裡談及他心愛的主題:寫作。回憶、愛情、城市、孕育他作品的童年、他文學創作所紮根的土地,德國佔領下的巴黎…… 他是一個直率的人,不善言辭,他提醒我們寫作是在寂靜和退隱中進行的,文學作品是在遠離媒體和城市喧鬧的寂靜中誕生的。我們從他的演講辭中摘錄幾段以饗讀者。

寫作是孤獨而奇特的行為
一個作家,至少說一個小說家,經常是拙於言辭的。如果我們回顧一下語言學習中書寫與口語的分別,可以說小說家在書寫方面比口語表達更具天份。他習慣於緘默無語,如果他想浸潤於某種氣氛中,他必須融入人群,若無其事地傾聽各種對話;如果他想參與其中,勢必謹慎地提出一些問題,以便更好地了解週遭的男男女女。他說話總是吞吞吐吐,這是他寫作時塗改刪削的習慣所致。當然,在東刪西削之後,文筆可能變得簡潔剔透。但說話卻不允許你有餘暇推敲琢磨。
寫作是一個孤獨而奇特的行為。你在開始寫一部小說的頭幾頁時,常常會感到氣餒。每天,你彷彿走錯了路。極想往回走,另覓新徑。我勸你不要屈服於這個誘惑,還是沿老路走。這好比冬夜駕車,路面結冰濕滑,視線模糊。你別無選擇,你不能倒車,必須繼續往前駛去,心中對自己說路面很快會變得順暢、煙消霧散,豁然開朗起來的。

在一本小說即將大功告成之際,你彷彿覺得它開始離你而去,變得自由自在起來,就好比暑假前一天,課堂上的小學生心不在焉,喧嘩吵鬧,聽不進老師講課。我甚至還想告訴你,在你寫最後幾段文字時,你所寫的書似乎對你有種敵意,極想離你而去。你剛寫完最後一個字,他便永遠離開你了。一切都完了,它再不需要你,它已把你完全忘記。從今以後,只有讀者提醒它的存在。這時,你會覺得若有所失,感到被人拋棄。

這種小說家和讀者之間的親密和互補關係,我想在音樂領域也存在。我一直以為寫作接近音樂,但遠不及音樂純淨。我始終羨慕音樂家,我覺得他們從事比小說更高尚的藝術創作。我也羨慕詩人,他們比小說家更接近音樂家。我童年時期曾寫過詩,正因為如此,我對某處讀到的這段話便特別心領神會:「蹩腳詩人蛻變成了散文家。」

一個小說家面對自己的作品缺乏清晰的認識和批判的空間,這對我或對其他小說家而言,其原因均出自這一現象:當你每寫一部新小說時,它便會將前一部抹去,以至你好像完全把它忘記了。我想我的小說是以一種斷斷續續的方式、接二連三的忘卻寫作成的。但往往同樣的面龐,同樣的姓名,同樣的地方,同樣的語句來回出現,好像在半睡眠狀態中織成的掛氈上的圖案。半睡眠狀態或白日夢。小說家往往是一個夢遊者,他是如此深入他所寫的內容,致使人們擔心他會不會在穿過馬路時被汽車輾得粉身碎骨。但人們卻忽略了夢遊者的極端精確性,他們可在屋頂行走而從不跌下來。

佔領下的巴黎,一座「彷彿失去自己」的城市
敵佔下的巴黎的確是一座奇特的城市。表面上,生活像「往常」一樣在繼續:劇院、電影院、音樂廳、餐廳照常營業,收音機裡傳出歌聲,劇院和電影院裡的人甚至比戰前還多。這些地方彷彿成了避難所,人們挨肩擦背,聚集在一起以求得安全感。但一些不尋常的跡象顯示出巴黎已不復往昔。由於沒有了汽車,她變成了一座寂靜的城市,在這寂靜中可聽到樹葉的沙沙聲、馬蹄的嗒嗒聲、路上行人雜沓的腳步聲以及城市的喧囂聲。冬天傍晚五時燈火管制下街道闃然無聲,這時連一星燈光都被禁止,全城漆黑,這座城市彷彿倏然消失了。正如佔領者納粹份子說的:一座「沒有視覺」的城市。大人和小孩可以瞬息間消失得無影無蹤,朋友聚會,欲言又止,吞吞吐吐,談話毫不推心置腹,因為大家都感到一種威脅在空中遊蕩。

在這惡夢般的巴黎,人們隨時會成為一個告密、地鐵出口一陣亂槍掃射下的犧牲品。在和平時期素昧平生的陌生人之間的冒險相會,在宵禁的黑夜裡萌生的沒有明天的脆弱的愛情。而從這些無望的短暫愛情、可怕的遭遇中卻誕生了一批無辜的新生命。因此,敵佔下的巴黎對我而言,總是揮之不去的漆黑的夜。沒有她也就沒有我。這個巴黎不住地纏繞着我,她偷偷點亮的微光常浸潤我的書頁。
這也證明了一個作家,即使他沒有直接投身一場政治運動,即使他彷彿孤身隻影、瑟縮在所謂的「象牙之塔」裡,身上勢必打下不可磨滅的他出生時代的印記。如果他寫詩,詩歌裡展現的必然是他生活的那個時代的圖景,這些詩絕不會產生在其他時代。

托爾斯泰和他所描寫的天地融為一體
最後,一個小說家究竟應置身於怎樣的正確位置?我認為他應站在生活的邊緣來描寫它。因為你若置身其中,它便在你眼前呈現出模糊的圖像。這個細微的距離並不阻礙那作家固有的融入角色的能力,無論是他筆下的人物抑或現實生活中他藉以創作的男男女女。福樓拜說:「包法利夫人,這便是我。」而托爾斯泰很快便和那一夜晚,在俄羅斯的一個火車站,他目賭的臥軌女郎融為一體。這個融入的能力可去得很遠,以至托爾斯泰和他描繪的天地融為一體,他捕捉了一切,甚至安娜.卡列妮娜眼睫毛的微微顫動。這個狀態和自戀的那喀索斯完全相反,它意味着忘我和全神貫注,以便接受最細微的事物。這也意味着某種孤獨。但這不是自我封閉,它可使你精神高度集中,頭腦特別清晰地面對外部世界並把它移植到小說中。

我始終認為詩人和小說家為被日常生活淹沒的眾生和表面平凡的事物塗上一層神秘色彩,而這全賴一種專注和跡近催眠方式的對事物的觀察。在他們的眼中,日常生活被裹在一種神秘色彩中並獲得一種磷光。這光第一眼看不見,它隱藏在人和物的深處。揭示這深藏於各人心靈深處的神秘和磷光,正是詩人、小說家和畫家的職責。

城市的地形可讓你一生的回憶湧上心頭
巴黎是我出生的城市,和我的童年回憶緊密相連,而這回憶竟如此強烈,以至從今以後,我從未停止過探索「巴黎的秘密」。我九歲或十歲時,開始一個人外出漫步,雖然害怕迷路,但卻愈走愈遠,走到我陌生的城區,走到塞納河的右岸。這是大白天,因此我心裡踏實。到青春少年期,我盡力克服恐懼感,深夜出遊,乘地鐵深入更遠的城區。就這樣開始學會認識自己的城市。我這樣做,是以我心儀的大部份作家為榜樣,十九世紀以來,一些大城市如巴黎、倫敦、聖彼得堡、斯德哥爾摩成了他們小說的背景和重要的題材之一。對於生於斯長於斯的那些作家,隨着歲月的流逝,每個城區,每條街道均勾起了他們的回憶,邂逅、憂傷、幸福的時刻。有時候,同一條街道和一連串的回憶聯繫在一起,致使城市的地形令你一生的回憶一個又一個地湧現在你的腦海,彷彿你具有解開隱跡紙本的層層筆跡的本領似的。其他人的生活,那千千萬萬在街上,高峰時間在地鐵走道擦肩而過的陌生人的生活都浮現在你的腦海。

因此在我年輕的時候,為幫助我寫作,我經常尋找一些巴黎的老年鑑,尤其將人名連同街道和建築門牌編目的年鑑。我一頁一頁地翻着,整個城市似乎呈現在我眼前。但這如同大西洋神島,是一座被海水吞沒的城市。我似乎聞到時間的氣息,隨着時光的流逝,這些成千上萬的陌生人留下的唯一足跡,便是他們的姓名、地址和電話號碼。

消失、身份、似水流年的主題常和一個城市的地形息息相關。這便是為甚麼十九世紀以來,城市便成了小說家創作的題材,他們其中的佼佼者都和一座城市連在一起:巴爾扎克和巴黎、狄更斯和倫敦、陀斯妥耶夫斯基和聖彼得堡、東京和永井荷風、斯德哥爾摩和 Hjalmar Söderberg。

我是屬於受這些作家影響的一代人,也希望探索波德萊爾所說的「大都會曲折幽深處」。半個世紀以來,也就是說和我同輩的青少年在探索自己的城市而深受感動的那個年代以來,城市已今非昔比。在美洲,在人們所謂的第三世界,城市變成了「巨無霸」,其規模令人不安。居民被隔離住在遭遺棄的城區裡,社會氣氛緊張充滿敵意。貧民窟愈來愈多、擴展開來。直到二十世紀,小說家對城市尚葆有多少「浪漫」的情懷,與狄更斯和波德萊爾差別不大。因此我極想知道未來的作家們將如何在他們的小說中展現這些碩大無朋的城市的。

由於生於1945年,令我對回憶和忘卻的主題特別敏感
生於1945年,在城市被摧毀,許多人消失之後,令我像其他和我同齡的人一樣,對記憶和忘卻的主題特別敏感。
非常不幸,我彷彿覺得追憶似水年華,已經不能像馬塞爾.普魯斯特那樣全力和坦率地進行了。他筆下的社會仍然相對穩定,這是十九世紀的社會。普魯斯特的回憶具體而微地重現了昔日的時光,活像一幅生動的圖畫。我覺得今天回憶自身已變得不十分可靠,並需與失憶症和忘卻搏鬥。由於這層因素,這覆蓋着一切的厚重的忘卻,我們只能捕捉到往昔的斷片、不間斷的足跡,那流逝的、幾乎不可捉摸的人類的命運。

然而在忘卻這張大白紙前,將被抹去一半的文字重新顯現出來,就好比冰山從大洋的水面浮現出來一樣,這大概便是小說家的天職。