Poésie 詩詞

Texte: Bernard Pokojski / Photos : Roger van Rogger, Centre de promotion culturelle, Université de Toulouse-Le Mirail

 
  Roger van Rogger, un maudit
羅歇.梵.羅歇,一個受冷落的人
 
 

« Aucune ligne n’ayant jamais été écrite, aucun mot n’ayant jamais été prononcé sur lui de son vivant, il nous a paru indécent de faire appel à quelqu’un maintenant pour vous le présenter. Nous avons pris le parti de vous laisser le découvrir vous-même à travers ces textes et ces poèmes et surtout par le contact direct avec l’œuvre. »

Ainsi s’exprimait Catherine van Rogger dans l’avant-propos du numéro 4 de Pictura-Edelweiss, édité par Toulouse-Le-Mirail en 1984. Comment l’ai-je découvert ? Je ne sais plus, sans doute fasciné par le mystère de celui qui déclarait déjà en 1969 « en cherchant une trace de mon existence, je n’en ai trouvé nulle » pour conclure par « je reviendrai quand tout sera éteint ». Cet article cependant voudrait dans la mesure du possible présenter quelques étapes de ce qu’il appelait à la suite de Simone Weil sa longue « montée vers le bas ».

Il naquit à Anvers en 1914, sous le nom de Roger Silberfeld, dans une famille juive polonaise, « fils de riches ». A trois ans, il perd sa mère et dès l’âge de sept ans, se met à fréquenter les églises et les musées anversois découvrant les grands maîtres flamands tels que van Eyck, van der Weyden Rubens... Sa vocation de peintre était née. On le voit aussi dans l’atelier de James Ensor et en 1927, il présente sa première exposition à Gand... Néanmoins, c’est vers la poésie qu’il semble d’abord se tourner publiant sa première plaquettte, La vache creuse en 1929.

Il avouera aussi avoir appris à lire dans la revue dadaïste Ça ira et dans Martin Eden de Jack London. « Ma révolte s’étendait et la publication de quelques méchants vers était ma prise de position officielle. Les bourgeois étant pour moi l’amour refusé. Puis je fus en butte à l’injustice dans cette scolarité qui me transformait, aux yeux des pions, en témoin gênant d’autre chose ». A dix-huit ans, il s’insurge définitivement contre sa famille qui le destinait au Barreau alors qu’il n’était que peinture et poésie. « Je partis chez des pêcheurs. J’y partis par intuition que la poésie était un synonyme d’action intense. Seul enfin, sans titre, sans classement, dans ma chambre de la dune... »

Il prendra alors le nom flamand de Roger van Rogger, « Roger fils de Roger ». « Je décidai d’être ma propre race et mes propres ancêtres ». Puis, « un dimanche soir je me retrouvais dans une ferme entourée de terres limoneuses où se noyait un soleil de Van Gogh, un soleil sans lendemain. Je voulais passer dans la roulotte, au milieu des vaches, des moutons, des polders et des travailleurs frustes à quelques milles d’une plage mondaine où j’avais vécu autrefois, un an plus tôt, au milieu d’un groupe de jeunes bourgeois proustiens et tennismen ». Il deviendra manœuvre dans cette ferme et vivra du travail de ses mains parmi l’hostilité des hommes nordiques, muets et le froid de cinq heures du matin. A côté de lui, les chiens hurleront à la lune et il lira Hurlevent à la bougie, accompagné du « vent fou des mers du Nord » qui balayait cet immense espace salin. Il préférait cela à Latem, le Barbizon flamand et aux expositions de Gand, malgré la maréchaussée qui suspectait ses papiers trop en règle. Pilleur de banque, déserteur, contrebandier de drogue ? « J’étais un anarchiste et ils ne savaient pas pourquoi. Je les voyais se transformer en S. S. pour la première fois de ces délicieuses années où le Reichstag brûlait. » Et cela arriva, « ce 10 mai 1940, où je fus arrêter pour poésie »... « Je traversai quelques villes sous les crachats... Dans mon dossier figurait un seul document à ma charge : une plume de coq ! — Et ça ! disait le juge ! ... en montrant cette plume qui avait brillé le neuf mai, sur le chemin du no man’s land frontalier que j’habitais alors et que j’avais ramassée car elle portait les couleurs de la mer et je le sais maintenant, celles de la liberté. » Une « plume de coq », n’est-ce pas merveille de poète alors que l’Europe allait basculer dans la bassesse et la bestialité ?

Roger van Rogger fut donc enfermé au camp de Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales avec sans doute d’autres indésirables... Mais il ne tardera pas à sympathiser avec les geôliers du lieu et s’évadera pour rejoindre dans les Basses-Alpes Jean Giono qu’il admirait de longue date.

Celui-ci l’employera comme métayer dans sa ferme du Criquet mais leurs relations se dégradent assez vite car Roger van Rogger était resté une sorte de rustre toujours emporté contre son employeur. Finalement, est-il dit, pour une histoire de cochon promis que Giono refusa de lui donner, van Rogger quittera la ferme du Criquet, mais plus sérieusement il craignait avant tout une dénonciation. Il s’engagera dans la Résistance et fera la connaissance de René Char mais ayant toujours le sentiment d’être traqué, il n’aura d’autre issue que l’exil. En 1943, il est au Pays basque et s’embarque pour le Brésil. « Rio commença mal. La compagnie française qui m’y amena me confisqua mes bagages (...) Me voici sans valise, sans un sou dans le « bonde », ces tramways brinquebalant... »

Il réussira cependant à convaincre un antiquaire portugais à lui payer d’avance un grand tableau décoratif. « Je me retrouvais seul devant ma toile ; j’avais (...) découvert une pension sordide et une chambre pour peindre. Je retrouvais la peinture (...) devant la fenêtre ouverte et sa touffeur d’exil. » Il s’installera à Sao Paulo qui était « plus disposée à regarder une toile, discuter pour créer une dimension dont Rio la folle n’avait pas besoin. J’y devins assez connu. Plus tard j’y fus, après Diego Riviera, le premier exposant individuel du nouveau Musée d’Art moderne ».

A Rio, il avait vécu dans la misère et n’avait vendu aucun tableau car, avouera-t-il, il n’avait pas le rythme qu’il fallait, lent et intemporel... Toutefois en 1949, le Musée d’Art moderne de New-York fera l’acquisition d’une grande Descente de Croix et certains critiques américains le mettront même avant Picasso, Pollock, Chirico, Morandi sans que le milieu artistique ne lui ouvre aucune porte... Roger van Rogger regagnera alors la France en 1950, lassé de sa vie plus que précaire au Brésil et à son retour, il retrouve René Char qui l’invite chez lui à l’Isle-sur-la Sorgue. Ils se découvriront des affinités poétiques et van Rogger tentera à la même époque de se faire connaître à Paris où il avait trouvé un atelier... Mais très vite ses relations avec René Char se détérioreront irrémédiablement car van Rogger refusait tout compromis et pour lui l’œuvre et la vie se confondaient. Il aura en quelque sorte poussé l’idéologie romantique puis surréaliste jusqu’à ses dernières conséquences, refusant toute forme de carrière afin de garantir à son expérience son authenticité. « Anarchisme politique et métaphysique ». L’art était à ses yeux un mode d’existence à part entière. Char, lui, s’accommodait très bien « du rapport putain-maquereau », formule pas très élégante, avouons-le, qui fait de la prostitution de l’artiste le prix à payer pour que l’œuvre existe et façon d’acquiescer à la rétribution financière ainsi qu’à la reconnaissance critique. « Tu n’as rien compris, dans la vie il y a le rapport putain-maquereau. Ta pureté, tu la gardes pour ton œuvre. Tu es bien gentil mais un peu con, fous-le camp. » Van Rogger s’installera donc en 1952, dans le Midi de la France, à Bandol, sur la colline de Vallongues, où il travaillera jusqu'à sa mort en 1983.

Il se tournera définitivement vers « l’attitude spirituelle » et l’abstraction produisant dans le même temps une abondante œuvre poètique. Il essaiera bien de montrer ses œuvres à Paris mais à chaque fois il essuiera un refus. Il passera alors ses journées dans son atelier et évitera de tomber dans la misère la plus sordide grâce à une admiratrice et amie américaine qui lui achètera régulièrement des toiles. Ayant perdu tout espoir d’exposer, il réalisera des toiles immenses impropres à l’exposition dans les musées et ornera Vallongues de sculptures énormes. A sa mort, il nous laissera des milliers de toiles, gouaches, dessins et des centaines de poèmes. Sa femme Catherine créera la fondation Van Rogger qui exposera ses œuvres à Bandol jusqu’en 2009. Mais suite aux décès de Catherine van Rogger puis de Christine, leur fille, la fondation fermera. La fille cadette, Hélène, est-il dit, expose une partie des œuvres dans le Cotentin...

Van Rogger avait prédit qu’il reviendrait quand tout serait éteint, mais il est encore très difficile de savoir où il est.
Celui qui s’endort dans les pays du froid
la neige le recouvre.
Et le monde est glacé
d’entendre des silences.

Visite
Nous finissions le repas quand le froid se répandit
dans la blancheur de Novembre mariée au pourrissement des ombres
on entendit un bruit de pas
c’était le battement rythmé des pieds qui descendaient dans
la cave où je vivais.
Dans cette cave il n’y avait que le froid. C’était une cave
à charbons blancs comme le givre.
La personne toussa, descendit les marches, frappa à la porte
Qui est-ce ? criais-je à Novembre, à l’impossibilité de me
retrouver, au monde des planqués, à la nuit éternelle des villes
à la laideur des campagnes urbanisées
Qui est-ce ?
C’est une pomme, me répondit l’arbre.
          (14/11/1966)

 

 


 R. van Rogger (1914-1983) à Vallongues en 1977

他生前,從未有片言隻語談到他,現在要央人把他介紹給你,似乎不太合適。我們決定由你自己透過閱讀他的詩文,尤其直接接觸他的作品去了解他。」

他的妻子卡特琳.梵.羅歇 (Catherine van Rogger) 1984年在由 Toulouse-Le-Mirail 出版的雜誌《Pictura-Edelweiss》第四期的前言裡這樣說道。而我是怎樣發現他的呢?我也說不清。也許是被他的神秘所迷惑,他在1969年曾這樣說道:「我尋找我存在的足跡,但卻遍尋不着。」最後他總結道:「當一切熄滅時,我將回來。」這篇短文嘗試介紹他在法國哲學家西莫內.韋伊 (Simone Weil) 之後所說的漫長的「向下攀升」的幾個階段。

他於1914年誕生於安特衛普一個波蘭籍的猶太人家庭,取名羅歇.西貝菲爾德 (Roger Siberfeldl),是「富家子弟」。三歲喪母,七歲開始常去安特衛普的教堂和博物館,發現了佛拉芒的藝術大師如van Eyck,van der Weyden,魯本斯 (Rubens) 等。他有繪畫天份。他也常去詹姆斯.恩索爾 (James Ensor) 的畫室。1927年,他在根特 (Gand) 舉辦了第一個畫展。然而他的興趣轉向了詩歌,於1929年發表了一本小詩集《瘦削的母牛》(La vache creuse)。

梵.羅歇自認通過閱讀達達派的雜誌《Ça ira》及馬克.吐溫的《馬丁.伊登》提高自己的閱讀能力。他說「我的反叛情緒膨脹開來,我發表了幾首不懷好意的詩以闡明我的正式立場。我不見容於中產階級,在學校裡遭不公平對待,在學監們眼中,我成了目睹其他一些事情的尷尬的證人。」十八歲那年,他和家裡人徹底鬧翻了。他們要他當律師,而他卻只熱衷於繪畫和詩歌。「我出走了,來到漁人之家,我憑直覺認為詩歌是激烈行動的同義詞。最後,我形單影隻,沒有稱號,沒有級別,蟄居在沙丘上的一間房裡……」

他取了一個佛拉芒名字羅歇.梵.羅歇,即「羅歇之子羅歇」。他說:「我決定忠於自己的種族,自己的祖先。」接着,「一個星期天晚上,我發覺身處一座被淤泥包圍、沐浴在如梵高畫中的夕陽、一個沒有明天的夕陽下的農莊。我真想躲在一架有篷馬車裡,生活在牛羊群中,在圍墾地和粗野的勞動者中,遠離那幾里外的豪華沙灘。一年前,我曾在那裡和一群普魯斯特式的年輕中產者和網球運動員廝混在一起。」他在這座農莊當小工,在沉默寡言、充滿敵意的北方人和凌晨五時的寒氣中靠雙手養活自己。在他身旁,一群野狗朝天吠月,而他卻在燭光中,在掃過廣袤的鹽鹼地、從北方的海面吹來的狂風中讀着《Hurlevent》。和 Latem,佛拉芒的巴比松以及根特的展覽相比,他更喜歡這裡。儘管憲兵們懷疑他的證件的真偽。他是一名銀行劫匪?逃兵?又或者一名毒販?「我是一名無政府主義者,而他們卻不明白。在德國國會大廈焚燒以來的這些年裡,我第一次見到他們變成了納粹德國的黨衛隊。」事情終於發生了。「1940年5月10日,我因寫詩被逮捕。」「在眾人的唾棄下,我走過了幾個城市…… 在我的檔案裡只有一項控罪:一根公雞羽毛!法官指着那根羽毛喝道:這是甚麼?5月9日,在我居住的那荒無人煙的邊境的一條小路上,那根羽毛在閃着光,我愛它那大海的顏色,把它撿了起來,現在我才明白,這是自由的顏色。」一根「公雞羽毛」,竟成了詩人的奇遇,另一方面,是否意味着歐洲正向墮落和獸性走去?

羅歇.梵.羅歇和其他一些不受歡迎的人一起,被關在位於比利牛斯的聖西普里安集中營裡…… 但他很快便和獄卒相處融洽,成功越獄,逃到下阿爾卑斯山地區,投奔和他相識已久的讓.喬諾 (Jean Giono)。

喬諾僱用他在農莊當佃農,但由於他性格粗野,常和主人發脾氣,他們的關係很快便變得惡劣起來。最後,據說是為了一隻豬,喬諾原先答應過送給他,卻沒有兌現。他一氣之下便離開了農莊。但嚴格地說,他是心存恐懼,生怕被人揭發才離去的。他參加了抵抗運動並認識了勒內.夏爾 (René Char)。但他心裡總是懷疑被通緝,最後只得走上流亡的道路。1943年他來到巴斯克,登上開往巴西的輪船。「在里約熱內盧一開始就不順利。法國輪船公司把我帶到這裡,卻沒收了我的行李…… 我囊橐空空,不名一文,擠在搖晃前行的有軌電車裡……」

他成功說服一名葡萄牙古董商預先付款訂購了他的一幅尺寸頗大的裝飾畫。「我孤身一人面對畫布,我找到了一間邋遢不堪的膳宿公寓及一個房間來作畫。在敞開的窗前,我又找到了繪畫以及它在流亡生活中散發的熱力。」他在聖保羅安置了下來,這個城市「更有閒情面對繪畫,可創作一些瘋狂的里約熱內盧不需要的尺寸更大的繪畫。我在聖保羅變得相當知名。後來,竟在迪戈.里維拉 (Diego Riviera) 之後,成了於新現代藝術博物館舉辦個展的第一位為畫家。」

在里約熱內盧,他生活貧困潦倒,沒賣出一幅畫,他承認這是因為他沒有按進度作畫,工作緩慢,沒時間概念。
然而1949年,紐約現代藝術館接受了他的巨幅畫作《Descente de Croix》,甚至把他列在畢加索、波洛克 (Pollock)、吉里科 (Chirico)、莫蘭迪 (Morandi) 之前,藝術界的大門為他敞開。1950年,厭倦了巴西的貧困生活,他回到了法國,並和勒內.夏爾重逢。夏爾還把他邀請到位於 L’Isle-sur-la Sorgue 的家中。他們在詩歌方面意氣相投,這一時期,梵.羅歇還努力使自己在巴黎被人認識,並找到了一間畫室。然而他們的友誼很快便無可挽會地惡化起來,原因是梵.羅歇拒絕一切妥協,對他而言,藝術和生命是融為一體的。他可說將浪漫主義及超現實主義思想推到了極限,為保證自己的藝術創作的真實而拒絕任何形式的職業。「政治和形而上的無政府主義」。在他眼中,藝術完全是一種生存方式。夏爾卻不同,他懂得將就和隨俗,接受「妓女和皮條客的關係」。這規則雖然不雅,卻保證了藝術家的創作,使他們的作品有價,並得到批評界的認可。夏爾這樣對他說:「你一點都不明白,生活上存在妓女和皮條客這種關係。你的純潔,盡可用在你的藝術上。你是個好人,但有點天真,你走吧。」1952年,梵.羅歇在法國南部位於瓦隆格丘陵的邦多勒 (Bandol) 定居了下來,他在這裡工作,直至1983年離開人世。
他最終轉向「精神探索」和抽象,同時創作了數量頗豐的詩歌。在巴黎,他努力將自己的畫作介紹給人,但每次都失敗。他困在自己的畫室裡渡日,所幸一位仰慕他的美國女人定期買他的一些畫,他才不至墮入貧困的深淵。完全失去展出自己作品的希望,於是他創作了一些不適於在博物館展出的巨型畫作,並製作了巨大的雕塑作品來裝飾瓦隆格。他為後人留下了數以千計的油畫、水粉畫、素描及幾百首詩歌。他的妻子卡特琳創立了梵.羅歇基金會,在邦多勒展出丈夫的作品,直至2009年。然而隨着她和他們的長女克里斯蒂娜 (Christine) 的離世,基金會亦告解散。幼女海倫 (Hélène) 據說在科唐坦 (Cotentin) 展出了父親的一些作品。

梵.羅歇曾經預言,當一切熄滅時,他將回來。然而現在他究竟在何方,卻令人茫然。
在寒冷的國度入睡的人
為白雪所覆蓋。
萬籟俱寂
天寒地凍。