Théâtre 戲劇

Par Gérard Henry

 
  Pat-to Yan, réalisme magique et critique sociale
甄拔濤:虛幻現實主義與社會批判
 
 


A Concise History of the Futur de Yan Pat-to au New Vision Arts Festival

La scène théâtrale de Hong Kong est de plus en plus intéressante et vivante. De petits théâtres comme On & On au Cattle Depot Artist Village encouragent les jeunes auteurs et mettent en scène ou en lecture des pièces étrangères traduites en cantonais, comme par exemple, en ce qui concerne la France, des pièces de Bernard Marie Koltès, Joël Pommerat ou Jean Luc Lagarce parmi les auteurs les plus populaires en ce moment en Europe. Mais on note aussi l’arrivée de jeunes dramaturges hongkongais qui mettent en scène leurs propres productions et sont même invités à l’étranger à les présenter. Ainsi cet été Janice Sze Wan Poon a-t-elle été invitée par The Theatre Practice de Singapour à présenter sa pièce Fleet, un monologue sur la vie et le départ. Pat-to Yan que nous présentons ci-dessous est aussi l’un de ces auteurs. Sa pièce A Consise History of Future est à l’affiche du New Vision Arts Festival en novembre après avoir été sélectionnée et jouée à Berlin dans le cadre du Berliner Festspiele Theatertreffen Stückemarkt 2016 où ce fut la première pièce chinoise sélectionnée dans ce festival.

« je perçois que le monde devient de plus en plus proche d’une catastrophe à laquelle personne ne pourra échapper »
Pat-to Yan est à la fois enseignant, metteur en scène et auteur. Diplômé de l’Université de Hong Kong en littérature anglaise, et il a aussi une maîtrise en sociologie de l’université chinoise, et en dramaturgie de Royal Holloway, Université de Londres. Passionné de théâtre mais aussi d’arts visuels, Pat-to Yan est également un grand lecteur, familier de l’œuvre des philosophes Michel Foucault et Jürgen Habemas.

A Consise History of the Future est la première pièce d’une série intitulée Posthuman journey (le voyage posthumain). La deuxième est intitulée Posthuman condition (la condition post-humaine). Pat-to Yan s’est expliqué sur son travail dans un entretien avec Paroles :
« Je réfléchis sur la responsabilité d'un écrivain. Il doit consacrer ses efforts et son temps à penser à la condition humaine la plus contemporaine : à quels dangers et défis les hommes sont-ils confrontés ? Quels principes devraient-ils mettre en avant face à la situation présente ? Et je perçois que le monde devient de plus en plus proche d’une catastrophe à laquelle personne ne pourra échapper. S’il en est ainsi, pouvons-nous, écrivains, explorer et enquêter avec suffisamment de profondeur sur cette condition humaine ? Ou avons-nous des chances de l’éviter ? Cette seconde pièce traitant de la condition humaine dans un avenir proche, je l’ai intitulé Posthuman condition (la condition post-humaine). »

« A l’origine de A Consise History of the Future, il y a la situation politique de Hong Kong au sein de la Chine, mais le thème central est quelque chose de beaucoup plus universel qui peut être partagé par tous les êtres humains, ce sont les éthiques politiques et la morale individuelle en politique spécialement dans un âge de crises et la question de savoir comment nous pouvons agir dans cette période de crise ? »

Cette pièce A Consise History of the Future (Une histoire concise du futur) nous transporte dans un monde étrange, un peu surréaliste ou surnaturel qui évoque les suites d’une catastrophe humaine donnant l’impression qu’un futur menaçant est suspendu au-dessus des destinées humaines. Il y a deux lignes de temps, l’une vient du futur, l’autre du présent, ces deux espace-temps semblent parallèles mais il y a parfois des interactions entre eux. Nous éviterons de raconter le déroulement ou l’intrigue qui se dévoile au long de la pièce, mais dès le début on sait que le personnage principal, l’« Outsider » est un homme venant du futur et qu’il veut aller en direction du nord emportant une boite dont on ignore le contenu, à contre-courant de tout le monde qui veut se diriger vers le sud.
« Je présume, précise Yan, qu’il y aura une guerre dans ce pays et qu’à ce moment tout le monde veut fuir la guerre, c’est pourquoi ils migrent vers le sud, car le sud est plus paisible, sauf l’Outsider qui a décidé d’aller vers le nord, juste à l’opposé. Ces opposés entre nord et sud sont intéressants à mes yeux, mais je ne mentionne pas de lieux précis dans la pièce, car je ne veux pas limiter l’imagination du public, on peut dire que le Nord est le centre et le sud, les régions périphériques. Je pense que dans les 5 000 ans d’histoire de la Chine les conflits ont toujours été entre le centre et ses marches frontalières.

Si Yan ne mentionne aucun lieu, il ne nomme non plus aucun de ses personnages, une idée influencée par le théâtre de Joël Pommerat, avoue-t-il, dont il a d’ailleurs mis en scène la pièce Je tremble dans le passé. Ses personnages n’ont pas vraiment de réalité psychologique mais un fort pouvoir symbolique, leur désignation est très expressive : l’Outsider, l’Homme qui a vu la souffrance, la Fille sinistre, la Dame au squelette blanc, le Membre d’un parti politique, l’Accusé, l’Homme en colère, Antigone, l’Homme qui existe sans pulsation cardiaque, le Robot, le Président, le Chat avec un trou. A regarder cette liste, on voit tout de suite que nous sommes dans une sorte de réalisme magique qui selon Yan, n’existe pas seulement dans la littérature de l’Amérique latine mais dans tous les pays. D’ailleurs dans la pièce, on surprend dans une gare la discussion de deux hommes sur le théâtre : « C’est la fin du réalisme, si tu veux écrire sur la cruauté du réalisme, cela ne peut pas être réaliste(...) Vous êtes inconsciemment un écrivain, vous connaissez les limites du réalisme. » On note aussi l’intrusion de mythes populaires chinois comme « la Dame au squelette blanc » du Pèlerinage vers l’Ouest ou de mythes européens classiques comme celui d’Antigone, des insertions de thèmes classiques dans le contemporain à la manière du théâtre de l’Allemand Heiner Muller dont Yan ne cache pas l’influence.

« Ce n’est pas notre corps qui prouve que nous sommes en vie, c’est notre mémoire »
Dès le départ, l’Outsider nous dit qu’il ne peut exister que si l’on se rappelle son histoire et c’est pourquoi il vient nous la raconter : « ce n’est pas notre corps qui prouve que nous sommes en vie, c’est notre mémoire ». Le thème de la mémoire est central dans cette œuvre, Yan évoquant Foucault dit que « ce que les hommes ont de plus puissant est leur mémoire qui peut être aussi un moyen de résistance ». Il revient plusieurs fois dans la pièce sur la mémoire, l’Homme qui a vu la souffrance écrit par exemple des mémoires de gens nobles et vertueux pour remplacer les mémoires nauséabondes lourdes à porter des gérontes du pouvoir. « Mémoire et moralité sont appropriés, dit Yan, car beaucoup de riches, notamment en Chine, deviennent discrédités par les actions douteuses qu’ils ont commises et qu’ils cachent et veulent oublier car ils veulent être rappelés comme des hommes vertueux et généreux ».
La Dame au squelette blanc écrit aussi des mémoires pour les robots. Mais ceux-ci qui veulent être parfaitement humains finissent par l’assassiner car elle est la seule preuve que leur mémoire a été créée.

L’une des parties les plus touchantes est l’histoire d’Antigone dont le sens souterrain échappera peut-être à un public ignorant l’histoire chinoise récente mais à aucun Chinois. « Quand j’écrivais la pièce, j’ai lu un livre à propos de Tiananmen et d’une sœur désespérée par la mort de son frère tué sur la place et par le fait qu’il avait été incinéré sur le champ et qu’on lui avait refusé d’organiser ses funérailles. L’histoire m’a saisi tout de suite, c’était exactement celle d’Antigone, à qui Créon interdisait de donner une sépulture à son frère Polynice, les époques et lieux étaient différents mais on pouvait ressentir les similarités dans les deux situations. » Une autre scène raconte aussi l’histoire de l’Homme en colère dont l’enfant est aussi mort à Tiananmen (suppose-t-on car aucun lieu ni événement n’est identifié) et qui ne peut obtenir justice. « Si votre ennemi est votre pays, comment pouvez –vous faire vengeance ? » se lamente-t-il.

Je n’ai point encore vu la pièce en scène, mais l’écriture en est poétique et parfois humoristique avec quelques êtres étranges comme Le chat qui a un trou et peut voyager librement à travers le temps et l’espace. Yan promet une mise en scène minimaliste, abstraite mais une imagerie puissante et brillante, il a invité un artiste visuel et un designer pour travailler la scénographie en équipe.

Cette pièce est donc une sorte de voyage à la fois dans le temps et dans un espace indéfini, parsemé de rencontres parfois inattendues où se révèle l’identité où les liens qui réunissent les personnages entre eux, au travers des situations qui révèlent une critique de la société, du pouvoir autoritaire et du manque total d’éthique des puissants avec des abus sexuels et des vols d’organes : « Je peux voir le côté sombre ou tragique des sociétés ou des êtres humains dit Yan, mais à la fin, il y a encore toujours un peu d’espace pour un rayon de lumière, "Tant qu’ il y a de la vie, il y a de l’espoir’’ disait Stephen Hawkins ».


 

香港的戲劇界變得愈來愈精彩和充滿新氣象。一些小型劇場,如設於牛棚藝術村的前進進劇場的誕生,或外國劇作家的作品被翻譯成粵語,這一切都大大地為年輕一代的作家和導演帶來鼓舞。同時,也開始有香港的青年劇作家親自執導,作品甚至獲邀請到外國演出。今年夏天,潘詩韵亦是如此應邀到新加坡演出她的《水是枯竭》(Fleet),一齣有關生命和離去的獨白劇。下文介紹的甄拔濤就是其中的一位劇作家。他的《未來簡史》
(A Consise History of the Future) 曾獲邀請到柏林戲劇節中演出並獲頒發2016年柏林戲劇節劇本市集獎項,更是首個入選這藝術節的華人劇本,這劇將於11月在本屆新視野藝術節中演出。

『我感到世界正逐漸逼近一個大災難,而這個災難沒有一個人能躲得過』
甄拔濤既是大學兼任講師,也是劇場編劇及導演,他在香港大學英國文學系畢業,並擁有香港中文大學社會學碩士學位,倫敦大學皇家哈洛威學院的戲劇碩士學位。甄拔濤除了熱愛戲劇和視覺藝術外也非常喜愛閱讀,十分熟悉哲學家福柯 (Michel Foucault) 和哈伯瑪斯 (Jürgen Habemas) 的著作。

《未來簡史》是一個題為《Posthuman journey》(後人類歷程) 系列的第一個作品。第二個作品名為《後人類狀況》(Posthuman condition)。甄拔濤在接受《東西譚》的訪問時對自己的作品有這樣的解釋:
『我一直在思考作為一個作家的責任。他必須全時間和全心全意地去思考現今的人類狀況:人類正面對怎麼樣的危險和挑戰?人們面對現今的狀況應該持守甚麼原則?而我感到世界正逐漸逼近一個大災難,而這個災難沒有一個人能躲得過。若是這樣,身為作者的我們是否可以更深入地探討和調查這人類狀況呢?又或者我們是否可以避免這災難呢?這快將推出的第二個作品,我將它稱為《後人類狀況》。』

『《未來簡史》的創作靈感,有部份來自香港回歸中國後的政治狀況,但當中涉及的主要議題卻是更普及,是可以與全世界人分享的,是有關政治理念和個人的政治操守,特別是在動盪的時期,以及在危機時刻我們應懂得如何反應?』

《未來簡史》這劇帶大家進入一個有點兒超現實和超自然的陌生世界,當中予人的印象是曾經歷過一次人類大災難,讓人感到懸在人類命運的頭上是一個充滿威脅的未來。故事分兩條時間線進行,一是未來的,一是現在的,這兩個時空看似是平行的,但偶然間它們也會互相交錯。我們不方便在此詳述故事內容,但故事一開始,我們便知道主角,這位『異鄉客』是一個來自未來的人,當所有人都向南走的時候,他卻帶着一個不知藏着甚麼東西的盒子拚命地走向北方。

甄拔濤強調:『我猜想這個國家將發生戰爭,而這個時候所有人都想逃避戰禍,所以他們都遷徙到南方,因為那裡比較平靜,除了那異鄉客正好相反,偏要往北方去。在我看來,南北之間的對立很有意思,但我在劇中並沒有明確的指明是甚麼地方,因為我不想限制觀眾的想像力,我們可以說北方就是中央,南方就是外圍地區。我認為,在中國的五千年歷史中,衝突往往都是發生在中央和周邊的地區。』

甄拔濤除了沒有指明地方名外,他亦沒有為任何角色命名。他說這是受到 Joel Pommerat 的戲劇所影響,後者在過去曾以這樣的手法導演《Je tremble》(我顫抖)。這些角色在心理上並沒有真正的存在感,但卻有着極強的象徵意義,他們的稱呼也極之傳神:異鄉客、目擊痛苦的男人、不祥女孩、白骨精、一個黨員、被告、憤怒的男人、安蒂岡妮、沒有心跳的男人、機械人、主席、有洞的貓。看着這名單,讓我們即時明白自己是身處某種虛幻現實主義當中,而甄拔濤認為這種虛幻現實主義並不只在拉丁美洲的文學中出現,所有國家的文學都有。而且,劇中有一段是兩個人在火車站內談論戲劇:『若你想描寫現實主義的殘酷,這根本就不現實 (……) 這是現實主義的終結。你無意中成為一個作家,便知道現實主義的局限。』劇中也可以看到中國傳統神話的影子,如《西遊記》中的白骨精,或歐洲古典神話故事《安蒂岡妮》(Antigone),甄拔濤並沒有隱瞞他是受到德國戲劇大師 Heiner Muller 將古典主題套入當代作品的手法所影響。

『證明我們活着的並不是我們的身體,而是我們的記憶』
一開始,異鄉客就告訴我們,若人們記不起他的故事,他便不能存在,他就是為這原因來向我們講述他的故事:『證明我們活着的並不是我們的身體,而是我們的記憶』。記憶是這作品的中心主題,甄拔濤喚起哲學家福柯的話:『人類最利害的就是擁有記憶,記憶同時也可以成為抵抗的一種方法』。他幾次提到劇中有關記憶的部份,例如,那個目擊痛苦的男人為年老昏庸的當權者寫入德高望重的人的記憶來取代他們本身那些沉重得令人作嘔的記憶。甄拔濤說:『記憶和道德都是強佔得來的,因為不少有錢的人,猶其是在中國,那些人因曾經幹下了不為人道的壞事,又想在後世留下慷慨善良的美名便佔用了別人的記憶』。白骨精也為機械人編寫它們的記憶。但那些想完全成為人類的機械人最後卻殺了白骨精,因為她是唯一能證明它們的記憶是被造出來的。

而劇中最令人感動的部份是安蒂岡妮的故事,不認識中國近代歷史的人可能會不明白故事背後的意義,但是每個中國人都會明白。『當我寫這個劇本時,我看了一本有關天安門的書,一個女孩子的哥哥在天安門被殺,更因為他的遺體被即時火化,以及有關部門拒絕讓她為哥哥舉行喪禮而感到非常傷心。這個故事令我非常感動,這正正就是安蒂岡妮的故事,克里昂 (Créon) 拒絕她為哥哥波尼克斯 (Polynice) 舉辦葬禮,雖然年代和地點不同,但我們能看到兩個情況的相似之處。』另一場有關那個憤怒的男人的故事也是講述他的兒子死在天安門 (這是猜想的,因為劇中並沒有提及任何地點和事件),而他更是無處申訴。『若你的仇人是你的國家,你如何報仇?』

本人並未觀看此劇的演出,但劇本極具詩意,有時又怪異有趣,如那隻有洞的貓,能讓人發揮天馬行空的想像力。甄拔濤以簡約主義和抽象的手法導演這齣極富想象力和精彩的戲劇,他還邀請了一位視覺藝術家與一位設計師合作設計舞台。

這劇作可以說是某種無時空限制的旅程,旅程中有時會遇到一些令人意想不到的事情,並將不同情況中各個人物的關係互相聯繫起來,從這些情況中可以看到作者對社會,對當權者的批判,以及指責那些有權有勢的人進行性虐待和盜取器官等缺乏人性的殘暴行為。甄拔濤表示:『我能看到社會和人性黑黯和悲慘的一面,但最後總會有出現曙光的地方的,正如霍金 (Stephan Hawkins) 所說「有生命便有希望」。』 Hawkins ».