Histoire de l'art chinois 中國藝術史

Par Frank Vigneron (Fine Arts Department, The Chinese University of Hong Kong)

 
  Le portrait et la peinture de personnages vers la fin du 18e siècle : Les méthodes secrètes du portrait de Ding Gao (4)
十八世紀末的人物和肖像畫:丁皋的《寫真秘訣》
 
 

La dernière section de ces Méthodes secrètes du portrait est elle aussi probablement rajoutée. Les « Notes complémentaires : Huit questions et réponses (posées dans) le Pavillon de la retraite studieuse » (fu lutui xuexuan wenda baze 附錄:退學軒問答八則), sont une série de réparties, dans le style du traité de Buyantu et qui rappelle aussi certains traités de la dynastie Song, entre le père Ding Gao et son fils Ding Yicheng 丁以誠 (actif 19e siècle). C’est parmi ces huit questions que Ding Yicheng s’interroge sur la validité des « méthodes de l’Occident » :
« Ding Yicheng demanda encore : “Le véritable sens du portrait, n’est-il pas en définitive que rien n’échappe au (problème) des parties sombres et claires ?” Je répondis : “C’est bien cela.”Il demanda alors : “Honnêtement, s’il en est ainsi, la méthode des parties sombres et claires n’est donc rien d’autre que [celle] des décors [dans les peintures] occidentales. Ils utilisent les lavis dans la peinture des immeubles, pour y montrer la profondeur avec des couches successives [c’est-à-dire avec des dégradés, n.d.t.] ; ils peignent ainsi de grandes vagues qui s’étendent dans le lointain sur des milliers de li. Quand [ils peignent] des coupes à vin et des tripodes antiques arrangés au milieu de peintures et de livres, ils sont tous brillants et délicatement rendus, chacun d’entre eux merveilleux à l’extrême. N’est-il pas vrai que si [la méthode des parties] sombres et claires est une, la façon de les employer peut être différente ?” “Ceux qui font les décors des [peintures] occidentales sont tous soumis à l’obtention des apparences et cette méthode est entièrement liée aux ombres. Il faut pourtant des lignes droites et des lignes courbes, des parties ténébreuses et des parties profondes, en général [ce sont des problèmes] qui n’échappent pas aux formes larges de l’extérieur et étroites de l’intérieur [c’est-à-dire la représentation de la perspective, n.d.t.].

Il faut s’arranger pour que toutes les lignes, horizontales et perpendiculaires, soient faites d’un seul trait. C’est ainsi que [vous pouvez appliquer] de multiples strates [de montagnes] sur des milliers de li en appliquant des lavis sur les parties les plus profondes et les cavités ; [vous pouvez aussi, avec les] coupes à vin et les tripodes antiques arrangés au milieu de peintures et de livres, les faire ressortir avec de fortes ombres.

Vous pouvez utiliser ceci d’après votre intelligence et les arranger à votre guise : [vous pouvez] emprunter le courbé et le tordu pour accomplir ce genre de révélation, [vous pouvez appliquer] des lavis épais et boueux pour réussir une telle délicatesse. Faites un travail très délicat en utilisant des lignes fines [semblables à celles de la] gravure [c’est-à-dire sans dégradés, n.d.t.] et, naturellement, vous pourrez représenter avec succès le lointain et le proche, le profond et le peu profond.

Le problème du portait est un, [il faut] simplement saisir l’apparence, ce principe est si évident qu’il en est lumineux. Qu’il soit rond ou anguleux, mobile ou spirituel, même si l’univers du visage humain est toujours le même, la disposition des cinq éléments qui le composent est [capable] d’une myriade de transformations formelles, d’une brillance qui fait naître la vie et d’une inépuisable création naturelle. Toujours pénétrés d’une pureté légère et du souffle du chaos primordial, [ces éléments] peuvent être rassemblés pour créer [un visage]. C’est de cette façon que l’on peut reproduire l’esprit [du modèle], doit-on s’appuyer exclusivement sur l’une ou l’autre méthode pour réussir complètement [un portrait] ?” » (Zhongguo hualun leibian 《中國畫論類編》, p. 567)

Ding Gao montre un savoir des « méthodes occidentales »
Ding Gao ne rejette pas la façon dont les Européens représentaient les volumes, mais il revient en quelque sorte à l’idée que le style de peinture n’est pas important aussi longtemps que la ressemblance est réussie. Et il n’oublie pas non plus que les méthodes du portrait en Chine avant l’arrivée des Européens étaient tout à fait capables d’accomplir la ressemblance. Ding Gao non plus ne s’est pas essayé au calcul et aux mesures pour ses portraits, mais il montre un savoir des « méthodes occidentales » plus profond que la plupart des peintres du Jiangnan à son époque.

La comparaison entre les peintures de son fils Ding Yicheng et celles de Zeng Jing ne montre cependant pas assez de différences pour dire que Ding Gao ait suivi en quoi que ce soit les peintres de la cour de Qianlong, dont l’activité s’était d’ailleurs presque arrêtée à l’époque de ce traité. On peut en quelque sorte boucler cette boucle traitant de la peinture de portrait en montrant une peinture faite par Ding Yicheng en collaboration avec Fei Danxu, qui peignit le mobilier. Avec ce portrait de Jiang Fan 江藩 (1761-1831) qui était aussi un important spécialiste des classiques confucéens appartenant à l’école des « recherches textuelles », nous sommes donc les témoins du dernier développement de toute une tradition du portrait, qui s’étend de Zeng Jing à la fin des Ming jusqu’à Fei Danxu et Ding Yicheng au 19e siècle en passant par la théorisation de ce genre par Shen Zongqian, Jiang Ji et Ding Gao.

Quoique influencée superficiellement et sporadiquement par la pratique du portrait à la cour, et donc par ce que les jésuites apportèrent d’Europe en ce qui concerne la perspective et la connaissance des sources de lumière, le portrait chinois du 18e siècle s’est généralement développé selon des directions qui n’avaient pas été modifiées par les leçons européennes. Force est de constater cependant que les exigences de la peinture de portrait n’étaient pas fondamentalement différentes de celles du même genre en Europe même si ses méthodes différaient en grande partie.

Il ne faut donc pas s’étonner de constater que l’arrivée de la photographie en Chine et en Europe a eu des effets similaires sur le portrait, poussant les peintres à l’infléchir vers plus « d’expressionisme », c’est-à-dire plus de recherches plastiques que de recherches de la ressemblance. L’école de Shanghai vers la fin du 19e est révélatrice du changement que la photographie et l’imprimerie ont eu sur la peinture chinoise mais on pourrait en dire autant des peintures à l’huile faites par des artistes chinois à Guangzhou, Macao et Hong Kong dont les ateliers allaient bientôt être remplacés par des ateliers de photographie. En ce sens, l’exigence de vérité d’un peintre et théoricien comme Ding Gao allait, comme en Europe, très vite devenir une chose du passé pour les portraitistes chinois.

 


Ding Yicheng 丁以誠 (actif 19e siècle) et Fei Danxu 費丹旭 (1801-1850), Portrait de Jiang Fan 江藩(1761-1831), rouleau à suspendre, encre et couleurs sur soie, 107,8 x 48,1 cm. Musée de Nanjing.

《寫真秘訣》的最後一篇,大概也是附加的。『附錄:退學軒問答八則』是丁皋及其子丁以誠之間的一系列答辯,其風格令人想起宋代的一些畫論。在這八則問答中,丁以誠對「西洋畫法」的有效提出了質疑:
『誠又問日:「傳真大意,端不外於陰陽乎?」日「然。」日:「誠如是,則陰陽之法,無過於西洋景矣。染成樓閣,深可數層;出波瀾,遠涵千里。即或綴之彝鼎,列以圖書,無不透漏玲瓏,各極其妙,豈非陰陽雖一,用法不同?」「夫西洋景者,大都取象於坤,其法貫乎陰也。宜方宜曲,宜暗宜深,總不出外寬內窄之形。爭橫豎於一線。以故數層千里,染深穴隙而成;彝鼎圖書,推重影陰而現。可以從心採取,隨意安排。借彎曲而成透漏,染重濁而愈玲瓏。用刻劃線影之工,自可得遠近淺深之致矣。夫傳真一事,取象於乾,其理顯於陽也。如圓如拱,如動如神,天下之人面宇雖同,部位五官,于形萬態,輝光生動,變化不窮。總稟清輕渾元之氣,團結而成。於此而欲肖其神,又豈徒刻劃穴隙之所能盡者乎?」(《中國畫論類編》567頁)』

丁皋對『西洋畫法』的真知灼見
丁皋對西洋畫的表現手法並不摒棄,他似乎認為只要形象畫得真確,風格並非重要。他還指出在西洋畫家來華之前,中國的肖像畫法足可將人物畫得畢肖。他在製作肖像畫時,並沒有利用尺度比例,但對『西洋畫法』的瞭解卻遠超同時代的大多數江南畫家。

將其子丁以誠的肖像畫與曾鯨的肖像畫相比較,並沒有太大的差別足於說明丁皋步乾隆年代宮廷畫家的後塵,再說這篇畫論問世時,宮廷裡的繪畫活動業已告終。我們可舉出丁以誠和以畫傢俱見稱的費丹旭合作的一幅江藩的肖像畫來結束這篇有關肖像畫的論述。江藩(1761-1831)是儒家的『經學』大師,透過他的這幅畫像,我們見證了中國肖像畫發展的最後階段。中國肖像畫的發展橫跨明清兩代,由明末的曾鯨至十九世紀的費丹旭和丁以誠,中經沈宗騫、蔣驥及丁皋等人的畫論。

雖然受宮廷肖像畫創作、耶穌會教士由歐洲帶來的透視法、光源理論的斷續和些微的影響,十八世紀中國的肖像畫基本上沿着自己的方向發展,並未受西洋畫的干擾。我們不得不看到,儘管創作方法有許多不同,但中土和泰西對肖像畫創作的要求,並沒有根本上的差別。

不管在中國和歐洲,攝影術的發明對肖像畫均有同樣的影響。它迫使畫家改變方向,在創作肖像畫時更傾向於『表現主義』,亦即對人物藝術造型的重視,甚於對人物逼真的追求。十九世紀末上海畫派的遭遇顯現了這個變化,即照相術和印刷術對中國肖像畫乃至廣州、澳門、香港的人像油畫的影響,這些地方的畫室漸漸為照相館所取代。如此,像丁皋一樣的畫家或畫論家對人物寫真的苛求,對中國的肖像畫家而言,正如在歐洲一樣,很快便成了明日黃花。