Histoire de l'art chinois 中國藝術史

Par Frank Vigneron (Fine Arts Department, The Chinese University of Hong Kong)

 
  Traité d’un peintre en résidence :
Discussion sur la peinture de Paisible maison de montagne de Fang Xun (1736-1799) (1)

方薰的《山靜居論畫》(一)
 
 

« Le confucéen paresseux »
Originaire de Shimen, son surnom le plus employé était « Lanru » 嬾儒, c’est-à-dire « le confucéen paresseux ». Célèbre pour sa poésie, sa calligraphie, sa peinture et son érudition classique, Fang Xun fut aussi vénéré pour son intégrité personnelle. Il voyagea dans tout le Zhejiang et le Jiangsu avec son père Fang Mei 方梅 et rencontra très jeune un grand nombre de lettrés qui remarquèrent tout de suite ses capacités artistiques. Quand son père mourut, le laissant dans un dénouement qui le marqua toute sa vie, il fit la connaissance d’un lettré de Jiaxing appelé Jin Deyu 金德輿, et dont le nom personnel public était Eyan 鄂岩. Pendant son long séjour chez celui-ci, qui dura toute la vie de Jin Eyan, Fang Xun eut l’occasion de copier des soutras bouddhistes de son écriture élégante ainsi que les nombreuses peintures de la collection de son mécène. Cette expérience lui donna une vaste culture picturale, une grande maîtrise des styles et des techniques de la peinture, et lui procura la base sur laquelle il put élaborer les théories de son célèbre traité, Discussion sur la Peinture dans une paisible maison de montagne (Shanjingju lunhua 山靜居論畫).

Les Joies et les plaisirs de la grande paix
Anne Kerlan-Stephen a montré, dans sa thèse sur Fang Xun, que les relations entre notre artiste et son mécène étaient bien plus amicales que les textes des peintres de cette époque ont pu le montrer. Généralement, ces quelques ouvrages disent que Fang Xun était souvent forcé par Jin Deyu à peindre des sujets qui ne l’intéressaient pas nécessairement et qu’il exigeait de lui l’exclusivité de son talent. L’ouvrage intitulé Les Joies et les plaisirs de la grande paix [Taiping huanle tu 太平歡樂圖] et représentant les professions et les passe-temps des habitants du Zhejiang fut ainsi commandé à Fang Xun par Jin Eyan pour être offert à l’empereur Qianlong lors d’une de ses tournées d’inspection dans le sud. Ces dessins, au nombre d’exactement cent, étaient accompagnés de textes de Zhao Huaiyu 趙懷玉 (1747-1823) et Zhu Fang’ai 朱方藹 (1721-1786) ainsi que d’une calligraphie du célèbre bibliophile Bao Tingbo 飽廷博 (1728-1814), trois des amis de Jin Deyu qui se réunissaient fréquemment dans la résidence de ce dernier. Tous étaient des lettrés-officiels qui avaient été, à un moment ou un autre, assez proches de la cour et de l’empereur Qianlong. Cette collection de dessins montre clairement le talent de Fang Xun pour la représentation des activités humaines et fait de lui un de ces peintres de personnages qui pouvaient aussi s’adonner à bien d’autres genres sans rien abandonner de leurs ambitions d’appartenir aux représentants de l’art « sérieux », c’est-à-dire de l’art lettré. Souvent présentée comme une honteuse soumission à l’autorité mandchoue (on se souvient que les historiens contemporains sont encore en désaccord sur la position morale des dirigeants Qing), cet ouvrage peut bien plutôt être vu comme une preuve supplémentaire qu’à cette époque la répression de l’état était bien moins visible que l’aide qu’il apportait à de grands projets littéraires dans lesquels les lettrés pouvaient prouver leur valeur.

La plus grande partie de sa vie comme peintre en résidence
Quelles qu’aient pu être les relations entre ces deux hommes, Fang Xun refusa pendant des années de peindre pour d’autres personnes et d’enseigner son art, même pour des salaires élevés. En dépit de ses talents littéraires et artistiques, il ne chercha jamais à changer sa situation sociale en passant les examens impériaux. Cette situation surprit généralement tous les commentateurs de son œuvre et ses amis mêmes ne comprirent pas ce qu’ils ne pouvaient voir que comme quelque chose de profondément regrettable. La mauvaise santé dont ils parlent tous est généralement tenue pour responsable de ce choix, mais d’autres virent là ou bien un manque d’ambition ou bien un manque de courage dû à son bégaiement. Après la mort de son mécène cependant, il consentit finalement à l’offre d’un des plus célèbres lettrés-officiels de l’époque, Ruan Yuan 阮元 (1764-1849) qui l’avait rencontré lors d’une de ses visites dans le Zhejiang et avait admiré son intégrité, sa culture et son talent. Leur relation semble avoir été très brève et pas particulièrement amicale, ce qu’Anne Kerlan-Stephen explique par le statut relativement bas de Fang Xun qui non seulement n’avait jamais passé les examens impériaux, mais avait aussi passé la plus grande partie de sa vie comme peintre en résidence, ce qui lui donnait presque le statut de peintre professionnel. Après cet épisode, quand Fang Xun put enfin s’installer seul à Hangzhou, il n’avait déjà plus qu’un an à vivre.

Le paysage, les personnages, les fleurs et les plantes ainsi que les images bouddhistes
Fang Xun qui, comme Shen Zongqian, choisit d’embrasser les idéaux de Dong Qichang, pratiqua un grand nombre de genres : le paysage, les personnages, les fleurs et les plantes ainsi que les images bouddhistes. Comme pour Shen Zongqian, ses théories sont à la fois une reformulation et un affinement pratique du credo orthodoxe. Souvent associé à Xi Gang, un autre peintre du Zhejiang et pour des raisons peu claires, Fang Xun publia de nombreux livres dont certains ont complètement disparu, situation très commune pour la littérature de l’époque : à moins d’avoir été publié à tant d’exemplaires que sa survie était assurée, de tels ouvrages, qui étaient généralement conservés dans les nombreuses bibliothèques privées de la région du Jiangnan, furent le plus souvent détruits pendant la révolte des Taiping. Son traité sur la peinture cependant fut assez bien diffusé pour avoir été conservé intact. On se souvient que le traité de Shen Zongqian n’a pas eu cette chance.

Apparemment, ce texte, coupé en une myriade de paragraphes commençant souvent par les mêmes mots, semble n’être qu’un ensemble d’aphorismes sur les différents problèmes de la peinture. La division en deux volumes, ou « juan », qui est la division classique des livres chinois, n’existe en fait que par la limitation de l’épaisseur de ces volumes qui étaient généralement composés d’un nombre relativement fixe de pages. L’ensemble n’est pas pour autant décousu et Fang Xun a pris quelques soins de rassembler les aphorismes traitant du même sujet. En dépit de l’absence de titre pour chacune de ces parties, Anne Kerlan-Stephen a su clairement délimiter les thèmes de cet ouvrage en numérotant aussi les paragraphes, généralement assez brefs. Elle ajoute cependant que certains paragraphes, de par le sujet qu’ils traitent, sont parfois difficiles à rattacher à telle ou telle partie. Dans le premier volume, on trouve donc des propos généraux sur la peinture : paragraphes 1 à 46 ; des considérations sur la pratique de certains genres : la peinture de paysage pour les paragraphes 47 à 79 et la peinture de personnages pour les paragraphes 80 à 91 ; puis des propos généraux sur la peinture, paragraphes 92 à 124. Le deuxième volume comporte de nouvelles considérations sur la pratique d’autres genres : la peinture de fleurs et de plantes pour les paragraphes 1 à 25 et la peinture de bambous pour les paragraphes 26 à 33. Ils sont suivis par des jugements et des évaluations de peintres des dynasties successives dans les paragraphes 34 à 95. L’ouvrage conclut par des descriptions de peintures dans les paragraphes 96 à 120.

Anne Kerlan-Stephens conclut son énumération en rappelant que ce traité ne donne pas la sensation d’avoir été délibérément séparé en sections et qu’il n’y a pas de distinction précise entre théorie et histoire ou pratique et description. Ceci peut être dit aussi des autres traités analysés dans ce chapitre même si un peintre comme Shen Zongqian essaya plus que d’autres de séparer théorie et pratique dans son ouvrage (on se souviendra que, des deux parties traitant du paysage, la première était plus attachée à l’histoire et à la théorie, tandis que la deuxième apportait beaucoup plus de précisions techniques à la pratique du paysage). En fait, les théoriciens de la peinture des Qing ont généralement tendance à associer étroitement théorie et pratique et même la connaissance de l’histoire de la peinture a des conséquences directes sur la façon dont les peintres ont pratiqué leur art. Le traité de Fang Xun, du simple fait qu’il ne comporte pas de division en chapitres, semble considérablement moins bien organisé que les traités de Tangdai, Buyantu, Zhang Geng et Shen Zongqian. Mais l’originalité de certains positions de Fang Xun et le fait qu’il ait abordé en connaisseurs et praticiens le thème des fleurs, plantes et bambous fait de ce traité une des gemmes de cette période de la théorie picturale chinoise.


 
Fang Xun 方薰 (1736-1799), Les Joies et les plaisirs de la grande paix (Taiping huanle tu《太平歡樂圖》, vendeur de poissons décoratifs et oiseleur, (détail)

『懶儒』
方薰祖籍浙江石門,以外號『懶儒』著稱。詩文書畫均了得,博學多識,為人正直備受尊重。他和父親一起雲遊,足跡遍江浙兩省。年少時得遇眾多文人雅士,其藝術稟賦頗為人賞識。父親的離世,是他人生的轉捩點。他結識了嘉興的名士金德輿,對外則稱鄂岩。他在鄂岩家長住,幾乎伴他一生。期間,有機會用自己清秀的筆跡抄寫佛經,描摹他的恩師珍藏的眾多名畫。這個經歷,令他對繪畫有廣博的知識,並掌握了各種繪畫技巧和風格,為他撰寫著名的《山靜居畫論》奠定了紮實的基礎。

《太平歡樂圖》
Anne Kerlan-Stephen 在她論述方薰的論文裡這樣寫道,他和其藝術資助者之間的關係,遠比他同時代的畫家在著述裡所說的更親密。這些著述裡,通常這樣論及方薰,說他常被金德輿所迫,畫些他不感興趣的畫,並要求他保持自己的風格。《太平歡樂圖》為一系列表現浙江民俗的畫,是金德輿為貢奉南巡的乾隆皇帝而委托他畫的。這些畫共計一百幅,有趙懷玉 (1747-1823) 及朱方藹 (1728-1814) 的題詞以及著名珍本收藏家鮑廷博 (1728-1814) 的墨跡。他們是金德輿的密友,常聚會於其家中。他們都是一些當官的文人,在一個時候,曾接近朝廷和乾隆王。這套畫充份展現了方薰描畫人物活動的才能,他因此被歸類為這樣一種人物畫家,即既可無拘無束,潑墨揮毫,描繪各種題材的繪畫,又絲毫不背離『嚴肅』的文人畫風。這套畫常被認為是對清廷的獻媚取寵,但也提供了這樣一個旁證,即朝廷的壓迫,與其對文化事業的支持相比,並不顯著。在朝廷的獎掖下,文人得以展現其才能。

大半生為家居畫家
儘管和金德輿關係密切,儘管報酬不菲,多年來方薰均謝絕為人作畫或設帳收徒。他能詩善畫,才華橫溢,但從不思經科舉一途求仕進,改變自己的社會地位。畫評家們對此感到詫異,朋輩們百思不解,只能對他深感惋惜。一般人均認為這由於他健康欠佳,亦有人認為他澹泊功名,又或因自己口吃,期期艾艾而卻步。金德輿死後,他最終接受了當時頗負盛名的士大夫阮元 (1764-1849) 的提攜。阮元是在一次出訪浙江時與他相識的。他欣賞方薰的正直、學養和才華。但他們交往為時不久,友誼也並不甚篤。Anne Kerlan-Stephen 認為這是由於方薰地位卑微所致,他從未參加科舉,一生大半時間居家畫畫,是位職業畫家。後來,方薰隻身來到杭州,並在這裡住了下來,但他只剩下一年命。

山水、人物、花鳥、蟲草及佛像
和沈宗騫一樣,方薰尊崇董其昌的繪畫理念,他的繪畫題材廣泛,山水、人物、蟲草、花鳥無所不包。誠如沈宗騫,他的畫論含蓄雋永,文筆高雅正統。他常和另一浙江畫家奚岡為人相提並論。他發表了不少著作,其中一些業已湮沒,這在當時的文壇司空見慣,除非出版冊數龐大,方能倖存。這些書通常為江南許多私人藏書閣所珍藏,但在太平天國期間,大都被付之一炬。方薰的畫論由於保存良好,傳佈甚廣。我們知道,沈宗騫的畫論則沒有這般幸運。

表面看來,這部畫論分成無數段落,每段開始語句雷同,給人的印象只是一些有關繪畫不同主題的格言警句的薈萃。畫論分兩卷,這是中國書籍傳統的分法,每卷只有相對固定的數十頁,薄薄一冊。畫論整體並不因此顯得不連貫,方薰小心翼翼,圍繞每一個主題,均作精辟論述。雖然畫論各部標題闕如,Anne Kerlan-Stephen 卻能將各部的主題內容清晰劃出,並將不太長的段落標上數目。她補說道,有些段落探討某個主題,很難將之歸類於某一部。第一卷,第1至第46則,為畫學泛論;接着是各種畫法論述,47至79則,山水畫;80至91則,人物畫;92至124則,繪畫通論。第二卷繼前論述各種畫法,1至25則,花鳥、草蟲;26至33則,竹子畫法;接着34至95則,則是歷代畫家的評述;最後96至120則,以名畫著錄結束。

Anne Kerlan-Stephen 在總結其論述時,提醒我們畫論的作者無意分章劃節,在理論和淵源,或實踐和描述之間沒有清晰的界別。其他畫論亦有這種傾向,唯獨沈宗騫在他的畫論裡試圖區分理論與實踐。我們當記得,他論述山水畫的兩個篇章,第一篇側重理論和歷史淵源,第二篇則詳細地論述山水畫的技法。事實上,有清一代的畫論家通常都有將理論與實踐緊密聯繫起來的傾向,對繪畫源流的認識亦直接影響一個畫家的創作手法。方薰的畫論沒有分章劃節,沒有明確的體例,只是一些隨感式的雜錄,顯然沒有唐岱、張庚、沈宗騫畫論的嚴謹。但他不襲陳言,自出機杼,對花鳥、草蟲、竹子各類題材的畫法均有獨到的精辟的見解,令這個畫論成為中國繪畫理論的一顆璀璨的瑰寶。