Poésie 詩詞

Par Bernard Pokojski

 
  Elie-Charles Flamand, inadmissible ?
埃利 – 夏爾.弗拉芒, 不為人接受?
 
 

Elie-Charles Flamand ! Voici un nom qui n’aurait pas dû passer inaperçu, d’autant plus que Charles Flamand (né le 25 décembre 1928) devenait frère en écriture d’un prophète sensible, à qui Dieu en personne sut manifester sa présence par le murmure du vent. (Marc Kober) Sous une neige toute azurée
Sans cesse flottent s’entrecroisent obliquent
Des récits brisés mais chaleureux
Dont la sève est détentrice d’avenirs
(E. C. Flamand) Dans la préface à Braise de l’unité, anthologie poétique (1957-2014), les toutes premières lignes de Gwen Garnier-Duguy : « Qui se réclame des pouvoirs et des bienfaits de la poésie ne peut méconnaître aujourd’hui la parole d’Elie-Charles Flamand. » Vous voilà prévenus, mais difficile, avouerais-je de cerner un poète dont la parole résiste et ne se donne pas, née de la magie d’un créateur dont la disparition à Paris le 25 mai 2016, est passée évidemment inaperçue... comme celle de beaucoup d’autres, détenteurs d’avenirs... Ces détenteurs d’avenirs pour reprendre encore les mots de Gwen Garnier-Duguy qu’« aucune sangsue publicitaire ne pourra récupérer ». « Il écrivait des livres, si j’ai bien compris... » osera le prêtre qui l’accompagna jusqu’à sa dernière demeure... Elie-Charles Flamand est donc né à Lyon, ville où il fera des études de sciences naturelles, disciple du paléontologue Jean Viret. Il se livrera à des recherches sur le terrain et à des fouilles donnant des communications à la société Linnéenne de Lyon. Il fera aussi partie de la société géologique de France et de la Société préhistorique française mais la lecture de l’Histoire du surréalisme de Maurice Nadeau lui ouvre soudain d’autres portes. Ce sera la découverte des poètes modernes et l’appel de la poésie. Il se mettra à écrire et en 1950, il choisira Paris où grâce à Pierre Seghers et Jean-Louis Bédouin, il rencontre André Breton dont il deviendra l’ami intime. Pendant huit ans, il prit part aux activités du groupe surréaliste, publiant dans ses revues, fasciné surtout par le Merveilleux que les surréalistes avaient su lui révéler. Cependant, malgré cette proximité il n’arrivera pas à adhérer à leur côté « noir », se tournant vers les doctrines spirituelles, alors peu à peu il s’éloignera d’eux pour être exclu du groupe en 1960. Il avouera aussi que la paléontologie était même plus propre à la rêverie poétique offrant la possibilité de déchiffrer des mondes disparus avec des êtres souvent plus qu’étranges. E. C. Flamand fera d’autre part la connaissance d’Eugène Canseliet, alchimiste mystérieux comme perdu dans ce XXe siècle, qui l’initiera à un univers que l’on pourrait qualifier de tout autant merveilleux et l’ouvrira à la quête... Toutefois ceci ne l’empêchera pas d’être à partir de 1945 un fervent amateur de jazz qui saura gagner l’amitié de musiciens tels que Louis Armstrong, Sidney Bechet, Bill Coleman. Il s’intéressera à la parapsychologie et à ce qu’il faut bien appeler l’ufologie, fréquentant certaines sociétés initiatiques. Il y aura toujours chez lui cette appétence intellectuelle dévorante qui fécondera sa poésie, véritable mode de vie, faite de concentration et de méditation afin de magnifier la langue qu’il maniera avec une extrême précision. La poésie pour E. C. Flamand se devra aussi être une ouverture au monde et à soi-même. Il s’était éloigné des surréalistes justement pour leur rejet violent de la spiritualité et leur attachement à une révolution sociale qui finira comme on le sait maintenant. La déférence pour Trotsky, Sade ou les anarchistes les plus extrêmes ne lui parlait aucunement comme leur attrait pour le morbide « La poésie, je la considère comme une expérience spirituelle, une quête du sens secret des choses, un cheminement vers la lumière intérieure, un éveil au sacré et même à l’absolu. » Il confessera que « l’on est parfois le premier surpris par l’éblouissement que procure ce qui nous est offert ».
Le poète entre dans une sorte de transe guidé par un souffle créateur, une flamme intuitive de l’esprit. Il rappellera que Paul Valéry, le si rationnaliste, se laissera dire que « les plus beaux vers sont donnés par les dieux ». En 1957, E. C. Flamand publie son premier recueil porteur de ce titre énigmatique A un oiseau de houille perché sur la plus haute branche du feu, accompagné d’illustrations de la Tchèque Toyen, qui aurait pu passer pour surréaliste... Mais Marc Kober nous apprend que cet oiseau est la chouette noire décrite en 1652 dans le Trésor du vieillard des pyramides et que l’ermite est « à flanc de souffrance », pris dans une expérience au noir pour accéder à l’or. Ce recueil se compose de cinq poèmes qui brillent dans une imagination née de l’attention portée à la merveille naturelle. E. C. Flamand n’hésite pas à suggérer la réunion des contraires dans une série d’images où s’associent feu et glace, lumière et ombre, crépuscule et aube. Les images baroques et surréalistes s’unissent dans une trame initiatique... Une trentaine de recueils suivront et une quinzaine d’essais sur l’histoire de l’art, l’alchimie, la symbolique qu’il verra comme une extension de son œuvre poétique. Ses poèmes seront ésotériques, chargés de symboles alchimiques et rosicruciens. Julien Starck parlera même « d’images acrobates, architectures vibrant sur le vertige, arcades de marbre jetées à flanc d’abîme » qui éclaircissent difficilement à vrai dire cette poésie née du silence intérieur et de la nuit mentale. Et ce seront les cavernes de son être qu’il parcourra pour y chercher la Parole perdue « Ecrire, c’est lutter contre l’indicible ; cependant au plus intime d’elle-même, l’écriture porte toujours, hiératique et créateur, » l’Ineffable. La quête ésotérique prendra ensuite une importance grandissante dans de nombreux poèmes écrits dans une langue de plus en plus codée : « éloignons-nous du noir cristal adombrant le temple inachevé, afin d’aller nous enfouir dans l’athanor d’une solitude baptismale ». C’est sans doute cette solitude choisie qui fit qu’Elie-Charles Flamand, poète hors du commun disparut à Paris dans l’anonymat le plus complet. Il n’avait pas rencontré de « grands » éditeurs et déjà en 1968, avec La lune feuillée préfacée par Mandiargues, il apparaissait comme le grand poète méconnu de son temps, obstiné dans son alchimie poétique depuis presque cinquante ans. Ses dernières années d’ailleurs furent, nous rapporte Marc Kober, sacerdotales, toutes spirituelles, tournées vers la contemplation de l’art et de la nature. Ne préférait-il pas le vrai jazz, la paléontologie, les fossiles et les minéraux, les mots difficiles ? Toutes ces choses hors de notre temps... Alors « Il ne nous reste plus / Qu’à briser tous les miroirs / Afin de chercher la faille du temps / Par où entrer dans la lumière. »

Donner suite
Prends garde aux franges de vilénie
Pendant au-dessus de cette terre intérieure
Garde-toi de buter contre les fragments du vécu
Disséminés dans le souterrain monotone
Seul accès à la porte dérobée
Et tu pourras continuer avec constance
De purifier les aubes fanées
Devant la forge des peines
Les haies sont piétinées par les pas incandescents
Des chances en perdition
Malgré tout une mélodie retrouvée
Autour de toi ondule sereinement
Elle dompte les puissances hautaines
Qui se referment
Et désormais adoucissent ton esprit vorace

(Percer l’écorce du jour, La Lucarne ovale, p46) Verdure Naissante
Il enferme l’énergie des ruines
Dans le coffret d’un printemps permanent
Alors que les tracas rugissent sur le seuil fissuré
Entre deux colonnes de flammes torses et sans fin
— L’une est teintée de rubis l’autre de jais —
Le globe des promesses se densifie
Et s’échappe en tournoyant vers la rive future
Où pourra fleurir l’existence du nouveau venu
Qui malgré tous les élans brisés
Joue avec souplesse sur le clavier des vents
Une essentielle mélodie
Ni les trahisons du temps
Ni sa rouillure en action
N’anéantissent l’odeur douce et pimentée
Qu’exhale l’immuable
(Percer l’écorce du jour)

 


Elie-Charles Flamand, photo Babelio

埃利 – 夏爾.弗拉芒!一個不應被忽略的名字,更何況夏爾.弗拉芒 (生於1928年12月25日) 已成為一位敏感的先知在文字上的朋友,上帝可化作一陣沙沙的微風,現身在他面前。(Marc Kober)

天藍色的雪花中
飄搖交織着
破碎但熱情的故事,
充滿活力,掌握未來。(E. C. 弗拉芒)

Gwen Garnier-Duguy 在為詩選《Braise de l’unité》(1957-2014) 所寫的前言裡最初的一句話是:「有誰欲誇耀詩的威力和益處,今天,便不能忽視弗拉芒。」即使你明白這點,亦難勾勒出這位詩人的形象,他充滿創意、魅力無窮的詩句桀驁不馴,從不屈服。像許多掌握未來的人那樣,2016年5月2日,他靜悄悄地在巴黎離開人世。再引述 Gwen Garnier-Duguy 的話:「沒有一家出版社能將他們的文字收集起來。」一位送他走完最後一程的神甫這樣說道:「如果我沒搞錯,他生前是寫書的。」

埃利 – 夏爾.弗拉芒生於里昂,並在這裡攻讀自然科學,他是古生物學家 Jean Viret 的 學生。他從事實地考古發掘,研究化石,將報告呈交里昂的林奈協會。他亦是法國地質協會及法國史前史協會的成員。但 Maurice Nadeau 的《超現實主義史》一書為他打開了另一新天地。他發現了現代詩人並為詩所召喚。1958年開始寫作,他選擇在巴黎住下。在皮耶.塞熱 (Pierre Seghers) 和尚–路易.貝杜安 (Jean-Louis Bédouin) 的引薦下,他認識了安德烈.布勒東並成為他的密友。整整八年,他參加了超現實主義小組的各項活動,在他們的雜誌上發表文章,為超現實主義者們的魅力所深深吸引。雖然和超現實主義者如此接近,但他始終不認同他們的「陰暗」的一面,於是他把樂趣轉向了宗教學說,漸漸離開超現實主義,並於1960年被開除出去。

他認為古生物學更適合詩的幻想,可破解已消失的世界,那裡經常有更奇特的生命。弗拉芒認識了二十世紀不為人知的神秘的煉金術士 Eugène Canseliet,他引導他認識並探索一個神奇的世界。雖然迷戀煉金術,但並不妨礙他從1945年起成為一個狂熱的爵士樂迷,和一些爵士樂音樂家結下了深厚友誼,如路易.阿姆斯特朗 (Louis Armstrong)、悉尼.比切特 (Sidney Bechet)、比爾.科勒曼(Bill Coleman) 等。他對玄學以及不明飛行物學頗感興趣,常出入一些神秘社團。他總有一股強烈的求知慾,這豐富了他的詩歌創作,這是一個真正精神專注、沉思冥想的生活方式,令他極其精確地遣詞造句,將語言變得更壯麗。

弗拉芒認為詩歌還應面向世界、朝向自己。他遠遠地離開超現實主義者們,因為他們強烈摒棄宗教,熱衷於社會革命,其結果今天有目共睹。他們對托洛斯基、薩德或其他極端的無政府主義者的敬重,正如他們對病態的嗜好一樣,對他毫無意義。他說:「詩歌,我將它視為一場精神歷練,一場對事物神秘主義的探索,一次通向內心光明的旅程,一個對神聖和絕對的覺醒。」

他坦承:「人們常為週遭事物的奇妙而感到驚奇。」詩人被一絲創造的靈感,一束精神直覺的火燄所引導,進入某種激動狀態。他提及非常理性的保爾.瓦列里曾如此說道:「最美的詩歌是神所恩賜的。」
1957年,弗拉芒發表了一本詩集,書名有謎一般的色彩,叫作《獻給棲息在火燄最高處的一隻煤鳥》(À un oiseau de houille perché sur la plus haute branche du feu),由被視為超現實主義畫家的 Tchèque Toyen 插圖。Marc Kober 說這隻鳥是一隻黑色的貓頭鷹,出現在1652《金字塔老人的寶藏》(Le Trésor du vieillard des pyramides) 一書裡。一個隱休士正在煉金,處於「痛苦狀態」。詩集由五首詩組成,閃耀着對神奇自然界的豐富想像。弗拉芒大膽地在一系列的形象中將對立的事物放在一起,火與水、光與暗、黃昏與黎明,巴洛克和超現實主義的圖畫神秘地交織一起。接着出版了三十部詩集,十五本關於藝術史、煉金術及象徵體系的散文隨筆。他視此為其詩歌創作的一種延伸。他的詩玄奧難懂,充滿煉金術和玫瑰十字會的象徵。Julien Starck 說這是「雜技表演、令人暈眩的高聳建築、處在懸崖邊的大理石拱廊。」極難說清楚這個誕生自平靜內心及靈魂深處的詩歌。他搜索枯腸,尋詞覓句。他說「寫作是對難於描述的挑戰,更深一層說,寫作總是莊嚴、富於創意和不可言喻的。」
對玄奧的探索在他的許多詩歌裡成份日愈增大,他甚至用一種密碼式的語言:「讓我們遠離那即將淹沒未完成廟宇的晶瑩黑影,藏身於受洗的孤獨的煉丹爐裡。」

也許正是他選擇的這種孤獨,致使這位不同凡響的詩人在巴黎默默地、絲毫未被人察覺地死去。他生前未遇到「大」出版家,但1968年由 Mandiarques 為他作序的詩集《有葉飾的月亮》(La lune feuillée) 已展現了他是這個時代未被人認識的大詩人。Marc Kober 說,他晚年過着僧侶般的純精神生活,對藝術和自然沉思默想。他不也喜歡爵士樂、古生物學、化石、礦物和艱澀難懂的詞語嗎?這一切已遠離我們而去……「我們只能 / 敲碎玻璃 / 發現時間的罅隙 / 穿過它進入光明。」