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• Le Redoutable de Michel Hazanavicius
Jean-Luc Godard
Dans le monde curieux et cosmopolite des cinéphiles, le nom est incontournable. Il claque comme le rappel d’un autre cinéma, un temps d’avant l’hégémonie des produits hollywoodiens dans les salles obscures. C’est un nom qui nous renvoie aussi à la grandeur passée d’un cinéma français qui se remet doucement à bouillonner en cette deuxième décennie du XXIe siècle, comme s’il avait eu besoin de digérer l’héritage des monstres sacrés que furent – entre autres – Godard et Truffaut. L’onde de choc qui a suivi la sortie de leurs premiers films fut telle – faut-il le rappeler ? – que l’on trouve encore, sur les marchés de rue des quatre coins de la planète, des affiches de leurs films les plus emblématiques, à savoir A Bout de souffle (1961), Le Mépris (1963), Pierrot le fou (1965), ou bien encore Made in USA (1966) dans le cas précis qui nous intéresse.
Godard, un nom que l’on prononce du bout des lèvres
Le temps s’attachant étrangement à faire et défaire la réputation des plus grands artistes, on se souvient étrangement de Truffaut comme d’un personnage auréolé du prestige de la « Nouvelle Vague », et de Godard comme d’un auteur détestable et intransigeant. Il serait presque tabou d’aimer les films de Godard tellement on prend de plaisir à détester l’homme public !
L’habile Michel Hazanavicius ne s’y est d’ailleurs pas trompé quand il a nommé son biopic Le Redoutable : on garde du Godard des années 60 l’image d’un vieil enfant colérique qui aura fini par se fâcher avec la France entière – des différents acteurs de l’industrie cinématographique à sa propre femme de l’époque, Anne Wiazemsky, dont la biographie est à l’origine du film. Le personnage godardien tel qu’il est décrit dans le long métrage, et joué par Louis Garrel, est en quelque sorte calqué sur un souvenir profondément ancré dans la mémoire collective : celui d’un artiste imbuvable et mal dans sa peau dont les diatribes incontrôlées ont fini par l’isoler du monde qui l’avait consacré – le cinéma – et du grand public, fatigué de ses écarts moralisateurs. N’est-il pas temps, néanmoins, près de cinquante ans après s’être disputés avec lui, de ravaler nos rancœurs et de redonner à Jean-Luc Godard la place qui lui appartient au panthéon du 7ème art ? Je pense que oui.
• Une femme est une femme de Jean-Luc Godard (1960)
« Godard m’a donné une leçon de cinéma »
Comme tout cinéphile en herbe avide de rattraper son retard, à l’âge de 18 ans et tout juste sorti du lycée, j’ai avalé des heures de VHS sans bien saisir la richesse de ce que je voyais sur la pellicule. L’important n’était pas tant de réfléchir à ce qui s’y déroulait, que de pouvoir dire que, effectivement, j’avais bien visionné l’intégrale de Fritz Lang, et que je pouvais maintenant passer à Eric Rohmer ou Sacha Ditry. Mon premier contact avec la cinématographie de Godard n’a pas été marquant : je me souviens d’un ennui poli devant les échanges entre Brigitte Bardot et Michel Piccoli :
- Donc tu m’aimes totalement ?
- Oui, je t’aime totalement, tendrement, tragiquement.
- Moi aussi, Paul.
Ce n’est que 6 ans plus tard que j’allais prendre la claque qui consacrerait à jamais Godard comme un géant du cinéma contemporain dans mon esprit. Un après-midi pluvieux, alors que je n’avais rien à faire chez moi, j’ai décidé de donner une chance à Notre musique (2004), un film expérimental que JLG venait de sortir dans la plus grande discrétion. Et là, le choc ! Il y avait plus de « cinéma » dans ces 80 minutes que dans dans les productions des 5 premiers mois de l’année ; le film débordait d’idées de tous les côtés, il était tellement riche d’un point de vue cinématographique que j’en étais sorti avec la tête qui me tournait.
Je venais d’assister, tout simplement à une leçon de cinéma. Cadrage, couleur, musique, montage, les innovations venaient de partout et formaient un ensemble en forme de masterclass ; et tout à coup Godard n’était plus ce personnage exécrable, mais l’auteur imposant aux savoirs et aux compétences qui dépassaient de loin celles de ses disciples, le théoricien qui n’avait pas peur de tenter des expériences pour mieux en observer les résultats, l’historien qui savait vous pointer du doigt un détail qui vous avez échappé dans un film ancien et qui lui donnait une richesse inattendue. Tout à coup, Godard, c’était le maître. Alors Jean-Luc, redoutable ? Certes, mais également : immanquable, incontournable, et il faut l’avouer, formidable. |
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尚盧高達
電影發燒友的世界奇趣無窮,而且無遠弗屆,而在這裏,尚盧高達 (Jean-Luc Godard) 這個名字是他們無法徊避的。他就像一把聲音,提醒你在當今的荷李活霸權之前,還有另一個璀璨電影流派。這個名字還提醒了我們,現在雖然已處於二千年的第二個十年,但昔日法國電影的光采仍然若隱若現,時刻都將要重新照耀大地,重新向我們介紹那個年代的大師級怪傑,例如高達和杜魯福。他們闖出名堂的大作當年是如此石破天驚,現在我們不妨回憶細味。就算是現在,當你走在地球的任何一個角落,也有可能看到這些經典大作的海報 —《斷了氣》(A bout de souffle, 1961)、《春情金絲貓》(後譯《輕蔑》Le Mépris,1963)、《狂人皮埃洛》(Pierrot le fou,1965)、《美國製造》(Made in USA,1966),這些作品都或多或少能引發我們的興趣。
高達 — 不絕於耳的名字
時間就像無情的浪,不斷沖刷和重塑着這些藝術大師所建立的功業和名聲,在我們今日的眼中,杜魯福是法國新浪潮的傑出代表;高達則是桀傲不馴的憤世導演。喜歡他的電影幾乎是不能宣之於口的禁忌事情,相反我們竟可以在罵他的時候找到快感!
靈巧如米修哈薩拿維斯 (Michel Hazanavicius),自然不會在講起他的傳記電影《高達:革命性改變》(Le Redoutable) 時得失大眾:六十年代的高達給我們的印象就像是個乖張的小子,終有一日會憎怨整個法國,無論是電影演員還是他當時的妻子安妮維雅嬋斯基 (Anne Wiazemskly) (她的傳記就是這套電影的藍本)。這套電影所描繪的高達(路易加維爾 (Louis Garrel) 飾演),或多或少反映了在我們的共同回憶中,他深入民心的印象:令人坐立難安的藝術家、脫口而出就是惡言謾罵 — 最終他的世界變得容不下其他人,只有他一個人的世界 — 電影,而大眾早就厭倦了他別樹一幟的道德標準。不過,五十年不絕的罵名之後,我們是否終於應該平心靜氣,稍為遏息對尚盧高達的憤慨,並在第七藝術的典堂裏,給予他應有的席位呢?我認為應當如此。
「高達給我上了一堂電影課」
我就和其他滿腔熱血的初階電影發燒友一樣,急於求成,十八歲剛剛讀完高中就囫圇吞棗般看了不知幾個小時的VHS錄影帶,其實還沒品味到電影裏的丁點精萃。當時我覺得最重要的不是了解電影的內涵,而是可以令自己有資格講「我已看完費玆朗 (Fritz Lang) 全部作品,現在輪到了伊力盧馬 (Eric Rohmer) 或Sacha Ditry了」。
我與高達電影的邂逅並沒有太驚心動魄:我還記碧姬芭鐸 (Brigitte Bardot) 和Michel前面一段頗為沉悶的對白﹕
– 你全心全意地愛我嗎?
– 對,不單全心全意,而且柔情蜜意、不能自拔。
– 我也是,保羅。
不久的六年後,我的一個動作,令我將高達封為我心目中的電影泰斗。某個下雨的午後,我在家中無所事事,就想到給《高達神曲》(Notre musique, 2004)一次機會,這部作品是高達大師幾經考量後拍下的實驗電影。就在那刻,我被完全擊倒!這套80分鐘的作品比當年頭五個月的所有電影「更像電影」,它包含了多方面的周詳構思,從電影藝術的角度看,內容豐富非常,我看完以後竟然覺得天旋地轉。
簡直就是…… 剛剛上了一堂電影課。整套電影到處都看到大師級精巧匠心:畫面調整、色彩、音樂、剪接、創意,就像是一整套大師班教材;我突然覺得高達不再那麼可憎了。他在電影方面的知識和技巧都遠非一般後輩可比,永遠都敢於將構思付諸行動,務求達到更佳效果;他知道怎樣引導你留意某項細節,那些你在舊電影忽略了,但又增添了作品內涵的細節。高達已經儼然成了大師。高達原來是那麼令人情陷其中嗎?事實就是如此,而且他還 — 不容錯過,不能不提,而且不可否認,他不容小看。 |
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