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Hong Kong n’est pas un territoire membre de la francophonie mais on rencontre cependant beaucoup de francophones au sein de sa population chinoise, So Kwok Wan est l’un d’eux. Ancien étudiant en France, aujourd’hui directeur associé des programmes du Hong Kong Arts Festival, So Kwok Wan est un passionné de ce qu’il appelle l’esprit français qu’il résume ainsi en quelques mots : « Une façon de s’opposer à la pensée commune et de privilégier une pensée originale ».
Paroles l’a rencontré autour d’un café, lors d’une libre discussion où il s’est présenté avec son élégance habituelle, discrètement et sobrement habillé de noir, un sourire accueillant sur le visage. Né et éduqué à Hong Kong, il n’avait à priori, aucune raison de s’intéresser à la France, il étudiait dans un lycée technique de garçons à Sham Sui Po, quartier de Kowloon où ses camarades se dédiaient à des études scientifiques visant à devenir ingénieur. Une rencontre influença cependant ses goûts. Se trouvait dans cette école un professeur, femme passionnée de danse, qui très vite lui transmit son amour pour la danse contemporaine et fit qu’il devint son élève, une pratique peu habituelle dans ce lycée de garçons. Son amour de la danse se transmit à la littérature et au cinéma qu’il partagea alors avec un de ses meilleurs amis au lycée, le chanteur Anthony Wong. Comme beaucoup de Hongkongais, ensemble ils devinrent fans de musique rock et de cinéma.
Son premier contact avec la France vint dans les années 70 avec la lecture de L’étranger d’Albert Camus dans une traduction chinoise, mais dit-il « la première porte d’entrée de ce monde français dans les années 70 alors que j’étais au lycée fut celle de Studio one, un célèbre cinéma art et essai de cette époque où je découvris Jean-Luc Godard, François Truffaut et la Nouvelle Vague du cinéma français ». Il était curieux et avide de découvertes, une soif à ses yeux naturelle et, parlant de la jeunesse d’aujourd’hui, il ne comprend pas pourquoi il faut maintenant organiser beaucoup d’ateliers pour attirer les jeunes vers la culture, « Pour moi, cela venait tout seul » ajoute-il. Un phénomène qui l’étonne encore, car il trouve toujours mystérieux son attrait par exemple pour des films comme les 4 saisons d’Eric Rohmer, qui ne se passent pas à Paris mais en province et dont les protagonistes avaient peu de rapport avec sa propre vie. Il commença alors à développer un amour pour la France, le pays étranger qu’il semblait beaucoup mieux comprendre que n’importe quel autre pays.
Cette découverte des films d’art et essai fit qu’il décida d’étudier la communication et le cinéma à Baptist University, « je faisais des films en 16 mm, je voulais être cinéaste ». A cette époque les professeurs étaient surtout des techniciens du cinéma, mais lui-même s’intéressait d’avantage aux théories du cinéma et fut influencé par un professeur célèbre, Lam Lin-tung (Lin Niangtong), le premier théoricien du cinéma chinois, ce qui confirma son gout pour la critique et les théories du cinéma qu’il continuera d’étudier plus tard en France. A la sortie de l’université, son premier travail sera d’ailleurs comme critique pour un magazine de cinéma créé par le critique, et programmateur du cinéma hongkongais Law Kar. Il travaillera aussi un temps comme distributeur et même comme consultant politique puis de nouveau comme critique au Ming Pao et Hong Kong Economic Journal. Il développe aussi parallèlement un vrai gout pour l’édition et la traduction. Il est rédacteur en chef des publications de l’Arts Festival et a traduit de nombreuses pièces de théâtre pour la scène dont plusieurs de Shakespeare.
Toujours attiré par la France, c’est en 1988 qu’il décide de faire le grand bond. Il suit trois mois de cours de français au centre de Jordan de l’Alliance Française de Hong Kong, puis en part à l’université de Bordeaux pour apprendre le français. En 1989, il gagne Paris où il prépare à l’université de la Sorbonne nouvelle, une license puis une maitrise en études de cinéma. Il passera en France six ans, habitant dans plusieurs quartiers de Paris. 16e, 17e ,14e et Montrouge, et rentrera à Hong Kong en 1994. Cette période très riche en découvertes confirmera son amour pour la France qui n’est pas seulement un amour pour la culture française, mais pour la vie française en général : « Je me sens à l’aise en France, c’est un beau pays, j’y ai beaucoup voyagé. Je trouve que la France accorde une grande place à la culture alors que Hong Kong n’en accorde que très peu. En 2002, invité par le gouvernement français à la Maison des cultures du Monde pour étudier les politiques culturelles internationales et françaises, j’ai pu voir que la France avait en la matière l’une des meilleures politiques du monde, très réfléchie avec « l’exception culturelle » et des gens comme Malraux, Jacques Lang ou Bourdieu. Mais les contacts que j’ai eus ne sont pas seulement dans les milieux artistiques, toutes les choses m’intéressent en France, la télévision, le journal, la politique, le phénomène Macron... Je suis un grand consommateur de nouvelles. Cela m’inspire... pour être différent et comment être différent. »
A Hong Kong, ou en voyage, a l’hôtel, il écoute TV5, il est par exemple un grand fan de l’émission « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier avec Christine Angot et Yann Moix dont il ne manque aucun épisode même si elle est programmée à Hong Kong à 02h00 du matin, il a lu beaucoup de littérature française comme Balzac ou Flaubert mais pas assez à son gout, c’est un grand admirateur du philosophe Gilles Deleuze et de Roland Barthes dont il garde sur son téléphone portable l’un de ses derniers cours au collège de France, « La préparation au roman ». Un homme qu’il trouve séduisant et dont il admire l’esprit et l’intelligence : « Et c’est cela que j’appelle l’esprit français. Je n’ai jamais eu cette impression avec mes professeurs à Hong Kong, ils citent toujours les autres alors que les Français ont au contraire une pensée originale. Il suffit d’écouter Deleuze parler de cinéma, il n’y a pas de critique plus séduisante, il construit lui-même sa propre pensée, il ne cite personne ».
Né dans une colonie anglaise, il regrette avec humour que Hong Kong n’ait pas été influencée par la pensée française. Il admire par exemple l’esprit radical de mai 68, mouvement lancé par les étudiants alors qu’en Angleterre se sont les mineurs qui lancent les grèves et pense que la France avec sa riche histoire et son état démocratique devrait jouer un rôle plus grand dans le monde : « Je ne peux m’inscrire dans la pensée américaine. Elle met en avant la liberté bien sur, mais manque de subtilité. L’Europe est toujours l’endroit le plus avancé sur la modernisation, les questions humaines. Je ne pense pas que l’Europe soit vielle et morte comme certains le disent. Son ancienneté lui donne une pensée plus profonde, car les problèmes sont plus compliqués et ne se réduisent pas à une simple question économique.
« Je me revendique comme à moitié français, je suis francophone, j’aime la France. C’est avec le temps un parcours pour moi de découvertes, il y faut de la passion. Comme dans tout vrai amour, il faut de la fidélité alors j’y retourne tous les ans, je regarde des documentaires, je suis le travail de certains artistes, je m’intéresse aux débats culturels. Récemment j’ai découvert la vie dans le sud de la France. J’ai passé du temps à Cannes, dans les montagnes alentour. Les petits villages de l’arrière pays, les gens là-bas vivent très différemment des Parisiens. Je ne pourrais pas vivre en Angleterre par exemple, la vie y est trop dure, les Français sont moins durs, plus romanesques et ont à coté de cela une grande curiosité intellectuelle ». |
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• So Kwok Wan en Normandie
香港並非法語區域,但這裏的華人當中仍有不少人會法語,蘇國雲就是其一。蘇國雲當年遠涉法國留學,現在是香港藝術節的副節目總監。他對自己口中的「法蘭西精神」非常著迷,用了以下一句話概括:「它是抵抗平凡思想、追求獨立思維的一種方式。」
《東西譚》和他相約了在咖啡室附近見面暢談。他流露著一如平常的優雅氣質;黑色的打扮令人感覺沉著謹慎,臉上掛著友善的笑容。在香港土生土長的他,似乎欠缺喜歡法國的理由。他年少時就讀九龍深水埗某間工業男校,同學們都專心於理科的學習,希望將來成為工程師。一次偶遇,改變了他的品味。學校有一位醉心於舞蹈的女老師,她對現代舞的熱情很快感染了蘇國雲,而且還收了他作學生,這種情況在男校可謂難得一見。起初他只是愛好舞蹈,後來竟然觸類旁通,涉獵起文學和電影,與他一同鑽研電影的還有學校一位好友,著名歌手黃耀明。他倆和許多香港人一樣,迷上了搖滾音樂和電影。
他與法國的邂逅始於七十年代,當時他讀到了阿爾貝.卡繆的《異鄉人》中譯版,但他說:「帶我走進法國天地的第一道大門其實是中學時的「第一影室」,那是當時著名的文藝電影院,我就是在那裏發現盧尚.高達,杜魯福和法國新浪潮的電影世界。」他好奇心旺盛,喜好發現新事物,雙眼散發出渴望的光芒。談到當下的年青人時,他表示不明白為何如今必須舉辦工作坊,吸引年青人接觸文化。「我對法國文化卻是一見鍾情。」他還這樣說。這現象他仍然覺得難以名狀。他覺得法國文化作品,好比電影,有種神秘的吸引力,例如伊力.盧馬的《人間四季》(4 saison)系列。故事發生的地點不是巴黎,而是郊區;幾位主角的故事也沒有太多的交集。他漸漸愛上法國,而他對這個異邦的認識,已遠超其他國家。
發掘了這些文藝電影後,他決定報讀浸會大學的傳理和電影系。他說:「我當時拍了一些16釐米電影。我想成為一名導演。」當年那些導師都是電影技術員,但是蘇國雲對電影理論更有興趣。他受到名導師林嶺東的影響(林是首位華人電影理論家),更肯定自己對電影評論和理論的志向,後來更遠赴法國深造。大學畢業後,他第一份工作為電影雜誌寫影評,該雜誌是由影評人兼電影節目策劃人羅卡創立。他還當過分銷商甚至政治顧問,後來又為《明報》和《信報》寫評論。那段時間,他也開始對編輯和翻譯產生濃厚興趣。他擔任過香港藝術節雜誌的總編輯,並翻譯過多份劇作,包括數套莎士比亞作品。
由於心繫法國,他在1998年決定遠飛歐洲。在佐敦的法國文化協會讀了三個月法文課程後,他再到波爾多大學繼續學法文。1998年,他進了巴黎新索邦大學進修電影學士課程,後來更完成碩士學位。他在法國度過了六年光景,住過16、17、14區以及蒙魯,然後在1994年回到香港。這段期間層出不窮的新發現令他明白,他對法國的情懷並不止於法國文化,還有法國的生活方式:「我在法國感到自在輕鬆,這是個美麗的國度,我遊過很多地方。我發現文化在法國人心目中很有份量,相反香港人並沒有太大的文化胸襟。2002年時我獲法國政府邀請,到法國世界文化館學習國際及法國文化政治。我因此看到法國擁有世上其中一項最好的文化政策,這政策有濃厚的「文化例外」色彩;我還看到了Malraux、Jacques Lang 或 Bourdieu 等人。但我的所見所聞並非只局限於藝術界,我對法國一切的事物都感興趣,電視、報紙、政治、馬克龍現象等等。我會看很多很多新聞。法國啟發了我,教我何謂活出自己,以及如何活出自己。」
他在香港或者在外國的酒店時,會收看法國電視國際五台。他非常喜歡由 Laurent Ruquier 和 Christine Angot 主持的清談節目《今晚夜未眠》(On n’est pas couché),而且一集也不會錯過,儘管節目在香港時間凌晨二時播映。他也看了大量法國文學名著,例如巴爾扎克 (Belzac)和福樓拜(Flaubert),但是並沒有非常喜愛。他很欣賞哲學家吉爾.德勒茲 (Gilles Deleuze),還有羅蘭.巴特(Roland Barthes),還會在手提電話上聽他在法蘭西公學院最後的課程,其中一課是《小說的預備工夫》(La préparation au roman)。蘇國雲覺得他很有吸引力,並欣賞他的精神和智慧:「這就是我所講的法蘭西精神。我在香港遇過的老師從來沒有給我這種印象。他們只會引述別人的言論著作;法國人則相反,他們強調要有自己的思想。你聽德勒茲論電影,他不會有太精妙動人的評論,他只會建構自己的思想,而不是引述別人。」蘇國雲生於香港這個前英國殖民地。他語帶詼諧地慨歎香港並沒有受法國影響。他舉例說,他敬佩68年5月風暴中法國學生的激進精神,在另一邊的英國,礦工發起罷工,並覺得法國有深厚的歷史,也是民主的國度,應該在國際擔當更重要的角色。「我無法認同美國的精神。雖然它帶出了自由,但在細節方面卻有所不足。在現代化和人類議題方面,歐洲仍然是最先進的地方。我並不認為歐洲會如某些人所說,會慢慢老化凋零。正因為歷史淵源深厚,所以思想也來得更加深邃。各式問題非常複雜,你不能將它們單純簡化成一個經濟問題。
「我認為自己是半個法國人。我會講法語,也愛法國,我會在這人生段旅程上慢慢發掘,所以我要保持自己的熱情。就像找尋真愛一樣,忠誠很重要,所以我每年都會回去,另外我還會看紀錄片。我的職責是監督藝術家的工作,我也喜歡文化辯論。近來我在發掘法國南部的生活。我在康城住過,住在環城的山區,在港口背後腹地的小村落,那些山腳居民所過的日子與巴黎人截然不同。我無法在英國那種地方生活,因為那裏的生活太艱難。法國人沒有那樣刻苦,他們比較浪漫,也更有求知欲。 |
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