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Texte : David Cordina, Illustrations 圖: Nicolas Kerszenbaum, French May Arts Festival

 
  Let the mirror speak : projet d'échange théâtral entre Hong Kong et la France
「讓鏡子說」港法劇場交流計劃
 
 

« À travers le miroir, plongez dans l'univers parallèle du théâtre. » Au cours des dix-huit prochains mois, le festival des arts du French May 2023/2024 invite deux dramaturges à participer à un programme commun de résidences théâtrales. Durant cette période créative qui mènera à la création de deux pièces originales, les artistes Nicolas Kerszenbaum et Wu Hoi Fai échangeront, dialogueront et porteront des regards croisés sur la France et Hong Kong.

Au cours de son premier séjour, nous avons rencontré Nicolas Kerszenbaum, qui participe à ce programme ambitieux de résidences. Celui-ci comprend des présentations de leurs œuvres théâtrales antérieures (la pièce Une belle inconnue (en anglais
« A Beautiful Stranger ») sera jouée à Hong Kong en juin 2023), la lecture de la pièce de Wu Hoi Fai intitulée Les Français à Hong Kong à Tuen Mun, ainsi que des résidences de recherche en plusieurs phases en France ou à Hong Kong et une sélection de conférences sur le théâtre contemporain français, notamment à la médiathèque du centre de Jordan (voir le site du French May 2023).

Pour Nicolas Kerszenbaum, auteur et metteur en scène, le projet principal est la création d'une pièce sur la ville de Hong Kong, commande du festival. Actuellement en phase de conception et d'écriture, la pièce sera présentée en novembre prochain au Théâtre 13 à Paris, puis en mai 2024 à Hong Kong pour la 31e édition du French May.

En janvier dernier, Nicolas Kerszenbaum a entamé le premier chapitre de sa résidence à Hong Kong. Il s'agit d'une résidence studieuse au cours de laquelle il apprend le cantonais tous les matins à Causeway Bay et s'imprègne de différents quartiers de la ville, notamment du quartier haut en couleur de Jordan, où il réside et travaille. Au cours de cette période, il a également rencontré de nombreux intellectuels, artistes, universitaires et diseurs de bonnes aventures, dans le but de percer les mystères de la ville.

Paroles : Vous écrivez que chacune de vos pièces est construite par une expérience de voyage. Depuis quinze jours, comment vivez-vous cette expérience ?

Nicolas Kerszenbaum : La découverte de Hong Kong est une expérience complexe. Au-delà des stéréotypes qui l'entourent en tant que ville d'élite ou ville verticale des banquiers asiatiques, Hong Kong est difficile à appréhender. Je fais face à des difficultés, qui se révèlent passionnantes. Ici, on parle cantonais, anglais ou même mandarin mais pas partout. Les rues sont toujours bondées et je me demande si ce sont les mêmes personnes qui peuplent Central ou les quartiers de Kowloon.

Hong Kong, comme beaucoup de grandes villes dans le monde, me semble être une mosaïque de quartiers différents, une juxtaposition de différents clusters. Je retrouve le même phénomène à Paris : la ville où je vis et que je connais (Ménilmontant dans le 19e arrondissement) n’a rien à voir avec les quartiers cossus et choisis pour Emily in Paris, par exemple… Hong Kong est une ville de quartiers, d’humeurs, d'atmosphères, d’ambiances différentes entre les nouveaux territoires, Kowloon, l’île de Hong Kong ou les îles de l’archipel.

Mon objectif est de déployer les mystères de cette ville fascinante, où chaque énigme semble en cacher une autre. A commencer par la langue : j'apprends la langue tous les matins depuis quinze jours, et je comprends que la langue cantonaise ne se pense pas de la même façon que les langues européennes. C'est une langue de concepts qui se superposent avec une grammaire différente des langues auxquelles je suis habitué. Cette étrangeté m'a poussé à réfléchir à des concepts que je n'avais jamais envisagés auparavant, remettant en question l'idée que le langage puisse embrasser toute la complexité du monde. En apprenant cette langue, j'ai découvert de nouvelles catégories de pensée qui résistent à la traduction. C'est un exercice de curiosité sans fin et passionnant.

J’arrive à Hong Kong, de plus, à un moment d'après-crises qui soulève des questions chez mes interlocuteurs : quel rapport avec la Chine ? Comment raconter la ville ? Comment les gens peuvent-ils se raconter ? Quelle histoire les fédère ? Quelle histoire peut-elle les raconter ?
Avec l'aide du festival, Nicolas Kerszenbaum organise des auditions de comédiennes et comédiens pour son projet, qui, comme dans ses précédentes pièces, notamment en Thaïlande, sera écrit en mode plurilingue : français, cantonais, et anglais sous-titré.

La pièce a pour nom Good Fortune : il est trop tôt encore pour découvrir son mystère mais l'auteur évoque quelques éléments fondateurs de son inspiration. Assisté d’une interprète et déambulant dans les rues bien connues de Yau Ma Tei, Nicolas Kerszenbaum a exploré, à cinq reprises, les pratiques divinatoires locales telles que la cartomancie, le Feng Shui, la géomancie, l’achilléomancie, mais c’est surtout le Yi Jing qui a particulièrement attiré son attention.

Sous le signe du Yi Jing


Hexagramme du Yi Jing, Michel Seuphor, 1986

Egalement connu sous le nom de Classique des changements, le Yi Jing(易經)est un texte chinois ancien composé d'une pièce et de 3 pièces combinatoires. Cette pratique divinatoire est basée sur un système d'hexagrammes et de trigrammes, avec un total de 64 hexagrammes possibles. Chaque hexagramme est associé à un poème ancien, et peut être interprété de différentes manières selon une approche littéraire.

Nicolas Kerszenbaum : L'histoire de Hong Kong m'apparaît comme celle de communautés qui ont perdu leur capacité à se raconter de nouvelles histoires. De par les drames historiques, les vagues de migration, l’autocensure, les liens qui unissent son futur fragile à l'auto-narration, que ce soit de soi ou par soi, semblent rompus. La divination m’est alors apparue comme une alternative à cette absence de narration.

L'approche littéraire du Yi Jing offre une critique plus nuancée de la divination. En effet, elle peut être utilisée comme une technique d'interprétation et de réflexion, comme c'est le cas dans la Torah et le Talmud. Dans ce contexte, la divination n'est pas tant une pratique mystique qu'une méthode d'analyse qui permet de dégager une portée morale. Décentrement de soi, prise de distance par rapport à ses problèmes, cette pratique est éclairée par la poésie, qui offre une autre manière de voir le monde. Utilisée de manière créative et réflexive, la divination du Yi Jing peut raconter de nouvelles histoires et renouveler la manière de penser du futur de la ville.

 


Nicolas Kerszenbaum

「透過鏡子,躍入戲劇的平行世界。」2023/2024年「法國五月」藝術節邀請到兩位戲劇編導共同參與長達十八個月的劇場駐留計劃。期間,來自香港的胡海輝與來自法國的尼古拉·卡森鮑姆將充分交流、對話,用雙城視角映照港法兩地,並各自創作一部全新劇作。

本次雄心勃勃的駐留計劃內容頗豐,除了兩位藝術家在法國及香港的多階段駐留調研,亦包括其過往作品展演(卡森鮑姆《美麗陌生人》將於2023年6月在港演出),胡海輝新作《法蘭西香港》圍讀(屯門大會堂),以及一系列關於法國當代戲劇的講座,特別是在法協佐敦中心圖書館舉辦的幾場(詳情見2023法國五月網站)。

而對於身兼編劇及導演的卡森鮑姆,本計劃的重中之重則是受「法國五月」委約,以香港城市為藍本創作一齣戲劇作品。該作品目前已進入構思及寫作階段,將於今年11月在巴黎Théâtre 13首演,隨後於2024年5月假第31屆「法國五月」在香港進行亞洲首演。

剛剛過去的1月,卡森鮑姆開始了在港駐留的第一階段。他在本次駐留中非常用功,不僅每日上午前往銅鑼灣學習廣東話,更走訪了香港不同區域,深入體會本地生活,尤其是其居住和工作的地區——生機勃勃、多姿多彩的佐敦。在此期間,為了揭開這座城市的神秘面紗,他會見了各式各樣的人,包括知識分子、藝術家、學者,以及占卜師。卡森鮑姆第一次駐港期間,我們有幸與他進行了面談。

《東西譚》:你曾經寫道,你的每一部作品都源於一次旅行的經歷。那麼,根據過去十五天的經歷,你對本次旅行有何感受?
尼古拉·卡森鮑姆:對香港的探索是种很複雜的體驗。一般的刻板印象認為香港是座菁英城市,亦或是一座屬於亞洲金融業的垂直城市,但若想再進一步,就會發現香港其實很難領會。我面臨著諸多困難,但困難又讓我興奮不已。這裡的語言有廣東話、英文及普通話,但每種語言都不是處處適用。這裡的街道總是車水馬龍、人山人海,但我不確定活躍在中環和九龍的是不是同一班人。

在我看來,香港正如世上許多大都會,是由不同街區拼湊而成的一幅馬賽克,眾多集群並置共存。我在巴黎也觀察到相同現象。譬如說,我所生活、熟識的巴黎(位於19區Ménilmontant),與《艾蜜莉在巴黎》中出鏡的高尚社區簡直大相徑庭……而在香港,新界、九龍、港島、離島的社區、性情、氛圍、環境亦會有所不同。

我的目標就是展現這座迷人城市的奧妙,在這裡,似乎每解開一個謎團,都會帶來新的謎團。而我的解謎之路就從語言開始:這十五天來,我每天上午去上語言班,開始明白廣東話背後的思維邏輯與歐洲語言並不相同。廣東話是概念的疊加,而其語法規則也與我所熟悉的語言相異。這種奇特的陌生感促使我去思索一些我從未想過的概念,也讓我開始質疑語言是否能夠涵蓋整個世界的複雜性。通過學習廣東話,我開啟了新的思維模式,而這些新思維很難被譯為別種語言。這是一場引人入勝又永無止境的探索。

特別是我來到的時候,香港正處於一個「後危機」時代,這讓與我對話的人產生了諸多疑問:香港與中國大陸的關係如何?該怎樣描述這座城市?本地人該如何描述自己?哪些故事能凝聚他們的情感?又有哪些故事能真實地描述他們?
在「法國五月」的協助下,卡森鮑姆為其劇本進行了演員試鏡。一如其以往作品,尤其是近期於泰國完成的劇作,這部名為《好彩》的新作將以多語種創作,法文、英文及廣東話共同演出,並配有字幕。

雖然現在揭示其內容還為時過早,但編劇還是透露了其靈感來源。在翻譯員的協助下,卡森鮑姆走遍油麻地知名街巷,先後五次嘗試了本地占卜,包括紙牌占卜、風水、土占和蓍占。然而,最讓其感興趣的還是《易經》。

以《易經》為指引
《易經》常被視為「變化之書」,是中國經典之一,用於卜筮。易有六十四卦,一卦有六爻,由三爻八經卦重疊演變而成。每一卦均有對應之卦辭,可從文字上以不同方式予以解讀。
卡森鮑姆:我感覺香港的歷史,是一個失去講述新故事能力的社群之歷史。由於重大歷史事件,諸多移民潮及自我審查,聯繫其脆弱未來與自我敘事(不管是由自我來敘述,還是對自我的敘述)的紐帶似乎已經斷裂。因此,我認為占卜術也許可以某種程度上彌補這種敘事缺失。

《易經》的文學性讓我們在評判占卜時更加審慎。事實上,我們大可把占卜看做一種思考和解讀技巧,一如《妥拉》和《塔木德》。此種情況下,占卜與其說是一種神秘主義實踐,倒不如說是一種分析方法,可用於提煉道德意義。它讓我們擺脫自我中心的思考模式,與自身問題保持距離,同時用詩意的方式,啟發我們以不同的視角來看待世界。若能加以反思性、創造性地運用,《易經》中的卜筮就能講述全新的故事,讓我們對這座城市的未來做出新的展望。

 


 
 

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