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Depuis le mois de février, un nouveau projet agite les sphères littéraires hongkongaises et helvétiques : une collaboration inédite entre quatre auteur.ice.s de Hong Kong et le collectif romand AJAR. L’objectif : créer un roman écrit à vingt deux mains, en hybridant les cultures et des pratiques littéraires en apparence différentes.
Les littératures hongkongaise et suisse, deux mondes méconnus
« C’est lors de la soirée Jentayu, à la librairie Parenthèses, que l’idée a germé ! », nous dit Karine Yoakim Pasquier, établie à Hong Kong depuis 2018. Un précédent projet mis sur pied par son collectif littéraire l’AJAR avait permis de s’associer à sept illustratrices et illustrateurs de Chine pendant le confinement ; il lui inspire cette collaboration. « En écoutant les autrices et auteurs de Hong Kong lire leurs textes, j’ai réalisé à quel point la littérature hongkongaise était méconnue… de la même manière que la littérature suisse, souvent dans l’ombre de son homologue française. C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il faudrait trouver un moyen d'écrire ensemble. »
De retour en Suisse en décembre, elle soumet l’idée à ses collègues. L’enthousiasme naît aussitôt. Elle contacte alors quatre artistes : Wong Yi, Lawrence Pun, Dorothy Tse et Christophe Tong Yui. Ils se mettent au travail… et l’entente est immédiate.
Deux cultures à apprivoiser
Hong Kong dans les Alpes suisses, image créée par lA (outil, DALL-E 2, Open AI, script : Paroles) |
Lors des premiers échanges, les liens se nouent. Même si le projet final sera rédigé en français et en chinois, l'anglais permet de connecter les artistes. « La première question à laquelle les autrices et auteurs ont dû répondre était : qu’est-ce qui définit votre pays ? », nous dit Karine. Timidement d’abord, puis avec de plus en plus d’enthousiasme, les langues se délient. Wong Yi s’amuse des discussions sur le groupe Whatsapp commun : « Nous nous envoyons souvent des photos d’endroits intéressants et uniques à Hong Kong, comme des rues pleines de poissons rouges ou de costumes, des laveries avec des peluches en vitrine, un restaurant appelé le Swiss Café, etc. Ce type d’échange culturel nous aide à mieux nous connaître. »
Par des anecdotes, des images, des situations de la vie quotidienne partagées lors de séances Zoom ou sur WhatsApp, chacun dépeint sa propre réalité, emportant l’autre avec lui. Les vendeurs de leung sung faan (兩餸飯) côtoient les horlogères, les spécialistes des échafaudages en bambous, les tavillonneurs… et les montagnes des deux territoires se dressent les unes à côté des autres.
Dorothy Tse confie que la première session a été très amusante : « Nous avons parlé des similitudes et des différences entre la Suisse et Hong Kong… Ce faisant, j’ai beaucoup appris sur le quotidien des Suisses, par exemple leur façon de faire la lessive ou l’interdiction de prendre des douches tard le soir pour ne pas déranger les voisins… Ce sont des histoires que je n’aurais pas connues autrement. »
Danica, une Ajarienne, complète : « Malgré les 9 344 kilomètres qui nous séparent, la collaboration est très fluide. Ici ou là, les interrogations que font naître la pratique d’écriture (construction de personnages, temporalité, narration, etc.) crée immédiatement du lien entre les auteur.ice.s. Au bout de quelques séances à peine, la création d’une fiction commune nous a relié.e.s dans la réalité. »
Lorsque les artistes suisses apprennent au détour de la conversation que les Hongkongais raffolent des swiss chicken wings, une spécialité de poulet à base de sauce soja, méconnue en Suisse, cela les amuse. « C’est riche, très bienveillant et souvent drôle. On trempe un orteil dans un univers à la fois familier et déroutant », nous dit Julie, l’une des membres de l’AJAR.
Christophe Tong Yui est également de cet avis : « Bien que Hong Kong et la Suisse soient des endroits très différents, nous avons découvert de nombreux intérêts communs, en particulier dans notre appréciation mutuelle des aspects quotidiens de la vie que nous explorons dans nos écrits. »
Écrire collectivement
Les premières anecdotes partagées et le lien établi, les auteur·ice·s se mettent d’accord sur les conventions qui régiront ce roman commun.
Si le collectif AJAR écrit à plusieurs mains depuis des années, jouant et déjouant les codes littéraires classiques, pour les Hongkongais, c’était une nouvelle aventure. « J’ai été très impressionnée d’apprendre l’existence d’un tel collectif littéraire. Les auteur·ice·s de Hong Kong n’écrivent pas souvent collectivement et c’est quelque chose de nouveau pour moi. », nous dit Dorothy. Wong Yi confirme : « L’écriture collaborative n’est pas une chose à laquelle je suis habituée. J’attends avec impatience de voir où cela nous mènera… et comment nos deux cultures vont se rencontrer au sein de notre histoire ! »
Concrètement, les étapes sont précises : en mars, après une soirée de lancement lors du festival de la Francophonie, les auteur·ice·s ont commencé à élaborer les personnages de ce roman polyphonique qui se situera dans une ville imaginaire, faite de Suisse et de Hong Kong. En avril, les personnages se rencontreront pour la première fois… et leurs relations seront tirées au sort à l’aide d’un jeu de cartes, créé par Dorothy. Le récit naîtra ensuite, à partir de ces différents éléments.
« Au départ, nous avons laissé les idées circuler librement…, nous dit Lawrence. Puis, nous avons peu à peu commencé à discuter de la trame, de la caractérisation, du contexte, du ton de l’histoire, etc. »
Créer sa propre voix
Pour Dorothy, le projet sera un réel défi : « Pour moi, l’écriture est liée à la solitude. Ce projet va donc définitivement challenger mon rapport à l’écriture. J’ai hâte de voir comment les personnages et l’histoire vont évoluer au cours du processus, mais plus important encore, j’aimerais mieux connaître les écrivain·e·s prenant part au projet, en particulier les artistes suisses, leur culture et leur vie. Cela me permettra aussi de mieux comprendre ma culture et l’endroit où je vis. »
L’objectif principal de Tong Yui est simple : « J'espère que notre collaboration augmentera la visibilité et l'appréciation de la littérature hongkongaise et suisse. Et j’espère que notre collaboration fera naître un partenariat créatif à long terme. »
Lawrence conclut: « Je pense qu’un auteur est rattaché au lieu où il réside. Il est donc normal que chaque auteur soit différent. La littérature en tant que littérature doit avoir sa propre voix et sa propre caractéristique… mais comme lorsqu’on essaye quelque chose de nouveau, en chinois nous disons : “摸著石頭過河” (cross the river by touching the stones). J’espère que ce projet — et le récit final qui en résultera nous apporteront quelque chose de florissant. »
Afin que le texte prenne corps, les auteur·ice·s devront construire une voix hybride : un mélange atypique d’est et d’ouest… à l’image du yuenyeung, cette boisson hongkongaise mêlant thé, café et lait condensé.
La prochaine étape sera donc le travail de rédaction, qui a partiellement commencé. Et le rendez-vous est lancé, en 2024, pour découvrir ce texte singulier.
Les prochaines étapes du projet « Sam ziu, à demi-mot »
- avril 2023 : présentation des personnagesde
- mai à octobre 2023 : écriture collaborative des chapitres
- d’octobre 2023 à mars 2024 : retravail du texte et travail
d’édition
- Printemps 2024 : présentation finale du manuscrit
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二月以來,一個嶄新的文學項目在香港與瑞士文壇掀起波瀾:四位香港作家與瑞士法語區作家團體AJAR展開了一場前所未有的計劃,牽起22隻手,融合看似迥異的文化與文學傳統,共同創作一部多語言小說。
Tavillons suisses vs bambous hongkongais, montage © Paroles
香港文學與瑞士文學,兩個鮮為人知的文學世界
「這個想法是在歐陸圖書公司 Parenthèses 舉辦的Jentayu之夜萌生的!」Karine Yoakim Pasquier告訴我們。她自2018 年便定居香港,其所在的文學團體AJAR曾在之前隔離期間與七名中國插畫師合作,也是這次經歷啟發了本項目。「聽著香港作家朗讀他們的作品,我意識到香港文學是如此受埋沒……一如瑞士文學,常常處於法國文學的陰影下。就在那一刻,我有了創造機會一同寫作的想法。」
12月從香港回到瑞士後,她便將此想法告知同事,大家立刻熱情高漲。她聯繫了四位香港作家:黃怡、潘國靈、謝曉虹和唐睿。一眾藝術家一拍即合,立即行動起來。
兩種文化的馴服:從陌生到熟悉
兩地作家交流伊始便建立了緊密聯繫。他們藉助英語溝通,儘管最終作品將以法語及中文呈現。Karine說,「我們要回答的第一個問題就是:是什麼定義了你的國家?」從一開始的謹愼,到後來的投入,大家逐漸敞開心扉,也打開了話匣子。説起在WhatsApp群組中的討論,黃怡忍俊不禁:「我們經常在群組中互傳相片,特別是香港那些獨到有趣的地方,譬如金魚街、專賣變裝服飾的街道、櫥窗擺滿公仔的洗衣房、名叫『瑞士咖啡室』的餐廳等等。這些文化交流有助於我們認識彼此。」
透過在Zoom或WhatsApp上分享軼事、圖片和生活日常,每個人都用各自的方式描繪著自己的現實,同時亦將對方帶入其中。香港兩餸飯攤主與瑞士鐘錶匠有來有往,搭棚師傅與木瓦工匠不分你我……而兩地高聳的山峰也比鄰而居,並肩而立。
謝曉虹坦言,第一次頭腦風暴非常有趣:「我們談論了瑞士和香港的異與同……過程中,我對瑞士的生活日常有了更多了解。譬如他們的洗衣方式,以及晚上不準沖涼以免打擾鄰居等……這些都是我難以從其他途徑獲知的。」
AJAR成員Danica補充道:「即使我們相隔9344公里,合作卻十分順暢。不管在此地還是彼方,寫作中涉及的問題(如人物塑造、時空構建、敘事方法等)讓作家立刻有了默契。短短幾次討論後,我們就通過一起創作故事在真實生活中結下了紐帶。」
當瑞士藝術家得知香港人對用豉油烹製卻不為瑞士人所知的「瑞士雞翼」情有獨鐘時,不由得感到好笑。AJAR成員Julie表示:「(交流)豐富、友善,且常常令人莞爾。我們彷彿一隻腳踏入了一個既熟悉又令人費解的世界。」
唐睿也表示同意,他說:「儘管香港和瑞士是兩個截然不同的地方,但我們發現彼此有很多共通的興趣,尤其是我們都樂於日常生活點滴,而這也是我們將要在寫作中一同探討的。」
集體創作
分享過趣聞軼事,建立起相互聯繫後,兩地作家便達成一致,一起制訂了創作小說的規則。
AJAR成員已有多年共同寫作經驗,他們既會參考經典文學規則,亦會不斷挑戰和顛覆。然而,對於香港作家,本計劃意味著一次全新冒險。「得知有這樣一個文學團體存在,我很受震動。香港作家鮮少集體創作,這對我也是一個新奇的體驗。」謝曉虹如是說。而黃怡也表示認同:「我之前並不習慣集體寫作,所以對是次合作充滿期待,想知道我們可以去到哪裡……而兩地文化又將如何在我們的故事中相逢!」
是次文學交流計劃有著明確的創作流程:三月,藉香港法語圈同樂節舉辦的啟動活動後,兩地作家開始塑造書中人物形象。這將是一部多元敘事小說,背景則是一座融合香港和瑞士元素的虛構城市。四月,小說中的角色首次相遇,由謝曉虹設計的紙牌遊戲決定彼此關係。隨後,在這些元素的基礎上,故事將逐漸展開。
「開始時,我們讓靈感自由馳騁……」潘國靈說道,「然後才逐步討論故事的情節、角色、背景及調性等。」
創造自己的聲音
對謝曉虹來說,本項目將是一次真正的挑戰:「寫作於我是一件孤獨的事。因此,本項目定會徹底改變我對寫作的認知。我迫不及待地想知道,隨著創作進程,我們筆下的人物將如何成長,故事將怎樣發展。但我更希望能進一步認識與我共筆的各位,特別是幾位瑞士作家以及他們的生活與文化。這也將讓我更好地理解自己的文化與家鄉。」
唐睿的目標則很明確:「我希望透過這次合作,讓香港和瑞士的文學得到更多關注與欣賞。也希望我們的合作能促成一段長期的創作夥伴關係。」
潘國靈總結道:「我認為作家與其所居之地息息相關,因此每位作家各有不同再正常不過。文學之為文學,應當有其自身的聲音與個性……中文裡,我們常說在嘗試新事物時要『摸著石頭過河』。希望本項目及其最終成果能讓我們都有所收穫。」
為了讓文本成型,幾位作家需要將不同文化凝聚成一把獨特的混合聲音,正如一杯混合了紅茶、咖啡和淡奶的港式鴛鴦。
本計劃的第二步「撰寫工作」經已部分展開。讓我們相約2024年,一同探索這部與眾不同的故事。
「心照」計劃未來流程:
- 2023年4月:展示小說人物
- 2023年5月至10月:共同撰寫小說各章節
- 2023年10月至2024年3月:修稿及編輯
- 2024年春季:呈現定稿
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