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À moins que vous ayez décidé d'ignorer superbement les turpitudes de ce bas monde et ses vaines préoccupations en vous retranchant dans un lieu isolé dépourvu de toute connexion, vous ne pouvez pas ne pas avoir entendu parler du dernier rejeton de la société OpenAI, ChatGPT.
Cet agent conversationnel – et toutes les intelligences artificielles génératives du même genre – ont provoqué un véritable tsunami médiatique qui n'en finit plus de se déverser sous nos yeux quotidiennement étonnés. Beaucoup se demandent quelles sont les conséquences d’un tel bouleversement et, entre autres, si notre système éducatif peut se remettre d'une telle gifle. Pour expliquer cette sidération et le questionnement qui en découle, outre l’évident et saisissant progrès technique, je hasarderai une explication. ChatGPT et les intelligences artificielles du type Midjourney sont en train d'infliger en direct à l'humanité une quatrième blessure narcissique.
La quatrième blessure
Garry Kasparov contre le supercalculateur Deep Blue, 1997 |
Sigmund Freud disait que notre amour-propre avait subi trois blessures : la première par la révolution copernicienne qui apprenait à l'homme qu'il n'était plus au centre de l'univers, la deuxième par la théorie de l'évolution de Darwin qui lui montrait qu'il était un animal comme les autres, et enfin, la troisième par la psychanalyse, qu'il n'était pas même le maître de son âme.
Jusqu'à très récemment, l'être humain se croyait meilleur que la machine, au moins dans le domaine des arts et du langage, puisqu'il avait déjà perdu la bataille de la rapidité et du calcul. Les récents développements de l'IA ont montré que la compétition était terminée. C'est la quatrième blessure, et elle va, en cicatrisant, redessiner le monde tel que nous le connaissons.
Mais pour l'éducateur que je suis, je ne peux m'empêcher de porter mes pensées sur les conséquences de l'irruption de l'IA dans le système scolaire. Maintenant qu'un élève a les moyens techniques de produire en quelques secondes une dissertation ou une rédaction somme toute honorable sans qu'il se soit donné la peine de fournir aucun effort, qu'advient-il de notre système éducatif ? Arrive-t-il à péremption ? Est-ce la fin de l’école ?
L'école et la révolution
Disons-le d'emblée, l'école n'aime pas les révolutions. C'est un milieu tiraillé par des forces contradictoires extrêmement fortes qui n'invitent pas à la transformation radicale des pratiques. Elle aurait même tendance à domestiquer les nouvelles technologies pour continuer à faire ce qu'elle faisait avant. Pourtant, cette révolution, on l'annonce régulièrement et aujourd'hui il n'est pas rare d'entendre que l'IA va « disrupter » le modèle éducatif tel qu'on le connaît. Est-ce vrai ?
Tout d'abord, vous savez certainement que depuis plus de cent ans, on annonce la révolution (éducative) permanente. En 1913, Thomas Edison expliquait qu'à cause de la vidéo, les livres allaient devenir obsolètes. Ce fut au tour de la radio, puis de la télévision, puis des « lasers discs », puis des MOOCS de transformer en profondeur l'école. On le sait, ce ne fut pas le cas. Certes, l'école n'ignore pas ces supports, mais les pratiques pédagogiques ont peu évolué et la règle des trois unités continue à prévaloir : un enseignant transmettant un savoir dans un lieu en un temps donné. Rien de très disruptif.
Mais cette fois, ne serait-ce pas la bonne ? ChatGPT ne frappe-t-il pas d'inanité notre façon d'enseigner ? À quoi bon transmettre des connaissances qui sont partout et faire faire des tâches à des élèves qui peuvent les faire produire par une machine en moins de temps qu'il ne faut pour le dire ? A-t-on même encore besoin d'apprendre à écrire ?
Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, mais je voudrais prendre un élément de comparaison et procéder à un retour en arrière. Nous sommes en 1997. Nous assistons au match de Garry Kasparov contre Deep Blue. Rappelez-vous des grands titres de l'époque : le dernier rempart du cerveau, le défenseur de l'humanité, etc.
Comme vous le savez, Kasparov a perdu. On s'est alors demandé si on jouerait encore aux échecs puisque les machines nous étaient supérieures. La réalité est qu'on joue aux échecs plus que jamais. L'ordinateur (et donc l'IA) permet de mieux s'entraîner, de se préparer, de bénéficier d'un coach (certes virtuel), d'éviter de trimballer avec soi des dizaines de livres, de tirer partie de très nombreuses bases de données, de revisiter une partie, de l'analyser, de la comparer, etc. La possibilité d'utiliser des applications permettant de jouer aux échecs, parfois seul ou à un très jeune âge (permettant de repérer et cultiver très tôt les talents) ou de jouer grâce à internet avec des gens à l'autre bout du monde ont en fait démocratisé le jeu.
En somme, tous ceux qui vous annoncent la catastrophe technologique en une eschatologie (ajouter l'adjectif idoine) devraient toujours vous inciter à penser qu'entre utopie et dystopie, il y en général une marge assez intéressante à explorer. Mais enfin comment l'école doit-elle s'adapter si toutefois il lui en prend l'envie ? Pour répondre à cette question, rappelons-nous quel est le rôle de l’école.
Le rôle de l'école
Selon Ken Robinson, l'éducation remplit trois rôles : personnel, culturel et économique. Le premier consiste à développer les talents et la sensibilité des individus. Le second, culturel, a pour objectif d'approfondir la connaissance du monde dans lequel les élèves prendront place. Enfin, le dernier est de permettre d'obtenir les compétences qui leur assureront un moyen de subsistance et d'être économiquement productifs.
L'école n'a pas pour seul enjeu de transmettre des informations et d'attendre de la part de ses utilisateurs de les restituer au moins le temps d'un examen. Ouf ! Il reste donc beaucoup de choses à apprendre à nos élèves et dans un contexte de sédentarité, on voit bien là comment certaines disciplines pourraient prendre une place accrue. Je pense au sport bien sûr, mais je ne peux m'empêcher de penser également que si l'éducation ne ressemblait pas à un gavage d'oies qu'il faut trier à la sortie, toute cette histoire d'IA aurait été une banale anecdote.
Quoi qu'il en soit, cela ne nous dit pas ce que nous ferons dans un monde transformé par l'IA si d'aventure l'école est amenée à changer. À quelles tâches l’école doit-elle donc s'atteler ?
Le centaure
Tout d’abord, il nous faut comprendre que la technologie est omniprésente (malgré qu'on en ait), et que, pour autant, sa maîtrise ne va pas de soi. La Commission européenne nous apprend que 40% des Européens ont un nombre insuffisant ou pas de compétences numériques et que 42 % de ces gens qui n'ont pas de compétences numériques sont sans emploi.
Le World Economic Forum explique, de son côté, que d'ici 2025, le temps consacré aux tâches courantes au travail par les humains et les machines sera égal et que 85 millions d'emplois pourraient être déplacés en raison d'une modification de la répartition des tâches entre les humains et les machines, tandis que 97 millions de nouveaux rôles pourraient apparaître, plus adaptés à la nouvelle répartition des tâches entre les humains et les machines.
In fine, il faut apprendre à travailler avec la machine. Kasparov nous l'enseignait déjà. S'il ne sert à rien de lutter contre elle, utilisons-la. Agissons en symbiose avec elle et devenons ces centaures qui réunissent plusieurs qualités indispensables et indissociables. Il faut désormais savoir travailler avec les autres et travailler avec la machine. Si vous ne savez faire ni l'un ni l'autre, vous ne trouverez pas votre place sur le marché du travail.
Ainsi, pour nous remettre de cette blessure narcissique, nous devons comprendre que la machine nous aidera à mieux travailler et à être plus productifs. Nous continuerons à écrire. Nous nous y prendrons différemment mais nous continuerons. La machine ne fera pas le travail à notre place mais nous aidera à réaliser plus facilement certaines tâches. Peut-être, même, peut-on espérer que de nouvelles pratiques émergeront, un peu comme l’apparition d’une technologie appelée photographie a signé l’arrêt de mort des portraitistes mais a permis dans le même temps au peintre d’explorer de nouvelles possibilités ouvrant la porte à l’art abstrait. Qui sait ?
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只要你不是閉目無視凡間醜惡,充耳不聞塵世紛擾,隱居桃花源過著與世隔絕的生活,你就不可能沒有聽聞OpenAI公司推出的最新產品——ChatGPT。
這款語言模型——以及所有同類型生成式人工智能——引發了一大波媒體熱潮,鋪天蓋地的報道席卷而來,每天刺激著我們的神經。許多人對這一劇變可能帶來的影響表示擔心,譬如我們的教育體系能否在經歷如此重擊後恢復過來。要如何解釋這種普遍的驚愕及隨之而來的質疑呢?我認為,除了其顯著的技術進步令人咋舌,另一個潛在原因則是ChatGPT及Midjourney這類AI正在第四次挫傷人類的自戀。
第四次挫傷
佛洛伊德認為,我們人類的自尊總共遭受過三次打擊:第一次是哥白尼的日心說,打破了地球是宇宙中心的信仰;第二次是達爾文的進化論,證明了人類並非凌駕於其他動物之上;第三次則是精神分析學,揭示了人類甚至並非自己靈魂的主人。
直至最近,人類依然堅信自己在藝術和語言方面的造詣比機器更勝一籌,儘管我們早已在速度與計算領域一敗塗地。但是,近期AI的發展,似乎宣告這場競爭已然結束。這就是第四次挫傷,而我們今日所熟悉的世界也將隨著傷口癒合改頭換面。
然而,作為一名教育從業者,我不禁要思考人工智能湧入教育體系會帶來怎樣的後果。如今,學生只需短短幾秒,便可藉助科技手段生成一篇整體水準尚佳的作文或論述文,過程中不需付出任何努力。那麼,我們的教育體系該何去何從?它是否已經老朽過時?學校的末日是否已到來?
學校與改革
開門見山地說,學校向來排斥改革。學校常處於多股針鋒相對的勢力拉扯之下,在如此環境中,徹底的變革很難實現。現實中,學校甚至更有可能馴化新科技,將其納入自身沿用已久的運行模式。儘管如此,「教育改革將至」的風聲仍不時傳出。如今,更是時常聽到AI即將「顛覆」當前教育模式的觀點。當真如此嗎?
首先,你我皆知,過去百多年來,人們一直聲稱(教育)革命即將到來。1913年,湯馬士.愛迪生表示,錄像的出現將使圖書過時。接下來,廣播、電視、鐳射影碟和MOOC都先後被認為將徹底改變學校教育。然則事實並非如此。學校自然沒有忽視這些新媒介,但教學實踐至今變化甚微,教學的三要素也依然佔據主導地位,即:由教師在特定時空傳授知識。哪有什麼顛覆性的改變。
那麼這一次,變革真的要來了嗎?ChatGPT會否使我們的教學方式變得毫無價值?傳授隨處可得的知識有何意義?佈置眨眼功夫即可用機器完成的作業有何意義?今天,是否連學習寫作都變成多餘?
關於這個話題,有太多值得討論的地方。但我想先回顧一個事件,借古鑒今。讓我們回到1997年,西洋棋大師卡斯帕洛夫對戰超級電腦「深藍」的那一天。回想當年的報章頭條,充斥著諸如「大腦的最後防線」、「人類捍衛者」等標題。
結果如我們所知,卡斯帕洛夫最終落敗。當時,人們擔心既然已被機器超越,會否還有人再下西洋棋。可事實上,此次事件後,下棋的人卻空前地多了起來。電腦(以及AI)讓人們得以更好地訓練、準備,不僅可以充分利用(虛擬)教練,還能免於隨身攜帶大量書籍,此外更可運用海量數據庫,重新審視棋局或進行比較分析。棋類應用程式除了讓一個人也能下棋,還讓更多兒童接觸到西洋棋(從而盡早發現並培養有天賦的小棋手);而互聯網則讓人們可以與世界彼端的棋手對局。在這些因素的共同推動下,西洋棋變得比以往任何時候都更受歡迎。
總而言之,任何以末世論的(此處請自行添加適合的形容詞)論調宣告技術災難的人,都應在我們心中敲響警鐘。我們應認識到,在烏托邦與反烏托邦之間,往往有一個相當有趣的中間地帶值得探索。不過,如果學校意欲改變,又該如何適應這些變化呢?要回答這個問題,就要先回顧一下學校的作用。
學校的作用
教育作家Ken Robinson認為,教育的作用涵蓋三個主要面向:個人、文化和經濟。個人層面在於發掘、培養個體的稟賦與敏感性;文化層面旨在加深學生對所處世界的認識;而經濟層面則是讓學生獲得維持生計的技能,使其具有經濟生產力。
謝天謝地,傳遞信息並盼著學生能夠(至少在考試中)運用這些信息,並不是學校的唯一使命。因此,在這個居家久坐越來越普遍的社會裡,我們仍有許多事物可以教給學生,而某些學科也可能會變得更為重要,例如體育。然而,我仍忍不住想,如果我們的教育不是將學生當填鴨一般填餵、篩選,那麼關於AI的話題可能根本不會掀起波瀾,而只會是一則普通趣聞。
無論如何,這依然未回答之前的問題:在被AI深刻改變的世界裡,如果學校的確需要改變,應該怎麼做?彼時,學校又該承擔起哪些責任?
「半人馬」
首先,我們要認清一個事實,即科技無所不在(不管我們願意與否),但掌握它卻並非易事。根據歐洲委員會的報告,歐洲有40%的人數字技能不足或缺失,而在完全不具備數字技能的人群中,42%處於待業狀態。
世界經濟論壇則估計,到2025年,全球有一半的日常工作任務將由機器完成。勞動力從人類向機器的轉移將使8500萬個工作崗位消失,同時又將創造9700萬個更適合人機分工的新崗位。
總之,我們必須學會與機器共處。卡斯帕洛夫的事件已經揭示了這一點:與其徒勞地抗爭,倒不如好好利用它。讓我們與機器和諧共生,將多種不可或缺且不可分割的品質集於一身,成為一匹超凡的「半人馬」。從今往後,我們需要懂得與他人及機器共事。如果做不到這兩樣,我們將難以在勞動市場上尋得立足之地。
因此,為了從這第四次自戀挫傷中恢復,我們應當明白,機器會提高我們的生產力,助我們更好的工作。我們仍將繼續寫作,或許會以不同的方式,但絕不會休筆。機器不會取代我們的工作,而是幫助我們更加輕鬆地完成某些任務。我們甚至不妨期待全新實踐的出現,正如攝影技術讓肖像畫家沒了用武之地,卻也讓藝術家得以探索新的可能性,進而為抽象藝術的出現鋪平了道路。誰知道呢?
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