|
Chez le jeune enfant, qu’il s’agisse du bilinguisme d’immigration ou d’élite, les problématiques émergentes au sein de l’école, au sein des familles expatriées et des couples mixtes, amènent fatalement les parents à se poser la question-clef : quel est le meilleur moment pour commencer l’enseignement d’une deuxième langue ?
Une deuxième langue : affaire de famille, affaire d’État
Cette question peut paraître purement théorique, mais elle ne l’est pas. Dure à aborder, dans beaucoup de contextes, il s’agit d’une question à double tranchant bien aiguisé. Cette question prend de plus en compte la politique d’un pays face aux étrangers, y compris un aspect socio psychologique, culturel et identitaire important.
En réalité, lorsqu’un parent pose ce genre de question aux professionnels de la petite enfance, sa véritable interrogation pourrait s’exprimer ainsi : « devrais-je disposer le cerveau de mon enfant à développer tout au long de sa vie une pensée plus riche et différente de la vôtre ou devrais-je cloisonner les performances de son cerveau afin qu’il grandisse avec une pensée unique et semblable à la vôtre ? » C’est à partir de là que la guerre des langues commence... et devient parfois une affaire personnelle.
La réponse type
Les arguments sont variés. L’avis des pédiatres est souvent : « c’est trop pour un enfant »... Tandis que certains orthophonistes disent : « quand l’enfant ne connaît pas la liste des mots répertoriés dans nos guides, c’est qu’il y a un problème ». La plupart du temps, les parents s’en tiennent au « mot du médecin » et à celui du « pro de l’articulation ».
En revanche, le parent qui prend en main l’éducation de son enfant se dira qu’il ne s’agit pas d’une question médicale ou d’un exercice mécanique... Que voudrait dire : « c’est trop pour un enfant » ? ou « pourquoi une liste de mots établie devrait juger ou définir le contenu de la thématique entre moi, ma famille et mon enfant » ?
Mais cela n’est que le début du parcours de quelques uns. Que se passe-t-il dans les lieux éducatifs que fréquentent les enfants chaque jour ?
Les conséquences de demander à autrui d’éduquer ses enfants...
Dans certains pays le système scolaire ne préconise pas, il exerce même une forte pression sur les familles afin de les dissuader de transmettre aux enfants leur langue maternelle et n’importe quelle autre langue.
Les arguments exposés alors sont : « l’enfant va confondre les langues, va avoir du mal à intégrer les enseignements à l’école, redoublera la classe, aura un retard dans son apprentissage, un rapport sera transmis à l’inspection de l’éducation nationale, des poursuites seront entamées ». Un scénario de cauchemar.
De ce point de vue, cette attitude relève d’une attaque contre le bilinguisme, dont l’objectif est nettement de faire pression sur les familles et par là, de leur interdire d’exercer leur autorité parentale.
Mère et linguiste, j’entends depuis des années des témoignages de mères regrettant d’avoir coupé leurs enfants de leurs propres langues et cultures ; et d’autres témoignages de ceux qui ont opté pour la dissimulation, cachant ainsi le bi ou trilinguisme de leurs enfants à certaines institutions réticentes.
Vers d’autres perspectives
De l’autre côté du spectre, la réponse préférée des pédagogues ouverts, à la question du meilleur moment pour enseigner une deuxième langue aux enfants, est « le plus tôt possible », ce qui est vérifié par les recherches. Il faut cependant ici, prendre garde aux mots que l’on emploie pour désigner ce processus.
Acquisition vs apprentissage
D’un point de vue linguistique, l’étude de l’apprentissage diffère totalement de celui de l’acquisition. Pour faire court, l’acquisition de la langue par l’enfant commence dès que le système auditif envoie des données au cerveau lui permettant de les traiter. Tandis que l’apprentissage d’une langue suppose la mise en place des mécanismes volontaires, bien différents.
Un enfant qui est exposé à une deuxième langue vers l’âge de deux, trois, quatre, cinq ans, devra faire des réels efforts pour intégrer l’ensemble de structures faisant partie d’un nouveau système linguistique. Il sera donc dans l’apprentissage, quoiqu’il ait plus de facilité qu’un adulte.
Mais quels faits démontre la science ?
L’étude de la « réactivité cardiaque chez le fœtus »1, suggère que le cerveau, dès le stade de fœtus à 6 mois, traite déjà les sons de la parole. L’étude des indices de préférence d’écoute pour les contours prosodiques de la voix de sa mère2 montre quant à elle, des préférences liées à l’intonation, et aussi liées au fait qu’il s’agit de la voix de sa mère, quand celle-ci est présentée en concurrence avec celle d’une autre mère parlant à son bébé.
Un ensemble d’expériences3 ont montré que des nourrissons à partir de trois et quatre jours, savaient discriminer des contrastes de voisement, de place et de mode d’articulation qui donnent leur identité à chaque phonème.
La méthode de la « succion de haute amplitude »4 révèle qu’à partir du quatrième mois, le nourrisson est déjà capable de différencier les phonèmes de sa langue de par leur différence acoustique : /pa/est différent de/ba/et aussi « lorsque cette différence place ces syllabes de part et d’autre d’une frontière qui est proche de celle utilisée par les adultes ». À quatre mois et demi, des expériences ont montré que le bébé est plus attentif à l’écoute de son propre prénom qu’à celle du prénom de ses copains, par procédure de préférence du regard vers les sources5.
Également à partir du quatrième mois, la « procédure de préférence dans la rotation de la tête », a montré que le nourrisson aurait tendance à tourner sa tête du côté où il entendait un son qui lui serait déjà familier. Dans ce même contexte, il serait aussi capable de discriminer le contraste entre deux syllabes6.
Que suggèrent ces résultats de recherches ?
Un enfant qui est exposé de manière récurrente à plus d’un système linguistique dès les derniers mois in uterus, aura acquis plus d’une langue de manière naturelle et sans effort. Et encore les articles cités plus haut parlent des bébés des années 1987... quelles seront les performances du cerveau des fœtus des années 2018 ?
Cet article est publié avec l’aimable autorisation de The Conversation, média en ligne d’information et d’analyse de l’actualité indépendant, qui publie des articles grand public écrits par les chercheurs et les universitaires.
1 Lecanuet, Granier-Deferre, De Casper, Maugeais, Andrieu, Busnel, 1987
2 Mehler, Bertoncini, Barrière et Jassik-Gerchenfeld, 1978
3 Jusczyk, 1985
4 Siqueland et Delucia, 1969
5 Mandel, Jusczyk et Pisoni, 1995
6 Werker et Tees, 2011 |
|
對兒童而言,無論是因為移民或精英教育而起的雙語教育,學校本身、移民外國的家庭、跨國婚姻的夫婦都不免有這疑問:第二語言教育的最佳時機是幾歲?
第二語言﹕家庭議題、國家議題
上述問題看似是純綷的紙上談兵,然而實際絕不簡單。它像雙刃劍的刀鋒,無論從哪個角度都難以入手。特別是當某國在釐定外來移民政策時,還需考慮社會心理學、文化與身分認同這個重要層面。
現實中,當家長問育兒專家這類問題時,往往會演變成這樣的盤問:「我到底是要讓孩子的大腦一生發展出比你更豐富,更不同的思想,還是在他已形成像你一樣的獨有思想後,將大腦的功能間隔開?」這樣一問之下,語言的爭論就開始……甚至變成意氣之爭。
標準答案
不同人士各有見解。兒科醫生一般建議:「這樣對兒童來說過份了」,然而,另一邊的言語治療師又提出:「如果兒童不會我們指引詞彙表上的詞,就表示有問題。」多數情況下,家長會遵從「醫生建議」或「言語專家建議」。
另一方面,決定自己子女教育方向的家長會說這與醫學或機械式訓練無關……他們會講:「這樣對兒童來說太多了吧?」或「為什麼要訂立詞彙表或規定我、我一家、我兒女的生活主題」
然而對某些人而言這只是一切的開始;另一邊廂,在兒童每日都要上的學校,他們也有意見?
子女教育讓他人代勞的後果……
某些國家的學校體系不提倡家長教子女語言,校方甚至給家庭施以重壓,要求家長別傳授自己的母語或任何其他語言給子女。
其論點是:「兒童會混淆幾種語言,也會難以吸收學校的課程,而且會重覆上課內容、延遲學習進度。校方已將報告呈交法國國家教育督導署:將引發一些訴訟」。可預見是惡夢般的景況。
由這角度看,這種取態是對雙語的打擊,其目的顯然是向家庭施壓,禁止他們行使家長權力。
我身為母親及語言學家,多年來已聽到無數母親陳辭,後悔將孩子與他們的母語及文化剝離;另外有母親表示會選擇隱瞞,不讓某些不贊同的院校知道他們子女會雙語或三語。
其他觀點參考
另一方面,開放教育者對於何時教兒童第二語言一事大多主張「儘早」,這方針早已得到研究肯定。但要留意,定義這個過程時我們必須小心用詞。
「習得」(acquisition)與「學習」(learning)之別
從語言學的角度來看,學習與習得的發展過程完全不同。簡而言之,當兒童的聽覺系統能將訊號傳送到大腦的一刻,語言習得就已開始。而語言學習需建立自願機制,兩者大有不同。
兩歲、三歲、四歲、五歲才接觸第二語言的兒童必須費力吸收新語言系統中的結構。這樣其實已算是學習,儘管比起成年人還是容易得多。
然而科學證明了什麼?
「胎兒心臟反應」1 研究顯示,由胎兒階段至六個月大,大腦已經能處理語言。研究指出,嬰兒對母親2 聲音的韻律輪廓有聽力偏好,從指數可見,嬰兒的偏好是在語調方面,以及是否媽媽的聲音;比對另一位母親對她孩子說話時,即可得知分別。
另一組實驗3 顯示,三四日大的嬰兒已可分辨人聲中的清濁音、發音位置及方式,這些正是每個音素的辨別特徵。
「高振幅吸吮」4 的方法顯示,四個月大的嬰兒已能分辨母語中音素/pa/與不/ba/的聲差,而且「當與成人說話所用音渡(相鄰音節之連合)兩側的音節相似時,也能辨別」。實驗顯示,嬰兒四個半月大時聽到自己的名字,相比聽朋友的名字,會更留心;他們表示偏好的方式是望向聲音來源5。
同樣,「轉頭偏好」現象顯示,由四個月開始,嬰兒傾向於將頭轉向聽到熟悉聲音的一側。在同樣的背景下,他也能分辨兩個音節6 的差別。
研究結果意味什麼?
兒童在子宮的最後幾個月裏反複接觸多種語言系統後,將更能自然而輕易地習得多種語言。不得不提,上述文章的數據主要是來自1987年出生的嬰兒,那2018 年的嬰兒,其大腦表現又怎樣?
本文由《The Conversation》提供。該網上媒體主要發佈獨立新聞及分析,並刊登研究人員及學者撰寫的主流文章。
|
|