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Texte : Hugo Petit / Photos : Stella Ko

 
  Lau Kwong-shing, de Hong Kong à Angoulême
柳廣成,從香港走到法國安古蘭
 
 

2020 est l’année de la BD en France. L’occasion pour l’Alliance Française de Hong Kong de promouvoir la bande dessinée francophone, mais aussi de mieux faire connaître les auteurs locaux. Cet été, nous avons rencontré Lau Kwong-shing, 30 ans tout juste, et déjà invité à deux reprises au festival d’Angoulême.

Si l’ancienne colonie britannique possède ses propres classiques en cases et en bulles, tels que le strip humoristique Old Master Q de Wong Chak ou la série d’arts martiaux Oriental Heroes par Tony Wong, une nouvelle BD hongkongaise indépendante est en plein essor. Lau Kwong-shing en est une figure montante : ses planches ont été exposées cet été au Hong Kong Arts Center, où il a donné plusieurs performances. Il a récemment publié deux albums : Cube Escape: Paradox, inspiré du jeu vidéo du même nom, et, sur une demande de l’éditeur français Patayo, Fantaisie Ordinaire, qui revisite le genre classique du lianhuanhua – un type de bande dessinée très populaire en Chine au cours du XXe siècle, en petit format rectangulaire, avec une case par page et le texte en dessous de l’image. Lau a également publié dans la revue taïwanaise Monsoon une histoire courte intitulée Fallen Youth. Il est enfin connu pour ses dessins en lien avec l’actualité hongkongaise ou taïwanaise, publiés sur son compte Instagram.

D’une personnalité plutôt timide, il nous a néanmoins très aimablement accordé une interview, réalisée dans nos locaux de Jordan. Il a évoqué, entre autres sujets, ses sources d’inspiration, et nous a relaté sa découverte de la bande dessinée européenne à Angoulême en 2017, et comment cette expérience inattendue a été déterminante sur l’évolution de son travail.

« Je pensais que le monde de la bande dessinée était comme ça… »
Alors que nous sommes sur le point d’achever notre entretien avec Lau Kwong-shing, celui-ci nous montre de petits fascicules aux couvertures colorées qu’il sort de son sac. Il s’agit de l’une de ses toutes premières publications : une série intitulée The World after 2400. Dans le plus pur style japonais du shônen (manga destiné aux garçons adolescents), elle semble avoir été créée par une autre personne, tant elle est éloignée du graphisme actuel de Lau, qui dessine principalement au crayon et tend à briser le cadre des cases traditionnelles.

Comme il l’explique lui-même : « Je suis né à Hong Kong, mais j’ai vécu au Japon de l’âge de 2 ans jusqu’à mes 18 ans. J’ai été principalement influencé par la culture japonaise. Durant la majeure partie de ma jeunesse, j’ai surtout lu des mangas japonais. » S’il ne devait citer qu’une de ses influences d’alors, ce serait Eiichirô Oda, l’auteur du mondialement célèbre One Piece. Lau admet qu’à l’époque il ne connaissait que très peu la bande dessinée européenne : « J’avais seulement entendu parler d’une série intitulée Tintin, mais je ne l’avais pas lue. » Il reconnaît qu’à Hong Kong également la BD est dominée par le manga japonais, et, dans une moindre mesure, par les comics américains de super-héros : « Je pensais que le monde de la bande dessinée était comme ça, et je n’imaginais pas qu’il puisse exister quoi que ce soit au-delà. »

Pourtant, en 2017, Lau Kwong-shing est invité au festival d’Angoulême aux côtés de sept autres auteurs de BD hongkongais. Leurs travaux y sont présentés au public dans le cadre d’une exposition intitulée « The Pitch of Tension: Hong Kong Comics Power » (organisée avec le soutien de l’Alliance francaise, elle est ensuite apparue au Comix Home Base de Wanchai). Lau trouve l’expérience angoumoisine bouleversante et particulièrement inspirante : « J’y ai vu un très grand nombre de bandes dessinées vraiment indépendantes et au style unique. Cela m’a ouvert les yeux : il y avait tant de choses que je n’avais jamais vues de ma vie. J’étais comme un enfant dans une aire de jeu ! »

À l’opposé des techniques de dessin du manga japonais, plutôt standardisées, Lau découvre avec émerveillement des œuvres employant une très grande variété d’outils : « les dessinateurs de mangas utilisent presque toujours les mêmes instruments : la plume (g-pen) et l’encre. Les effets d’ombre sont faits de trames composées d’un grand nombre de petits points. Leur façon de créer des bandes dessinées est très similaire d’un dessinateur à l’autre. À l’inverse, dans la BD française j’ai pu voir une très grande diversité de techniques : crayon, aquarelle, ou… tout ce que vous voudrez ! Cela ne dépend que du choix de l’artiste. J’ai été très inspiré par la façon dont ces auteurs sont très confiants dans leur propre médium. Ils font les choses à leur manière et non sont pas contraints ou limités par une industrie ou quoi que ce soit d’autre. »


The World after 2400, par Lau Kwong-shing © Ani-Wave bi-weekly

C’est ainsi que Lau Kwong-shing a fait le choix de dessiner principalement au crayon, un instrument avec lequel il s’est senti beaucoup plus à l’aise. « Je n’aimais pas vraiment travailler à l’encre. Je ressentais une grande rigidité lorsque je dessinais. Pour moi cette technique n’était pas vraiment conforme à ma personnalité. Lorsque j’étais en France, j’ai découvert que je pouvais tout à fait choisir un médium que j’aime utiliser. En revenant à Hong Kong, j’ai commencé à explorer de nouvelles techniques, comme l’aquarelle, les crayons de couleur ou encore le dessin sur ordinateur… » Finalement c’est la texture, ainsi que la sensation organique du crayon au contact du papier qui a emporté son adhésion.

Déconstruire la narration classique
Au festival d’Angoulême, Lau Kwong-shing a pu également découvrir de nouvelles façons de raconter des histoires, ce qui l’a encouragé à se lancer dans des expérimentations similaires. Il s’est familiarisé avec le travail de l’Américain Chris Ware (l’auteur de Jimmy Corrigan), qui dans ses bulles remplace souvent le texte par des dessins et utilise toutes sortes de méthodes de narration graphiques peu habituelles, comme des diagrammes. Pour Lau, ce fut comme découvrir de nouvelles formes de « langage » graphique. Parmi ses sources d’inspiration dans ce domaine, il cite également Here de l’Américain Richard McGuire et Hallali par la Française Claire Malary, où deux histoires sont racontées en parallèle, chacune avec une technique spécifique : l’encre pour l’une et l’aquarelle pour la seconde. Enfin, Angoulême a aussi contribué à renforcer l’intérêt de Lau pour l’album de bande dessinée en tant qu’objet, avec des spécificités absentes des médias numériques. Il est devenu beaucoup plus soucieux du choix du papier, de l’encre et du format pour la publication de ses travaux : « Il y a encore beaucoup à explorer dans la bande dessinée sur papier », explique-t-il.

Certaines expérimentations narratives de Lau trouvent leur origine dans ses autres passions : la danse (il pratique le hip-hop depuis dix ans, un sujet que l’on retrouve dans l’histoire courte Fallen Youth) et l’animation. Là où d’ordinaire les cases juxtaposées sont séparées par des ellipses, il a souhaité dans ses derniers albums retrouver la continuité des mouvements présente dans la danse et l’animation image par image. Dans Fantaisie Ordinaire, il a même décidé de remplacer le texte par de la musique. Une pièce pour piano composée par un ami néerlandais de Lau Kwong-shing peut ainsi être écoutée et accompagner la lecture grâce à un QR code.
Interrogé sur la situation des auteurs de BD français, dont certains peinent désormais à vivre de leur art, Lau Kwong-shing dit s’y identifier parfaitement, ayant lui-même connu des périodes assez précaires. Les problèmes sociaux de Hong Kong, comme les difficultés des jeunes à se loger, ou encore le conservatisme de nombreuses familles sur la question du mariage nourrissent d’ailleurs son travail, comme dans Fallen Youth.

Angoulême s’est avéré si riche en inspirations que le jeune dessinateur a décidé d’y retourner deux ans plus tard, cette fois comme simple visiteur. Alors qu’en 2017 il se considérait comme une « feuille blanche », trouvant de l’inspiration dans tout ce qu’il voyait autour de lui, en 2019, à l’inverse, il avait une idée très claire de ce qu’il avait envie d’explorer (la BD indépendante), et bien sûr davantage de temps libre. De plus, Lau s’est senti davantage sûr de lui dans ses propres choix artistiques, en maturation depuis deux ans. Il a été invité à nouveau au festival en 2020, cette fois dans le cadre de l’exposition FEVER, aux côtés de Li Chi Tak (Moon of the Moon), l’un des précurseurs de la BD hongkongaise indépendante, et de la dessinatrice Yanai (Frankenstein Family). Lors de ce troisième voyage, il s’est senti capable d’échanger avec les autres auteurs et le public, cette fois sur un pied d’égalité. Lau Kwong-shing aime ainsi à décrire chacune de ses trois visites au festival charentais comme un stade spécifique dans son cheminement créatif.

En France, nombreux sont les auteurs de bande dessinée qui se tournent vers les créations japonaises comme source d’inspiration, à la recherche de thèmes sortant de l’ordinaire ou de techniques de narration efficaces, donnant lieu à des hybridations très variées (des Légendaires de Patrick Sobral à Lastman par Balak, M. Sanlaville et Bastien Vivès). Or, il est très intéressant de constater que, par un cheminement inverse, la bande dessinée indépendante européenne s’est révélée être une source d’inspiration extrêmement fertile pour un jeune dessinateur hongkongais. Dans ce domaine, l’histoire de Lau Kwong-shing montre l’importance des échanges et rencontres entre artistes de différents pays, rendus possibles par des rendez-vous majeurs tels que le festival d’Angoulême.

 

2020 年是法國的漫畫年,香港法國文化協會有意藉此機會推廣法國漫畫,並提高本地漫畫家的名聲。今年夏天,我們遇到年僅三十,但已兩度受邀參加安古蘭國際漫畫節的柳廣成。

雖然香港這個前英國殖民地早有自己的經典漫畫,例如王澤的搞笑漫畫《老夫子》或黃玉郎的《中華英雄》武俠系列,但香港新一浪的獨立漫畫亦正在興起,例如人氣漸高的藝術家柳廣成。他的作品於今年夏天在香港藝術中心展出,而他本人亦數度登場表演。最近他推出了兩部作品。《Cube Escape: Paradox》是他從同名電子遊戲得到靈感、受法國出版社Patayo邀請而畫的作品;《Fantaisie Ordinaire》則起用經典的連環畫形式。連環畫亦是漫畫的一種,在20世紀的中國非常流行,其特點是長方形格式,一頁一格,圖畫下附以文字。柳亦在台灣雜誌《熱帶季風》中發表過短篇作品《殞落青春》。而他賴以成名的作品,則是他在Instagram上發布的香港及台灣時事畫作。

性格羞澀的他,還是非常友好地接受了我們的採訪。採訪在我們的佐敦中心進行。柳談到自己的靈感來源以及其他主題,又向我們講述他於2017年在安古蘭邂逅歐洲漫畫的經歷,以及這場偶遇如何對他的創作之路產生決定性影響。

「我曾以為漫畫世界就是如此……」
在採訪將要結束之際,柳廣成從袋中拿出彩色封面小冊子給我們看,這是他最初的出版作品之一:《The World After 2400》系列——最純正的日少年漫畫(以十幾歲男孩為主要對象的漫畫)風格,彷彿是另一個人的作品,與他現時的畫風相距甚遠。柳現在主要是用鉛筆作畫,並試圖打破傳統漫畫的框架。

正如他本人所自述:「我生於香港,但2歲到18歲一直住在日本,主要受日本文化影響。在我年少的歲月裏,大部分時間都在看日本漫畫。」如果非要他講出一位對他有影響的作者,那就是聞名全球的《One Piece》作者尾田榮一郎。柳承認當時他對歐洲漫畫所知甚少:「我只聽過《丁丁歷險記》,但未看過。」他又認同香港的漫畫市場亦是由日本漫畫主導,之後就是較小眾的美國超級英雄漫畫:「我曾以為漫畫世界就是如此,從未想象過在此以外的天地。」

然而,2017年柳廣成與其他七位香港漫畫家收到安古蘭國際漫畫節的邀請。他們的作品以「較.量——香港漫畫力量」(The Pitch of Tension: Hong Kong Comics Power)為名展出(之後獲香港法國文化協會支持,在灣仔動漫基地重新展出)。柳認為安古蘭之旅令他感到震撼,而且深受啟發:「那裏有許多真正獨立而且風格獨異的漫畫,使我眼界大開。太多東西都是我一生從未見過。我就像個到了遊樂場的小童!」

與日本漫畫已相當標準化的作畫技巧相反,柳利用多種工具勾畫出令人驚嘆的作品:「日本漫畫家幾乎全使用一模一樣的工具:鋼筆與墨水。陰影效果則以大量由小點組成的網層來呈現。每位漫畫家的作畫方式都非常相似。相反,我在法國漫畫看到各式各樣的形式:鉛筆、水彩筆……任何你想用的工具都可以﹗任由漫畫家自行挑選。這些漫畫家對自己的形式非常自信,這點使我深受啟發。他們按自己的風格而行,不受任何行業或其他事物的拘束限制。」

於是,柳廣成選擇以鉛筆為主要作畫工具,他覺得這樣畫起來更加舒服。「我實在不喜歡用墨水作畫。我畫墨水畫會感到非常僵硬。這種工具不符合我的個性。當我在法國時,我發覺我完全可以選擇自己喜愛的方式。回香港後,我開始探究新的技法,例如水彩畫、木顏色筆甚至電腦繪圖……」最後,他鍾情於鉛筆的線條以及鉛筆與紙張接觸時傳遞的官能感覺。

解構經典故事
在安古蘭漫畫節上,柳廣成還發現新的敘事方式,觸發他開展類似的試驗。他開始認識美國漫畫家 Chris Ware(《Jimmy Corrigan》作者)的作品。Chris Ware  在對話泡中經常用圖畫代替文字,又會利用各種不常見的圖象敘事方法,例如圖表。對柳而言,就像發現新的圖象「語言」一樣。

至於其他漫畫靈感方面,他還列舉了美國漫畫家 Richard McGuire 的《Here》及法國漫畫家 Claire Malary 的《Hallali》。這兩套作品的故事平行發展,但使用不同的形式,分別為墨水及水彩。最後一點是安古蘭漫畫節還增加柳對實物漫畫的興趣,他認為其有數碼媒體所缺乏的特性。此後,他在出版作品時,對紙張、墨水、格式的選擇更加注意。據他解釋:「紙本漫畫仍有很多值得探索的地方。」

柳的某些敘事試驗源於他的其他愛好,例如跳舞及動畫。他跳 Hip Hop 舞已有十年,而 Hip Hop 亦是短篇作品《殞落青春》的主題)。通常柳會以橢圓形分隔並列的畫框,而他準備在之後的作品再探究舞蹈與逐格動畫中動作的連續性。在《Fantaisie Ordinaire》中,他甚至用音樂代替文字。只要掃描QR碼,就可以收聽由柳廣成的荷蘭朋友所作的鋼琴作品,並可當作伴讀音樂。

當被問到法國漫畫家的狀況時,柳講述其中一些人仍難以靠藝術維生,而他表示身同感受,因為自己亦經歷過艱難的時期。就像《殞落青春》所述,香港有不少社會問題,例如年輕人的住屋問題,以及許多家庭對婚姻的保守態度,都是他刻畫的主題。


• Extrait de Cube Escape: Paradox par Lau Kwong-shing © Rusty Lake

安古蘭國際漫畫節帶給柳廣成極之豐富的靈感,以至兩年後他以普通訪客身分重遊舊地。2017年,他視自己為「白紙」,竭力要從一切周遭看到的事物中發掘靈感;到2019年,他已清晰知道自己所追尋的方向(獨立漫畫),而且自由身的他還有更多的空閒時間。再者,經過兩年的醞釀,柳對自己所選的藝術之路已充滿信心。他於2020年再次受邀參加漫畫節,今次是與香港獨立漫畫的先驅之一利志達(《蟾宮事變》作者),以及女漫畫家Yanai(《實驗品家庭》作者)同行,負責「FEVER」展覽。在這次三度遊裏,他感覺已能夠與其他作者及公眾平等交流。柳廣成三次前往夏朗德參加安古蘭國際漫畫節,他將每次旅程形容為創作之旅的某個特定階段。

法國有許多漫畫作者視日本的作品為靈感的泉源,藉此探索與眾不同的主題或有力的敘事技巧,所以衍生出多姿多彩的混合形式,例如Patrick Sobral 的《Légendaires》以及 Balak、M. Sanlaville、Bastien Vivès 的《Lastman》)。而非常有趣的是,年青香港漫畫家卻反其道而行,從歐洲的獨立漫畫中得到極多靈感。柳光成的經歷正好證明,各地的藝術家的交流與對話非常重要,而類似安古蘭國際漫畫節的大型活動,正是促成交流的絕佳環境。

 

 
 

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