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Du 15 juillet 2020 au 31 mai 2021, la prestigieuse Cinémathèque française consacre une rétrospective et une exposition au comédien Louis de Funès. Celles-ci sonnent comme la reconnaissance institutionnelle d’un acteur qui demeure encore aujourd’hui une personnalité comique parmi les plus populaires de France et ce depuis plus d’un demi-siècle.
Une starification tardive
Né en 1914 et élevé dans une famille bourgeoise d’origine espagnole installée dans la région parisienne, le jeune Louis est un élève plutôt médiocre, constamment perdu dans son imaginaire et qui préfère faire rire ses amis plutôt que travailler. Devenu adulte, il intègre une école de cinéma mais finit par s’en faire renvoyer et enchaîne les petits boulots pour survivre pendant plusieurs années. À l’âge de 28 ans, il parvient enfin à se décider sur sa carrière professionnelle : il sera comédien ! Il suit des cours de théâtre mais peine à joindre les deux bouts, officiant régulièrement en tant que pianiste dans les cabarets de la capitale. Quand il a enfin l’occasion d’apparaître au cinéma, à partir de 1945, c’est essentiellement dans des seconds rôles mineurs. Rien ne laissait présager qu’avec un tel parcours, il deviendrait la plus grande star comique du cinéma français !
Après des dizaines de films dans cette configuration secondaire, son étoile finit par lui sourire. En 1956, il donne la réplique à l’icône du cinéma français Jean Gabin, dans La Traversée de Paris. Il y marque suffisamment les esprits pour monter en grade et enfin accéder aux premiers rôles. Au début des années 1960, il connaît enfin des succès d’envergure grâce à une pièce de théâtre, Oscar, où il incarne un père qui s’oppose au mariage de sa fille, puis dans l’adaptation cinématographique d’une autre pièce, Pouic Pouic, où il essaie d’escroquer son potentiel beau-fils. Il devient une authentique vedette de la comédie et enchaîne alors les succès pour atteindre le statut de plus grande star comique française : la série des Gendarme de Saint-Tropez, où il est un adjudant râleur martyrisant ses collègues de la maréchaussée dans le sud de la France, la trilogie Fantômas, où il essaie de capturer un génie du crime, ou encore ses collaborations avec l’autre comique le plus populaire du pays à l’époque, Bourvil, pour Le Corniaud, où il manipule sa co-star pour trafiquer à son compte des articles de contrebande, et La Grande Vadrouille, où tous deux échappent aux troupes allemandes durant l’occupation, et qui fut pendant plusieurs décennies le plus grand succès français avec plus de 17 millions de spectateurs en salles ! Malgré l’apparition de nouveaux comiques et l’évolution des goûts du public, il conserve ce titre de roi du box-office et de la comédie française pendant près de 20 ans, jusqu’à son décès, en 1983. Mais sa disparition n'affecte en rien sa popularité. Ses films continuent en effet à être régulièrement diffusés à la télévision, permettant à chaque nouvelle génération de Français d’apprécier ses talents comiques, ce qui l’inscrit dans la culture populaire nationale. Autre signe de cette consécration, le Château de Clermont, dans lequel il avait vécu ses dernières années, a été transformé en musée à sa gloire. Un honneur auquel aucun autre acteur comique français n’a eu droit.
L’incarnation du patron français bourgeois et hypocrite
La starification de Louis de Funès tient à la création d’un personnage-type qui deviendra sa marque de fabrique. De film en film, il en proposera de multiples variations pour le plus grand plaisir du public. Cet archétype est celui d’un petit patron, obséquieux avec les puissants mais exploitant sans vergogne et humiliant tous ceux qui sont sous ses ordres, employés comme membres de sa famille. L’acteur est capable de passer en un centième de seconde d’une attitude à l’autre, de la flagornerie éhontée à l’autoritarisme intransigeant, renforçant ainsi la dynamique comique de son hypocrisie et se laisse souvent emporter dans des transes d’une force comparable à un typhon de force 8 durant lesquels tous ses mauvais traits sont magnifiés. Son timing impeccable, issu de son expérience musicale, allié à un art consommé des grimaces et du mime, soulignent encore davantage la veulerie de ses personnages. En cela, il est un symbole d’une certaine petite bourgeoisie française de l’époque.
Mais la grande force de Louis de Funès, c’est de parvenir à rendre cet archétype négatif attachant. Malgré toutes ses tares, il est également l’incarnation d’un certain Français moyen. En effet, si le Français a souvent été défini comme râleur et de mauvaise foi, quelqu’un de souvent contradictoire dans ses désirs et opinions, Louis de Funès parvient à rendre ces facettes palpables et amusantes. Un processus d’identification est ainsi possible pour les spectateurs. Et le public de l’époque, à travers les interprétations de l’acteur, peut à la fois se moquer de ses élites hypocrites et se retrouver dans certaines de ses facettes, dans une sorte de miroir déformant cathartique.
Comédie sociale
Si les films avec Louis de Funès valent avant tout pour les performances comiques de leur star, ils n’en sont pas moins riches de sens quant aux évolutions que connaissait la société française sur une période de plus de 20 ans. Témoin d’une époque d’importants développements économiques et sociaux ponctués de moments de rupture violents, la filmographie de Louis de Funès propose une histoire alternative de la France, aussi drôle qu’intrigante, située au niveau de l’homme de la rue.
Dans Le Gendarme de Saint-Tropez, il incarne le conservatisme Gaulliste face aux changements de mentalité de la jeunesse, à l’aube des événements de mai 1968. Dans le dernier épisode de la série, Le Gendarme et les gendarmettes, il doit s’adapter aux évolutions du monde du travail en collaborant avec des femmes gendarmes. Pour Rabbi Jacob, il critique le racisme ambiant d’une partie de la société française. Dans l’Aile ou la cuisse, c’est l’arrivée de l’industrie agro-alimentaire remplaçant la gastronomie traditionnelle qui est dans le viseur de l’acteur. Pour La Soupe aux choux, c’est le problème de la désertification des campagnes qui est mis en avant. Autant de sujets sérieux, flirtant parfois avec le tragique, mais traités de manière comique, permettant ainsi de faire réfléchir le public sur ces problématiques de société sans le brusquer.
• Fantômas, 1964 © Gaumont
Louis de Funès et Michael Hui, même combat ?
Tandis que le temple du cinéma français rendait hommage à la star comique, une institution hongkongaise, le prestigieux Hong Kong International Film Festival, en faisait autant d’une icône locale de la comédie : Michael Hui (Hui Koon Man). Bien que leur origine et leur parcours professionnel soient très différents, on ne peut qu’être frappé par les similitudes comiques entre les deux hommes. Tout comme Louis de Funès, Michael Hui s’est fait connaître en interprétant des figures d’autorité empruntes d’une certaine médiocrité, toujours prêtes à servir les puissants pour leurs propres gains et à exploiter leur entourage. Les deux hommes ont également réussi à rendre leurs personnages à la fois détestables et attachants. C’est grâce à ce type d’interprétations que Hui est devenu le roi de la comédie cantonaise au début des années 1970, imprimant sa marque grâce aux succès phénoménaux de films comme Games Gambler Play ou The Private Eyes, et a maintenu ce statut pendant près de 20 ans.
Que des figures comiques aussi similaires aient pu apparaître dans deux endroits si éloignés du globe, à peu près au même moment, ne peut que surprendre. Et pourtant, à y regarder de plus près, cela fait sens. En dehors des différences culturelles qui séparent la France et Hong Kong, on trouve un environnement économique et social assez proche. Comme souligné plus haut, Louis de Funès s’est imposé comme une star à un moment où la France connaissait une prospérité économique et des évolutions sociales marquées. Or, Michael Hui s’est imposé à Hong Kong alors que la ville connaissait une phase similaire. Le port parfumé entrait en effet dans la période la plus active de son miracle économique et commençait à affirmer son identité propre, exprimée via de nombreux changements de société et de mentalités. Mêmes causes, mêmes effets : le public des deux cultures avait besoin d’une incarnation de ses propres travers pour mieux les exorciser. C’est ce qu’ont fait Louis de Funès et Michael Hui, avec un brio tel qu’ils sont assurés de rester dans l’inconscient culturel collectif de leurs zones d’influence !
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• Fantômas se déchaîne, 1965
於全球影壇享有崇高地位的法國電影資料館(Cinémathèque française)由 2020 年 7 月15 日2021 年5 月31 日為演員路易狄芬尼(Louis de Funès)舉辦回顧展及展覽,對這位已走紅超過半個世紀、至今仍深受法國人愛戴的喜劇演員,致予隆重的嘉許。
大器晚成
狄芬尼來自西班牙裔中產家庭,1914年出生,在巴黎成長;學業表現平庸,經常發白日夢,相比認真學習,更喜愛引朋友發笑。他成年後入讀電影學校,可惜最終被退學;之後幾年靠打零工維生。到了28歲,狄芬尼終於要決定自己的事業方向——成為演員!於是他修讀戲劇課程;由於生活拮據,他不時為巴黎的歌舞表演節目擔任鋼琴伴奏。到1945年,他終於開始有機會登上電影銀幕,但主要只是演一些不起眼的角色。以他當時的事業經歷,誰能預料到他日後會成為法國電影界最偉大喜劇明星?
在演出數十次配角的戲份之後,命運之神終於向他微笑。1956年,他與老牌法國電影巨星Jean Gabin (尚加賓)合力演出《La Traversée de Paris》(穿越巴黎),精湛演技得到觀眾垂青,終於魚躍龍門,擔當主角。1960年代初,他憑原戲劇作品《Oscar》(奧斯卡)大紅大紫,所演角色是反對女兒婚事的父親。後來又演出另一部戲劇改編電影《Pouic Pouic》(老爸的煩惱),戲裏設定他試圖要欺騙一個想成為他女婿的富商。狄芬尼終於得嘗所願,成為真正的喜劇明星,之後憑藉一連串成功的作品奠定法國典堂級喜劇巨匠的地位:飾演一名脾氣火爆、愛找同僚麻煩的南部警察的系列電影,如《Le Gendarme de Saint-Tropez》(港譯:瘋狂沙灘會);另有《Fantômas》(港譯:千面金剛)三部曲,戲中他要捉拿一名天才罪犯;他又與當時法國另一位當紅諧星Bourvil(保維路)合作演出《Le Corniaud》(港譯:儍人巧破走私黨),劇情是他要利用拍檔來偷運違禁品;以及《La Grande Vadrouille》(港譯:橫衝直撞出重圍),劇中二人要在佔領時期逃離德軍。此作成為法國數十年來最賣座電影,觀看人次超過1700萬!後來雖然新晉喜劇演員不斷冒起,而且觀眾品味有所變化,但狄芬尼仍然守住票房紀錄冠軍近二十年,以及法國喜劇之王頭銜,直至1983年去世。雖然巨星早已殞落,但星光從未消退。他的作品仍會定期登上電視銀幕,使其喜劇才華不斷流傳予新一代法國年青人欣賞,並融入成為法國流行文化的一部分。狄芬尼的另一項遺產是克萊蒙古堡(Château de Clermont);這個供他終老的地方,如今已成為他的紀念博物館。如此榮譽,尚未有其他法國喜劇演員可以媲美。
虛偽法式中產老闆的形象
狄芬尼之所以走紅,原因是他的刻板形象塑造成功,成為其一大標誌。在每套作品中,他會以不同方式演繹小老闆的角色,令觀眾樂此不疲。這些角色的共通點是欺善怕惡,恬不知恥地剝削並羞辱旗下員工,甚至親人。狄芬尼在戲中能在百分之一秒內變臉,由勢利奉承的小人突變成寸步不讓的暴漢,所表現出的無恥激動以及強烈起伏,彷似八號颱風肆虐,將一切醜惡的特徵放大。多得以往的音樂訓練,他對時機的掌握無可挑剔,加上精采絕倫的鬼臉及默劇功力,令角色的劣根性無所遁形,因此成為當時法國某些小資產階級的樣辦。然而,狄芬尼得天獨厚之處在於能為這種負面角色加添觀眾緣。雖然長相有缺陷,但他亦算得上是代表了部份普通法國人的形象。的而且確,如果說法國人經常予人愛抱怨、虛偽、口是心非的形象,狄芬尼就有辦法將這些性格演得活靈活現,並多加幾分可愛,供眾觀評頭品足。透過狄芬尼的演出,現代觀眾既可以嘲笑那些偽善精英,又可以在某些角度看到自己,像是用哈哈鏡淨化自己一樣。
社會喜劇
狄芬尼的電影不單載有這位殿堂級明星的精湛演出,其對法國社會二十多年來的發展亦別具重要意義。電影見證了法國經濟及社會急速發展並且動亂事件迭起的時代,稱得上是另類法國歷史;作品以街道人民的角度述說故事,雖然怪異但不失趣味。
在《瘋狂沙灘會》裏,當時是1968年「法國五月」事件剛開始,狄芬尼面對年輕人的心態變化,展現出戴高樂主義式的保守精神。在Gendarme 系列最後一集《Gendarme et les gendarmettes》(警察與女憲兵)中,他不得不適應工作環境的變遷,嘗試與女憲兵共事。在《Les Aventures de Rabbi Jacob》(港譯:橫衝直撞大福星)中,他批判法國社會某些地區盛行的種族主義。在《L'Aile ou la cuisse》(港譯:認真好味)裏,狄芬尼目睹農產食品工業來臨、傳統美食被取替的過程。《La Soupe aux Choux》(天外來客)則講述鄉郊荒漠化的問題。雖然嚴肅議題居多,而且不時加插悲劇,但均以喜劇方式處理,令觀眾可以思考這些社會問題而不必太過介懷。
• The Private Eyes, 1976 © Golden Harvest
狄芬尼與許冠文——旗鼓相當?
在法國電影資料館向其本國笑匠致敬之時,本港著名的香港國際電影節亦正在為香港喜劇泰斗許冠文籌備活動。儘管二人的出身與專業背景迥然不同,但在喜劇方面有令人驚嘆的相似之處,例如二人同是藉由繹演當權小人而聞名,隨時隨地都會為自己的利益幫強者剝削身邊的人。再者,二人的演出同樣叫人又愛又恨。正是借助這種演出,許氏在七十年代初成為粵語喜劇之王,憑《鬼馬雙星》、《半斤八両》等作品的非凡成就打響名堂,並保持其笑匠地位近二十年。
如此相似的兩大笑彈,分隔東西數千里,又幾乎同時代冒起,莫非只能讚嘆一句「天下無奇不有」?然而,細想之下,這種偶然又有其必然。除了文化差異外,香港與法國的經濟及社會環境其實相當接近。如前文所述,狄芬尼經歷了法國經濟起飛以及聞名的社會變革,之後才確立自己的明星地位;同樣,許氏所在的香港亦有過類似的發跡過程,與他一同成功。香港憑藉經濟奇蹟邁入最輝煌的時期,逐漸奠定國際地位,同時亦見證了社會及文化上的許多變化。因為同因,所以同果:兩地的人都應該回顧自己的錯誤,以免再犯舊錯;即使身在錯中,亦要知而後改,正如狄芬尼及許冠文一樣。相信他們這種活潑的精神一定能留存在兩地的文化無意識中,一直指引我們的所思所行。 |
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