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Dans une grande ville anonyme menacée par une catastrophe imminente, de nombreux personnages font face aux mêmes événements sans se croiser. Un maire dominateur ne songe qu’à l’inauguration prochaine de son nouvel hôtel de ville pharaonique, tandis que sa fille cherche à lui échapper. Un gang de cafards anthropomorphes est en quête de nourriture. Une actrice d’origine philippine se souvient avec émotion de son père immigré et des difficultés que celui-ci a traversées. Pendant ce temps, depuis le ciel, Laozi dialogue avec Tommaso Francini, architecte italien des nombreuses fontaines de domaines royaux français… L’élément de l’eau est omniprésent tout au long de la pièce A Tidal Home. Produite cet été au Cattle Depot Artist Village de To Kwa Wan, elle résiste à toute tentative de résumé simple. Les intrigues s’y enchevêtrent tandis que les quatre acteurs changent d’identité à chaque scène. Écologie, problèmes sociaux, place des minorités et féminisme sont autant de questions abordées dans cette production qui mêle cantonais, anglais et tagalog. Paroles a rencontré son autrice, Marie Yan, dont c’est la huitième pièce.
Née d’une mère franco-allemande et d’un père hongkongais, Marie Yan a grandi dans les Yvelines, en région parisienne :
« Mon père avait appris les bases du français à l’Alliance Française de Hong Kong, avant de prendre un aller simple pour la France à la fin des années 70. Il voulait découvrir Paris, les musées, la peinture. Il a étudié aux Beaux-Arts et est resté en France. Mes parents sont tous les deux peintres : mon père travaille sur la place du Tertre, à Montmartre. Je n’ai pas effectué beaucoup de séjours à Hong Kong jusqu’à présent : lorsque j’étais plus jeune, mes deux frères et moi y allions à tour de rôle », nous explique Marie Yan. Après des études de littérature, elle a vécu et travaillé à Edimbourg et Berlin.
Paroles : Comment en êtes-vous venue au théâtre ?
Marie Yan : J’ai eu la chance d’aller au théâtre très tôt : ma mère adorait le théâtre et m’y a beaucoup emmenée. Par la suite, j’ai fait du théâtre au lycée. À l’époque je ne comptais pas spécialement en faire mon métier. Mais j’aimais beaucoup le sentiment d’être ensemble pour créer quelque chose. Je n’avais pas spécialement d’attrait pour la direction d’acteurs, ni pour le jeu lui-même, mais j’ai toujours été littéraire. La rencontre décisive a été le théâtre de Bernard-Marie Koltès :
j’ai compris que le théâtre comme art littéraire pouvait m’attirer autant que le roman. J’ai lu sa pièce La Nuit juste avant les forêts, qui m’a beaucoup marquée, notamment parce qu’il y mélange des niveaux de langue. Cela correspondait à mon expérience puisque je venais de banlieue parisienne et qu’en même temps j’adorais le vocabulaire de la littérature française classique. Je pouvais donc écrire quelque chose de similaire. Le deuxième moment important a été de voir les pièces de théâtre de Wajdi Mouawad [maintenant directeur du Théâtre de la Colline à Paris], notamment sa trilogie Le Sang des Promesses : tout d’abord Forêts au théâtre de Sartrouville, puis Incendies et enfin Littoral. Ce que j’ai adoré, c’est le côté épique de ses pièces. Je me suis probablement reconnue en lui car il est d’origine libanaise et a démarré sa carrière de dramaturge au Canada : lui aussi possède plusieurs identités.
Y a-t-il pour vous des choses qui ne peuvent s’exprimer qu’au théâtre ?
Paradoxalement, ce qui trouve le plus de poids au théâtre est peut-être toutes les variétés de silence. Dans un livre, il y aura peut-être un blanc, ou bien l’on sait que des personnages se taisent, mais ça n’a pas tout à fait la même qualité que le silence présent sur une scène. Le silence d’un personnage qui suit la parole d’un autre a une épaisseur qui me fascine. Le spectateur se projette complètement dans le personnage qui écoute.
Comment avez-vous débuté dans l’écriture de théâtre ?
J’avais une seule chose en tête : écrire. J’ai déménagé à Édimbourg en 2013 pour y suivre un diplôme de théâtre physique et c’est là que les choses ont commencé. Au Royaume-Uni et notamment en Écosse, il y a beaucoup d’initiatives locales pour essayer de faire émerger des dramaturges. Je leur dois beaucoup. À Glasgow, le
« Progressive Playright » est un événement régulier où les participants écrivent chacun un texte dont la lecture doit durer 10 minutes environ. À la fin de la soirée, le public vote. Il est très bienveillant et on a un rapport direct avec lui. C’est dans ce cadre que l’on m’a sollicitée pour mettre en scène ma pièce, une fois terminée. Dans la culture anglophone il y a cette idée que l’écriture, comme n’importe quel art, est un artisanat, quelque chose qu’il faut apprendre. Par conséquent, il faut bien commencer quelque part et développer, améliorer, petit à petit. En France, on est un peu écrasés par l’idée du génie sorti de nulle part : Rimbaud à 17 ans, etc. Au Royaume-Uni, tout cela se fait beaucoup dans des pubs. C’est très relax. Peut-être y a-t-il des lieux similaires en France maintenant.
Pourriez-vous nous parler de la genèse de la pièce A Tidal Home ?
Le sujet central, développé avec les deux productrices Karen Cheung et Anne Tam Yuk-ting, est le « home », qui peut se traduire de différentes façons en français :
le chez-soi, matériel comme immatériel, la maison, la famille, etc. J’ai affiné une technique de théâtre que j’avais déjà mise en pratique auparavant et qui consiste à mener des entretiens individuels et collectifs sur le thème de la pièce, d'où un matériau permettant de créer des situations. Cette technique est un peu plus proche du théâtre documentaire, mais le texte final est complètement fictif. L’idée était d’avoir sur scène des personnages très différents et des archétypes afin de représenter différentes couches de la société. Je voulais aussi que la pièce puisse parler à différents publics. J’adore écrire pour les comédiennes et comédiens :
je leur demande en général ce qu’ils veulent jouer ou quels sont les rôles qu’ils n’ont jamais joués.
Quelles différences y a-t-il entre monter une pièce à Hong Kong et en France ?
En France, je sais à peu près quel public je vais rencontrer. À Hong Kong, je devais me reposer sur l’avis de l’équipe artistique afin de savoir ce qui allait parler au public local. C’était un travail à tâtons et il me fallait prendre en compte le fait de changer d’environnement culturel. À Hong Kong, il y a par ailleurs une culture de l’utilisation de tous les outils audiovisuels (comme la vidéo) dans le théâtre qui est peut-être plus forte qu’en France. Chan Kwun Fee, la metteuse en scène, travaille avec ces différents médias. Il y a peut-être à Hong Kong une relation plus fluide et naturelle entre cinéma et théâtre.
Quels sont vos projets, une fois rentrée en Europe ?
J’espère pouvoir y produire A Tidal Home. Nous avons déjà un théâtre à Berlin qui souhaite accueillir la production. Nous aimerions en trouver un second en France !
J’espère que la pièce rencontrera son public en Europe. Par ailleurs, j’ai écrit une autre pièce, La Théorie, sur le phénomène des théories conspirationnistes. Elle va être montée à Antibes puis à Paris au Théâtre de l'Étoile du Nord en novembre.
Pour finir, quelles seraient vos recommandations parmi les titres de la médiathèque de l’AF ?
J’ai vu que vous aviez La Femme du magicien de Charyn et Boucq, qui est l’une de mes BD préférées ! J’aime aussi beaucoup Bastien Vivès depuis ses débuts. Il y a aussi Baru et les albums de J. Ferrandez sur les relations franco-algériennes. Côté romans, j’aime beaucoup Marie NDiaye et Anna Moï. Et enfin, Marie-Aude Murail et Daniel Pennac : ce sont des auteurs avec lesquels j’ai grandi.
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在某個不知名城市裏,災難隨時會臨到;許多人物遭遇同樣的事件,但彼此卻沒有交集。橫蠻霸道的市長一心只想著他新建的法老王市政廳即將開幕;他的女兒卻在想辦法逃離他。一群化作人形的蟑螂正在覓食。一位菲律賓裔女演員想念她離鄉別井、歷盡艱辛的父親。與此同時在天堂裏,老子正在與意大利名建築師 Tommaso Francini (曾為法國皇宮庭園設計過多座噴泉) 對話……水的元素在劇作中無處不在。今年夏天在土瓜灣牛棚藝術村上演的《漂泊居留所》,劇情實在難以用三言兩語概括。四位演員會隨着場景演變而轉換身分,令情節變得更加錯綜複雜。這部融合粵語、英語、他加祿語的作品,與觀眾探討了生態、社會問題、少數民族地位、女權主義等多個議題。《漂泊居留所》是甄彩菱(Marie Yan)的第八部作品。《東西譚》雜誌榮幸邀請到她接受我們訪問。
甄彩菱的媽媽是法德混血兒,爸爸是香港人;她自己則在巴黎附近的伊夫林長大。談到自己的身世,她說﹕「我爸爸首先在香港法國文化協會學了基本的法語,之後就在1970年代末買了一張飛往法國的單程機票,因為想要深入認識巴黎、博物館、繪畫。他就讀法國美術學院,畢業後繼續留在法國。我父母二人都是畫家。爸爸在蒙馬特(Montmartre)的小丘廣場(Place du Tertre)工作。到目前為止,我去過香港的次數不多,因為我和兩個兄弟三人輪流去。」甄彩菱修讀完文學之後就在愛丁堡和柏林生活及工作。
《東西譚》﹕你最初怎樣接觸到戲劇?
甄﹕我很幸運,很早就與戲劇邂逅,因為媽媽喜歡戲劇,經常會帶我一同欣賞。之後我在高中就開始參與戲劇,當時並沒有特別想將戲劇變成自己的事業,但我非常喜歡大家一同創作出一些事物的感覺。我對導演或表演並不特別感興趣,反而一直都愛好文學。我與戲劇最重要的相遇是Bernard-Marie Koltès的作品。我終於發覺戲劇這種文學藝術可以像小說一樣吸引我。他的作品《夜晚就在森林前方》(La Nuit juste avant les forêts)使我印象深刻,特別是他將不同層次的語言揉合在其中。這一點與我的經歷很相符,因為我既來自巴黎郊區,又同時喜愛法國古典文學的用詞,所以我能寫出類似的東西。第二個重要時刻是觀看Wajdi Mouawad(現為巴黎Colline劇院的總監)的話劇,特別是他的《約束之血)(Le Sang des Promesses)三部曲。我首先在薩特魯維爾劇院(Sartrouville)觀賞《森林》(Forêts》,然後是《火焰》(Incendies),最後是《海岸》(Littoral)。我喜歡的是他作品裏史詩般的一面,可能是我從他身上看到自己,因為他是黎巴嫩裔,卻在加拿大開展劇作家的生涯,與我一樣是多重身份。
對你來說,有什麼東西只能用戲劇來表達?
戲劇的弔詭之處是,最有分量的表達可能是各種形式的沉默。換成一本書的話,則可能是一片空白,或者我們在字裏行間得知某人物沉默無語,然而這種表達相比舞台上的沉默,性質並不完全相同。當人物甲講完話,但人物乙無言以對時,所帶出的厚重會令我感到著迷;此時觀眾會將自己完全投射到正在等待回應的角色之中。
你是如何開始戲劇寫作?
我當時一心只想做一件事 —— 寫作。我在2013 年去愛丁堡攻讀形體戲劇學位,而一切都是在那裏開始。在英國,尤其是在蘇格蘭,當地會舉辦很多培育劇作家的項目,我亦從中受惠良多。格拉斯哥有一項常規活動,名叫「劇作家漸進訓練」(progressive playright)。參加者每人要寫一篇約要花十分鐘閱讀的文字。到了活動當日的晚上,公眾就會開始投票。他們都非常友善,我們會與他們直接交流。就是在這種機緣之下,他們提議我完成劇本後就搬上舞台。在英語國家的文化裏,他們認為寫作就像任何其他藝術一樣,是一門手藝,必須經過學習來掌握。因此,必須由某處起步,一點一點地積累、精進。但是法國,人們的腦海裏盡是那些橫空出世的天才,例如17歲的蘭波(Rimbaud)。在英國,許多作品都是在酒吧完成,所以很輕鬆。或許現在法國也有類似的地方。
可以告訴我們《漂泊居留所》這部作品的由來嗎?
這部劇的中心主題 ——「home」(家),是我與兩位監製張嘉芸和譚玉婷共同構思出來。Home在法語中可以有不同的翻譯 ——「chez-soi」,可以指有形或無形的家;還有「maison」、「famille」等等。我在裏面改進了一種我之前已經用過的戲劇技巧,就是針對劇作的主題與個人以至一群人面談,從中獲取可以創造出情境的材料。這種技巧更常用於紀錄式戲劇,然而最終的劇本卻是完全虛構;它的目的是在舞台上有非常分別的角色以及原型,用來代表不同的社會階層。我還希望這部劇能與不同層面的觀眾接觸。我特別喜歡為喜劇演員寫作。通常我會問他們想扮演什麼角色,或者他們從未試過什麼角色。
在香港上演作品與在法國有什麼不同?
在法國,我大致知道會面對什麼樣的觀眾;在香港,我不得不依靠劇組的建議來了解本地觀眾的視角。我要不斷從錯誤中改進,因為我要顧及文化環境的變化。香港的戲劇文化之一是會在劇院內使用各種視聽工具(例如影片),他們在這方面可能比法國還擅長。《漂泊居留所》的劇場導演陳冠而就擅長利用這些多媒體來演出。在香港,電影界與戲劇界的關係或許比較融洽自然。
回到歐洲後,你有什麼打算?
我希望能在歐洲上演《漂泊居留所》。我們已經在柏林找到一間有意演出的劇院。但願在法國還可以找到下一間﹗我希望這部劇能在歐洲找到知音的觀眾。另外,我還寫了另一部關於陰謀論現象的作品《La Théorie》,首演地點是安提伯(Antibes),然後十一月再在巴黎上演。
最後一條問題,在我們法協圖書館的館藏裏,有沒有哪些作品你認為值得推介?
我看到你們有Charyn與Boucq的《La Femme du magicien》(魔法師之妻),是我最愛的漫畫之一!我也喜歡Bastien Vivès出道以來所有作品,還有Baru J. Ferrandez 所畫,關於法國與阿爾及利亞關係的作品。小說的話,我非常喜歡 Marie NDiaye 和 Anna Moï。最後是Marie-Aude Murail Daniel Pennac,我從小就是看他們的書長大。 |
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