French May 2022 法國五月藝術節

Texte : Estelle Niklès van Osselt

 
  Des fruits pour le roi de France et des fleurs pour l’empereur de Chine
路易十四的水果與大清乾隆帝的花朵
 
 

Aujourd’hui, l’abondance de fleurs, de fruits et de légumes déployée sur les étals de nos marchés nous paraît bien ordinaire. Pris dans notre quotidien, nous avons oublié que bon nombre de ces produits n’ont pas toujours été disponibles : la plupart d’entre eux nous sont parvenus de contrées reculées, découverts et ramenés au prix d’incroyables aventures.

Dans le monde européen tout d’abord, la quête des épices a motivé de multiples explorations. Dès l’Antiquité on cherchait activement à se fournir en poivre, gingembre, cannelle, clous de girofle ou noix de muscade. Les propriétés de ces essences offraient des solutions jusqu’alors inédites pour la conservation de la nourriture, la préparation de plats, de parfums, de cosmétiques, ou des emplois thérapeutiques. Leur valeur était telle que ces denrées pouvaient directement servir de monnaie d’échange.


Trafic maritime dans le sud de la Chine
Verre de lanterne magique, années 1880
Collection privée

On a longtemps ignoré la véritable provenance de ces marchandises qui nous arrivaient après un long voyage au cours duquel elles avaient constamment changé de mains. Ces circonstances ont contribué à l’élaboration d’histoires mythiques, souvent plus fantastiques les unes que les autres, sur leur lieu d’origine. Selon le très sérieux historien et géographe grec Hérodote (Ve siècle avant notre ère) notamment, la cannelle poussait sur des arbres de régions marécageuses infestées de chauves-souris et sur lesquels nichaient des oiseaux de proie. Ces particularités expliquaient sans doute la grande difficulté de s’en procurer. De fait, la cannelle provient simplement d’Asie — on la trouve au Sri Lanka, au Vietnam et en Chine.

Avec la demande croissante en épices et autres produits exotiques, les puissances occidentales songent à mettre sur pied leur propre réseau commercial. Et c’est parce qu’il cherchait un accès plus direct aux

« Indes » pour le compte du roi d’Espagne que Christophe Colomb (1451-1506) découvre accidentellement l’Amérique en 1492. Six ans plus tard seulement, le Portugais Vasco de Gama (1469-1524) est le premier navigateur à rallier l’Europe à l’Asie en contournant l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Ces événements marquent le début d’un nouveau chapitre de l’histoire mondiale, mais également de la botanique.


Mandarin à la mandarine, chinoiserie du XVIIIe siècle
France, figure de porcelaine peinte aux émaux et à l’or
Collection privée

Au XVIIe siècle, et pour faire suite à l’ouverture de ces nouvelles voies maritimes, les nations européennes créent les fameuses Compagnies des Indes orientales. Ces corporations s’engagent dans une compétition acharnée qui consiste à générer d’importants bénéfices pour alimenter l’économie et la puissance des États. Si, au départ, le commerce se concentre sur les épices et la porcelaine, il se développe rapidement pour proposer une gamme plus vaste de marchandises. Sur les bateaux s’embarquent aussi de premiers naturalistes à la recherche de plantes inconnues. L’Asie et la Chine en particulier allaient s’offrir comme leurs terrains de chasse favoris.

Une fois collectées, ces nouvelles espèces végétales devaient survivre à l’épreuve de la traversée, de l’acclimatation, de la pousse puis de la reproduction en terre souvent inadaptée. À leur arrivée, les plantes possédaient une valeur intrinsèque telle qu’elles étaient réservées à l’élite de la société. Elles se retrouvaient dans les plus grandes cours européennes, le plus souvent dans les jardins ou les cuisines des palais.

De cette formidable épopée émergent certaines histoires emblématiques dignes des plus grandes sagas hollywoodiennes, dont celle de Pierre Poivre (1719-1786), le bien nommé. Après des études en théologie, le jeune homme de nationalité française est envoyé dans le sud de la Chine pour exercer en tant que prêtre. En poste à Canton, il doit œuvrer à la conversion des Chinois au christianisme, mais s’intéresse plus au va-et-vient des bateaux commerçants dans le port. Il rêve de partir herboriser à son tour pour faire fortune. Lors de son retour en France quelques années plus tard, son bateau est attaqué par les Anglais et son bras est emporté par un boulet de canon. Ce terrible accident va sceller son destin puisqu’étant désormais privé de sa main droite, il ne peut plus bénir les fidèles et doit définitivement quitter l’église. Pierre Poivre repart aussitôt pour le compte de la Compagnie des Indes française en direction des fameuses « îles aux épices » — les Moluques en Indonésie — où il parvient à se procurer assez miraculeusement de très convoités muscadiers et girofliers. Les arbustes sont ramenés sur l’Île de France (aujourd’hui Île Maurice) où ils sont replantés et confiés aux bons soins de Jean-Baptiste Fusée-Aublet (1723-1778). Ce dernier, en charge d’un jardin botanique nouveau (le jardin des Pamplemousses créé en 1736) et jaloux de l’ascension fulgurante de son confrère, arrosera les plants avec de l’eau bouillante pour s’assurer qu’ils périssent. Il prétextera ensuite la mauvaise adaptation des arbustes aux conditions locales. Le succès de Pierre Poivre ne pâtira heureusement pas de ce dramatique épisode. Ses exploits et son dur labeur seront reconnus grâce aux autres plantes qu’il aura ramenées de ses expéditions.

Les îles Bourbon (La Réunion) et Maurice ont souvent servi de terrain d’expérimentation, préparant l’arrivée en France, et à Versailles plus précisément, de nombreuses espèces exotiques. Le Roi-Soleil (Louis XIV, r. 1643-1715) se devait en effet, afin d’exhiber son pouvoir universel, de posséder des trésors du monde entier. En conséquence, le souverain et ses successeurs n’auront de cesse de faire venir des arbres, des fleurs, des fruits, des légumes et des plantes aromatiques encore inconnus afin de garnir les jardins, les appartements et les tables de la résidence royale pour le plus grand plaisir des courtisans. L’aménagement d’une orangerie, dans l’extension du grand jardin de Versailles, participera de ces efforts démesurés pour accueillir les essences les plus rares. Les agrumes à qui ce bâtiment doit son nom venaient de Chine, justement. Le Roi-Soleil et le fils du Ciel avaient bien des choses en commun.


Jonque chinoise
Peinture de Canton, vers 1830
Collection privée

Émerveillé par les gravures du palais du roi de France qui lui avaient été envoyées, l’empereur Qianlong (r.1735–1796)
ambitionne à son tour de construire à Pékin une résidence occidentale qui constituerait le miroir de son propre pouvoir. Il décide de confier cet ambitieux projet aux jésuites présents à la Cité interdite. Ainsi, le Xiyanglou (ou « pavillon Étranger ») voit-il progressivement le jour sur les terres du Palais d’été Yuanmingyuan, sous la direction de Giuseppe Castiglione (1688-1766). Pour l’aménagement des jardins — agrémentés d’un labyrinthe, de sculptures, de fontaines et de jeux d’eau comme à Versailles — il désigne Pierre d’Incarville (1706–1757). Ce dernier avait su le séduire de la manière la plus intelligente qui soit en lui présentant les étonnantes propriétés de la sensitive (ou Mimosa pudica). Cette fleur qui rétracte rapidement ses feuilles lorsqu’on la touche venait d’être découverte en Amérique du Sud et ramenée en France, à Versailles justement. Pierre d’Incarville, qui cherchait à attirer l’attention de l’empereur de Chine pour pouvoir herboriser plus librement, avait pris contact avec son vieil ami Bernard de Jussieu (1699-1777), professeur de botanique du Jardin du Roi à Paris qui la lui avait fournie. Les deux hommes ont échangé une abondante correspondance, de nombreuses graines et informations, se ménageant un canal d’échange direct assez inattendu entre les deux cours. Le stratagème de d’Incarville avait fonctionné à merveille et l’empereur impressionné par la nouveauté lui avait offert l’accès à ses serres privées et la charge des jardins de sa future résidence. Aujourd’hui peu de traces subsistent des espèces plantées au Palais d’été qui a été mis à sac puis détruit par les forces occidentales lors des guerres de l’opium en 1860. Il aurait été vraiment passionnant de pouvoir en dresser un inventaire botanique.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur la chasse aux plantes, ses acteurs et ses conséquences. La quête du thé et la course à l’opium ont définitivement changé la face du monde, par exemple. Qui se souvient aujourd’hui que les cacahuètes, les tomates, les pommes de terre, le maïs et les tournesols ont été introduits par les Espagnols et les Portugais d’Amérique ?
Et les pivoines, les chrysanthèmes, les orchidées, les bambous ou les mandarines de Chine en Europe ? Les merveilles du monde entier racontent bien volontiers leur histoire à qui veut l’écouter.

Sinologue et historienne d’art, Estelle Niklès van Osselt est actuellement conservatrice au Hong Kong Palace Museum.


 


Couple de tourterelles entouré de fleurs de pavot (opium)
Peinture de Canton, vers 1850
Collection privée

今日,我們走進菜市場,看到攤檔上擺滿各式各樣的鮮花、水果、蔬菜,會視作理所當然。由於早習慣現代化的生活,我們早已忘記許多農產品並非必然垂手可得。相反,它們大部分都來自遠邦,而且要經歷千山萬水才能來到我們跟前。
以歐洲為例,為了取得香料歷史上多次向外探險。歐洲人自古以來就對胡椒、薑、肉桂、丁香、肉豆蔻等香料趨之若鶩

他們借助這些辛香料的特性,開創出種種新穎的食物保存、烹調,製作香水、化妝品,甚至治療的方法。因此,當時的香料極具價值,甚至可以直接當作交易的貨幣。

然而,一直以來,我們卻都忽略了這些長途跋涉、不斷易手的商品的真正來源地,因此關於香料的來源,就有了種種神秘故事流傳的空間,而且一個比一個引人入勝。希羅多德(Hérodote)是公元前五世紀的希臘歷史學家兼地理學家,素以嚴謹聞名。根據他的說法,肉桂是來自滿佈蝙蝠的沼澤地區的樹木;肉桂樹更是猛禽的棲身之所。這些特性無疑解釋了為何肉桂是極之難得的貴貨。然而事實上,肉桂其實是來自亞洲的斯里蘭卡、越南和中國。


Portrait devant une toile peinte avec une architecture chinoise et européenne, illustrant la rencontre Est-Ouest
Photographie de studio, années 1880
Collection privée

後來,西方對香料及其他異地貨品的需求不斷增加,各個大國於是開始考慮建立自己的商業網絡。正是由於哥倫布(Christophe Colombo,1451-1506年)接受西班牙國王的委託,要開拓通往「印度」的更直接路徑,所以在1492年意外發現美洲。而在短短六年之後,葡萄牙的達伽馬(Vasco de Gama,1469-1524年)成為第一位由歐洲繞過非洲好望角通往亞洲的航海家。這些事件不但標誌著世界史新篇章的開始,亦為植物學翻開了新的一頁。

到十七世紀,為了確保對這些新航路的控制,歐洲多國更各自建立了著名的東印度公司。它們的競爭相當激烈,原因之一是要為本國爭取重要的利益,從而提升財力與勢力。最初,主要的貿易內容只是香料和瓷器;後來迅速發展,商品類型數之不盡。此外,東印度公司的船隊還載著第一批為尋找未知植物而上路的自然主義學家,而亞洲(尤其是中國)正是他們最喜愛的尋寶地。

當他們發現新的品種之後,這些植物就必須攀山涉水、適應氣候,繼而發芽、在通常都不合適的土壤裏繁殖,可謂經歷重重考驗。單單是能到達終點,就足以證明這些植物本身具備成為公司之寶的價值;它們大部分會在歐洲落地生根,並常見於宮廷的花園或廚房之中。

這段曲折離奇的過程更衍生出不少扣人心弘的荷李活史詩式故事,其中最有名的主人翁是波維爾(Pierre Poivre,1719–1786年)。當時這位年輕的法國人在讀完神學之後被派往華南當神甫。波維爾到達廣州後,本來任務是在中國宣教,然而他卻對在港口頻繁來回的商船更感興趣,甚至夢想要靠收集植物來發一筆橫財。幾年後,在他返回法國途中,所坐的船被英國人襲擊,手臂更被砲彈打中。這次恐怖的遭遇徹底封閉了他原來的事業去路,因為他的右手須接受截肢,從此再也無法為受眾祝福,與教會的工作無緣。波維爾隨即代表法國東印度公司前往著名的「香料群島」——印尼的摩鹿加群島(Maluku Islands),又極為奇跡地找到無數人渴求的肉豆蔻。波維爾將肉豆蔻的灌木帶回法蘭西島
(即現在的毛里裘斯),交由Jean-Baptiste Fusée-Aublet(1723–1778年)悉心栽種及照料。當Fusée-Aublet開始著手管理新建的龐波慕斯植物園(Pamplemousses Botanical Garden,又名西沃薩古爾爵士植物園(Sir Seewoosagur Botanic Garden),1736年興建)後,因為妒忌波維爾如直升機般的火速晉升,竟然想出毒計,用熱水澆死植物,再以肉豆蔻無法適應當地環境為藉口。幸而,波維爾的仕途並未因為這種小說橋段式的陰謀而被破壞,因為他還有從另外的探險中帶回其他植物,其辛勞及莫大功績早就得到認同。
當時,異國的品種在運往法國(更準確而言是凡爾賽宮)前,經常會先送到波旁島(即現時的留尼旺)和毛里裘斯作試驗,因為「太陽王」路易十四(1643–1715年間在位)為了炫耀他的權勢,喜歡從世界各地搜羅奇珍異寶。因此,路易十四及他的繼承者不斷用各種當時未知的花草樹木、鮮果蔬菜來裝潢宮廷的花園、公寓、桌面,以令滿朝文武嘖嘖稱奇。而凡爾賽花園的延伸部分「橘園」亦涉及這項浩瀚工程。天下奇珍,大有盡收法王囊中之勢。橘園的命名靈感其實是源自中國的柑橘果實。太陽王與東方的天子有不少共同之處。


Panier aux chrysanthèmes
Chine, corail scuplté, période républicaine (1912-1949)
Collection privée

乾隆帝(1735–1796年間在位)收到路易十四寄來的宮廷圖版畫後讚嘆不絕,一心打算在北京建造一座西式宮苑來彰顯自己的榮耀。他決定將建宮的雄圖大計委託給紫禁城的耶穌會士。在郎世寧(Giuseppe Castiglione,1688-1766)的監督下,「西洋樓」慢慢在「夏宮」圓明園內奠基成形。乾隆又指派湯執中(Pierre d'Incarville,1706–1757年)在西洋樓內加上凡爾賽宮風格的迷宮、雕塑、噴泉、水裝飾等花園佈置。湯執中深諳乾隆帝的個性,向他呈上含羞草(Mimosa pudica),巧妙地靠它敏感的特性博得乾隆帝歡心。含羞草在感受到觸碰或搖晃時,會迅速將葉柄縮起。當時含羞草在南美洲被發現,而且才被運到凡爾賽宮不久。湯執中為求獲得更大自主權,以便採集更多植物,特別研究如何吸引乾隆的興趣,於是他聯絡老朋友——接受宮廷贊助、於巴黎王室花園擔任植物學教授的Bernard de Jussieu(1699–1777年)。二人頻繁通信,又交換了許多種子和資訊,意外地促成了一條兩地直接交流的渠道。湯執中的計策非常有效,皇帝對這種前所未見的植物讚嘆不已,於是批准他出入自己的私人溫室,更要求他打理後來建成的西洋宮寓所。在1860年的鴉片戰爭期間,圓明園被西方列強的軍隊搶掠然後燒燬,如今幾乎找不到栽種過的植物的痕跡,否則,若能查到植物的清單,相信必定別有一番奇趣。

 

關於植物獵奇、獵奇名人、獵奇的影響,可以著墨的題材仍然有許多,例如,茶葉的需求以及鴉片競賽深刻改變了世界的面貌。如今又有誰記得,花生、番茄、馬鈴薯和向日葵等植物是由美洲的西班牙人和葡萄牙人發揚至全世界?牡丹、菊花、蘭花、竹和柑橘是由中國傳到歐洲?世界各地的奇趣異聞數之不盡,只等待有心人前來發掘。

李秋星(Estelle Niklès van Osselt),漢學家及藝術史學家,現時擔任香港故宮文化博物館研究員。

 
 

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