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Avant l’invention du phonographe, la musique ne pouvait être écoutée qu’à la cour, à l’église, aux concerts de salon ou à l’occasion des rassemblements lors de festivals. Bach jouait de l’orgue dans les églises, Lully écrivait ses ballets pour Louis XIV à Versailles, Mozart jouait ses concertos avec un orchestre et Chopin, le « poète du piano », exhibait ses talents de pianiste dans les salons. Si écouter et jouer de nos jours leurs chefs-d’œuvre est un privilège, que dire de celui des publics de l’époque, qui ont eu l’honneur insigne de les entendre jouer par leur compositeurs en personne !
L’histoire de la musique nous apprend que dès le début du XIXe siècle, on s’employait à recréer les œuvres du passé. Ainsi, en 1829, Félix Mendelssohn reproduisait La Passion selon saint Matthieu de Bach, alors vieille d’un siècle. Au XXe siècle, des musicologues se lancèrent dans un véritable travail archéologique visant à redonner une nouvelle vie aux instruments anciens conservés dans les musées, ou à en faire fabriquer des imitations parfaites par des luthiers et facteurs dont ce travail allait devenir la spécialité. L’étude des partitions et des documents musicaux d’autrefois permet également aux musiciens modernes de mieux comprendre les styles d’interprétation des compositeurs du passé. Cette discipline s’appelle « l’interprétation historiquement informée ». Les deux histoires suivantes sont tirées de mes rencontres avec deux grands spécialistes de ce domaine : le facteur de clavecin canadien Yves Beaupré et le restaurateur de piano-forte français Olivier Fadini.
Le clavecin est l’ancêtre du piano. Inventé au XVIe siècle, largement utilisé en Europe du XVIIe au début du XVIIIe siècle, il a ensuite été progressivement remplacé par le « piano-forte » au milieu du XVIIIe siècle. De nos jours, les clavecins sont des pièces de musée et ne sont que rarement utilisés et étudiés par des professionnels.
Table d'harmonie peinte par Pascale Dupré (artiste montréalaise)
Lorsqu’un clavecin est requis pour les besoins d’un concert, c’est souvent un produit d’imitation qui est utilisé à la place. À l'heure actuelle, de nombreux facteurs de clavecin européens et japonais sont capables d’imiter des instruments de différentes périodes et de différents styles (principalement français, italien, flamand et allemand). Un clavecin de haute qualité est fabriqué à la main, généralement par un facteur qui gère l’ensemble du processus ;
la fabrication dure environ un an. Les facteurs embauchent parfois des assistants, mais très peu de jeunes travaillent dans ce domaine.
En 2018, je me suis donc rendue au Canada pour visiter l’atelier d’Yves Beaupré, près du centre-ville de Montréal. Quand je suis arrivée, il y avait un clavecin et un piano-forte en cours de fabrication. Au mur étaient accrochés des myriades d’outils et de photos d’instruments, et des morceaux de bois de toutes tailles jonchaient le sol.
Grand spécialiste des instruments anciens, Beaupré était par ailleurs virtuose au clavecin. Dans les années 1970, les clavecins étaient à la fois rares et chers en Amérique du Nord ; à l’âge de 17 ans, il souhaitait ardemment faire l’acquisition d’un clavecin, et n’ayant pas les ressources financières nécessaires, il décida tout naturellement... de s’en fabriquer un lui-même !
Dans les années 70 et 80, Beaupré visita l’un après l’autre tous les grands musées européens de ce domaine pour étudier les différents modèles de clavecins anciens. Il mesura personnellement le volume des instruments, étudia la structure et les motifs de peinture de leur caisse, de leur sommier et de leur table d’harmonie, et échangea longuement avec des facteurs locaux. De retour dans son pays avec un tel bagage de connaissances, Beaupré éleva son art à un niveau supérieur.
Depuis quelques années, son fils Benoît travaille désormais avec lui dans l’entreprise familiale, chose extrêmement rare dans ce secteur. Quoi de plus réjouissant qu’une relation père-fils aussi harmonieuse, et quelle heureuse perspective pour Beaupré de voir la relève assurée par son propre fils !
La même année, j’avais initialement prévu d’aller en Europe pour suivre un cours de musique, mais en raison d’un changement de planning imprévu, j’ai finalement décidé d’aller à Paris. Par hasard, j’ai contacté avant mon départ Oliver Fadini, un restaurateur français de piano-forte, et par curiosité, je lui ai personnellement rendu visite à son atelier.
Un concert de musique baroque française par Concerto da Camera
L’atelier de Fadini est situé à Méréville, dans l’Essonne, à environ deux heures de train de Paris. Ce lieu m’a ouvert les yeux : il était rempli d’instruments anciens de différentes époques, dont un clavecin italien du XVIIe siècle, un piano-forte du début du XVIIIe (d’un modèle utilisé à l’époque de Mozart), ou encore un Pleyel français du XIXe. On raconte que lorsque Chopin est arrivé à Paris, il a été immédiatement séduit par le son des Pleyel.
Le Concours international de piano Frédéric-Chopin s’est tenu en octobre 2021, à Varsovie, et a été diffusé en direct afin d’en faire profiter les mélomanes du monde entier sur Internet. Sur la scène se trouvaient des pianos à queue des marques les plus prestigieuses, qui semblaient rivaliser dans un concours de beauté. Vous êtes-vous déjà demandé quel était le son du piano sur lequel Chopin jouait à l’époque ?
La restauration des pianos anciens n’est pas une mince affaire. Tous les connaisseurs ayant eu l’occasion d’entendre jouer les premiers Pleyel savent que leur timbre, leur volume et leur toucher sont complètement différents de ceux des pianos modernes ; tous les pianistes ne les maîtrisent pas, loin s’en faut. La manipulation de ces Pleyel demande également la plus grande précaution, car il s’agit d’antiquités. En général, les clients de Fadini sont des musiciens professionnels ou des collectionneurs.
J’ai eu la chance de l’entendre jouer ce jour-là. Chaque instrument de son atelier a sa propre histoire fascinante. Par exemple, Fadini a remis à neuf un pianino droit Pleyel (n° 10112), que Frédéric Chopin avait choisi pour son amie et mécène, la comtesse d’Obrescoff (1795-1862) ; le célèbre compositeur franco-polonais avait bien sûr joué lui-même sur l’instrument. On conçoit aisément la valeur historique d’une telle merveille.
Restaurer un piano-forte est une tâche très difficile, et il arrive que l'on se sente désemparé ! Le restaurateur opère comme un archéologue : il doit rechercher les techniques et les matériaux utilisés à l’époque afin de restaurer le plus minutieusement possible les pièces d’origine, en général très usées, et s’efforcer de rester fidèle à la structure d’origine de l’instrument. Bien sûr, ce travail prend du temps et bon nombre des matériaux de l’époque sont aujourd’hui introuvables.
Les pianistes viennent souvent chez Fadini pour s’essayer au Pleyel de Chopin, qui respire encore l’âme du grand compositeur, tandis que le restaurateur français écoute attentivement le son et réfléchit à d’autres améliorations possibles.
Facteurs comme restaurateurs, leur travail n’est pas seulement un métier mais avant tout une mission : celle de la promotion de « l’interprétation historiquement informée » dans le milieu des musiciens et auprès du grand public d’aujourd’hui. Et cette mission, ils s’y attèlent avec le génie et la modestie des grands maîtres.
Karen Yeung est fondatrice et directrice artistique de l’association Concerto da Camera.
Pour plus de vidéos et de documentaires, visitez la chaîne YouTube du Concerto da Camera ou le site www.concertodacamera.org
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留聲機未被發明前,人們只可親身在宮廷、教堂、沙龍音樂會或一些節日集會中現場欣賞音樂。當年巴赫在教堂內彈奏管風琴、盧利在法國凡爾賽宮為路易十四創作而寫芭蕾舞劇、莫扎特與管弦樂團合奏協奏曲,還有「鋼琴詩人」蕭邦在沙龍音樂會上一展琴藝,這些經典時刻都是由原創者親自演奏其著名的作品,絕對是原汁原味的演繹。他們留下來的名作更成為後世的典範,在不同年代均被重覆演奏!
Yves Beaupré et Karen Yeung
根據歷史記載,原來在十九世紀初已經興起重演往時的名曲。孟德爾遜(Felix Mendelssohn)在1829 年就用他當時的聲樂及樂團編制去演奏十八世紀巴赫的《馬太受難曲》,而到了二十世紀就有音樂學者聯同演奏家及樂器工匠進行多項的考古項目,設法把保存在博物館或經有心人「尋寶」發現的古董樂器復活或仿製,務求令它們能在現代再派用場。而研究古代樂譜和文獻,亦令現代音樂家能更了解過往作曲家的演繹風格。這門學問被稱為「鑑古演奏」(Historical Informed Performance)。以下兩則經歴來自我拜訪兩位這方面的專家——加拿大古鍵琴造琴師 Yves Beaupré 及法國古鋼琴復修師 Olivier Fadini。
古鍵琴是鋼琴的前身,早於十六世紀已誕生,它在十七至十八世紀初的歐洲廣被應用,但到了十八世紀中期就逐漸被古鋼琴(fortepiano)所取代。流傳至今,它們通常被陳列在博物館中,只在特別情況下被專家演奏和研究。
若有需要,在今天的音樂會中通常會用仿製古鍵琴。現在歐洲及日本也有多位古鍵琴造琴師去仿製不同年份和不同地域風格(主要為法式、意大利式、佛蘭德式和德式)的古鍵琴。一部優質的古鍵琴是用人手製造的,需要至少一年時間才可製成,通常由造琴師一手包辦整個製作過程。造琴師有時也會聘請助手,但參與這行業的年青人實在不多。
2018年,我去了加拿大,到訪古鍵琴造琴師 Yves Beaupré 位於蒙特利爾市中心附近的工作室。當我抵達時,那兒擺放了一部製作中的古鍵琴和一部古鋼琴。牆壁上掛滿了很多工具和古琴圖片,工作室周圍擺放了很多大小不同的木塊,還有一卷卷製琴結構圖。
Beaupré 曾經主修音樂,會彈奏一手出色的古鍵琴。上世紀七十年代的北美洲還是很缺古鍵琴造琴師,當年十七歲的Beaupré 渴望擁有一部古鍵琴卻沒有經濟能力,於是便發揮其創意精神,親手製作自己的第一部古鍵琴。Beaupré 在七、八十年代曾經遠赴歐洲的博物館以考察古董古鍵琴。他親自量度琴的體積,考究琴身琴板的繪畫圖案,還有琴架的設計等,亦跟隨當地的造琴師學藝。當Beaupré 回國後更將所得的知識發揮得淋漓盡致,令他的造琴技藝更上一層樓。
Olivier Fadini jouant sur un pianino droit Pleyel (1836, n° 5967)
造琴多年,Beaupré 的兒子Benoît 如今也加入了造琴的行列當中,與父親一起工作,而且得心應手,非常難得。有了接班人,建立更融洽的父子關係,我很替他們高興!我猜Beaupré 亦會覺得很安慰!
在同一年,我原有計劃的去歐洲參加一個音樂課程,但因行程臨時有變,最後我決定到巴黎走一趟。在機緣巧合下,我在出發前聯絡上法國的古鋼琴修復師 Oliver Fadini,並在好奇心驅使下 親身拜訪,參觀過他的工作室。
Fadini 的工作室在郊區 Méréville,從巴黎乘火車約需兩小時。復修師的工作室實在令我大開眼界,那兒擺放了多部不同年份的古董琴,有十七世紀的意大利古鍵琴、十八世紀初的古鋼琴(莫札特時代用的),還有十九世紀法國普雷耶(Pleyel)鋼琴。波蘭作曲家蕭邦初次到步巴黎時就已經是被普雷耶的音色深深吸引住。
剛在幾個月前(2021年十月)的華沙舉辦過蕭邦國際鋼琴大賽,比賽現場設有直播,所以全世界的觀眾都可以在網上一飽耳福。台上也出現不同牌子的頂級三角琴,也一起在台上「比拼着」。你有沒有想過在蕭邦的時代,他所彈的琴音又會是怎樣的呢?
古董琴復修是一門非常講究的學問。親耳聽過早期普雷耶鋼琴的朋友,會知道無論是琴音、聲量和彈奏觸感,都與現代鋼琴截然不同,不是每位鋼琴家都能控制得準。處理這些普雷耶鋼琴需要十分謹慎,因為它們始終都是古董。通常Fadini 是替音樂家及收藏家去復修這些古董鋼琴。
有幸聽到 Fadini 的分享,每一部古樂器都有它自己的故事。例如Fadini 曾翻新過一部普雷耶直身小鋼琴 (Pianino No. 10112) 它是蕭邦為朋友及贊助人 Obreskoff 伯爵夫人(1795–1862)挑選的,而蕭邦當然也有親自彈奏過這部鋼琴。可想言之,這部鋼琴富有非凡的歷史價值。古鋼琴復修這任務非常艱巨,在工作的過程中甚至會感到孤單。像考古學家一樣,要去考究並找尋舊有的造琴技術及物料,這樣才可以進一步修復耗損了的原製零件,並且盡量不改動琴內的原本結構。當然,這種工序需時,而且舊有原材料很多也近乎絕跡。
經常會有鋼琴家親臨 Fadini 的工作室,嘗試彈奏富有蕭邦靈魂的普雷耶鋼琴,而 Fadini 亦可以站在一旁細聽琴音,測試一下樂器修復成果。
無論是仿製古樂器造琴師 復修師,他們的職業不只是一份工作,更包含了一份使命,令他們默默耕耘,大力推動了「鑑古演奏」運動,亦給現代的音樂家及觀眾帶來更豐富的知識和啟發。我謹向他們致敬!
請上雅樂合奏團的YouTube 頻道,欣賞更多音樂影片及紀錄片,或瀏覽網頁www.concertodacamera.org
楊嘉倫是雅樂合奏團創辦人及藝術總監 |
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