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L’ouverture au public de l’ex-réservoir de Sham Shui Po à Hong Kong témoigne d’un goût indéniable pour les lieux abandonnés qui gardent leur mystère. C’est un élément fondamental de l’urbex dont les adeptes photographient, lors leur exploration urbaine, la revanche du temps et de la nature sur l’homme. Un phénomène devenu mondial grâce aux réseaux sociaux.
Ici, l’ancienne bibliothèque d’un manoir, encore garnie de ses ouvrages, recouverte de gravats tombés du plafond. Là, une piscine abandonnée qui ressemble désormais à une serre tropicale tant la végétation y a poussé. Ou encore un cimetière de voitures dans lesquelles se sont enracinés d’énormes arbres. Les images ramenées par les adeptes de l’exploration urbaine fascinent. C’est « une visite approfondie, et sans autorisation le plus souvent, d’un lieu marginal, délaissé et abandonné » d’après Nicolas Offenstadt, auteur de Urbex, le phénomène de l’exploration urbaine décrypté (Albin Michel). Ce terme d’urbex (contraction de l’anglais urban exploration) est attribué au Canadien Jeff Chapman, alias, Ninjalicious, qui l’emploie dès 1996 dans son journal Infiltration, « le fanzine sur des visites de lieux où vous n’êtes pas censés aller ». Dans les années 2000, le terme se popularise en même temps que cette pratique. Mais dès les années 1960, Hilla et Bernd Becher photographiaient déjà les sites industriels abandonnés dans l’Allemagne de l’Est.
Mais pourquoi tenter de s’introduire clandestinement dans des ruines ? Le français, Romain Veillon est un adepte de l’urbex : « J’adore voir la végétation reprendre le dessus et recouvrir les constructions humaines. C’est une sorte de memento mori (“souviens-toi que tu es mortel” en latin). Mes photos figurent notre passé, mais elles pourraient tout autant représenter notre futur si nous continuons à maltraiter la planète. Le monde sans nous. » Les images de ses deux tomes de Green Urbex (Albin Michel) sont mystérieuses, nostalgiques, voire apocalyptiques.
Trois règles implicites
Les objectifs de ces explorateurs d’un nouveau genre peuvent être différents. De jeunes citadins des pays riches en quête d’aventure aiment à s’introduire dans des lieux dangereux, fermés ou surveillés. Il ne s’agit pas toujours de sites abandonnés, mais parfois en activité, comme des chantiers. Guillaume Yverneau, historien à l’Université de Caen, pratique lui l’urbex dans le cadre de ses recherches. Il revient dans des bâtiments abandonnés depuis la Seconde Guerre mondiale – son domaine de recherche – et y trouve parfois des archives. « Les motivations sont multiples, explique-t-il. Un intérêt pour le patrimoine et l’histoire, la recherche esthétique d’une végétation “reprenant ses droits” sur des ruines, le goût du frisson voire du paranormal, ou encore un objectif politique : se réapproprier sa liberté de déplacement. » Certains y voient un moyen de se soustraire à l’enfermement de la société capitaliste, à la consommation passive de distraction et aux systèmes de surveillance.
Guillaume Yverneau détaille : « Il y a trois règles implicites de l’urbex : ne pas donner la localisation car trop de visiteurs provoquerait des dégradations, ne pas entrer par effraction, et laisser le lieu tel quel. D’autres ne s’en revendiquent pas, par exemple parce qu’ils pratiquent le graffiti. » Côté pratique, Romain Veillon conseille de ne pas s’introduire seul dans ces lieux pour prévenir en cas d’accident. Muni d’un trépied et de son appareil photo, il est aguerri aux difficultés et aux dangers : ronces, plancher branlant, débris de verre… Mais avant cela, il décortique patiemment la presse locale ou Google Maps pour repérer des lieux fermés, abandonnés ou à vendre.
Les explorateurs comme leurs clichés sont les témoins d’un patrimoine et d’une mémoire qui disparaissent. De nombreux lieux ont finalement été rasés. Peu ont été réhabilités. Pour Guillaume Yverneau, « ce phénomène a pris une dimension mondiale avec le développement des réseaux sociaux dans les années 2010. La désindustrialisation de nos sociétés a provoqué l’abandon de nombreuses usines, ce qui a provoqué l’intérêt de beaucoup de personnes ». Un phénomène devenu à la mode avec bien des dérives : certains vendent les adresses de ces sites souvent secrets ou monnayent des visites ; d’autres les vandalisent ou les pillent (squatteurs, antiquaires…). Mais l’urbex a toujours existé. N’est-ce pas Chateaubriand qui écrivait que « tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines » ?
Et à Hong Kong, la ville abandonnée
Au-delà des gratte-ciels scintillants et des centres commerciaux ostentatoires, les bâtiments oubliés révèlent un autre visage de Hong Kong. Fondé en 2013, les explorateurs du collectif anonyme HK Urbex composent une équipe d’une dizaine d’explorateurs urbains anonymes. La plupart sont des journalistes, vidéastes et photographes qui choisissent de garder leur identité secrète dans l'espoir de garder l'accent sur les sites et leurs photographies, plutôt que sur eux-mêmes.
Au cours des dernières années, l'équipe intrépide a exploré tout, des anciennes usines de médecine chinoise aux services psychiatriques délabrés, des manoirs de l'époque coloniale, d'anciennes casernes militaires britanniques, des prisons, des hôpitaux désaffectés, des immeubles d'appartements en ruine, des stations de métro, des usines de peinture et des cinémas.La liste couvre plus de 200 adresses, dont beaucoup ont depuis été démolies. En cours de route, l'équipe documente l'histoire de chaque site avec des photos, des vidéos, des images par drone et même de la réalité virtuelle.
La plupart des habitants ne verront jamais ces endroits. Hong Kong adopte une approche notoirement passive de la préservation, privilégiant plutôt les développements les plus rapides et les plus rentables financièrement. La démolition systématique des sites patrimoniaux – comme le célèbre Queen’s Pier en 2007, la boutique de prêt Tung Tak à Wan Chai en 2015 ou la démolition prévue du marché de Graham Street âgé de 160 ans – a entraîné des manifestations publiques et du ressentiment.
Le gouvernement a créé le Bureau du Commissaire au Patrimoine en 2008, qui est censé examiner les projets de développement et mettre en œuvre de nouvelles politiques. L'année suivante, le Conseil consultatif des antiquités a annoncé son évaluation en cours de plusieurs milliers de bâtiments de Hong Kong, attribuant un statut de Grade 1, 2 ou 3 à ceux ayant un mérite historique. Malgré les efforts continus pour identifier et protéger ces bâtiments, de nombreux habitants restent sceptiques quant à l'efficacité des agences. Les critiques soulignent les démolitions continues par des propriétaires privés, ainsi que des projets de revitalisation mal orientés.
Pour le collectif, HK Urbex est une manière de rendre leurs derniers hommages et d’être témoins de ces lieux, et d’espérer préserver un peu de leur mémoire ou valeurs patrimoniales – même s'ils n'étaient pas valorisés par ceux qui les possédaient.
Les habitants et les voyageurs sont souvent surpris d'apprendre ce côté négligé de Hong Kong. Et même sans lampes frontales ni casques, il existe des dizaines de destinations colorées et vieillissantes sur le territoire – tant que vous savez où regarder.
Bien que cela soit très éloigné des gratte-ciels et des centres commerciaux brillants du district central, ces bâtiments d'antan offrent sans doute une manière plus authentique de découvrir Hong Kong.
Sur réseau social : #hkurbex #urbex
hiddenhk.com
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L'ancien réservoir de Sham Shui Po, crédit DiscoverHK
前深水埗配水庫正式向公眾開放,說明了香港人對富神秘感的遺跡有著不可忽視的興趣。這就是城市探險(Urbex)的要旨,愛好者們在其都市中深入探索,以攝影記錄時間和大自然反加於人類的影響。這一現象透過社交媒體成為全球熱潮。
城市探險的地點不勝枚舉,例如是一座大宅的舊圖書館,書架上還擺放著書籍,然而已被天花墜落的瓦礫覆蓋;又或是廢棄的游泳池,如今已恍如熱帶溫室,不同植物茂盛生長;而在汽車墳場內一片巨樹擎天,其根系已經深植廢車之中。城市探險者帶給大家的影像令人為之著迷。根據《Urbex, le phénomène de l'exploration urbaine décrypté》(城市探險:解讀城市探險現象,Albin Michel出版)一書的作者尼古拉.奧芬斯塔特(Nicolas Offenstadt)所述,這是在「被荒廢、遺棄、邊緣化的場所中探險,而且通常未獲許可」。城市探險「Urbex」是英文「urban exploration」的縮寫,最早由加拿大人Jeff Chapman(別名Ninjalicious)自1996年起在其日誌《Infiltration》中採用,專門「去你不應該去的地方」。到了2000年代,城市探險日漸流行,「Urbex」一詞亦已普及起來。其實早在1960年代,Hilla Becher與Bernd Becher便已開始在東德拍攝工業遺址。
不過,試圖偷偷潛入廢墟,到底是為了什麼呢?法國城市探險者Romain Veillon表示:「我喜歡看到植物重新掌管大地,覆蓋著人類的建築。這就像拉丁文所說的『memento mori——勿忘你終有一死』一樣。我的照片呈現過去的影像,但如果人類繼續虐待地球,這也可以是我們的未來。到時候世界已沒有人類了。」其兩部《Green Urbex》
(綠色城市探險,Albin Michel出版)中載有神祕、懷舊甚至帶末日氣氛的圖片。
© Romain Veillon
三大不成文規則
城市探險者的目標各異,富裕國家的年輕城市人追求冒險,喜歡闖入危險、封閉或受監視的地方。探險地點不一定是遺址,有時可以是仍然活躍的地方,例如是工地等。卡昂大學(l'Université de Caen)的歷史學家Guillaume Yverneau的研究涉及城市探險。他會回到自第二次世界大戰(此為其研究領域)後便被廢棄的建築中探索,有時甚至會發現到檔案資料。他解釋道:「大家都有不同的動機,例如是對文化遺產和歷史感興趣、在廢墟中尋求植物『重新掌權』的美感、喜歡驚悚或奇異的東西、甚至是基於政治原因——重獲移動自由。」有些人將城市探險視為擺脫資本主義社會、娛樂被動消費和監控系統的方式。
Guillaume Yverneau進一步說明:「城市探險有三大不成文的規則——不可公開地點,以免過多訪客會造成破壞;不可強行破壞闖入;不可改變地點現狀。不過有些人並不遵循這些規則,例如有些人會在探險地點塗鴉。」實際而言,Romain Veillon建議大家不要單獨闖入這些地方,以免發生意外。他早已習慣面對各種困難和危險,會帶著三腳架和相機前往這些地方,荊棘、不穩的地板和玻璃碎等都已司空見慣。而在出發之前,他會仔細研究當地新聞或利用 Google 地圖來尋找封閉、荒廢或待售的地點。
這些探險者及其拍攝的影像,見證著正在消失的文化遺產與記憶。許多地點最終將被夷為平地,只有少數會活化重生。Guillaume Yverneau 認為:「城市探險隨著社交媒體在2010年代的發展而成為了全球現象。我們的社會在經歷去工業化後,留下大量荒廢的工廠,這引起了很多人的興趣。」城市探險成為潮流,卻衍生出許多問題——有些人會出售祕密地點的地址,或將城市探險視為生意盈利;有些人則會在這些地點進行破壞或偷竊,例如是侵佔擅用地方或偷古董等。不過,城市探險一直以來都存在著。正如夏多布里昂(Chateaubriand)筆下所言:「廢墟對所有人都有著一股神祕的吸引力。」
香港與遺跡
香港政府於 2008 年設立文物保育專員辦事處,負責審查發展項目和實施新政策。次年,古物諮詢委員會宣佈將評估香港數千座建築,並為其賦予一、二、三級歷史建築評級。儘管有關當局設有措施識別和保護歷史建築,然而其效率仍受到許多市民懷疑。此外,私人業主不斷拆卸歷史建築,以及定位錯誤的活化計劃尤其引人詬病。
對「HK URBEX城市探險」的成員而言,城市探險是對歷史地點的最後致敬和見證,希望盡力保留一些寶貴回憶和歷史文化價值,儘管業主們對此並不重視……
無論是居民和遊客,大家經常都會對香港忽視保育而感到驚訝。然而,即使不戴上頭燈或安全帽,只要您對相關地方有所認識,仍可到數十個色彩斑斕而歷史悠久的地點遊覽。
雖然這些舊日的建築與市中心閃亮的摩天大樓和購物中心相差甚遠,但透過遊覽這些地方探索香港,無疑會給人一種更真實的感覺。
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