|
Kei Lam vient de publier son troisième livre : Défends-toi toi-même. La scénariste et illustratrice de bande dessinée, travaillant à la fois pour la presse, l'édition et la publicité, « partout il y a du dessin finalement », nous partage le processus d’écriture de ce nouvel ouvrage en visite à Hong Kong. Française et native de l’île, Kei Lam est venue y faire la promotion de son dernier livre, invitée dans le cadre du mois de la francophonie 2025.
Kei Lam a pris conscience de la gravité du racisme et de l’augmentation des agressions pendant le Covid. Ce sujet, qu’elle a inconsciemment voulu éviter jusqu’à présent, s’est finalement imposé à elle pendant cette période qui a exacerbé le sentiment anti-asiatique. Pourtant, cela fait plusieurs années que Kei reçoit des aveux de racisme par ses lecteurs franco-asiatiques, et qu’elle leur avoue être démunie face à ces agressions. Elle décide alors de s’y confronter en participant aux ateliers d’Anne Van Hyfte, thérapeute spécialisée et formatrice en autodéfense mentale, émotionnelle et verbale. Pratiquée depuis les années 70 par les mouvements féministes américains, l’autodéfense a pour objectif de donner aux femmes les moyens – physiques, émotionnels, mentaux – de se défendre. C’est à travers ces ateliers que Kei entrouvre la porte du monde militant et féministe. Elle décide alors de co-écrire ce troisième roman graphique pour donner des clés de défense à ses lecteurs et retracer son parcours - notamment le fait que maintenant, elle sait dire « non ».
Les ateliers d’autodéfense émotionnelle
 |
Pour Kei, l’autodéfense émotionnelle est un sport : elle se pratique au quotidien, demande de l’entraînement et d’être assidue pour enrayer la sidération, apprendre à réagir aux violences quotidiennes et systémiques et finalement devenir autonome. A travers cet apprentissage, Kei parvient à tordre le bras au cliché de la femme polie et discrète qui garde son calme en toutes circonstances. Chassant les souvenirs de l’enfant sage qu’elle était, elle apprend à crier et à se défendre quand on lui fait du mal. Pour l’autrice, le meilleur remède à la sidération reste l’action : rencontrer des spécialistes, travailler en groupe, s’investir pour éviter d’être passif et de subir. En lisant Défends-toi toi-même, titre qui résonne comme un mantra qu’on se répète le soir face au miroir, le lecteur est immergé dans les ateliers d'autodéfense d’Anne Van Hyfte : on apprend comment reprendre la situation en main après qu’elle nous ait échappé, on assiste à la prise de confiance de Kei Lam et au travail collectif d’entraide et de discussion des participants.
Si Kei se définit comme féministe depuis sa rencontre avec Anne, elle avoue avoir toujours été entourée de femmes qu’elle trouve inspirantes, militantes, cultivées, féministes, écologistes et anticapitalistes depuis ses débuts dans sa carrière d’artiste. L’autrice a toujours été au contact de personnes qui l'ont aidée et soutenue dans son travail, d’« alliées » comme elle les appelle. Dans son livre, elle nous fait part de cette sororité qui lui permet d’avancer personnellement, dans une société qui manque parfois cruellement d’entraide. La collaboration, Kei, la recherche aussi dans son métier. De son passé d’ingénieure, elle a gardé l’habitude de l’analyse et de la consultation. Avant d’écrire, elle passe un long moment à faire des recherches, à rencontrer des spécialistes et techniciens des sujets qu’elle souhaite aborder. Pour son deuxième livre Les Saveurs du béton, où il est question de la banlieue parisienne, l’autrice a mûri le projet pendant trois années en interrogeant des cinéastes, des architectes, en absorbant des livres d’urbanisme et des films sur les grands ensembles des années 1970. Malgré ces rencontres, la période de création et d’écriture rime souvent avec solitude. Pour Kei, c’est la phase finale des projets qui est l’une des plus enrichissantes : promouvoir l'œuvre, renouer avec la presse, les médias et le public, parcourir les festivals, les salons du livres, dédicacer les ouvrages en librairie, dans les écoles et découvrir ce que les lecteurs pensent du livre.
Identité et multiples projets
Pendant ces phases différentes du processus de création jusqu’à l’aboutissement, la frontière entre la vie personnelle et professionnelle se brouille. Malgré les bienfaits évidents sur la santé mentale de Kei, les ateliers d’autodéfense émotionnelle n’ont pas réussi à combler cette ombre au tableau. Lorsqu’on l’interroge sur sa gestion de l'équilibre entre ces deux aspects de sa vie, Kei répond du tac-au-tac « Je gère mal ! ». Celle qui a grandi avec un papa artiste peintre rejette l’idée de « l’artiste avec un grand A », qui passe son temps à réfléchir, à écrire des poèmes et à lire des livres. L’autrice rappelle que son métier demande de la souplesse et de la polyvalence, principalement du fait que cette activité reste précaire. Cela oblige à avoir plusieurs activités en même temps et à être très organisée afin de pouvoir gérer les projets comme une entrepreneure, de A à Z et de réussir à vivre en tant qu’artiste. Selon elle, la réussite est subjective et personnelle. Rapidement, Kei a associé la réussite au fait d’être droite dans ses bottes, d’être alignée avec ses valeurs et de défendre et diffuser ses idées dans son travail. Son papa passionné de dessin, a ainsi réussi en tant qu’artiste puisqu’il dessine tous les jours. Comparé à lui, Kei avoue ne pas adorer le dessin. Ce qui la passionne, c’est d’avoir des projets, des idées et de les faire naître.
Kei Lam a beaucoup écrit à propos de son identité. Même si elle fige ses doutes et observations à ce sujet sur le papier, l’autrice voit son identité comme une entité mouvante, qui varie et s’adapte selon les situations, les périodes de la vie et les rencontres. Dans ce troisième ouvrage, celle qui se sent parfois plus française ou plus hongkongaise que d'autres, parfois citoyenne du monde, parle de l’importance de ne pas se laisser enfermer dans des cases et s’autoriser à cultiver une identité riche, plurielle et fluide. Après sa tournée hongkongaise, Kei se lance à l’assaut d’un nouveau projet, dans le cinéma cette fois. En tant que scénariste et réalisatrice, l’artiste devrait commencer le tournage d’une fiction début juin « si tout se passe bien ! ». Celle qui aime raconter les histoires souhaitait voir ce que cela rendait « lorsqu’on ajoute de la musique, de la lumière, des comédiennes et un travail d’équipe à une narration. »
|
|

Kei Lam © Gilles Delbos |
Kei Lam剛出版其第三本作品:《Défends-toi toi-même》(自己保護自己)。這位漫畫編劇兼插畫家的工作遍及新聞、出版和廣告領域——「總之是需要畫畫的地方吧」。這次適逢到訪香港,她將與大家分享其全新作品的創作過程。法籍的Kei Lam生於香港,這次特別來臨為她的新書宣傳,她同時是2025年法語月的嘉賓。
Kei Lam在新冠疫情期間,深刻感受到種族歧視和隨之加劇的相關暴力事件。關於種族歧視的議題,她在過去總是有意無意地回避,但在疫情期間,社會反亞裔情緒高漲,讓她不得不面對這個議題。其實在疫情之前的幾年前開始,早已有一些法國亞裔讀者向Kei訴說過其遭受種族歧視的經歷,而她也只能坦承自己對這些情況束手無策。為了正視這個問題,Kei參加了由Anne Van Hyfte主持的工作坊,Anne是一位心理、情緒與語言自我防衛的專門治療師和培訓者。這類自我防衛技術源自70年代的美國女性主義運動,旨在訓練女性在身體、情緒和心理上保護自己。這些工作坊讓Kei見識到社會活躍分子和女性主義者們的世界。因此,她決定與Anne合作創作其第三部圖像小說,希望為其讀者提供一些防衛竅門,並記錄自己的心路歷程,特別是她如今學會說「不」了。
情緒自衛工作坊
對Kei而言,情緒自衛可說是一項運動,需要每日練習,堅持鍛鍊,才能免於驚惶失措,學會應對日常與體制中的暴力,並最終達至真正自主。透過這種學習,Kei成功打破那種「女人就該有禮端莊,隨時隨地都應保持冷靜」的刻板印象。擺脫了過往的「乖孩子」包袱,她便學會了在有人傷害她時呼叫和防衛。對Kei而言,對抗驚惶失措的最好方法便是行動——主動尋求專家協助、參與團體合作、積極投入,以免被動地承受他人施加的傷害。《Défends-toi toi-même》(自己保護自己)這個書名就如同我們晚上在鏡子前自言自語說出的咒語一樣,讀者在閱讀作品時恍如置身Anne Van Hyfte的自衛工作坊現場,可了解如何在情勢失控後重新掌握局面,見證Kei Lam建立自信的歷程,以及小組成員如何互助和對話。
在遇見Anne之後,Kei便認為自己是個女性主義者。她表示,其實自踏入藝術界以來,她身邊便被不同女性圍繞,Kei認為她們當中有具啟發性者和社會活躍分子,有見多識廣的人,也有女性主義者、環保人士和反資本主義者。在工作上,Kei一直與協助並支持她的人為伴,她稱這些人為「盟友」。她在書中分享了這份女性間的情誼。在人情冷暖的社會中,這份情讓她在個人路上繼續前進。合作與研究是Kei職涯中的重要部分。從前的工程師背景,讓她保留了分析與諮詢的習慣。在下筆之前,她會花費大量時間研究,並訪問專家和技術人員。以Kei的第二本作品——探討巴黎外緣地區生活的《Les Saveurs du béton》(混凝土的滋味)為例,她便花了三年時間醞釀寫作計劃,訪問了多位電影人和建築師,閱讀都市規劃書籍和觀看關於1970年代大型住宅社區的影片。縱然在創作路上遇到過許多人,但寫作卻通常是孤獨的工作。對Kei而言,最有成就感的階段往往是最後一環——推廣作品、與媒體和讀者接觸、參加書展、到書店與學校簽書,以及聆聽讀者的意見……
身份與不同計劃
從不同創作階段到完成作品的期間,Kei的個人生活和工作之間實在難分界限。儘管情緒自衛工作坊明顯改善了她的心理健康,但也無法解決她在此方面的問題。
如果有人問她如何平衡生活與工作,她會毫不猶豫地回答:「我平衡得很差!」。她在一位畫家爸爸陪伴下成長,並不認同別人眼中那種「大藝術家」的形象——那個終日沉思、寫詩、看書的人。Kei認為藝術家的事業發展毫不穩定,所以必須靈活變通、多才多藝。這意味著她必須同時從事多項工作,而且要將工作安排得井井有條,才能像創業家一樣從頭到尾管理好計劃,並讓自己能以藝術家這份職業維生。Kei覺得「成功」是主觀而個人的事情。她很早就認為成功就是能夠忠於自己的原則和價值,並透過創作捍衛和傳達自己的理念。她那熱愛繪畫的父親因為能夠每天都畫畫,所以已經可以算得上是成功的藝術家了。對比起父親而言,Kei坦然自己並不熱愛畫畫,她喜歡的是構思創作項目,並將概念化為作品。
關於自己的身份,Kei Lam曾寫過很多。儘管她已經將心中的疑問和觀察寫成紙上文章,然而對她來說,身份仍然變幻不定,隨著際遇、人生階段和認識到的人而改變。在《Défends-toi toi-même》中,她談到有時感到自己更像法國人,有時則更像香港人或者是世界公民。她強調不可讓自己被困在框框之中,而是要培養豐富、多元而靈活的身份。在結束香港的行程後,Kei將展開一項全新計劃,嘗試拍攝電影。這位藝術家將自編自導,在今年六月初(如果一切順利的話!)開始拍攝一部劇情片。她是一個喜歡講故事的人,希望看看「在故事中加入音樂、燈光、演員和團隊合作後會變得怎樣。」
|
|